mercredi 30 avril 2014

ProgWeek 3, La Grâce Elephantesque (+bonus !)

Beardfish "Mammoth" (2011)
ou "La Classe "Tradi""


     Dire le contraire serait nier l'évidence, le rock progressif est un genre largement ancré dans son propre passé où les contributions de jeunes formations valent surtout par la qualité de leurs compositions et la modernité éventuelle de leurs approches sonores. Sinon ? Le rock progressif est un genre largement ancré dans son passé (bis).
 
     Prenez Beardfish, formation suédoise auteure de sept long-jeux, et plus particulièrement, Mammoth, leur sixième, monument au revivalisme triomphant assumé et, précision utile puisque c'est loin de toujours être le cas, de bon goût. Hé bien ces petits gars ne se compliquent pas l'existence en tentant de tracer leur propre chemin, de réinventer la roue, ils recyclent à tout-va ce qui a fait ses preuves et conquis des hordes de chevelus "septantisants" amateurs de cigarettes qui font rire et d'anticipation artistique (parce que ça fait mieux que science-fiction) en rêvant de la fille trop belle qu'il ne serreront jamais dans leurs bras pales et malingres.  Bref, si l'audience n'est pas physiquement réjouissante (d'autant qu'elle est largement mâle, boutonneuse ou dégarnie, le choc des générations !), elle est fidèle et généreuse quand elle rencontre une formation de qualité, comme c'est le cas ici. Et Beardfish auraient d'autant plus tort de se priver qu'ils accomplissent leur tâche avec un allant et un enthousiasme qui fait plaisir à entendre, parce qu'ils aiment ce qu'ils font, ces gars-là, c'est évident, en plus de posséder un savoir-faire présentement jamais démenti.
     Pour les pattes de velours, vous repasserez mais pour ceux qui aiment leur prog' référencé, ludique comme un jeu de piste, haletant comme un bon thriller "blade-runnerisé" revu et corrigé à l'éclairage naturel, authentique d'un Barry Lyndon. On y croise donc, pêlemêle de vieilles connaissances : un petit coup de saxo qui rappelle Pink Floyd, une certaine idée de la lourdeur clairement héritée de King Crimson mais aussi de Black Sabbath, des orgues que Jon Lord n'aurait pas renié, des petits détours jazzés à la moustache de Frank Z, une emphase pas étrangère d'Emerson Lake & Palmer, une sympho-capacité qui rappelle fugitivement Procol Harum... Dans des chansons bien troussées et, évidemment, épiques qui on le bon goût de ne jamais se trop se vautrer les excès, l'indulgence instrumentale quasi-masturbatoire de certains de leur contemporains et aînés (Yes et ses Tales from Topographic Oceans, non mais, j'vous jure !). Pour tout dire, dès The Platform, pièce d'ouverture de l'opus et démonstration de heavy prog implacable de classe, jusqu'au délicat, accrocheur et complexe à la fois (la maison aime donner dans la composition à tiroirs) Without Saying Anything qui referme le bal, on est saisi par la capacité de Beardfish à rester totalement passéiste tout en appartenant indéniablement à ce millénaire.

     Sans doute pas révolutionnaire mais si parfaitement construit et exécuté que nul amateur de rock progressif de qualité ne peut passer à côté de Beardfish et de son poids lourd d'album, le bien nommé Mammoth.


1. The Platform 8:06
2. And The Stone Said: If I Could Speak 15:07
3. Tightrope 4:33
4. Green Waves 8:53
5. Outside / Inside 1:43
6. Akakabotu 5:41
7. Without Saying Anything 8:10


Rikard Sjöblom - vocals, keyboards
David Zackrisson - guitars
Robert Hansen - bass
Magnus Östgren - drums
&
Johan Holm - soprano & alto saxophones


Fish "A Feast of Conséquences" (2013)
ou "Retour pour un même t'aime"


     Un festin de conséquences, c'est un peu la vie de Fish, loser magnifique qui tutoya les étoiles du temps de Marillion et du début de sa carrière solitaire avant de s'enferrer dans des problèmes légaux, familiaux, physiques, vocaux et, évidemment financiers... N'en jetez plus la coupe est pleine !

