lundi 26 juin 2017

S comme...

En S, vous trouverez plein de vieilleries, pas mal de guitares acoustiques, des cheveux longs et des physiques hirsutes, des filles et des garçons et même un vrai excité... Mais pas de metal, alors que de Scorpions à Sepultura, il y avait de quoi. S comme sérénité ? Je vous laisse juger. Enjoie !

S comme...
SANTANA "Welcome" (1973)
Renouvellement

Il fallait s'y attendre. Déjà sur les deux crus de l'année précédente,  1972, Caravanserai et Love Devotion Surrender, enregistré en compagnie du sideman de Miles Davis John McLaughlin, Carlos Santana et son éponyme formation donnaient de très clairs signes que leur fusion originelle avait fait long feu, c'est entériné avec ce Welcome de 1973, un album où les natifs de San Francisco s'abandonnent presque totalement à un jazz fusion ayant alors le vent en poupe.
Mais si le genre est "in", ça ne fait pas pour autant du groupe et de son moustachu une bande de vils opportunistes et ne débouche pas sur un album qui sonne forcé de quelque manière que ce soit. Ce naturel est d'ailleurs évident dès le Going Home d'ouverture, morceau librement adapté de la Symphonie du Nouveau Monde d'Antonin Dvořák et arrangé avec le concours de Mme feu-John Coltrane, Alice (avec qui Carlos collaborera d'ailleurs sur le contesté Illuminations l'année suivante), qui fait plus que son petit effet, épate par son flow mystico-jazzé harmonieux et trippant. La suite, un grand bain fusionnant où ne sont pas tout à fait oubliées les racines latino-américaines du groupe (en particulier sur Samba de Sausalito, une composition du percussionniste José Areas, et Yours Is the Light, vocalisé par la brésilienne Flora Purim, étant là pour satisfaire aux appétits de l'auditoire traditionnel de Santana) qui ne sont, toutefois, plus que portion congrue de l'expression du combo, une épice parmi tant d'autres du cosmique ensemble. Oui, cosmique, parce que Santana et les siens planent haut, trippent fort sur ce Welcome libre et fier où toutes les envies, toutes les ambitions de la formation semblent se concrétiser. Il faut dire qu'avec le concours de quelques guests bien senties, dont le remarqué retour de John McLaughlin sur le planant et très réussi Flame - Sky, Carlos a assemblé un parfait ensemble pour accoucher de l'album qu'il souhaitait. On notera aussi le nouveau chanteur, Leon Thomas, dont la tonalité soul & blues apporte définitivement sa pierre à l'impressionnant édifice comme exemplifié par un beau When I Look into Your Eyes.
Excellemment produit par Carlos, le claviériste Tom Coster et le batteur Michael Shrieve, Welcome est un triomphe de fusion réussie, une galette tout à fait de son temps qui, si elle n'est pas la plus universellement recommandée de la formation, demeure un de ses immanquables highlights et, donc, une étape, parce que Santana continuera son développement dans les opus suivants, qu'on se doit de ne pas manquer.

1. Going Home 4:11
2. Love, Devotion & Surrender 3:38
3. Samba de Sausalito 3:11
4. When I Look into Your Eyes 5:52
5. Yours Is the Light 5:47
6. Mother Africa 5:55
7. Light of Life 3:52
8. Flame - Sky 11:33
9. Welcome 6:35
Bonus
10. Mantra 6:10

Carlos Santana – electric guitar, acoustic guitar, bass guitar, kalimba, percussion, vocals
Tom Coster – Yamaha organ, Hammond organ, electric piano, acoustic piano, organ, marimba, percussion, strings arrangements, vocals
Richard Kermode – Hammond organ, mellotron, electric piano, acoustic piano, marimba, shekere, percussion
Douglas Rauch – bass guitar
Michael Shrieve – drums
José "Chepito" Areas – percussion, conga, timbales
Armando Peraza – percussion, conga, bongos, cabasa, vocals
&
Alice Coltrane - piano, arrangements (1)
Leon Thomas – lead vocals (2, 4, 7), whistling (5)
Wendy Haas – vocals (2, 4)
Flora Purim – lead vocals (5)
John McLaughlin – guitar (8)
Joe Farrell – solo flute (4)
Bob Yance – flute (4, 5)
Mel Martin – flute (4, 5)
Douglas Rodriguez – rhythm guitar (4)
Tony Smith – drums (3)
Jules Broussard – soprano saxophone (6)
Greg Adams – strings arrangements (7)


S comme...
SILLY SISTERS "Silly Sisters" (1976)
Fausses Sœurs, Vrai Folk

En vacances de son groupe de référence, Steeleye Span, aidée d'une consœur (June Tabor encore une débutante qui s'affirmera vite comme une vraie force vive de la scène folk britannique), Maddy Prior produit une merveille de petit album tout en fraicheur et en délicatesse, l'éponyme des Silly Sisters.
La première chose qui frappe, à entendre ces deux dames chanter ensemble, c'est la complémentarité de leurs organes, le doux, léger, mutin presque de Maddy, le plus sombre et dramatique de June, en harmonies, l'effet bœuf est garanti. Ensuite vient la musique, que du très classique en fait, du folk anglais typique de ces années 70 ce qui est tout sauf surprenant à détailler les pontes du genre qui le peuple (de Danny Thompson de Pentangle à Andy Irvine et Johnny Moynihan des irlandais de Planxty en passant par le comparse de Maddy au sein de Steeleye Span, Martin Carthy), c'est un fameux who's who présentement entièrement dédié à la cause de la doublette féminine qui les a attiré à elle. Mais, finalement, c'est quand, débarrassées de ces messieurs, ces dames se livrent sans artifice instrumental qu'elles tutoient le divin. Il faut dire que le répertoire, composé, comme dans le groupe de référence de Maddy, essentiellement d'airs traditionnels, a été particulièrement finement choisi permettant aux deux interprètes de s'y glisser avant tant d'aise et de grâce qu'on peine souvent à ne pas croire que ce sont bien elles, les auteures de ces bucoliques mélopées.
Attention cependant, on ne plonge pas dans l'œuvre des sœurs si facilement, pas fille de joie pour deux sous, d'un charme discret et raffiné, cette musique peut demander un temps d'adaptation avant de gagner l'auditeur. Un peu de patience donc, et le bonheur sera au bout du chemin de cet album qui n'eut, dix ans plus tard, qu'un héritage hélas inférieur. Mais celui-ci, ha celui-ci, fantastique !

