jeudi 30 juillet 2015

80s Hard Rock (10 ans, 10 albums... Volume 1/4)

Ha le hard rock des années 80 !, règne du tape à l'oeil, de la mélodie racoleuse, de tenues multicolores et outrageusement moulantes, de grandes messes réunissant d'énormes foules largement chevelues qui n'ont plus trop court de nos jours (sauf en Allemagne, cf. la photo ci-dessus prise au fameux Wacken) et désert musical pour certains... Mais pas pour le Zornophage qui, en 10 albums couvrant chaque année de la décennie, se fait fort de réévaluer ce que tant on adoré détruire. C'est le hard rock des années 80, enjoie !

1980
Queen "The Game"
ou "leur dernier grand classique"

Quand The Game débarque, Queen est un groupe établi qui "bouge les foules" aux quatres coins du globe (oui, je sais les coins d'une sphère, bref), vend des tombereaux d'albums, se hisse régulièrement dans les charts à coup de hits imparables... Des stars quoi ! Pourtant, deux ans plus tôt, le groupe a écorné l'excellence de sa discographie par un album - oh ! excellent bien sûr - mais moins essentiel. En restait une certaine amertume, une crainte larvée de voir la couronne vaciller sur les quatre chefs royaux. Mécréants que nous étions et ô combien magistralement ce carré d'as remit les points sur les « i ».
Dès le délicieux Play the Game, single si typiquement Queenien, on sent que la mayonnaise va prendre et ce n'est pas le (hard) rock presque funk qu'est Dragon Attack ou l'exercice de white funk d'Another One Bites the Dust qui démentiront cette favorable impression. Queen is back in full force et ça fait un bien fou. Bien sûr, les esprits chagrins ne manqueront pas de noter, pinailleurs qu'ils sont, le glissement vers des chansons plus simples et une orientation radio friendly incluant le fameux son de batterie qui pourrira les productions de bien des artistes en ces funestes 80s. Qu'importe ! Ici l'équilibre est admirable et rien dans la production (brillamment restaurée sur le présent remaster) ou les arrangements ne vient troubler le plaisir de l'auditeur comblé. Evidemment, c'est un album léger - primesautier presque - auquel nous avons ici affaire. Et ? Essentiellement, le rock - dont Queen est alors un des plus dignes représentant sur la face commerciale de la montagne - est une musique de fête et l'époque est à l'optimisme et justement, nos britons s'y entendent comme sur l'admirable hommage au rock des origines qu'est Crazy Little Thing Called Love. Le climat est tellement au beau fixe que Taylor y va même d'un rock carré solide ajouté d'amusants synthétiseurs qui - sans être la tuerie que pût être un Sheer Heart Attack - fait son petit effet. Et pourtant...
Sans que l'enthousiasme que produit l'écoute de The Game en soit amoindri, il ne faut pas oublier les nombreux signes avant-coureurs du glissement qui conduira aux fiascos que seront Flash Gordon et Hot Space : Queen trouve ici un filon et s'y complaira jusqu'à l'écœurement  avec quelques fulgurances, certes, mais plus jamais avec une aussi parfaite mixture que sur ce renversant Jeu... En ceci, The Game peut être considéré comme le dernier grand classique du groupe en déplaise aux Ayatollahs qui ont déïfés Saint Freddie et ses Apôtres jusqu'à rendre impossible quelque critique que ce soit. Ce faisant, ils nivellent par le bas le catalogue du groupe minorant l'immense qualité de cette période ô combien faste de leur histoire. Queen sort en 1980 son 8ème album en 7 petites années pour autant de perles (certaines plus immaculées que d'autres, j'en conviens) et le couronne par un Save Me d'anthologie. Façon élégante et magistrale de nous rappeler sa royale grandeur et sa classe absolue.
A noter que, comme pour les autres éditions deluxe de la présente série de remasters, vous retrouverez un petit disque bonus avec deux bons lives, un face B (chantée par Roger Taylor), une petite démo qu'ils développeront plus tard (sur l'album post-mortem Made in Heaven) et une copie de travail sans grand intérêt. Ce n'est pas riche, mais c'est toujours mieux que rien.
 
Album
1. Play the Game 3:30
2. Dragon Attack 4:18
3. Another One Bites the Dust 3:35
4. Need Your Loving Tonight 2:50
5. Crazy Little Thing Called Love 2:44
6. Rock It (Prime Jive) 4:33
7. Don't Try Suicide 3:52
8. Sail Away Sweet Sister 3:33
9. Coming Soon 2:51
10. Save Me 3:50

Bonus EP
1. Save Me (live in Montreal, November 1981) 4:18
2. A Human Body (B-side) 3:44
3. Sail Away Sweet Sister (take 1 with guide vocal, February 1980) 2:34
4. It's a Beautiful Day (original spontaneous idea, April 1980) 1:31
5. Dragon Attack (live in Milton Keynes, June 1982) 5:15

Freddie Mercury – lead and backing vocals, intro vocals on "Rock It (Prime Jive)", bridge vocals on "Sail Away Sweet Sister", piano, rhythm guitar on "Crazy Little Thing Called Love", keyboards
Brian May – electric, acoustic and twelve-string guitars, backing vocals, lead vocals on "Sail Away Sweet Sister", piano on "Save Me", keyboards on "Sail Away Sweet Sister" and "Save Me"
Roger Taylor – drums, electronic drums, backing vocals, electric guitar on "Coming Soon", lead vocals on "Rock It (Prime Jive)", keyboards on "Rock It (Prime Jive)" and "Coming Soon"
John Deacon – bass guitar, electric guitar and piano on "Another One Bites the Dust", acoustic guitar on "Need Your Loving Tonight"
&
Reinhold Mack
- keyboards on "Rock It (Prime Jive)"

QUEEN

1981
Def Leppard "High 'n' Dry"
ou "Gloire naissante, triomphe accompli"

Pour certains l'album où Def Leppard commence à trouver son son, entre stadium rock et hard rock, pour d'autres le début de la fin, la trahison d'une éthique hard-rockante disparaissant qui les verra dériver vers un rock fm peu recommandable, c'est High 'n' Dry, c'est 1981, et c'est vachement bien !
C'est vachement bien parce qu'on y retrouve encore moult traces de l'ingénuité du groupe qui sortit un an plus tôt On Through the Night avec la faconde qui en fera une star mondiale du pop metal dès son successeur, Pyromania. C'est vachement bien parce que les chansons y sont tout de même nettement plus réussies que le coup d'avant avec, en vrac, des morceaux à riffs tranchants et refrains accrocheurs (Let It Go, Another Hit and Run, High 'n' Dry, You Got Me Runnin', Lady Strange, Mirror Mirror), d'autres plus nuancées mais aussi mélodiquement réussis (l'irrésistible power-ballad Bringin' on the Heartbreak dont on préfèrera la version originale au remix un brin émasculé, On Through the Night), voire du presque heavy metal (l'exceptionnel instrumental Switch 625, le puissant et rapide No No No), que la voix de éraillée juste ce qu'il faut de Joe Elliott, les chœurs qui la soutiennent sont le parfait vecteur de l'esprit mélodique du groupe, que les performances instrumentales n'y sont pas en reste sans jamais faire dans la vaine démonstration, que chaque solo y est mélodique et bien senti, et que la production, pour la première fois signée de Robert John "Mutt" Lange (en remplacement d'un Tom Allom connu pour ses mises en son de Judas Priest), sophistiquée sans tomber dans le too much comme ce sera le cas sur Hysteria, claire et puissante aussi, va parfaitement au teint et à l'énergie de ces jouvenceaux aux dents longues.
Si vous voulez mon avis, et si vous ne le voulez pas, tant pis, je vous le donne quand même, Def Leppard ne fera jamais mieux que ce condensé d'esprit mélodique et de saine agressivité même s'il se vendra mieux par la suite mais il n'y a pas que les bilans comptables dans la vie. High 'n' Dry ? Un triomphe du hard'n'heavy des années 80 qui s'ingère avec un égal plaisir aujourd'hui qu'à l'époque de sa sortie, il y a tout de même 34 ans. Enorme, quoi !

1. Let It Go 4:43
2. Another Hit and Run 4:59
3. High 'n' Dry (Saturday Night) 3:27
4. Bringin' On the Heartbreak 4:34
5. Switch 625 3:03
6. You Got Me Runnin' 4:23
7. Lady Strange 4:39
8. On Through The Night 5:06
9. Mirror, Mirror (Look Into My Eyes) 4:08
10. No No No 3:13
Bonus
11. Bringin' On The Heartbreak (Remix) 4:34
12. Me & My Wine (Remix) 3:40

Rick Allen – drums, vocals
Pete Willis – lead guitar, vocals
Joe Elliott – lead vocals
Steve Clark – lead guitar, vocals
Rick Savage – bass guitar, vocals

DEF LEPPARD

1982
Survivor "Eye of the Tiger"
ou "l'œil du champion"

Sur la foi d'un single extrêmement efficace qui se trouve, également, être le thème d'un blockbuster hollywoodien (Rocky III, évidemment !) et le titre de ce 3ème opus, Survivor, qui ne sont plus des débutants, rencontrent enfin le succès fourguant par millions un album qui, finalement, est souvent moins connu qu'on l'aurait pensé.
Evidemment, puisque c'est de hard fm dont il s'agit, tout ceci n'est pas bien méchant, ressemble fort à Boston (ces sons de guitares ultra-compressés en riffs accocheurs) ou à Foreigner (ces refrains radiophoniques, ce polissage à tous les étages, ces claviers si typiquement 80s) mais comme ces gars-là savent faire, du rock pour les stades et les masses, ont aurait tort de bouder son plaisir, de se la jouer "auditeur de bon goût". Parce que, outre le single immanquable que tout le monde connaît, jusqu'à tata Suzanne et l'oncle René, Eye of the Tiger bien-sûr, qui demeure l'indéniable incontournable de la galette, il y a du grain à moudre pour les amateurs d'un rock léger et bien troussé où aucune étape obligatoire, de morceaux mid-tempo toujours très mélodiques (Hesitation Dance, Children of the Night, I'm Not That Man Anymore) à l'indispensable ballade lacrymale et saccharosée (Ever Since the World Began) en passant par d'entraînants petits rockers bien foutus si pas exactement méchants (Feel Like Love, The One That Really Matters) où les qualités compositionnelles mainstream de Jim Peterik et Frankie Sullivan, les deux six-cordistes de l'exercice, et la voix idéale pour le genre de Dave Bickler, s'expriment à merveille. Bon, c'est vrai, tout ça a vieilli, appartient à un temps désormais révolu où des musiciens aptes décochaient des chansons à visée ouvertement commerciales mais si, comme votre serviteur, vous êtes parfois pris d'élans nostalgiques, ça fonctionne très bien.
Un grand album cet Eye of the Tiger ? Probablement pas et, d'ailleurs, fondamentalement, aucun des opus du run original de Survivor, 7 albums de 1980 à 1988, n'en est mais, tout de même, ça s'écoute comme on mange de ces sucreries un peu écœurantes sur lesquelles ont revient pourtant de temps en temps un peu honteux d'avoir encore cédé, après. Si on n'en attend pas plus, l'album est plus que recommandable ce qui n'est déjà pas si mal.