     Pourtant, à décortiquer sa discographie depuis son départ de l'icone du néoprog, on se rend compte qu'il n'y a pas grand chose à jeter... Un Internal Exile qui voulait trop reproduire la performance d'un Vigil In A Wilderness Of Mirrors, première livraison du Poisson en solo, d'une exquise tenue, à l'impossible nul n'est tenu. Un Songs from the Mirror, album de reprise un peu faisandé. Un Suits trop surproduit (quoique le remaster rattrapait bien le coup). Un Fellini Days en berne (mais avec 2/3 excellentes chansons !). Assez peu en fait pour un artiste ayant depuis longtemps décidé d'assumer son indépendance totale (studio, label, etc.) avec les aléas et difficultés que ça sous-entend...
     2013. 6 ans après 13th Star, une excellente surprise ceci dit en passant, revoici Derek William Dick avec son 10ème album, A Feast of Consequences. Rien que ça, c'est une bonne nouvelle. Quand en plus on considère les 11 titres (ou 7 si on entend la suite The High Wood comme une seule chanson) et la qualité moyenne d'iceux, on chavire de bonheur.
     Côté line-up, pas de surprise. Robin Boult a remplacé Frank Usher, jeu de chaises musicales qui dure, qui dure..., le claviériste Foss Patterson, le batteur Gavin Griffiths, le bassiste, et directeur musical depuis 13th Star, Steve Vantsis et même le metteur-en-son Calum Malcolm ont été reconduits. C'est donc un Fish "comme un poisson dans l'eau" qu'on retrouve. Evidemment, à 55 ans, avec tous ses excès mais aussi l'usure d'avoir jadis chanté dans un registre dépassant sa tonalité naturelle, Fish n'a plus la voix du furieux leader qui, de 1982 à 1988, fit le boulot chez Marillion, la voix a changé, est descendue de quelques tons. C'est un fait acquis et, à vrai dire, une transition dans la durée qui s'est faite sans drame pour une destination finalement attrayante. Aussi, la qualité de mélodiste et de parolier de cet imposant géant (2m03), incapable de jouer de quelque instrument que ce soit, n'est pas ici démentie. Autre bonne nouvelle.

     Stylistiquement, Fish ne tente plus de défricher de nouveaux territoires, de se réinventer, il se contente de faire ce qu'il fait si bien depuis si longtemps : un progressif parfois celtisant et toujours rock où son talent de conteur/hâbleur fait merveille. Et donc A Feast of Consequences offre les habituels jalons des albums poissonneux avec, dès le lancement de l'opération un Perfume River, baobab de quelques 11 minutes au lent mais si efficient décollage qui rappellera à ceux qui ont suivi la carrière du grand écossais les heures glorieuses de Vigil in a Wilderness of Mirrors ou Sunsets on Empire, deux albums essentiels de son répertoire, ceci dit en passant. La suite ne démentira jamais le classicisme d'un opus que, nul doute, les mauvais-esprits démettront comme œuvre routinière quand elle est simplement confortable et, surtout !, redoutablement bien troussée. Et ce ne sont pas les rockers efficaces, mélodiques et bien sentis (All Loved Up, A Feast of Consequences), la jolie ballade acoustique (Blind to the Beautiful) qui viendront démentir ce bienheureux état de fait, pas plus que la suite The High Wood qui, 28 minutes durant, permet à Fish de nous entrainer du côté des fantômes et des horreurs de la première guerre mondiale mais, aussi, de rappeler que le rock progressif (au sens large chez le Poisson, toujours), et sa portée forcément théâtrale, ben oui, c'est encore son dada et qu'il l'assume (avec beaucoup plus de grâce et de tranquillité que ses anciens partenaires, d'ailleurs) pour un résultat ô combien satisfaisant. Deux autres morceaux s'ajoutent enfin pour un final en beauté (le bel introspectif The Other Side of Me et le progressif si typiquement Fishien The Great Unraveling) histoire d'enfoncer encore un peu plus le clou et de prouver, s'il en était encore besoin, que l'ex-Marillion n'a décidément rien perdu de sa superbe en 2013 ce qu'hélas trop peu de gens auront la chance de constater étant donné le peu de portée commerciale d'une carrière et d'un artiste qui méritaient définitivement mieux, plus.