1. Doffin' Mistress 2:13
2. Burning of Auchindoon 1:08
3. Lass of Loch Royal 4:09
4. The Seven Joys of Mary 3:18
5. My Husband's Got No Courage In Him 3:12
6. Singing The Travels 2:50
7. Silver Whistle 4:12
8. The Grey Funnel Line 3:05
9. Geordie 4:02
10. The Seven Wonders 4:35
11. Four Loom Weaver 2:39
12. The Game Of Cards 3:20
13. Dame Durden 3:00

Maddy Prior - vocals
June Tabor - vocals
Martin Carthy - guitar
Nic Jones - fiddle
Tony Hall - melodeon
Andy Irvine - mandolin
Johnny Moynihan - bouzouki
Gabriel Mckeon - uillean pipes
Danny Thompson - bass


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SLOCHE "Stadaconé" (1976)
Sans déconner !

 Des québécois qui fusionnent leur prog', un second et dernier album au titre aussi improbable qu'incompréhensible, Stadaconé kesako ?, c'est Sloche, formation obscure mais ô combien satisfaisante pour les amateurs du genre.
Le genre ? Un progressif fusionnant quelque part entre Mahavishnu Orchestra et Gentle Giant, pas bien éloigné de leur compatriotes de Maneige. le changement majeur, sur ce second album sinon musicalement dans l'exacte lignée de son prédécesseur, vient de l'abandon du chant, on retrouve, pas pour compenser mais indéniablement pour enrichir, un percussionniste (Gilles Ouellet) dans une œuvre, du coup, avec donc pas de chant mais un champs percussif étendu, encore plus libre des contingences souvent imposées par le format chanson. Ici, en 6 instrumentaux volubiles, gracieux et mélodiques, où chaque musicien a largement l'opportunité d'afficher son abattage technique, les québécois prouvent qu'on peut, à la fois, groover comme un vrai groupe de funk fusion (Stadaconé, l'exemplaire instrumental titre, un Cosmophile qui porte bien son nom),  que faire dans la relative bizarrerie via des constructions plus expérimentales (Il Faut Sauver Barbara, Isaacaron), ou glisser vers un rock à guitare bien évoqué (Ad Hoc et la magnifique performance soliste de Caroll Bédard) sans jamais renoncer à son esthétique harmonique forte.
Bien mis en son, admirablement joué, doté de compositions à l'échafaudage aussi solide que leur fantaisie est  savoureuse, Stadaconé, puisque répétons-le il s'agit de l'ultime œuvre du sextet, laisse de vrais regrets, et un paquet de bonne musique.

1. Stadaconé 10:17
2. Le Cosmophile 5:40
3. Il Faut Sauver Barbara 4:16
4. Ad Hoc 4:30
5. La 'Baloune' de Varenkurtel au Zythogala 4:57
6. Isacaaron (Le Démon Des Choses Sexuelles) 11:19

Réjean Yacola - keyboards
Martin Murray - keyboards
Caroll Bédard - guitars
Pierre Hébert - bass
André Roberge - drums & percussions
Gilles Ouellet - celesta, percussions


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STAPLETON, CHRIS "Traveller" (2015)
Southern Man's Blues

Voici typiquement le genre d'album qui n'a pas la moindre chance de faire un tabac chez nous, dans un pays qui, pourtant, vit largement dans une société consumériste d'obédience étatsunienne. Il faut dire que, chez nous, la country, c'est une petite chanson de Johnny, d'Eddy, de Dick voire de Hugues et puis c'est tout, c'est tout l'effet que ce genre bouseux transatlantique typique fait au porteur de beret sur la tête et baguette sous le bras, puisqu'on est dans les clichés. Et c'est bien dommage parce qu'à l'image de l'inaugural opus de cet hirsute individu tout de stetson chapeauté, qui est une vraie petite merveille !, cette galaxie de nuances (quel est le rapport entre Billy Cyrus et Townes Van Zandt à part l'assidu port d'un couvre chef de cowboy ?) a bien des trésors à délivrer. Et donc, Chris Stapleton, plutôt du genre outlaw le gars (descendance des Willie Nelson, Waylon Jennings et autres David Allan Coe), et pas seulement pour le look, un petit gars qui roule sa bosse depuis une bonne dizaine d'années en tant que songwriter reconnu, qui a mené un temps une des formations les plus en vue du revival bluegrass, The SteelDrivers, bref, qui a pris son temps pour enfin concocter un premier opus qu'il pourrait entièrement assumer. En l'occurrence, ce qui s'offre à nous passée la country pop (plutôt bien fichue d'ailleurs) de Traveller, est à un bel opus en équilibre entre outlaw country et rock sudiste, ceci fait avec beaucoup de sensibilité et de nuance, deux qualités pas si courantes dans les genres qu'accouple l'opus. Les highlights de la chose ? Toutes les chansons sont d'un excellent niveau mais Tennessee Whiskey et ses atours soul, le solide country rock sudiste Parachute où Chris donne enfin du plein volume de son rocailleux organe, Whiskey and You où tout en retenue il évoquerait presque le divin Townes Van Zandt, la ballade au coin du feu Daddy Doesn't Pray Anymore, les bon gros blues que sont Might As Well Get Stoned, versant rock, et Was It 26, côté plouc, brillent un peu plus que leurs jolies voisines d'un album si totalement réussi qu'on le conseillera même à ceux pour qui le genre dans sa globalité est étranger, voire désagréable, bigre ! Et, au fait, Traveller a beaucoup de succès aux Etats-Unis, il a été n°1 des charts toute catégorie confondues, s'est déjà écoulé au-delà du million, ce qui devient rare en ces temps de gratuité quasi-systématique, et même récolté deux Grammy Awards... Et c'est totalement mérité parce qu'on tient bien là la première belle œuvre d'un auteur qu'on suivra, lui dont le cocktail country sudiste nous a présentement si complètement séduit.