1. Eye of the Tiger 4:04
2. Feels Like Love 4:08
3. Hesitation Dance 3:52
4. The One That Really Matters 3:32
5. I'm Not That Man Anymore 4:49
6. Children of the Night 4:45
7. Ever Since the World Began 3:48
8. American Heartbeat 4:10
9. Silver Girl 4:52

Dave Bickler - lead vocals
Frankie Sullivan - lead, rhythm and acoustic 12-string guitar, backing vocals
Jim Peterik - electric guitars, acoustic 12-string guitars, grand piano, Hammond B-3 organ, backing vocals
Stephan Ellis - bass guitar
Marc Droubay - drums
&
Fergie Frederiksen
- backing vocals
Daryl Dragon - additional keyboards, emulator

SURVIVOR

1983
ZZ Top "Eliminator"
ou "barbes à charts"

L'album d'ouverture de la période dont il est désormais bon de dire du mal, album opportuniste voyant les ZZ Top moderniser à outrance leur blues'n'boogie à l'aulne de nouvelles technologies plus compatibles avec une jeune génération qui, jusque là, leur échappe.
Présenté comme ça, description objective qui plus est, on se dit qu'il est temps de prendre ses jambes à son coup et de tirer un trait sur un trio qui fut pourtant une impeccable machine de guerre... Mais non ! Parce qu'il y a les chansons et qu'elles sont plutôt (très) bonnes et que, finalement, cette redéfinition du son leur donne un sacré coup de jeune. De fait, l'album ne manque pas de mélodies imparables (de Gimme All Your Lovin' à Sharp Dressed Man en passant par Legs ou TV Dinners) et de chansons justement passées à la postérité.
Définitivement, il est un peu facile de conspuer un groupe qui ose (le pari n'était pas gagné d'avance) et atteint le cœur de la cible avec ce qu'il est toujours convenu de considérer comme un album classique qui, finalement, vieillit plutôt bien malgré une mise en son définitivement ancrée dans les années 80.

1. Gimme All Your Lovin' 3:59
2. Got Me Under Pressure 4:00
3. Sharp Dressed Man 4:13
4. I Need You Tonight 6:14
5. I Got the Six 2:52
6. Legs 4:35
7. Thug 4:17
8. TV Dinners 3:50
9. Dirty Dog 4:05
10. If I Could Only Flag Her Down 3:40
11. Bad Girl 3:16

Billy Gibbons – guitar, vocals
Dusty Hill – bass guitar, keyboards, vocals
Frank Beard – drums, percussion

ZZ TOP

1984
Scorpions "Love at First Sting"
ou "teutonic invasion"

Ce ne sont plus des jeunots, eux qui ont sorti leur premier opus 11 ans plus tôt, c'est pourtant bien ici que les allemands de Scorpions deviennent des stars internationales d'un hard rock mélodique et accrocheur qui n'en finira plus de truster les charts des années 80. Il faut dire que Love at First Sting est une galette particulièrement bien troussée.
Dans les faits, l'album n'est pas très différent de ce que le quintet s'est mis en tête d'accomplir depuis le départ de leur soliste mystique et hendrixien, Uli Jon Roth, soit un hard rock mettant en avant des qualités mélodiques destinées à plaire au plus grand nombre sans, pour autant, trahir des bases établies dans les années 70. La différence ? Les compositions, bien-sûr !, parce que Scorpions n'a jamais été aussi immédiatement accrocheur qu'ici, jamais aussi accessible à un public à priori rétif à cette musique de chevelus houblonnés. Pour ce faire, toujours sous la direction de l'ex-"krauteux" Dieter Dierks, leur producteur attribué depuis In Trance en 1975 soit une 7ème collaboration studio consécutive qui se concluera avec l'album suivant, le décevant Savage Amusement. Bref, l'équipe est bien rôdée d'autant que le "petit dernier", Matthias Jabs, est là depuis 1979 et Lovedrive (où il était largement supplanté par un Michael Schenker revenant, comme chacun sait). Et puis les problèmes vocaux de Klaus Meine, qui dut se faire opérer avant les sessions du prédécesseur du présent, Blackout, sont bel et bien résolus entérinant un salutaire retour à la normal en plus d'une confiance retrouvée.
Et de sacrées chansons, donc, avec, en tête de gondole, les singles particulièrement savoureux que sont, dans l'ordre de l'album, Bad Boys Running Wild, Rock You Like a Hurricane, Big City Nights et, évidemment !, la trippante power-ballad qui fonctionnera si bien chez nous, Still Loving You. L'air de rien, c'est de quasiment la moitié de l'album dont il s'agit. Comme en plus les autres titres fonctionnent parfaitement d'un Coming Home au riff cousin de celui du Beat It de Michael Jackson, à un Coming Home démarrant tout en douceur mais s'énervant juste ce qu'il faut pour bien percuter l'auditeur, à un furieux hard-rocker tel que The Same Thrill, à un rocker mid-tempo de compétition tel que As Soon As the Good Times Roll, à, enfin, un Crossfire atypique et réussi avec sa rythmique en marche (heureusement pas trop) militaire, il n'y a plus qu'à applaudir une performance d'ensemble, d'une mise en son d'une remarquable clarté à une performance instrumentale d'ensemble pas exactement spectaculaire, Scorpions ne cherchant clairement pas à faire dans la démonstration, mais idéale pour le style de musique pratiqué.
Love at First Sting, n'en déplaise aux mauvais chagrins qui n'ont de cesse de débiner le Scorpions des années 80, est une sacrée galette qui, en plus, n'a pas pris une ride, par un groupe sûr de son fait et totalement à son aise.

1. Bad Boys Running Wild 3:54
2. Rock You Like a Hurricane 4:11
3. I'm Leaving You 4:16
4. Coming Home 4:58
5. The Same Thrill 3:30
6. Big City Nights 4:08
7. As Soon as the Good Times Roll 5:01
8. Crossfire 4:31
9. Still Loving You 6:26

Klaus Meine – lead vocals
Matthias Jabs – lead guitar, rhythm guitar (on tracks 6,7 and 9)
Rudolf Schenker – rhythm guitar, lead guitar (on tracks 6,7 and 9), backing vocals
Francis Buchholz – bass, moog taurus
Herman Rarebell – drums

SCORPIONS

1985
The Cult "Love"
ou "grand amour"

Le verdict temporel est tombé. Love, second album du groupe, demeurera sans doute sa grande œuvre, son magnum opus... A se demander pourquoi le duo The Cult continue de s'agiter ainsi dans la seconde décennie du troisième millénaire quand tout était dit en 1985.
Bon, forcément, il y a quelque exagération dans ce péremptoire jugement de la carrière d'un groupe n'ayant jamais vraiment démérité mais, force est de constater que le traitement de faveur réservé au présent album n'est pas tout à fait un hasard. Sortie en 2009, et coïncidant avec une tournée revival où Astbury & Co jouaient love dans son entièreté, la présente Ominbus Edition est un festin que quatre CDs qu'il n'est pas inutile de détailler :

Disque 1:
l'album remasterisé soit 50 minutes d'une musique entre new wave, gothic rock, heroic rock et le hard rock que le groupe endossera exclusivement dès son suivant opus (Electric). En la circonstance, The Cult rappelle autant U2 ou Fields of the Nephilim que Blue Öyster Cult ou Steppenwolf. La musique du groupe alors trio (Jamie Stewart, bassiste et claviériste, quittera ses compagnons après Sonic Temple, en 1989) trace sa route en rapprochant l'inconciliable avec talent, cohérence et classe. 10 titres, 10 excellentes raisons de se réjouir d'un album frais dans son approche et habité dans son interprétation. Parfait, en somme.

Disque 2:
soit une collection de versions relativement différentes des titres phares de l'album (remixés ou rallongés, Rain y est particulièrement réussi) augmenté de toutes les B'Sides. Les « inédits » sont dignes souvent très d'intérêt (l'épique et trippant The Snake en tête), le reste est plus anecdotique mais s'écoute sans déplaisir. Essentiel pour les B'Sides.

Disque 3:
celui s'adressera plus aux fans hardcore puisqu'il est constitué de démos et donc d'enregistrements plus approximatifs et d'arrangements moins finis. C'est, toutefois, un bonheur de se retrouver telle une petite souris dans la cuisine musicale du groupe et permet aussi de jauger le travail de direction et de mise en forme réalisé par The Cult et son producteur d'alors (Steve Brown) pour finalement obtenir l'excellent album que nous connaissons.