     A Feast of Consequences ? 67 minutes de bonheur pour tous ceux qui apprécient leur prog' moderne mais pas trop, toujours mélodique, habité de paroles intelligentes et de ce petit supplément d'âme qui fait la différence.


1. Perfume River 10:58
2. All Loved Up 5:07
3. Blind to the Beautiful 5:12
4. A Feast of Consequences 4:29
The High Wood
5. [i] High Wood 5:26
6. [ii] Crucifix Corner 7:25
7. [iii] The Gathering 4:30
8. [iv] Thistle Alley 6:08
9. [v] The Leaving 4:59
10. The Other Side of Me 6:08
11. The Great Unraveling 6:31


Fish - vocals
Steve Vantsis - bass, synths & strings pads, programming, loops, treated electric guitar
Robin Boult - electric & acoustic guitar, guitar effects pad, drum loops
Foss Patterson - piano, organ, synth pads, backing vocals
Gavin Griffiths - drums, percussion
&
Elisabeth Troy Antwi - backing vocals
Adam O'Rourke - violin (3, 10)
John Sampson - trumpet (7)
Finlay Hetherington - flugelhorn (7)
Fiona Lund - Trombone (7)
Stuart Watson - Tuba (7)
Giosla Loboda - first violin (5, 9, 11)
Alina-Lin Merx-Jong - second violin (5, 9, 11)
Linda Slackhorst-Custers - viola (5, 9, 11)
Tanja Derwahl - cello (5, 9, 11)
Egbert Derix - string arrangements (5, 9, 11)
Calum Malcolm - Production

mardi 29 avril 2014

ProgWeek 2, Comme à la Grand-Messe

Godspeed You! Black Emperor "Allelujah! Don't Bend! Ascend!" (2012)
ou "Retour d'Affection"


     Revenu par la scène, le moins que l'on puisse dire c'est que le  collectif canadien GY!BE était attendu au tournant à l'occasion de son retour discoghique, la faute à quelques albums essentiels (Lift Your Skinny Fists Like Antennas to Heaven, leur avant dernier, particulièrement). La formule d'un post-rock orchestral largement basé sur d'ahurissants crescendos allait-elle être de nouveau reconduite et, surtout, si elle l'était, allait-elle autant convaincre qu'elle le fit par le passé ?
 
     D'un revers de main, on peut balayer ces mauvais doutes et annoncer joyeusement que GY!BE reste GY!BE, soit une machine massivement trippante, mais sait aussi explorer des pistes jusqu'alors inconnues de la formation. Evolution, pas révolution donc et un opus qui saura donc brosser le fan dans le sens du poil sans trop lui donner d'impressions de déjà-entendu. Clairement GY!BE est toujours un créateur d'ambiances hors-pair, il n'y a qu'à écouter le long crescendo de Mladic, ses volutes arabisantes (piste inédite dans l'arsenal du collectif) et son final tonitruant (manifestant même !, le fracas rythmique ayant été capté lors des manifestations ayant agité le Québec il n'y a pas si longtemps), ou We Drift Like Worried Fire, suite orchestrale d'une rare beauté pour guitares distordues, cordes est-européennes et basse presque dub, étonnant !, satisfaisant surtout pour qui aime se laisser aller à une transe musicale que, vraiment !, ces diables possèdent comme peu d'autres, en plus de cette capacité unique à ma connaissance dans le genre pratiqué de tout fracasser avec une émotion à fleur de peau et un sens musical jamais démenti. Evidemment, en comparaison, les deux pièces plus courtes, plus expérimentales aussi, pâlissent d'un pareil voisinage. Moins mélodiques, aussi, elles n'ont pas la portée émotionnelle de leur grandes sœurs mais demeurent, à défaut de mieux, de sympathiques expéditions en terres inconnues où l'auditeur peut être sûr que la surprise, qui ne plaira pas à tout le monde, est au coin de la note qui suit. Pour mineures qu'elle paraissent, elle sont aussi de bonnes respirations suivant chacune une pièce d'une rare intensité. Chill out, ce n'est que de la musique.