1. Traveller 3:42
2. Fire Away 4:04
3. Tennessee Whiskey 4:52
4. Parachute 4:13
5. Whiskey and You 3:56
6. Nobody to Blame 4:04
7. More of You 4:37
8. When the Stars Come Out 4:16
9. Daddy Doesn't Pray Anymore 4:09
10. Might as Well Get Stoned 4:37
11. Was It 26 4:49
12. The Devil Named Music 6:07
13. Outlaw State of Mind 5:37
14. Sometimes I Cry 4:02

Chris Stapleton — acoustic guitar, electric guitar, mandolin, lead vocals
Dave Cobb — acoustic guitar, percussion
J.T. Cure — bass guitar, upright bass
Derek Mixon — drums, percussion
Mickey Raphael — harmonica
Morgane Hayes-Stapleton — background vocals
Robby Turner — pedal steel guitar
Michael Webb — mellotron, organ, piano


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STEELEYE SPAN "Parcel of Rogues" (1973)
Évolution

En électrifiant et raffinant leur son, mais en conservant leur éthique traditionnelle, les anglais de Steeleye Span opèrent une transformation en douceur qui finira de les établir comme une des formations qui comptent dans un revival folk britannique dont il seront l'uns des plus beaux fleurons.
Dans les faits, Parcel of Rogues est déjà le 5ème album de Steeleye Span depuis 1970, un rythme soutenu que le large répertoire traditionnel à leur disposition et leur inspiration propre réussissent sans problème à soutenir, ce n'est donc pas une surprise que d'entendre, une fois encore, le quintet réunir une belle collection de chansons. Plus surprenante est la façon adoptée pour l'occasion, là où les devanciers de l'opus proposaient une folk tout à fait "dans les rails", traditionaliste dirait-on, tout à fait sage si indéniablement inspirée, une belle dose d'électricité à été ajoutée, utile progression d'un son qui, à être trop défini, prenait le risque de tourner en rond. Du coup, ce petit supplément, qui épice l'approche plus qu'il ne la révolutionne, le Steeleye Span des quatre premiers albums s'en trouve validé, sert exactement ce à quoi ces petits malins l'avaient imaginé, à donner un sérieux coup de jeune et, forcément, une énergie accrue qui donne aussi une chance de briller à un six-cordiste de qualité, Bob Johnson, qui ne manque pas l'opportunité nouvellement offerte. A part ça, c'est avec plaisir qu'on retrouve les harmonies vocales émouvantes de Maddy Prior et de ses compagnons, cette musique terrienne et sensible, aussi, et une sélection intégralement comprise, comme d'habitude, de reprises de thèmes traditionnels prouvant l'érudition du groupe en plus de sa capacité de s'approprier ce répertoire.
Si Parcel of Rogues demeure une des plus belles pièces du catalogue d'un groupe qui ne cessa que très fugitivement de produire, deux petites années sur une carrière quadri-décennale (78-80), c'est parce qu'il allie l'intensité originelle d'une folk pure à l'innocence de nouvelles dispositions électriques. Ca en fait, à n'en pas douter, un album incontournable pour les fans du genre, une excellente porte d'entrée pour ceux qui ne se seraient pas encore frottés au groupe ou au style pratiqué ou, plus généralement, à toutes celles et tous ceux qui aiment la bonne musique, parce que c'en est, indéniablement !

1. One Misty Moisty Morning 3.30
2. Alison Gross 5.29
3. The Bold Poachers 4.18
4. The Ups And Downs 2.45
5. Robbery with Violins 1.47
6. The Wee Wee Man 4.01
7. The Weaver and The Factory Maid 5.21
8. Rogues in a Nation 4.34
9. Cam Ye O'er Frae France 2.49
10. Hares on The Mountain 4.33

Maddy Prior - vocals
Tim Hart - vocals, guitar, appalachian dulcimer
Bob Johnson - vocals, guitar
Rick Kemp - bass guitar, drums
Peter Knight - violin, viola, mandolin, piano, recorder, harmonium


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STEWART, AL "Year of the Cat" (1976)
Bonne Année