Disque 4:
un live « from the BBC's archives » de 1985 où les sélections provenant de l'alors tout nouvellement sorti Love sont évidemment majoritaires (8 sur 13). La captation est de qualité standard pour l'époque (ça reste donc tout à fait écoutable aujourd'hui) alors ce sont les interprétations d'un groupe en phase avec un public visiblement conquis qui font la différence et c'est une bonne nouvelle quand on sait que la conduite pour le moins erratique de son frontman a souvent gâché les concerts de The Cult. A noter tout de même que la tonalité du live est nettement plus "hard" que celle de l'album, petit supplément d'énergie du live, probablement.

Pantagruélique cette édition restaurée et augmentée de Love ? Assurément. Et destinée en priorité aux fans, à l'évidence. Ceux-ci se réjouiront aussi du copieux livret incluant une chronologie de l'album, des articles de presse, les textes bien sûr et de nombreuses photos. Et de la présentation de l'ensemble de l'objet avec ses vinyl replicas de qualité et sa boîte carton protectrice n'est pas en reste. Et de toute cette bonne musique, évidemment ! Que du bonheur !

CD 1 - Album
1. Nirvana 5:26
2. Big Neon Glitter 4:52
3. Love 5:30
4. Brother Wolf, Sister Moon 6:47
5. Rain 3:57
6. Phoenix 5:06
7. Hollow Man 4:46
8. Revolution 5:26
9. She Sells Sanctuary 4:22
10. Black Angel 5:24

CD 2 - Singles
1. She Sells Sanctuary [Long Version] 6:59
2. No.13 4:40
3. The Snake 8:09
4. (Here Comes The) Rain 6:19
5. Little Face 4:54
6. Revolution [Full Length Remix] 5:29
7. Judith 5:29
8. Sunrise 5:11
9. All Souls Avenue 4:45
10. She Sells Sanctuary [Howling Mix] 8:25
11. Assault On Sanctuary 7:30

CD 3 - Demos
1. Brother Wolf, Sister Moon 7:54
2. Hollow Man 5:48
3. She Sells Sanctuary 5:21
4. All Souls Avenue 4:55
5. Little Face 5:45
6. No. 13 6:22
7. Big Neon Glitter 6:34
8. Waltz (Instrumental) 4:36
9. Nirvana (Instrumental) 6:04
10. Revolution (Instrumental) 6:50
11. She Sells Sanctuary (Olympic Rough Mix) 7:04

CD 4 - Live 1985
1. Love 5:54
2. Nirvana 5:02
3. Christians 4:33
4. Hollow Man 5:01
5. Big Neon Glitter 4:46
6. Brother Wolf, Sister Moon 4:01
7. Rain 5:12
8. Dreamtime 3:10
9. She Sells Sanctuary 5:35
10. Go West 5:02
11. Spiritwalker 4:35
12. Horse Nation 3:17
13. Phoenix 5:13

Ian Astbury: chant
Billy Duffy: guitare
Jamie Stewart: basse, claviers, choeurs
Mark Brzezicki: batterie
&
Nigel Preston
: batterie sur "She Sells Sanctuary"
The Soultanas: choeurs sur "Revolution"

THE CULT

1986
Judas Priest "Turbo"
ou "chic ou toc ?"

De la difficulté de changer de braquet quand on est un groupe déjà largement établi... Parce que Turbo valut son lot d'opprobre à un Judas Priest ayant décidé d'adoucir son heavy metal à l'aulne d'une scène flirtant de plus en plus avec la pop et les aspirations commerciales. Un mauvais album pour autant ? Pas si sûr...
Parce qu'il y a un paquet de bonne chansons dans ce Judas Priest si atypique du fait de l'usage de guitares synthés en plus d'une écriture étonemment accrocheuse et accessible. Une surprise ? Au-delà de l'aspect sonique de la galette, pas vraiment, Judas Priest ayant toujours aimé les refrains aisément mémorisables au potentiel tubesque indéniable (il n'y a qu'à écouter Living After Midnight, United ou You've Got Another Thing Comin' pour s'en convaincre). Mais, donc, il y a ce polissage de l'approche, cet inclinaison pop metal qui, euphémisme, ne plaira pas à tous à l'époque et continue de faire débat aujourd'hui. Et pourtant, nous avons probablement échappé au pire Halford, Tipton, Downing & Cie ayant, préalablement, envisagé de collaborer avec les affreux Stock, Aitken & Waterman (vous savez, ces faiseurs de hits britanniques à qui l'on doit les premiers soubresauts de Kylie Minogue, ou les carrières météoriques de Jason Donovan ou Rick Astley), il se dit même que des démos existent de ce mariage contre nature, rien n'est prouvé cependant. Et donc, de bonne chansons, un beau lot d'icelles pour qui peut supporter le parti-pris d'un groupe ayant, reconnaissons-leur, eu le courage d'essayer autre chose. Des exemples ? Presque toute la galette en fait mais un peu plus encore le performant Turbo Lover, l'hymne ado-rebelle un peu idiot mais terriblement accrocheur qu'est Parental Guidance ou la power-ballad Out in the Cold. D'ailleurs l'album sera couronné d'un juste succès réussissant même à mieux se classer dans les charts étatsuniens que ceux de leur mère patrie, ce pour quoi il avait d'ailleurs été conçu, assurément.
Reprenons, Turbo est une sacrée galette de pop metal dont le plus gros défaut, celui qui lui vaut sa funeste réputation, est d'être attribué à une formation représentant le plus orthodoxe des heavy metal. A partir de là, l'écouter ou pas, dépend de votre goût pour de telles exactions.

1. Turbo Lover 5:33
2. Locked In 4:19
3. Private Property 4:29
4. Parental Guidance 3:25
5. Rock You All Around the World 3:37
6. Out in the Cold 6:27
7. Wild Nights, Hot & Crazy Days 4:39
8. Hot for Love 4:12
9. Reckless 4:17
Bonus
10. All Fired Up (Recorded during the 1985 Turbo sessions) 4:45
11. Locked In (Live at Kiel Auditorium, St. Louis, Missouri; 23 May 1986) 4:24

Rob Halford – vocals
K. K. Downing – guitar
Glenn Tipton – guitar
Ian Hill – bass guitar
Dave Holland – drums
&
Jeff Martin
– backing vocals on "Wild Nights, Hot & Crazy Days"

JUDAS PRIEST

1987
Whitesnake "Whitesnake"
ou "le triomphe commercial du serpent blanc"

Où un vocaliste un peu has-been relance sa formation en collant au plus près au goût du jour, un hard rock accrocheur et policé destiné à flatter l'oreille des fans comme des curieux de passage, un pari tout sauf gagné d'avance...
Evidemment, les puristes du Serpent-Blanc vous le confirmeront, la carrière de David Coverdale après Deep Purple ne vaut que jusqu'à 1982 et Saints & Sinners, et éventuellement le mix européen de Slide It In deux ans plus tard, c'est pourtant bien là, avec l'éponyme de 1987 que le vocaliste et sa formation récoltent le plus gros succès, 8 fois disque de platine chez nos amis étatsuniens tout de même. Un petit miracle pour un Coverdale qui, récemment victime d'une sévère infection des sinus le laissant sur le carreau quelques longs mois (et entrainera le départ de l'ex guitariste des Tygers of Pan Tang et de Thin Lizzy, John Sykes, qui suggéra de finir l'album sans David d'où rupture) ne put, aussi rapidement qu'il l'aurait souhaité, capitaliser sur le succès du prédécesseur du présent.
Ici, avec une pochette d'une remarquable sobriété (signée d'Hugh Syme, auteur de toutes pochettes de Rush depuis Caress of Steel en 1975 jusqu'à aujourd'hui), Whitesnake opère un virage "glam metal" aussi inattendu que déstabilisant pour ceux qui ont suivi les étapes de sa carrière. Un virage déjà entamé avec Slide It In (et son mix américain) déjà avec John Sykes (y a pas de hasard) mais qui fait plus que de s'accentuer sur l'éponyme multiplatiné dès la belle approximation FMisante zeppelinienne d'ouverture, Still of the Night, et qui ne fera que se confirmer sur une galette à la visée commerciale plus qu'évidente. Plus qu'évidente ? Prenez les deux singles stars de l'album, Here I Go Again (un remake d'un titre de Saints & Sinners) et Is This Love, respectivement un rocker soft et accrocheur et une power-ballad "so 80s" et vous comprendrez l'ampleur de la transformation. Une transformation totalement confirmée par les 8 autres titres proposés où, de claviers "à la Foreigner" en riffs de guitares supra-accrocheurs et refrains poppisants, Whitesnake n'est définitivement plus ce groupe de hard rock gorgé de blues (même si on le retrouve fugitivement sur un bon Crying in the Rain, autre remake de Saints & Siners) formé une décennie plus tôt où seuls subsistent le vocaliste et son bassiste Neil Murray. Mais, voilà, tout ceci est absolument réjouissant parce que bourré jusqu'à la garde de compositions immédiatement mémorisables et, c'est l'évidence, extrêmement bien troussées qu'elles rockent franchement (Bad Boys, Straight for the Heart, Children of the Night) ou flattent les bas instincts du public ciblé (ces américains qui font triompher les Ratt, Mötley Crüe, Poison et autres Cinderella) comme sur Looking for Love ou Don't Turn Away.
Démis comme vulgaire, putassier, racoleur par les tenanciers du bon goût, le cru de 1987 de Whitesnake, ultimement symptomatique d'une scène qui se verra bientôt terrassée par la révolution grunge, demeure une pastille absolument typique du m'as-tu-vu d'années 80 à l'indéniable superficialité, mais un bon album aussi, et c'est bien là l'essentiel.