     Des retours dix ans après, qui sentent à priori l'opportunisme commercial mais qui s'avèrent, au final, de salutaires reprises d'activité, on n'en a pas si souvent, aussi faut-il célébrer comme il se doit le tour de force d'un collectif hors du commun enfin revenu à la vie, espérons pour longtemps et avec une nombreuse descendance à cet Allelujah! Don't Bend! Ascent! extrêmement réussi.


1. Mladic 20:00
2. Their Helicopters' Sing 6:30
3. We Drift Like Worried Fire 20:07
4. Strung Like Lights at Thee Printemps Erable 6:32


Thierry Amar – bass guitar, double bass, keyboards, recording and mixing on "Their Helicopters' Sing" and "Strung Like Lights at Thee Printemps Erable"
David Bryant – electric guitar, dulcimer, Portasound, kemençe, recording and mixing on "Their Helicopters' Sing" and "Strung Like Lights at Thee Printemps Erable", photography
Bruce Cawdron – drums, vibraphone, marimba, glockenspiel
Aidan Girt – drums
Karl Lemieux – 16mm frames artwork, photography
Efrim Menuck – electric guitar, hurdy gurdy, recording and mixing on "Their Helicopters' Sing" and "Strung Like Lights at Thee Printemps Erable", photography
Mike Moya – electric guitar, recording and mixing on "Their Helicopters' Sing" and "Strung Like Lights at Thee Printemps Erable"
Mauro Pezzente - bass guitar
Sophie Trudeau - violin, Casio SK-5

lundi 28 avril 2014

Devoir de Mémoire (15), ProgWeek 1

Roger Waters/Ron Geesin "Music from the Body" (1970)
ou "Body and Soul"


     Il y a une bonne raison pour laquelle cet album reste relativement méconnu plus de 40 ans après sa sortie : il est vraiment étrange.
 
     Et porte bien son titre utilisant des sons corporels (claquements, respirations, rires, murmures, éructations, etc) en plus d'instruments traditionnels comme outil de création acoustique. Ajoutez à ça des inflexions contemporaines (on entend beaucoup le violoncelle de Ron Geesin), quelques amusements divers et variés parce que ces messieurs ne manquent pas d'humour, de jolies folk songs susurrées et un final hippy happy et vous obtiendrez, finalement, quelque chose de pas si incohérent considérant les exactions floydiennes (d'Ummagumma à More en passant par Atom Heart MotherGeesin fait justement l'arrangeur, sur le morceau titre pas moins) de la même période. Parce que Roger Waters, comme son compagnon de l'occasion qui par contre ne démentira pas cette prédisposition, et comme ses camarades psychédéliques aussi, cherche de nouvelles voies en cassant les formats et les frontières, en prenant le risque de déplaire par le radicalisme de son approche. Cela fait-il un bon album ? Non, mais pas un mauvais non plus. Cela fait-il une œuvre intéressante aux nombreuses richesses (à peine) cachées ? Indéniablement, parce qu'il y a matière, entre une étrangeté contemporaine et une expérimentation avant-gardo-bruitiste, à se réjouir de piécettes absolument charmantes dont un Pink Floyd en mode "Age of Aquarius" sur le final Give Birth to a Smile.
     Et si vous vous demandiez, puisque c'est une bande-son, ce que cet étrange objet musical pouvait bien illustrer, il s'agit d'un film documentaire sur le corps humain, The Body, qui a bonne réputation qui plus est, et que cette réputation est méritée et donne encore plus de sens à sa soundtrack et à ses manipulations sonores.

     Au bout du compte, psychédélique dans son approche déroutante et trippante, progressif dans sa volonté de faire avancer le schmilblick, Music from the Body demeure une œuvre aussi improbable qu'attirante, et un complément pas inutile aux amateurs du Floyd le plus prospectif dont moult éléments sont présentement identifiables. Et puis, un album qui ne manque ni d'esprit, ni de corps; ça ne se refuse pas, n'est-ce pas ?