Il a tellement été un classique de son temps, les 70s, tellement traîné dans les brocantes et les bacs des disquaires d'occasion (à l'époque du vinyl, souvenez-vous !) qu'on a fini par prendre le Year of the Cat d'Al Stewart pour argent comptant sans plus vraiment se le mettre dans l'oreille, sorte de passager familier de nos errances musicales lointaines il parait usé avant même qu'on ne le glisse, numérisé dans son petit format iridescent, dans le tiroir prévu à cet effet. Erreur. Erreur parce que le bel album que voici ! Il faut dire que dès l'emballage, la pochette conçue par Storm Thorgerson et la mise en son d'Alan Parsons (on nage en pleine galaxie floydienne !), les petits plats dans les grands, pour une musique classic (soft) rock où subsistent, forcément !, les racines folk du bonhomme, qui roule dans l'oreille de l'auditeur d'un joli et planant Lord Grenville, du rythmé On the Border, de l'ensoleillé Sand in Your Shoes, de la belle folk-rock un poil pop, un poil bluesy de Flying Sorcery au verbeux morceau éponyme final et sa pompe raisonnable (sans compter les trois bons bonus de ce remaster, donc, et en oubliant sciemment le reste d'une sélection où rien ne manque sa cible), on est totalement sous le charme... A condition d'apprécier le soft rock des septantes à son apogée, évidemment. Parce que c'est ça Year of the Cat, un album évidemment totalement maîtrisé par d'excellents musiciens, un luxe d'arrangement millimétrés bien-sûr, mais surtout un opus à la cool qui évoquera aux quinquas qui y étaient les vapeurs d'une jeunesse depuis longtemps évanouie.

1. Lord Grenville 5:00
2. On the Border 3:22
3. Midas Shadow 3:08
4. Sand in Your Shoes 3:02
5. If it Doesn't Come Naturally, Leave It 4:28
6. Flying Sorcery 4:20
7. Broadway Hotel 3:55
8. One Stage Before 4:39
9. Year of the Cat 6:40
Bonus
10. On the Border [live] 3:48
11. Belsize Blues 3:30
12. Story of the Songs 9:42

Al Stewart - vocals, guitar, keyboards
Peter White - guitar, keyboards
John Perry - background vocals
Tim Renwick - guitar
Andrew Powell - string arrangements
Bobby Bruce - violin
Marion Driscoll - percussion
Stuart Elliott - drums, percussion
George Ford - bass
Phil Kenzie - alto saxophone
Don Lobster - keyboards
David Pack - background vocals
Tony Rivers - background vocals
Graham Smith - harmonica
Peter Wood - keyboards


S comme...
STOOGES, THE "Funhouse" (1970)
House of Holy Noise

Le moins connu des Stooges ? Probablement, et pourtant, quel abattage ! Parce que le sax hurlant de Steve Mackay, qui arrive tout juste, et encore juste sur la deuxième face de ce séminal Funhouse, mais sera dès lors de toutes les formations des furieux étatsuniens, c'est tout de même quelque chose ! Or donc, puisque c'est de ce surpuissant souffleur de chaos dont il s'agit à l'occasion de sa regrettée disparition, et sans oublier la très haute tenue d'une première face où les Stooges n'ont jamais été aussi tight (merci Don Gallucci, de chez les Kingsmen, et sa production offrant un cadre presque live aux bostoniens et aux progrès de Ron Asheton sur ses six cordes), intéressons nous à cette face B qui commence très fort avec un 1970 en forme de perfection garage où le soli furieusement jazzy de Mackay vient juste à point pour créer l'élément de surprise qui couronne la réussite, se poursuit avec un Fun House délicieusement jazzy (et un Steve omniprésent) et se conclut sur un apocalyptique et jouissif grand n'importe quoi L.A. Blues tout en furie et sorties de routes... Fort, très fort. A l'image, en vérité, d'un album capturant la substantifique moelle de ces Stooges chenapans protopunks d'absolue référence, avec Iggy qui influencera tellement ce que signifie un frontman possédé, qui ne feront plus mieux mais ça, c'est une autre histoire et le regretté Dave Alexander à la basse vrombissante... Funhouse ? Immanquable, tout simplement !

1. Down on the Street 3:42
2. Loose 3:33
3. T.V. Eye 4:17
4. Dirt 7:00
5. 1970 5:14
6. Fun House 7:45
7. L.A. Blues 4:52

Iggy Pop – vocals
Ron Asheton – guitar
Dave Alexander – bass guitar
Scott Asheton – drums
Steve Mackay – saxophone
&
Don Gallucci – production, organ overdubs


lundi 19 juin 2017

R comme...

Oh! le con, il a sauté le Q ! C'est ce que certains s'écrieront probablement en découvrant la sélection de retour post-congés du Zornophage dans une série alphabétique jusqu'alors strictement ordonnée et séquentielle. Mais ne vous inquiétez pas, le Q, c'est important, il viendra ! Et donc au R, un consonne triplée en colère (Grrr!) et donc, logiquement, représentant quelques beaux excités heureusement tempérés par quelques artistes plus fins. Mais que des classiques et donc, pour ceux qui seraient passés à côté d'un d'iceux, un choix sans le moindre risque ! Enjoie !