1. Still of the Night 6:38
2. Give Me All Your Love 3:30
3. Bad Boys 4:09
4. Is This Love 4:43
5. Here I Go Again 4:33
6. Straight for the Heart 3:40
7. Looking for Love 6:33
8. Children of the Night 4:24
9. You're Gonna Break My Heart Again 4:11
10. Crying in the Rain 5:37
11. Don't Turn Away 5:11
Bonus
Live, taken from Live: In the Shadow of the Blues
12. Give Me All Your Love 4:27
13. Is This Love 4:58
14. Here I Go Again 5:53
15. Still of the Night 8:38

David Coverdale – lead vocals
John Sykes – guitars, backing vocals
Neil Murray – bass
Aynsley Dunbar – drums, percussion
&
Don Airey
and Bill Cuomo – keyboards
Adrian Vandenberg - guitar solo on "Here I Go Again"
Dann Huff – guitar on "Here I Go Again '87" (Radio Mix)
Denny Carmassi – drums on "Here I Go Again '87" (Radio Mix)
Vivian Campbell – guitar solo on "Give Me All Your Love" ('88 Mix)

WHITESNAKE

1988
Bon Jovi "New Jersey"
ou "quand Jon se rêve en Bruce (ou presque)"

Deux ans après un triomphe commercial mérité, parce que Slippery When Wet est une sacrée galette de hard rock commercial et efficace, Jon Bon Jovi et les siens remettent le couvert pour une œuvre, cette fois, plus ambitieuse, New Jersey.
Impossible d'ignorer, du titre de l'album à des paroles souvent pseudo-sociales, comme sur Living on a Prayer le coup d'avant, que cette progression tient beaucoup de l'obsession du vocaliste/leader pour Bruce Springsteen. Ce n'est pas à dire que New Jersey est une copie-carbone de Born to Run, certainement pas. Premièrement parce que la faconde mélodique de Jon Bon Jovi et de son compagnon de composition, le guitariste Ritchie Sambora, est fondamentalement différente, là où l'un tire son inspiration d'une tradition étatsunienne forte (de Bob Dylan à Peter Seeger et Woody Guthrie en passant par Roy Orbison), l'autre, ou plutôt les autres puisque c'est d'un duo de songwriters dont il s'agit, puisent dans la veine la plus mélodique du hard rock et du stadium-rock des années 70 (et de Bruce, évidemment, mais plus en épice qu'en fondement). Deuxièmement parce que là où l'aîné se moque de savoir si sa musique aura un succès grand-public, les cadets semblent particulièrement obsédés par une starisation populaire. Troisièmement, et enfin, parce que les paroles de Jon, pour attachées au réel qu'elles semblent vouloir être n'auront jamais la portée col-bleu d'un gars authentiquement working-class à la plume trempée dans les aléas de monsieur et madame tout-le-monde en plus d'avoir ce supplément de verve poétique si décisif. On ne sent pas moins, dans ce New Jersey au titre choisi tout sauf au hasard plus que dans toute autre extrait de leur catalogue, une vraie volonté de se rapprocher de ce gars avec qui ils partagent un peu plus que leur état d'origine.
En chansons, ça donne un paquet de titres rock-hard gonflés de refrains pop et de riffs efficaces qui fonctionnent comme jamais. On pense évidemment aux singles de la galette (Lay Your Hands on Me, Bad Medecine, Born to Be My Baby, Living in Sin et I'll Be There for You, tous des tubes classés au top 10 des charts de leur mère patrie) mais aussi, surtout même, à quelques titres plus roots au retentissement commercial moindre mais à l'endurance d'appréciation plus pérenne (Blood on Blood ou Wild Is the Wind, du Springsteen qui refuse de dire son nom, Homebound Train qui doit beaucoup à Aerosmith, 99 in the Shade, un rocker typiquement américain, et Love for Sale, un petit blues acoustique, tous deux directement hérités des exactions de frangins Van Halen et de leur Diamond Dave de chanteur).
Evidemment, il est de bon ton de moquer ces permanentés, spandexés, MTVisés-là, c'est un peu facile puisque nous avons droit, 56 minutes durant, à une impeccable collection de chansons divertissantes et, souvent, pas si idiotes qu'il y paraît. Certes, pour la vraie profondeur il faudra repasser mais là n'est pas le propos d'une feelgood music  réussie, idéalement produite par l'excellent et regretté Bruce Fairbairn et, donc, d'un album qu'on recommande d'autant qu'il a plutôt très bien vieilli ce qui est loin d'être le cas de toute l'œuvre des natifs de Sayreville.

1. Lay Your Hands on Me 6:01
2. Bad Medicine 5:16
3. Born to Be My Baby 4:40
4. Living in Sin 4:39
5. Blood on Blood 6:16
6. Homebound Train 5:10
7. Wild Is the Wind 5:08
8. Ride Cowboy Ride 1:25
9. Stick to Your Guns 4:45
10. I'll Be There for You 5:46
11. 99 in the Shade 4:29
12. Love for Sale 3:58

Jon Bon Jovi – lead vocals, rhythm guitar, acoustic guitar
Richie Sambora – lead guitar, background vocals
Tico Torres – drums, percussion, background vocals (tracks 3, 12)
David Bryan – keyboards, background vocals
Alec John Such – bass, background vocals
&
Bruce Fairbairn
– production, additional percussion, horn
Peter Berring – arrangement, additional vocals, vocal arrangement
Scott Fairbairn – cello
Audrey Nordwell – cello

BON JOVI

1989
Aerosmith "Pump"
ou "beau comme un camion !"

Ils se sont magnifiquement relancé sur un Permanent Vacation aussi réussi que miraculeux, les ex-Toxic Twins reviennent avec un énorme appétit et les chansons qu'il faut pour le combler, c'est Pump, la dernière grande œuvre d'une formation qui revient de loin, Aerosmith.
Evidemment, il y a les grands classiques des années 70, Toys in the Attic et Rocks en tête, mais, vraiment, ayant fait sien le son d'une époque, les années 80 où le hard rock triomphe comme jamais dans les charts, sans y perdre une once de sa personnalité. C'était donc le cas sur le prédécesseur du présent, ça l'est encore plus ici où, l'air de rien, Aerosmith ne se plie aux dictats commerciaux que pour enrichir sa propre approche. Ainsi, avec le concours Randy Raine-Reusch et de ses intermèdes roots ô combien réussis mais, surtout !, avec une collection de chansons toutes plus réussies les unes que les autres, parfois composées avec le concours de songwriters "à louer" particulièrement en vogue à l'époque (Desmond Child et Jim Vallance pour les citer, le premier connu pour ses collaborations avec Bon Jovi, le second pour son travail avec son compatriote, Bryan Adams) les anciens has-been de Boston frappent un grand coup.
Ca commence dès un énergique Young Lust où le groupe qui commit quelque furieux tirs de barrage quelques lustres plus tôt démontre qu'il n'a rien perdu de sa légendaire niaque ni de son art consommé d'accommoder de gros riffs d'inspiration blues sur une rythmique bien tabassante. Plus loin, on est rappelé qu'Aerosmith , qui a influencé beaucoup de monde Guns N'Roses en tête, s'y entend toujours pour pondre de l'hymne sleasy, groovy et accrocheur avec un Love in an Elevator parfaite relève du Dude Looks Like a Lady de leur précédent opus ce que confirme d'ailleurs le plus tempéré mais aussi savoureux Monkey on My Back qui suit ou le divinement cuivré The Other Side un peu plus loin. Mais Aerosmith c'est aussi un vrai talent pour la power-ballad supérieurement composée ce que confirment l'intelligent Janie's Got a Gun sur un sujet pourtant difficile (sur la maltraitance aux enfants et l'inceste) ou le plus léger et très roots What It Takes qui clôt l'album en beauté. Et d'ajouter un rock très bluesy, Don't Get Mad Get Even, successeur du très réussi St. John de Permanent Vacation, pour que le bonheur soit vraiment complet. Aussi, il faut bien la production high-tech mais néanmoins organique du canadien Bruce Fairbairn pour loger tout ça dans un écrin sonique approprié et satisfaisant pour cet album entre tradition et modernité, intemporel.
14 ans après Toys in the Attic, 13 après Rocks, fondamentalement les deux immenses classiques du répertoire d'Aerosmith, Steven Tyler, Joe Perry et leurs amis réussissent le bon coup de presque égaler ces incontournables jalons de leur passé. C'est fort, très fort.

1. Young Lust 4:18
2. F.I.N.E. 4:09
3. Going Down/Love in an Elevator 5:39
4. Monkey on My Back 3:57
5. Water Song/Janie's Got a Gun 5:38
6. Dulcimer Stomp/The Other Side 4:56
7. My Girl 3:10
8. Don't Get Mad, Get Even 4:48
9. Hoodoo/Voodoo Medicine Man 4:39
10. What It Takes 6:28

Steven Tyler – lead vocals, keyboards, harmonica
Joe Perry – guitar, backing vocals
Brad Whitford – guitar
Tom Hamilton – bass, backing vocals on "Love in an Elevator"
Joey Kramer – drums
&
Bob Dowd
– backing vocals on "Love in an Elevator"
Catherine Epps – spoken intro on "Love in an Elevator"
Bruce Fairbairn – trumpet, backing vocals on "Love in an Elevator"
The Margarita Horns (Bruce Fairbairn, Henry Christian, Ian Putz, Tom Keenlyside) – brass instruments, saxophones
John Webster – keyboards
Randy Raine-Reusch - Musical interludes (Appalachian dulcimer on "Dulcimer Stomp," didgeridoo on "Don't Get Mad, Get Even," Thai naw (mouth organ) on "Hoodoo," and glass harmonica on "Water Song")

AEROSMITH

dimanche 26 juillet 2015

Zorn in Brazil & More (Zornophagie 2015, Volume 6)

A l'occasion de la sortie du nouvel album de l'obsession maison et son inclinaison brésilienne, je vous propose du Zorn influencé par la musique de ce grand pays lusitanophone et... des albums d'artistes brésiliens, évidemment. Du classique, du surprenant, du qui dépote sévère. Welcome to Zornland, welcome to Brazil et, comme d'hab'... Enjoie !