R comme...
RAMONES "Ramones" (1976)
Faux Frères, Vrais Punks

Un album enregistré à l'ancienne pour un groupe qui amorce une révolution dans le monde de la musique ? C'est l'éponyme des Ramones, un album qui inscrit le punk rock dans les annales. Bon, pour le coup, je vais faire comme les Ramones et filer droit au but car, enfin, quoi de plus bêta que les trois accords, la rythmique frénétique et simplette et ce chant qui a l'air de ne pas vraiment y être mais finalement si (c'est tout le charme de Joey que de ne pas être un vocaliste punk lambda) ? Hein ? Ben rien. Sauf que réussir ce machin là, dès le supra-accrocheur Blitzkrieg Bop, c'est pas si simple, c'est même en vérité très compliqué. Alors, à l'image de nos Shériffs à nous (qui leur doivent beaucoup mais le font tellement bien !), c'est dans un innocence, une naïveté inattendue que réside tout l'irrésistible succès de ces faux frères fameux. On se dit même que les early-Beatles ne sont parfois pas bien loin (I Wanna Be Your Boyfriend) sauf que l'agression électrique et la punkitude (dont il sont quand même un peu les inventeurs) ressurgit bientôt (Now I Wanna Sniff Some Glue) et ça fait un bien fou ! Parce que, souvenez-vous, en 1976 ce sont les dinosaures du prog rock et du heavy metal/hard rock qui domine le bal et que souvent ces messieurs, tout pétris de leur autosuffisance, ont des tendances à l'excès d'ambition. Et donc ça fait du bien d'entendre du rock qui sent la graisse de mob, le cuir rapé et la bière tiède, de la musique qu'on se dit qu'on pourra jouer aussi avec les potes (on ne pourra pas en fait, voir plus haut). 14 titres bien crus (et d'ailleurs crument enregistrés) plus loin, rallongés par des bonus, des démos, dans le remaster, qu'a-t-on ? Une bouffée d'air frais, de bonne chansons à reprendre en chœur sans trop se poser de question. Du punk rock tel que les anglais en feront bientôt mais ça c'est une autre histoire qui ne doit pas vous dévoyer de ce péché originel chaudement recommandé.

1. Blitzkrieg Bop 2:12
2. Beat on the Brat 2:30
3. Judy Is a Punk 1:30
4. I Wanna Be Your Boyfriend 2:24
5. Chain Saw 1:55
6. Now I Wanna Sniff Some Glue 1:34
7. I Don't Wanna Go Down to the Basement 2:35
8. Loudmouth 2:14
9. Havana Affair 2:00
10. Listen to My Heart 1:56
11. 53rd & 3rd 2:19
12. Let's Dance 1:51
13. I Don't Wanna Walk Around with You 1:43
14. Today Your Love, Tomorrow the World 2:09
Bonus
15. I Wanna Be Your Boyfriend (demo) 3:02
16. Judy Is a Punk (demo) 1:36
17. I Don't Care (demo) 1:55
18. I Can't Be (demo) 1:56
19. Now I Wanna Sniff Some Glue (demo) 1:42
20. I Don't Wanna Be Learned/I Don't Wanna Be Tamed (demo) 1:05
21. You Should Never Have Opened That Door (demo) 1:54
22. Blitzkrieg Bop (single version) 2:12

Joey Ramone – lead vocals
Johnny Ramone – lead guitar
Dee Dee Ramone – bass guitar, backing vocals, co-lead vocals in "53rd & 3rd"
Tommy Ramone – drums


R comme...
RAVEN "Nothing Exceeds Like Excess" (1988)
Brit Assault

Ils sont anglais, ils sont trois, ils aiment le rock qui va à 200 à l'heure, et arrache tout, construit sur des riffs péri-métalliques qui sont un bon carburant... Et non, ce n'est pas de Motörhead dont il s'agit mais bel et bien de Raven, le groupe des autres frères Gallagher (ceux-ci même qu'on ne doit pas confondre avec les deux têtes de c... au nom de boisson fruitée). Comment-ça vous ne connaissez pas Raven ? Pourtant, depuis les débuts des années 80, les deux frangins et leur batteur d'élection du moment (y aura du mouvement avant l'arrivée de Joe Hasselvander), membres, et pas des moindres, de la New Wave of British Heavy Metal, ont imposé leur vision "toute nuancée" d'un rock'n'roll barbare et réjouissant ! Alors, oui, il y a bien eu, 3 petites années avant l'album qui nous intéresse, une tentative, une tentation de quelque chose de plus commercial (The Pack Is Back, un vrai flop mais pas un si mauvais album), c'est bien tout ce qu'on peut reprocher à une formation sinon restée fidèle à une approche testostéronée et sans concession de la chose hard'n'heavy. D'ailleurs, quand sort en 1988 Nothing Exceeds Like Excess, ils ont déjà rectifié le tir sur un "poétique et finaud" Life's a Bitch, écartant le faux-pas précité et ramenant leur power-trio dans un registre qui lui sied bien mieux, et rassuré ce faisant ceux qui pensaient les avoir perdu. Cette seconde salve de relance arrive donc sans qu'on ne doute un seul instant de son contenu, reste à juger de sa qualité. Et là, c'est un vrai "ouf" de soulagement parce que l'essai du précédent (vraiment bon sans être tout à fait exceptionnel) est plus que transformé sur ce qui demeure une des plus belles galettes de la formation, un machin lourd, rapide, agressif, porté par la voix de sirène d'alarme de John (également bassiste), les guitares en fusion de Mark (riffs efficaces, soli inspirés), et la batterie de Joe (à la Phil "Animal" Taylor, la double grosse caisse en sus). Et des compos qui font mouche, toutes !, en ne cherchant surtout pas à se compliquer la tâche ou à innover. Le tout servi par une production mettant parfaitement en valeur la belle, l'énorme énergie du combo. Culte dans la scène, le vrai succès leur échappant systématiquement, inoxydables puisque toujours en activité (avec le même line-up depuis cet album, justement), Raven est une force à réévaluer, un groupe généralement seulement connu pour son grand classique (All for One) mais dont la majeure partie de la discographie en impose. De la seconde division ? Il en faut, et celle-ci a tout d'une grande. Laissez vous donc tenter par ces "Brits on speed" et plus particulièrement par leur cru 1988, vous ne le regretterez pas !