ZoRN iN BRaZiL
John Zorn/Forro in the Dark "Forro Zinho - Forro in the Dark Plays Zorn" (2015)
ou "Fiesta Zorn"

Sur le modèle des Book of Angels, des compositions du maître offerte en pâture à une formation spécialement choisie pour l'occasion, dans la foulée, aussi, d'un exercice similaire paru en début d'année, Dither Plays Zorn, icelui dédié à une approche nettement plus avant-gardiste que le présent, John Zorn ouvre ses portes à une combo brésilien qui fait sien quelques pages du boulimique compositeur new-yorkais pour un résultat aussi surprenant que bluffant.
En l'occurrence, doté d'épices brésiliennes, proposant un cocktail de morceaux connus et de créations spécifiquement dédiées au projet, c'est à un Zorn inhabituellement festif et percussif auquel nous nous voyons joyeusement confrontés. Le mérite en revient au quatuor d'exilés cariocas en la grosse pomme, Forro in the Dark, qui a su, sous le patronage d'un Jesse Harris déjà repéré dans le Song Project et présentement producteur de l'album, habiter ces partitions sans pour autant perdre une once de l'esprit habitant le versant le plus cool et groovy du compositeur.
Histoire de mettre les petits plats dans les grands, quelques invités de marque ont été conviés au banquet parmi lesquels des têtes connues, le précité Jesse Harris, l'argentine Sofia Rei (également partie prenante dans le Song Project) ou, plus surprenant, le vétéran de la samba/bossa nova Marcos Valle. Tout ce petit monde, qui a l'air de bien s'amuser, sur la base d'un forro, style pas si distant de celui de John puisque puisant ses racines dans des musiques traditionnelles d'Europe centrale, ici notablement enrichi d'atours rock, jazz, reggae et même country, propose une ouverture musicale qui sied particulièrement bien à l'univers du touche-à-tout génial que nous connaissons. Le résultat, une fusion tourbillonnante et joyeuse, dansante et spirituelle, ne déstabilisera pas les suiveurs zélotes d'un Zorn qui les a habitué à s'attendre à tout mais, tout de même, peut-être pas à une œuvre si immédiatement accessible et addictive. Parce Forro in the Dark, avec son cocktail d'instruments traditionnels et classiques, son allant tout à fait communicatif aussi,  réussit un opus poussant à trémousser du popotin un large sourire aux lèvres ce qui n'est pas si courant dans l'œuvre tentaculaire du membre le plus hyperactif de la downtown scene.
Galette idéale pour un été ensoleillé ou, plus tard, pour mettre un bon coup de lumière et de chaleur à la grisaille et la froidure qui nous guettent , Forro Zinho est une exemplaire réussite qu'on recommande sans la moindre hésitation tant aux amateurs des exactions zorniennes qu'à toutes celles et tous ceux qui veulent simplement passer un excellent moment en compagnie d'excellents instrumentistes sachant jouer avec application et fougue une musique qui ne se prend surtout pas au sérieux et tutoie, du coup, souvent le divin.

1. Uluwati 3:31
2. Novato 3:42
3. Forro Zinho 5:03
4. Life Is Real Only Then When "I Am" 2:46
5. Shaolin Bossa 3:21
6. Sunset Surfer 3:13
7. Zavebe 4:45
8. Ode to Delphi 4:28
9. Tempo de Festa 4:36
10. Annabel 2:01
11. The Quiet Surf 3:13

Jorge Continentino - pianos, flutes, vocals, tenor and baritone saxophone
Guilherme Monteiro - electric guitar
Mauro Refosco - zabumba, vibes, synare, percussion
Rea Mochiach - bass, percussion, fun machine
Jesse Harris, Sofia Rei - vocals
Vitor Gonçalves - accordion
Marcos Valle - guest vocals, wurlitzer

FORRO IN THE DARK

TeRReS iNCoNNueS
John Zorn/Banquet of the Spirits "Caym, Book of Angels Volume 17" (2011)
ou "Heaven 17"

Si on n'est pas vraiment surpris de retrouver le Banquet of the Spirits de Cyro Baptista (30 ans de collaborations avec John Zorn !) pour une participation au Masada Book Two (The Book of Angels), on ne s'attendait pas à ce que la fusion brasiliana-worldo-foutraque de sa formation colle aussi bien à l'avant-gardisme klezmero-jazzo-contemporain de Zorn...
On aurait cependant du se souvenir que Cyro avait participé à deux des plus beaux volumes du Livre des Anges (le Lucifer de Bar Kokhba et le Ipos des Dreamers) et prendre ces "credentials" pour argent comptant. Encore plus en tenant compte que, dans le groupe, figure un autre vétéran de la galaxie Zornienne (et producteur de moult albums de la Radical Jewish Culture du Label Tzadik) en la personne de Shanir Ezra Blumenkranz responsable ici des arrangements et qui fit un si bon boulot que Zorn l'a reconvoqué (sous son nom cette fois) pour le prochain volume: Abraxas, 19ème du second livre de Masada.
Pour totalement prendre possession du répertoire, Cyro, Shanir et leurs deux compagnons (Tim Keiper et Brian Marsella) l'ont rôdé sur scène avant d'entrer en studio pour son enregistrement, et ça se sent. Le catalogue mélodique n'est pas plus exceptionnel que sur un (très) bon Book of Angels, c'est donc forcément l'interprétation qui fait la différence. Le tour de force, en l'occurrence, réside dans la capacité de la formation de ne pas renier ses racines tout en embrassant totalement celles de son auguste compositeur. Sur Matafiel par exemple, l'interpénétration des sources séfarades et de la coloration carioca qu'y accole le quatuor contribuent à créer un « autre-chose » aussi passionnant que déroutant, qui était la visée originelle de Zorn quand il décida de confier ses compositions à une large palette d'interprètes. Tout n'est pas aussi radical cependant. Souvent, le groove tropical de Cyro est l'épice dépaysante d'une musique clairement orientée klezmer. Même en cette instance Banquet of the Spirits trouve toujours le truc - en ajoutant des chants latino-tribaux ou des instruments nord-africains tel le guembri ou l'oud, tous deux tenus par le multi-talentueux Shanir - pour se démarquer de ce qui nous avait jusqu'alors été proposé dans la série.
Voyage en terres inconnues, Caym nous ballade de Rio à Java en passant par Jerusalem, Alexandrie ou Cracovie (et j'en passe !) sans jamais se départir de son esprit frondeur, de son modernisme fusionnant ou de sa salutaire liberté de ton. Ca en fait, vous l'aurez compris, une pleine et entière réussite et (encore !) une nouvelle richissime page d'un Livre des Anges décidément incontournable.

1. Chamiel 4:27
2. Matafiel 5:21
3. Briel 4:18
4. Zaphaniah 3:53
5. Tzar Tak 3:45
6. Flaef 2:05
7. Hutriel 4:27
8. Yeqon 4:54
9. Yahel 2:26
10. Tahariel 4:46
11. Natiel 4:00
12. Phaleg 4:07

Cyro Baptista - percussion, vocals
Brian Marsella - piano, harpsichord, pump organ, vocals
Shanir Ezra Blumenkranz - oud, bass, gimbri, vocals
Tim Keiper - drums, percussion, kamel ngoni, vocals

BRIAN MARSELLA

TRoiS PaRTiTioNS
John Zorn "Filmworks XII: Three Documentaries" (2002)
ou "Emotions du Monde"

Si le premier des deux volumes des Filmworks de Zorn publiés en 2002 (Secret Lives) était consacré à une seule et unique partition, celui-ci, second et ultime, renoue avec la tradition et nous en propose trois pour autant de documentaires et de formations. C'est dire si, contrairement à son devancier, la cohérence émotionnelle, stylistique et harmonique n'est pas toujours au rendez-vous. De fait les trois partitions n'ont souvent en commun que leur frapadingue compositeur et leur année d'enregistrement.
Première bande son, Homecoming dure à peine plus d'un quart d'heure pour 6 pistes. De jeux de voix éthérés et quelque peu abstraits (Jennifer Charles d'Elysian Fields en multiprise sur Vocal Phase) au presque latin jazz et cependant minimaliste The Lips at Sway en passant, par une suite souvent à rapprocher d'une esthétique classique contemporaine, c'est une partition divertissante à défaut de cohérente que nous livre Zorn.
Le score qui suit, documentaire sur des moines Shaolin s'entrainant physiquement et spirituellement aux USA et les obligatoires difficultés culturelles qu'ils y rencontrent, influencé par une figure tutélaire de la construction musicale zornienne, Ennio Morricone, ne propose pas moins de diversité. John Zorn y accueille, comme sur The Port of Last Resort (présent sur Filmworks VIII), la virtuose du pipa (un luth chinois) Min Xiao-Fen dont la contribution apporte de chinois atours à une partition classique pour Zorn qui y navigue entre orientalisme et latineries pour une musique « de chambre » souvent entraînante, toujours mélodique merveilleusement servie par une belle brochette d'habitués desquels on détachera Marc Ribot toujours expert sur sa six-cordes quelque soit l'univers où le plonge le « patron ». Un succès.
Petite pièce de conclusion (4 pistes pour 7 courtes minutes), Family Found est une charmante miniature douce-amère où le chant éthéré et les petits bruitages vocaux et, bien sûr, le divin violoncelle de l'ami Friedlander (un tiers du diving Masada String Trio) développent un même thème en 4 arrangements réussis. Un petit bonus bienvenu qui prolonge joliment la réussite de Shaolin Ulysses à défaut de marquer son propre territoire.
Des trois scores, clairement, le central et plus développé (Shaolin Ulysses) est aussi le plus réussi et réjouissant. Le reste n'en demeure pas moins de belle qualité si plus inégal (Homecoming) ou anecdotique (le charmant Family Found). Une réussite cependant et une addition de qualité à un catalogue de Filmworks pourtant déjà bien fourni. Décidément, il est fort ce Zorn !

1. Vocal Phase 3:49
2. The Lips At Sway 5:07
3. The Well Tuned Harmonica 1:35
4. Dance Piece 2:10
5. Midnight Flight 2:12
6. Chippy Charm 1:35
7. Shaolin Spirit 3:01
8. Bamboo Forest 1:24
9. Shaolin Ulysses 2:00
10. Shaolin Bossa 3:16
11. Travelling West 2:43
12. Temple Song 2:25
13. Shaolin Family 1:16
14. Nostalgia 0:54
15. Shaolin Mambo 2:57
16. Transition 1:25
17. Shaolin Bossa 2:22
18. Vegas 1:03
19. Kung Fu Percussion 1:50
20. Shaolin Spirit (duo) 5:12
21. Shaolin Bossa Vibe 1:54
22. Shaolin Dream 1:43
23. Shaolin Ulysses (end titles) 2:10
24. Family Found (vocal) 2:33
25. Family Found (solo arco) 1:09
26. Family Found (solo pizz) 0:46
27. Family Found (cello) 2:31

John Zorn (1-6) - organ, glass harmonica, Wurlitzer piano
Mark Feldman (1-6) - violin
Jennifer Charles (1, 24-27) - voice
Jamie Saft (2) - Wurlitzer piano
Marc Ribot (7-23) - guitar
Min Xiao-Fen (7-23) - pipa
Trevor Dunn (7-23) - bass
Roberto Juan Rodríguez (7-23) - percussion
Cyro Baptista (7-23) - percussion
Erik Friedlander (24-27) - cello

JENNIFER CHARLES

CaRTooNeSQue
John Zorn "Filmworks VII: Cynical Hysterie Hour" (1989)
ou "So Glop"
 
Grand amateur de Carl Stalling ou plutôt disciple de ce maître des Looney Tunes et autres Merry Melodies, il était écrit qu'un jour John Zorn saisirait l'opportunité de, lui-même, se plier à l'exercice de l'illustration sonore cartoonesque. C'est chose faite avec Cynical Hysterie Hour, 7ème levée de ses Filmworks, où se retrouvent compilés les musiques élaborées pour une série de quatre dessins animés de Kiriko Kubo.
S'il n'est sorti qu'en 1996 chez Tzadik, Cynical Hysterie Hour date en fait de 1989 (son année d'enregistrement) et avait connu une très éphémère édition, en 1990, chez Sony Japon. Pour d'évidentes raisons d'acquisition de droits, Zorn a dû patienter ce qui explique son apparition tardive dans une série qu'il aurait pu commencer. Quatre cartoons étant illustrés, quatre formations se succèdent sur ce très court album (25 minutes) et c'est toute la crème de la scène de Downtown NYC qui s'y bouscule (voir personnel). Musicalement, le chaotique et sautillant cocktail est typique des tribulations sonique du Zorn de la fin des 80s et, à vrai dire, ceci rappelle souvent Naked City par son côté ludique (l'influence de Stalling !), foutraque et dispersé, en nettement plus mélodique cependant... Un peu comme si Zorn avait voulu faire de la musique pour enfants mais ne leur voudrait, en définitive, pas tant de bien que ça avec un « machin » certes amusant et chamarré mais aussi diablement chaotique (pour un jeune public) et dont on imagine facilement les effets potentiellement dévastateurs sur « nos chères têtes blondes ». Concrètement, l'album se présente en 21 brèves pastilles (de 14 secondes au marathonien Punk Rebel/Tsunta's theme et ses 3:36 !) où se succèdent et se rencontrent surf music, pop, rock et tout ce qui passe par le cerveau du bouillonnant compositeur New Yorkais.
Historique à défaut d'être tout à fait essentiel, Cynical Hysterie Hour est une brève, chaotique mais surtout joyeuse petite galette qui fait souvent dodeliner du chef ou sourire bêtement. Good clean fun!, et recommandé donc.

1. Hysteric Logo 0:24
2. Walk to Park 2:10
3. Coaster 2 0:47
4. Fighting Pirates 0:26
5. Yakisoba 1:14
6. Coaster Trip 1:39
7. 1st Hit/2nd Hit 0:27
8. Punk Rock Hero 0:56
9. Abacus Waltz 0:38
10. Punk Rebel/Tsunta's Theme 3:36
11. End Title 0:13
12. Through the Night 1:30
13. Home Sweet Home 1:43
14. Making Ramen at Midnight 0:32
15. Scary Moonlight 1:55
16. My Favorite Things 2:18
17. Omelet Punk 0:20
18. Classical 0:16
19. Stink of an Onion 0:34
20. Onion Samba 0:59
21. Omelet Punk 2 0:16
22. Me and My Hamburger/Final Samba 1:05
23. Surfing Samba 1:10

Tracks 1–6 recorded at Shelly Palmer Studio, New York City in October 1988
Bill Frisell: electric guitar, banjo
Carol Emanuel: harp
Wayne Horvitz: keyboards
Kermit Driscoll: acoustic & electric bass
Bobby Previte: drums, percussion
Cyro Baptista: Brazilian percussion
Christian Marclay: turntables

Tracks 7–14 recorded at Shelly Palmer Studio, New York City in October 1988
Arto Lindsay: electric guitar
Robert Quine: electric guitar
Marc Ribot: electric guitar, banjo
Carol Emanuel: harp
Peter Scherer: keyboards
David Hofstra: acoustic & electric bass
Cyro Baptista: Brazilian percussion
Bobby Previte: drums, percussion

Tracks 15–18 recorded at Shelly Palmer Studio, New York City in January 1989
Marc Ribot: acoustic & electric guitar, banjo
Carol Emanuel: harp
Jill Jaffee: violin, viola
Maxine Neuman: cello
Peter Scherer: keyboards
David Hofstra: acoustic & electric bass, tuba
Cyro Baptista: Brazilian percussion
Ikue Mori: drum machine

Tracks 19–26 recorded at Shelly Palmer Studio, New York City in January 1989
Bill Frisell: electric & acoustic guitar, banjo
Robert Quine: electric guitar
Carol Emanuel: harp
Peter Scherer: keyboards
David Hofstra: electric & acoustic bass, tuba
Cyro Baptista: Brazilian percussion
Bobby Previte: drums, percussion
Arto Lindsay: vocal
Kiriko Kubo: vocal

ARTO LINDSAY

Le CHaîNoN MaNQuaNT
Cyro Baptista "Love the Donkey" (2005)
ou "Carnavâne"

Trois ans après un Beat the Donkey déjà très réussi, Cyro Baptista, vieux partenaire de John Zorn, remet le couvert dans un esprit similaire mais avec une formation revue et corrigée, c'est Love the Donkey où l'amour succède donc au tabassage, deux extrêmes pour une même folie instrumentale typique du foutraque percussionniste brésilien.
Comme toujours avec Cyro, parce que son projet suivant, Banquet of the Spirits, n'a pas démenti la tendance, c'est à une affaire particulièrement festive, ce qu'exprime d'ailleurs parfaitement la pochette, à laquelle nous avons droit. Présentement entouré de musiciens brésiliens et new-yorkais (de la downtown scene dont il est devenu un des piliers, et pas seulement du fait de ses nombreuses collaborations avec John Zorn), le sieur Baptista fusionne comme le beau diable qu'il est. En l'occurrence, puisque le projet est particulièrement voué à ses racines brésiliennes et qu'il percussionne comme pas deux, un tribalisme de tous les instants habite une création où la mélodie n'est pas oubliée pour autant. Et le chant non plus d'ailleurs qui habite l'ensemble de la galette comme autant de chœurs carnavalesques. Pour mégoter, on admettra que la reprise de l'Immigrant Song de Led Zeppelin, pas mauvais pour autant, est plus anecdotique qu'autre chose, mais c'est vraiment pour trouver à redire à un ensemble qui, chaloupé et chamarré, n'ennuie jamais, meut toujours l'auditeur vers un secouage de popotin amalgamant avec talent samba, rock, jazz, reggae, folk carioca, etc. Alors, oui, le but n'est pas autre que secouer l'auditeur, de le surprendre à chaque détour compositionnel sans jamais, cependant, tomber dans un fastidieux menu des capacités du maître de cérémonie et de ses ouailles de l'occasion. Evidemment, une ambiance tribale habite de bout en bout la galette avec, du coup, une domination percussive de tous les instants, mais c'est parfait comme ça puisque ça permet à l'imaginatif brésilien d'exprimer toute sa palette, toute son inventivité en un tout qui a la cohérence de ne pas en avoir.
Love the Donkey ? Une fiesta à laquelle on conviera tous ses amis revêtant, pour la circonstance, ses plus beaux habits de lumière. Extra !

1. American Constitution 2:54
2. Anarriê 3:23
3. Rio de Jamaica 5:44
4. Forró for All 4:54
5. Tap on the Cajon 3:12
6. Frevo de Rua 2:19
7. Bottles 3:19
8. Caboclinho 1:41
9. Matan 3:26
10. Immigrant Song 3:11
11. Maria Teresa 6:07
12. Olivia - Step on the Roach 4:39
13. Movie Screen 2:33
14. Pandeirada 4:25

Cyro Baptista - percussion, vocals
Jamie Saft - keyboards, guitar, bass (tracks 2, 3, 6 & 9-11)
Peter Apfelbaum - keyboards, saxophone (tracks 3, 4, 7 & 12)
Robert Curto - accordion (tracks 4, 10 & 11)
Viva de Concini - guitar, percussion, vocals
Amir Ziv - percussion, drums, vocals
Chikako Iwahori, Max Pollak, Scott Kettner, Tim Keiper, Ze Mauricio - percussion, vocals
Art Baron - trombone (tracks 3 & 12)
Chuck MacKinnon - trumpet (tracks 3 & 12)

CYRO BAPTISTA

MaRCoS FoReVeR
Marcos Valle "Estática" (2010)
ou "Valle que vaille"