1. Behemoth 1:05
2. Die for Allah 4:58
3. Gimme a Break 3:19
4. Into the Jaws of Death 6:08
5. In the Name of Our Lord 3:46
6. Stick It 3:10
7. Lay Down the Law 4:45
8. You Gotta Screw Loose 4:22
9. Thunderlord 4:30
10. The King 4:25
11. Hard as Nails 5:06
12. Kick Your Ass 3:18
Bonus
13. Lay Down the Law (live bootleg)

John Gallagher - bass, vocals
Mark Gallagher - guitar, backing vocals
Joe Hasselvander - drums, backing vocals


R comme...
REFUSED "The Shape of Punk to Come" (1998)
HardCore et Encore

Si je ne devais garder qu'un album de hardcore ? The Shape of Punk to Come de Refused, évidemment !, parce qu'il a tout cet album : de l'agression intelligente, de la prospection musicale, de la grâce mélodique (et oui !), de l'humour aussi... Et pourtant, en détournant le titre d'un légendaire album d'Ornette Coleman, les suédois avait mis la barre haut, très haut.
Ce qui est encore plus fou c'est que rien, à priori, ne laissait présager ce bond en avant, cette révolution sonique, le groupe n'ayant, précédemment, pas exactement brillé pour son immense originalité. Evidemment, Songs to Fan the Flames of Discontent, deux ans plus tôt, avait épaté pour son approche passionné, sa puissance hors-norme mais pas vraiment pour son unicité, un excellent album oui, un album d'exception non. Et donc, voici The Shape of Punk to Come, un opus où la liberté créatrice va de pair avec l'excellence compositionnelle. Bien-sûr, il y a le single, l'impeccable et implacable New Noise et ses bienvenus ajouts électroniques venus doper une composition à la fois accrocheuse et agressive, un triomphe. Mais c'est loin d'être tout Refused se laissant aller à toutes ses envies, toutes ses extravagances comme sur un Worms of the Senses/Faculties of the Skull et un Protest Song '68 où les 5 soufflent alternativement le chaud et le froid, un Liberation Frequency ou un Summerholidays Vs. Punkroutine aux allures presque pop et pourtant toujours furieusement harcore, un Tannhäuser/Derivé où, avec le concours d'un violoncelle, ces garçons pas comme les autres plongent dans l'art-punk tendance post-rock avec une classe et un talent qui laissent bouche bée, ou encore un The Apollo Programme Was a Hoax aux allures slo-core inattendues. Le reste de la galette, plus classiquement "core" n'est pas pour autant à négliger tant le groupe, sans avoir l'air d'y toucher, à créé un hybride où leur genre originel est bel et bien présent mais surtout comme carburant pour des ambitions artistiques réalistes et réussies. En un mot comme en mille ? Une Rolls cet album !
L'édition Deluxe, recommandée si vous n'avez pas encore cet indispensable, propose en bonus une captation de belle qualité enregistrée lors d'un festival en leur mère patrie en avril 1998. Une excellente façon non seulement de prolonger l'expérience mais aussi de découvrir ce que le groupe fit avant via quelques extraits de ses deux précédents opus et un documentaire sur le parcours de ces gars hors du commun.
Aux dernières nouvelles, après quelques concerts de reformation vendus comme exceptionnels, Refused sera bel et bien de retour au début de l'été avec son, seulement, 4ème album, Freedom. Dire qu'on attend beaucoup de cette réapparition discgraphique 17 ans après tient indéniablement de l'euphémisme. En attendant, vous pouvez vous plonger dans ce passionnant Shape of Punk to Come qui n'a non seulement pas pris une ride mais demeure à l'avant-garde d'un genre, le hardcore, ou les misfits de leur sorte ne sont pas légion. En un mot ? Obligatoire !

CD 1 - Album
1. Worms of the Senses/Faculties of the Skull 7:05
2. Liberation Frequency 4:08
3. The Deadly Rhythm 3:34
4. Summerholidays vs. Punkroutine 4:01
5. Bruitist Pome #5 1:25
6. New Noise 5:08
7. The Refused Party Program 2:38
8. Protest Song '68 4:32
9. Refused Are Fuckin Dead 5:08
10. The Shape of Punk to Come 5:06
11. Tannhäuser/Derivè 8:07
12. The Apollo Programme Was a Hoax 4:13

CD 2 - Bonus
Live at Umeå Open festival (April 3, 1998)
1. The Shape of Punk to Come 4:38
2. The Refused Party Program 1:28
3. Circle Pit 2:48
4. Worms of the Senses/Faculties of the Skull 5:31
5. Hook, Line and Sinker 2:51
6. Summerholidays vs. Punkroutine 3:54
7. Rather Be Dead 3:42
8. Burn It 2:33
9. The Deadly Rhythm 4:05
10. Coup d'Ètat 5:10
11. New Noise 4:48
12. Tannhäuser 7:30

Dennis Lyxzén – vocals
Kristofer Steen – guitars, drums
Jon Brännström – guitars, samples, programming, synthesizers
David Sandström – drums, melodica
Magnus Björklund – bass guitar, cello
&
Torbjörn Näsbom – violin
Jakob Munck – upright bass
Pelle Henricsson – tambourine