Si la période de gloire de Marcos Valle fut indéniablement la fin des 60s et le début des 70s, il est bon de ne pas démettre sa renaissance du nouveau millénaire culminant avec cet album de 2010, Estática.
Certes, ce n'est plus ce bel éphèbe blond aux allure de tennisman suédois mais un homme presque âgé, qu'importe !, la musique, remise juste ce qu'il faut au goût du jour sans rien perdre de l'esprit d'une samba/bossa nova ayant, par le passé, fait le bonheur des amateurs du genre (en particulier sur les référentiels Samba'68, Garra et Previsão do Tempo), subsiste. Et même renaît, quelque part entre ses albums traditionnels de la fin des années 60 et ses pièces plus exploratrices des années 70, un rêve pour tous les fans du bonhomme qui se morfondaient de sa longue absence (86 à 99, 13 années d'un silence assourdissant). Ici, avec une production parfaite, des chansons idoines, Marcos Valle est de retour au sommet, un sommet qu'il partagea jadis avec des Jobim, Gilberto (João et Gil) ou Vinícius de Moraes sur lequel il se retrouve désormais bien seul. Mais présentement bien entouré par un ensemble de musiciens du cru qui savent donner vie à la verve mélodique du maître de cérémonie dans une musique sensuelle et chaude, chaloupée et percussive, rythmée par une sélection de chansons toutes plus réussies les unes que les autres donnant à l'auditeur une impression de plage de sable blanc, de cocotiers et de jolies filles en maillots de bains échancrés. Ce n'est pas à dire, cependant, que la musique de Valle fait dans le cliché, juste dans une tradition, sa tradition, d'un son brésilien d'hier toujours aussi efficace aujourd'hui qui jazze juste ce qu'il faut quand il faut.
Estática, album qui donnera envie à tous ceux qui n'ont pas encore plongé dans l'œuvre de ce brésilien pas assez connu chez nous, est un triomphe où l'homme Marcos, vocaliste chaud, claviériste précieux mais, surtout, compositeur et arrangeur de qualité démontre qu'il a plus que de beaux restes, un talent qui ne disparaît pas avec les ans. Recommandé.

1. Vamos Sambar 3:48
2. Prefixo 4:52
3. Papo de Maluco 2:54
4. Arranca Toco 3:19
5. Baião Maracatú 5:13
6. Novo Acorde (Reprise) 1:36
7. Novo Acorde 4:43
8. 1995 0:56
9. Estática 4:29
10. Na Pista 3:39
11. 1985 2:26
12. Esphera 3:44
13. Eu Vou 4:11
14. 1975 2:15
15. Vamos Sambar (Instrumental) 3:47

Marcos Valle - vocals, Fender Rhodes, acoustic guitar, piano, synthesizer, arranger, composer
Jesse Sedoc - flugelhorn, trumpet, horn arrangements, string arrangements
Paulo Renato Franco, Marcelo Martins - flute, saxophone
Aldivas Ayres - trombone
Patricia Alvi - vocals
Marcelo Camelo - electric guitar
Mazinho Ventura - bass
Déborah Cheyne - viola
Nayrah Pessanha - viola
Julio Diniz, Robertinho Silva - percussion
Renato Massa - drums

MARCOS VALLE

PoWeR BRaZiL
Angra "Holy Land" (1996)
ou "Metal à la Samba"

Du power metal progressif épicé de percussions et d'instruments folk brésiliens et d'arrangements orchestraux ? A priori, l'alliance de la carpe et du lapin mais, avec le talent de compositeur du groupe et en particulier de son leader d'alors, André Matos, c'est à une vraie belle fête à laquelle nous sommes conviés.
Pourtant Angra n'avait pas à proprement imposé une folle originalité sur un premier album bien troussé mais totalement prévisible, Angel Cry, c'est rattrapé par cet opus qui lui est supérieur à tous les niveaux. Supérieur au niveau des arrangement où les talents combinés de Matos et de Sascha Paeth (membre d'Heaven's Gate et d'Avantasia et producteur de l'album) offrent une majesté que n'avait fait qu'effleurer le précédent opus des Paulistes, supérieur dans la qualité des compositions où des mélodies plus percutantes, plus accrocheuses touchent toujours leur but, supérieur dans la mise en son qui, aussi puissante mais plus claire et équilibrée sert à merveilles les nuances instrumentales et compositionnelles dont le groupe est capable, supérieur, enfin, dans l'aspect prospectif développant de belles parties orchestrales et, surtout, une appropriation réussie des racines brésiliennes d'Angra via l'usage d'instruments traditionnels et de moult percussions donnant un relief remarquable à l'ensemble de leur création. Comme c'est d'un concept-album dont il s'agit, sur leur pays au temps de sa découverte par les colons portugais, on ne sortira aucun titre de la réussite globale qu'est Holy Land mais force est de constater que plus l'aspect brasileiro de leur musique est poussé, plus la musique devient passionnante (l'enchainement Carolina IV, Holy Land, The Shaman devenant ainsi le pinacle de l'opus).
Pour mégotter, mais la raison budgétaire l'emporta, on regrettera que "l'orchestre" ne soit en fait que des synthétiseurs imitant le vrai truc avec, donc, parfois, des sons un peu kitsch là où une véritable formation classique aurait fait la différence, mais c'est vraiment pour trouver quelque chose à critiquer dans ce qui demeure le meilleur album des brésiliens et, même, un des tous meilleurs albums du genre et une galette dont l'influence est toujours audible aujourd'hui, un authentique classique qu'on n'a de cesse de recommander à tous les amateurs du genre, forcément, mais aussi à toutes celles et ceux qui, attirés par l'approche fusionnante de la chose y trouveront une création unique, atypique... Enorme !

1. Crossing 1:56
2. Nothing to Say 6:22
3. Silence and Distance 5:35
4. Carolina IV 10:36
5. Holy Land 6:26
6. The Shaman 5:24
7. Make Believe 5:53
8. Z.I.T.O. 6:04
9. Deep Blue 5:49
10. Lullaby for Lucifer 2:40

Andre Matos – lead vocals, piano, orchestral arrangements, keyboards and organ
Kiko Loureiro – guitars, backing vocals and additional percussion on "Holy Land"
Rafael Bittencourt – guitars, backing vocals and additional percussion on "Holy Land"
Luís Mariutti – bass
Ricardo Confessori – drums, percussion on "Holy Land"
&
Alto vocals – Mônica Thiele
Soprano vocals – Celeste Gattai
Bass vocals – Reginaldo Gomes
Conductor – Naomi Munakata
Choir – The Farrambamba Vocal Group
Computer, keyboard programming and orchestral arrangements – Sascha Paeth
Flute – Paulo Bento
Berimbau – Pixu Flores
Viola – Ricardo Kubala
Whistle, tamborim and percussive effects – Castora
Double bass – Holger Stonjek

ANGRA

iRa JuSTa
Sepultura "Chaos A.D." (1993)
ou "Furieux brésiliens"

Ceux qui se sont un peu intéressé au sujet du plus gros groupe de metal brésilien le savent, Chaos A.D. est un album charnière pour Sepultura, une œuvre où une formation, jusqu'alors confinée dans un death/thrash metal de qualité quoique pas franchement original, décide de radicalement changer de braquet et passe, du coup, dans la catégorie des groupes qui comptent.
D'autres, évidemment, ces puristes pour qui se distancier de la recette originelle est une impensable trahison, vous dirons que c'est ici que tout à commencé à aller de mal en pis pour un Sepultura donnant dorénavant dans ce qu'il est convenu d'appeler du "groove metal". Faisant fi de ces viles critiques, on constatera que Chaos A.D. est un opus d'une terrifiante efficacité où, en plus de largement élargir le spectre de leur musique, les natifs de Belo Horizonte ont su affiner leur songwriting le rendant plus abordable sans, pour autant, perdre une once de leur salvatrice agressivité. Parce qu'il faut le dire, les gars de Sepultura ne sont pas, en muant, devenu de doux plaisantins.
C'est évident dès Refuse/Resist où des racines punk/hardcore mais aussi brésiliennes via quelques percussions prennent le pouvoir d'un thrash enrichi. C'est confirmé par le single, Territory, où les frères Cavalera et leurs deux compagnons privilégient la puissance à la vitesse qui était naguère une de leurs marques de fabrique. C'est entériné sur l'instrumental Kaiowas, morceau préfigurant nettement les inclinaisons cariocas d'un Roots successeur, embrassent largement leurs origines à coup de percussions tribales et de guitares acoustiques (oui, acoustiques !). Histoire d'enfoncer encore un peu le clou de cette nouvelle diversité, on citera le typiquement hardcore d'un Biotech Is Godzilla, paroles et chœurs de Jello Biafra de chez les Dead Kennedys, qui, rapide et bref, ne fait pas de quartier ou la bonne reprise de New Model Army, The Hunt fidèle à l'originale mais bien réappropriée tout de même. Evidemment, tout au long de l'album, on constate de nets ralentissements permettant à la formation de développer un groove qu'on ne lui connaissait pas avant, un groove directement hérité des new-yorkais d'Anthrax, des précurseurs en  la matière, sans que Sepultura ne sonne jamais comme un clone des précités.
Album réussi de bout en bout, évolution bienvenue d'un groupe n'ayant pas envie de se voir confiné dans un genre qu'il ont magistralement maîtrisé (Arise et Beneath the Remains sont là pour le prouver), Chaos A.D. demeure le meilleur opus d'une seconde partie de carrière controversée mais tout sauf inintéressante.