R comme...
RENAISSANCE "Turn of the Cards" (1974)
Symphowoman

Un peu de douceur dans un monde de brutes, ça a toujours été le programme du Renaissance d'Annie Haslam, formation de rock progressif symphonique d'autant plus mélodique qu'il a le rare avantage d'être une des seules formations des septantes à posséder une vocaliste féminine en lieu et place de l'hurluberlu de service habituel de la formule (qu'on apprécie mais ça fait du bien de changer, parfois).
Il n'en est pas autrement sur Turn of the Cards, leur cinquième album qui, sur les talons d'un Ashes Are Burning déjà glorieusement réussi, creuse le sillon d'une musique ayant la beauté comme valeur cardinale. Il faut dire qu'avec dans leur arsenal la voix angélique d'Annie, ils auraient eu tort de se priver, les londoniens. Dans les faits, c'est avec une formation enfin stabilisée, avec le retour du guitariste Michael Dunford en temps que membre à part entière quand il n'en était plus que le compositeur et un instrumentiste à temps partiel (drôle de formule...), que Renaissance aborde la création d'un opus qui comptera dans leur histoire. Et donc, toujours avec les paroles de Betty Thatcher (ça date depuis Prologue et le groupe en est ravi), on retrouve ces précieux et délicats arpèges, ces pianos d'obédience classique si imposants, ces claviers orchestraux tissant d'excellents climats, ces rythmes qui, contrairement à ceux de leurs condisciples (de Yes à Genesis en passant par Camel), n'heurtent pas le flow des mélodies, et évidemment la voix de la dame Haslam, cerise de choix sur la pâtisserie fine. En chansons, six d'icelles, ça va de l'épique progressif symphonique de Running Hard, Things I Don't Understand et Mother Russia qui, toutes d'excellentes pièces, démontrent qu'on a pas besoin de faire crier les guitares pour pondre une pièce complexe, multiple et dynamique, et encore moins trois ! Ajoutez trois jolies ballades, l'une aux accents folk (I Think of You), les autres orchestrales (Black Flame et Cold Is Being) qui, toutes réussies, offrent de bienvenus pauses dans le déluge néo-classique de leurs voisines complètant ainsi à merveille ce qu'il est convenu de considérer une collection sans la moindre faille.
Certains vous conseillerons Ashes Are Burning, d'autres Scheherazade and Other Stories, tous deux d'excellents albums, ne le nions pas, mon choix d'introduction à l'excellent Renaissance et son rock progressif symphonique d'exception restera ce Turn of the Cards si bien équilibré, si totalement abouti qu'il sera difficile de lui résister.

1. Running Hard 9:36
2. I Think of You 3:08
3. Things I Don't Understand 9:28
4. Black Flame 6:25
5. Cold Is Being 3:02
6. Mother Russia 9:18

Annie Haslam – lead and backing vocals
Michael Dunford – acoustic guitar, backing vocals
Jon Camp – bass, backing vocals
John Tout – keyboards, backing vocals
Terence Sullivan – drums, backing vocals, percussion
&
Jimmy Horowitz – orchestral arrangements


R comme...
ROXY MUSIC "For Your Pleasure" (1972)
Rien que du plaisir !

C'est pas parce qu'on est glam qu'on doit faire dans le bêta, c'est pas parce qu'on a la classe qu'on peut faire dans le facile, c'est ce qu'a magnifiquement compris Roxy Music pour son deuxième et ultime album avec celui qui n'aura, ensuite, de cesse de leur manquer, Brian Eno.
En l'espèce, l'espace de deux albums du début des années 70, le présent et l'éponyme qui le précède, Roxy Music invente sa propre niche, Art Glam qu'on pourrait l'appeler. Parce qu'on ne peut pas nier qu'avec Brian Eno en influence décisive sur la tendance, ces chansons diablement accrocheuses (Do the Strand, Editions of You, Grey Lagoons) ou simplement belles (le reste de l'album, plus modéré, plus atmosphérique, plus exploratoire aussi) si elle sont indéniablement portée par la gouaille de dandy post-moderne de Bryan Ferry, bénéficient largement des expérimentations riches et texturantes et les arrangements amoureusement concocté par le futur démissionnaire. Ici, Roxy Music est déjà sexy et classieux, ici, Roxy Music est, en plus !, un foutu sacré bon groupe de rock prospectif, qu'on n'osera pas qualifier de progressif même s'il y a de ça...
Après ? Rien ne sera plus jamais comme avant. Jamais plus Roxy Music ne sera aussi libre, aussi gracieusement épris de chansons aussi étranges que réussies. Ha, l'Art Glam, c'était bien...

1. Do the Strand 4:04
2. Beauty Queen 4:41
3. Strictly Confidential 3:48
4. Editions of You 3:51
5. In Every Dream Home a Heartache 5:29
6. The Bogus Man 9:20
7. Grey Lagoons 4:13
8. For Your Pleasure 6:51

Bryan Ferry – vocals, piano, Hohner Pianet, Mellotron, harmonica
Brian Eno – VCS3 synthesiser, backing vocals
Andy Mackay – oboe, saxophone, Farfisa electronic organ
Phil Manzanera – electric guitar
Paul Thompson – drums
&
John Porter – bass guitar


R comme...
RUSH "Moving Pictures" (1981)
Pictures of Victory

On pourrait éventuellement taxer Moving Pictures d'album darwinien tant il est le triomphe d'une adaptation à de nouvelles conditions, à une nouvelle période qui permit au plus grand groupe rock progressif canadien de tous les temps de survivre et, même !, de continuer de se développer. Ha ! Moving Pictures, c'est quelque chose !
Evidemment, Rush n'ont pas magiquement sorti cette nouvelle formule de leur chapeau, la mutation a commencé sur le précédent album, Permanent Waves, mais c'est bien ici qu'elle trouve son accomplissement. Concrètement, avec des compositions globalement plus courtes et plus concises (The Camera Eye et ses 11 minutes étant l'exception qui confirme la règle, une belle exception en plus), mises en valeur par une production et des arrangements modernisés, Rush parvient, ce qui n'était pas gagné d'avance, à s'adapter à une nouvelle décennie sans aucunement perdre une once de sa spécificité. De fait, dès l'authentique tube Tom Sawyer reconnaît-on le trio où la basse, les claviers et la voix si particulière de Geddy Lee, les guitares tranchantes d'Alex Lifeson et, évidemment, l'emballage rythmique technique et dynamique de Neil Peart continue d'être la force d'une formation soudée et cohérente toujours progressive, évidemment, mais n'hésitant pas à se remettre en question. Et c'est exactement ce que confirme la suite de l'album où les haut-faits s'accumulent à chaque nouvelle piste s'annonçant. Du coup, il est quasi-impossible de sortir une des belles chansons d'un lot sans la moindre baisse de forme, sans le moindre faux-pas. On citera tout de même l'instrumental YYZ qui, en substance, est le mètre étalon de tout le prog-metal qui le suivra jusqu'à aujourd'hui, rien que ça !
Galette exceptionnelle, une bonne habitude prise par Rush avec 2112 et non-encore démentie quand sort l'album sort (ça fait quand même 5 albums que ça dure !), adaptation intelligente et réussie à une nouvelle ère et à de nouveaux sons, Moving Pictures est un triomphe qu'on ne peut que recommander à tous les fans de rock progressif, en particulier à ceux qui imaginent les années 80 comme une période d'immense disette dans le genre, présomption que le 8ème album de Rush nie avec grâce et majesté.

1. Tom Sawyer 4:34
2. Red Barchetta 6:08
3. YYZ 4:24
4. Limelight 4:21
5. The Camera Eye 10:57
6. Witch Hunt (Part III of Fear) 4:44
7. Vital Signs 4:47

Geddy Lee - basses, bass pedals, synthesizers, vocals
Alex Lifeson - guitars, bass pedals
Neil Peart - drums, timbales, gong, bass drums, bells, glockenspiel, chimes, crotales, plywood
&
Hugh Syme - synthesizers (6)


R comme...
RUTS "The Crack" (1979)
Punk Masterpiece

Ruts est un groupe de rock britannique formé à Londres en 1976 sous l'influence des groupes punks et de la scène reggae. Le premier 45 tours du groupe est d'ailleurs sorti par Misty In Roots. Après quelques 45 tours et une implication importante dans les festivals « Rock Against Racism », le groupe sort un album culte en 1979: The Crack sous le label Virgin Records. Leurs morceaux les plus célèbres sont Jah War et Babylon's Burning, sortis en 1979. Le décès du chanteur Malcolm Owen le 14 juillet 1980, d'une overdose d'héroïne, mettra fin à la carrière du groupe, qui malgré un album posthume (singles, live) intitulé Grin & Bear It et un album principalement instrumental et dub sous le nom de RUTS DC, disparaîtra de la scène, non sans laisser son empreinte dans les musiques métissées qui se développeront dans les années 1980 (Bad Brains, Fishbone, par exemple).
Bon, ça c'est pour l'histoire parce que ça ne fait pas de mal, des fois, de rappeler de quoi on parle. En, ce qui me concerne, je n'échangerais pas "The Crack" contre toute la discographie des Clash ou des Damned, qui ne sont pas manchots pourtant... Car, enfin, en 1979 les Ruts avaient tout ! Des chansons à mélodies entêtantes, à grooves implacables, à riffs percutants, à métissage intelligent et naturel... Un bijou d'album dont chaque chanson (y compris les morceaux bonus de la version cd présentée ici) est un diamant resplendissant sur un improbable diadème de sueur et de sang.
Ben oui, de sueur et de sang, crénonvindiou ! On parle de punk rock et ça ne fait donc pas toujours dans la dentelle. Mais les Ruts ont cette particularité d'être des musiciens doués (sans excès) en plus d'être de furieux bestiaux ce qui est tout bénéfice pour l'auditeur.
Allez, je ne vais pas m'étendre, je vais simplement conclure en disant que, dans mon panthéon personnel de la chose punk (ceci incluant le hardcore), The Crack est une des plus belles pièces et, ramené à la vague punk qui déferla sur la Prude Albion à la fin des Septantes, probablement (un des si ce n'est) l'album le plus essentiel.

1. Babylon's Burning 2:35
2. Dope for Guns 2:11
3. S.U.S. 3:49
4. Something That I Said 3:53
5. You're Just A… 2:55
6. It Was Cold 6:48
7. Savage Circle 3:05
8. Jah War 6:55
9. Criminal Mind 1:34
10. Backbiter 3:02
11. Out of Order 1:50
12. Human Punk 4:34
Bonus
13. Give Youth a Chance 3:07
14. I Ain't Sofisticated 2:16
15. The Crack 5:49

Malcolm Owen - vocals
Paul Fox - guitar, organ
John "Segs" Jennings - bass guitar, piano on "Jah War"
Dave Ruffy - drums
Richard Mannah - backing vocals on "S.U.S" & "Criminal Mind"
Mick Glossop - synthesizer on "It Was Cold"
Gary Barnacle - saxophone
Luke Tunney - trumpet