1. Refuse/Resist 3:20
2. Territory 4:47
3. Slave New World 2:55
4. Amen 4:27
5. Kaiowas 3:43
6. Propaganda 3:33
7. Biotech Is Godzilla 1:52
8. Nomad 4:59
9. We Who Are Not as Others 3:42
10. Manifest 4:49
11. The Hunt 3:59
12. Clenched Fist 4:58
Bonus
13. Policia 1:48

Max Cavalera – vocals, rhythm guitar, 4-string guitar, nylon string guitar
Igor Cavalera – drums, percussion
Paulo Jr. – bass, floor tom
Andreas Kisser – lead guitar, 12-strings viola, steel-string acoustic guitar
&
Jello Biafra - backing vocals (7)

SEPULTURA

FuSioN CaRioCa
Hermeto Pascoal "Slaves Mass" (1977)
ou "Le pari de Pascoal"

Si vous cherchez un maboul capable de pousser la musique brésilienne dans ses retranchements, de lui offrir un panorama à la lisière de l'avant-garde et du jazz, ne cherchez pas plus loin que ce Slaves Mass de l'hirsute Hermeto Pascoal, un type dont la carrière n'a pas exactement été un feu d'artifice, même s'il a sorti d'autres très bons albums que celui qui nous intéresse présentement, un authentique sommet de prospective carioca.
Le tour de force, parce que c'en est un, indéniablement, s'installe tranquillement sur un Mixing Pot qui, commençant tout en douceur, atteint bientôt d'inespérés sommets mélangeant bossa, jazz et aventurisme en un tout baladin, décontracté mais néanmoins puissant qui fonctionne à merveille. La suite est à l'avenant de cette très réussie entrée en matière avec, pêle-mêle et dans le désordre, une minimaliste et drolatique dédicace à Cannonball Adderley (Cannon),  un jazz sensuel et chaloupé (Cherry Jam), un tribalisme bienvenu (Slaves Mass) ou un délire pianistique entre classique, samba et jazz (Just Listen) qui rythment une galette multiple et réussie. Il faut dire qu'Hermeto a aussi su s'entourer, conviant à son banquet des pointures brésiliennes et américaines telles que Flora Purim, Ron Carter, Chester Thompson ou Alphonso Johnson qui, entièrement dévoué à la cause de leur "patron" de l'occasion apportent chacun leur pierre à ce précieux édifice.
Facile tout ça ? De temps en temps mais pas toujours les dérapages contrôlés étant foison, et puis là n'était pas le propos de toute façon. Faire bouger, évoluer, dynamiter des racines qui sont siennes à l'aulne d'une imagination débridée, c'est ce que propose ce Slaves Mass ô combien réussi et recommandé.

1. Mixing pot (Tacho) 9:18
2. Slaves mass (Missa dos escravos) 4:19
3. Little cry for him (Chorinho para ele) 2:11
4. Cannon (Dedicated to Cannonball Adderley) 5:20
5. Just listen (Escuta meu piano) 7:08
6. That waltz (Aquela valsa) 2:46
7. Cherry jam (Geléia de cereja) 11:45
Bonus
8. Open field (Campo aberto) 4:25
9. Pica pau (Take 1) 14:20
10. Star trap (Part 2) 15:45

Hermeto Pascoal: piano, keyboards, clavinet, melodica, soprano sax, flutes, acoustic guitar, twelve strings guitar and vocals (in "Cannon")
Flora Purim: vocals (in "Slaves mass" and "Cannon")
Airto Moreira: drums (all tracks except "Mixing pot", "Pica pau" and "Star trap"), percussion and vocals (in "Cannon")
Chester Thompson: drums (in "Mixing pot", "Pica pau" and "Star trap")
Ron Carter: acoustic bass (all tracks except "Mixing pot", "Pica pau" and "Star trap")
Alphonso Johnson: electric bass (in "Mixing pot", "Pica pau" and "Star trap")
Raul de Souza: trombone and vocals (in "Cannon")
David Amaro: electric guitar, acoustic guitar and twelve strings guitar
Hugo Fattoruso: vocals (in "Cannon")
Laudir de Oliveira: vocals (in "Cannon")

HERMETO PASCOAL

Duo DouX
Antônio Carlos Jobim & Elis Regina "Elis & Tom" (1974)
ou "Entrez dans la légende"

Etes-vous prêts pour 38 minutes d'autentique bonheur, pour une rencontre au sommet de la musique brésilienne, pour Elis & Tom ?
On pourrait, en vérité, s'arrêter là, éviter une longue est fastidieuse présentation d'un album justement entré dans la légende, cette rencontre en territoire improbable d'un des plus essentiels compositeurs du plus grand pays d'Amérique du Sud, Antonio Carlos Jobim, et d'une voix si sensuellement caressante qu'elle conquit facilement son pays avant de passer à l'exportation, celle d'Elis Regina, évidemment. Mais il faut bien contextualiser, expliquer que, grâce aux largesses de sa maison de disques qu'on ne remerciera jamais assez, la dame se vit offert un billet de sortie vers Los Angeles et les compositions du maître. Une excellente nouvelle d'autant que les voix de ses deux là s'accordent à merveille sous le bienveillant patronage d'un Aloísio de Oliveira, autre exilé et producteur attitré de la dame au chapeau en corbeille de fruits, Carmen Miranda, qui s'était alors fait la spécialité, après la disparition de sa protégée en 1955, d'offrir l'écrin étatsunien aux plus méritants de ses compatriotes sans trop, pour autant, les dépayser. C'est peut-être d'ailleurs pour ça que ce sommet de bossa nova sonne si naturel, si ensoleillé, décontracté n'oubliant pas cette petite fêlure, cette nostalgie douce si indissociable de l'écriture de Tom. Côtés chansons, pas besoin de faire le menu, il suffira de consulter la liste des titres pour se rendre compte que, vraiment !, le gratin du catalogue de Jobim y est présent, et particulièrement bien traité par des musiciens ayant eux-aussi leurs racines plantées dans le terreau fertile de Rio de Janeiro la séductrice.
En conclusion ? Elis & Tom, sommet d'émotion et de délicatesse, est un opus indispensable, c'est aussi simple que ça. 

1. Águas de Março 3:32
2. Pois É 1:43
3. Só Tinha de Ser com Você 3:48
4. Modinha 2:16
5. Triste 2:39
6. Corcovado 3:56
7. O Que Tinha de Ser 1:43
8. Retrato em Branco e Preto 3:03
9. Brigas, Nunca Mais 1:39
10. Por Toda a Minha Vida 2:04
11. Fotografia 2:46
12. Soneto de Separação 2:20
13. Chovendo na Roseira 3:11
14. Inútil Paisagem 3:08

Antônio Carlos Jobim - piano, vocals
Elis Regina - vocals
César Camargo Mariano - piano
Hélio Delmiro - guitar
Oscar Castro-Neves - guitar
Luizão Maia - bass
Paulo Braga - drums
Chico Batera - percussion
Bill Hitchcock - conductor

ANTONIO CARLOS JOBIM & ELIS REGINA

GRooVe Do BRaZiL
Eumir Deodato "Deodato 2" (1973)
ou "Le jazz, le funk et l'orchestre"

Si son cru de 1972, Prelude, est généralement le plus célébré, il faudrait voir à ne pas négliger sa suite logique, continuation d'une formule mêlant jazz, funk, orchestre et reprises de grands classiques puisés tous azimuts, parce qu'Eumir Deodato sait faire ça a merveille comme démontré sur ce Deodato 2 ô combien addictif.
Evidemment, la clé du succès de pareille entreprise tient presque autant dans le choix du répertoire que dans la qualité des arrangements. Presque parce qu'il faut savoir accommoder et enchainer, pêle-mêle, Gershwin, les Moody Blues, Maurice Ravel, Steely Dan et ses propres compositions en un tout cohérent comme c'est le cas ici, une réussite qui tient beaucoup à l'esprit infusé par cet homme aux multiples talents. Il faut dire qu'avec une paire de batteurs tels que Billy Cobham et Jerry Marotta, quelques bassistes de haute volée dont l'excellent Stanley Clarke, un ensemble orchestral qu'il dirige lui-même et une belle collection de musiciens de studio en complément (et qui, à les entendre, ont l'air de bien s'amuser, en plus !), le brésilien a mis toutes les chances de son côté. Mais c'est bien dans la manière, dans cette capacité à faire swinguer des morceaux à priori par conçu pour pareil traitement que réside la force de l'album, et de son créateur. Parce que, ce Rhapsody in Blue funky, jazzy et orchestral à une allure folle, que la vieille scie d'Hayward et Cie (Nights in White Satin) prend de nouveaux atours qui fonctionnent parfaitement et même que la Pavane pour une Infante Défunte du créateur du fameux Boléro se glisse dans ses nouveaux habits de lumière sans perdre de sa beauté mélodique originelle. Ajoutez à ça quelques compositions qui n'ont pas à rougir d'un si glorieux voisinage (Super Strut, Latin Flute et Skyscrapers, les deux premiers inclus à la soundtrack du jeu Grand Theft Auto Vice City pour le bonheur d'un public et d'une génération qui n'aurait, sinon, probablement jamais entendu parler d'Eumir Deodato) et vous comprendrez que l'œuvre en impose.
Evidemment, les chagrins pointeront que ce n'est, finalement, qu'une suite, du Prelude précité. Et alors ? Quand la musique est bonne comme c'est le cas ici il faut savoir ne pas bouder son plaisir sous prétexte qu'il tient d'une formule déjà usitée. Ne boudons donc pas et jouissons de cet album tout à fait réussi.

1. Super Strut 9:31
2. Rhapsody in Blue 8:48
3. Nights in White Satin 6:01
4. Pavane for a Dead Princess 4:08
5. Skyscrapers 7:01
Bonus
6. Latin Flute 4:49
7. Venus 3:32
8. Do It Again 5:30

Eumir Deodato - Arranger, Composer, Conductor, Keyboards
John Tropea - Flugelhorn, Guitar, Trumpet
Alvin Brehm, Stanley Clarke, John Giulino, Russell Savkas - Bass
Billy Cobham, Rick Marotta - Drums 
Gilmore DigapRubens Bassini - Congas, Percussion
Garnett Brown,  Tony Studd, Wayne Andre - Trombone
James Buffington, Jim Buffington, Brooks Tillotson - French Horn
Burt Collins, Marvin Stamm, Jon Faddis, Victor Paz, Alan Rubin, Joe Shepley - Flugelhorn, Trumpet
Joe Temperley - Sax
Jerry Dodgion, Hubert Laws, George Marge, Romeo Penque - Flute
Emanuel Vardi, Alfred Brown - Viola 
Harry Cykman, Max Ellen, Paul Gershman, Harry Glickman, Emanuel Green, Harold Kohon, Harry Lookofsky, Joseph Malin, David Nadien, Gene Orloff, Elliot Rosoff, Irving Spice - Violin  
Charles McCracken, Alan Shulman, George Ricci - Cello

EUMIR DEODATO