1. Our Song 1:24
2. Sea Shell and Stone 2:17
3. Red Stuff Writhe 1:11
4. A Gentle Breeze Blew Through Life 1:19
5. Lick Your Partners 0:35
6. Bridge Passage for Three Plastic Teeth 0:35
7. Chain of Life 3:59
8. The Womb Bit 2:06
9. Embryo Thought 0:39
10. March Past of the Embryos 1:08
11. More Than Seven Dwarfs in Penis-Land 2:03
12. Dance of the Red Corpuscles 2:04
13. Body Transport 3:16
14. Hand Dance — Full Evening Dress 1:01
15. Breathe 2:53
16. Old Folks Ascension 3:47
17. Bed-Time-Dream-Clime 2:02
18. Piddle in Perspex 0:57
19. Embryonic Womb-Walk 1:14
20. Mrs. Throat Goes Walking 2:05
21. Sea Shell and Soft Stone 2:05
22. Give Birth to a Smile 2:49


Roger Waters: Bass Guitar, Vocals, Guitar, Vocalizations
Ron Geesin: Guitar, Cello, Hammond Organ, Harmonium, Piano, Banjo, Mandolin, Various Stringed Instruments, Vocalizations
&
David Gilmour: Electric Guitar (On "Give Birth to a Smile")
Nick Mason: Drums (On "Give Birth to a Smile")
Richard Wright: Hammond Organ (On "Give Birth to a Smile")

dimanche 27 avril 2014

France Dimanche (4)

Nicolas Repac "La Vile" (1997)
ou "Chanson Industrielle"


     Tout premier album solitaire du sideman préféré d'Arthur H, La Vile voit Nicolas Repac, guitariste et chanteur mais tellement plus encore, se tracer un improbable chemin...
 
     Parce que la collision de la chanson rock et du rock industriel n'était pas vraiment un pari gagné d'avance. Un peu de Gainsbourg épicé au Nine Inch Nails ? Y a de quoi avoir peur, avouez.
     De Gainsbourg, Repac retient un chant presque pas chanté mais surtout un goût des mots avec lesquels il joue avec une audible délectation si un maniérisme un peu systématique et parfois maladroit (comparé à son modèle), mais finalement charmant et tellement au-dessus de la mêlée qu'on aurait mauvaise grâce à faire la fine bouche.
     De Nine Inch Nails, Repac reprend (ou cousine) un art de texturer la musique d'électricité et d'électronique, de concasser les sons jusqu'à les rendre méconnaissables et pourtant étrangement organiques, on notera aussi ce qui le différencie fondamentalement de la formation de Trent Reznor à savoir que musicalement, c'est tout de même nettement moins agressif, et beaucoup plus musical empruntant à de nombreux folklores sans en avoir jamais vraiment l'air, signe indéniable d'un vrai beau talent d'arrangeur et d'explorateur musical débridé. D'ailleurs, ce goût des mariages improbables se retrouvera dans ses deux excellents opus pour No Format, Swing Swing et Black Box mais déjà, ici, on pouvait entrevoir le potentiel d'assembleur malin même si le contexte est éminemment différent. On y retrouve même la source africaine (via l'usage du balafon ou du sanza) mais aussi des approches rythmiques tribales qui lui seront si utiles dans sa double collaboration avec Mamani Keita.
     Parce que c'est de chansons dont il s'agit ici, de bonnes chansons. Où la voix souffreteuse de Repac fait merveille, des chansons sales, urbaines, souvent désespérées, hantées. Clairement, il n'y a pas beaucoup de lumière dans ce brouet inhabituel et attirant non dénuée d'une certaine sensualité trip-hoppante. Globalement, la collection est très belle et forme un tout quasi-indissociable dont on ne retirerait rien si tout n'y est pas d'une égale réussite mais où les grands hauts (le ludique Madame Desastre, la beauté ambient blues de Le Ciel Aigri, le talking jazz indus de Le Fric, le tribalisme délicat et discret de Prier, etc.) compensent largement les petits bas (le passage difficile de deux titres mélodiquement mineurs que sont Le Moribond et Bordel à Queue avant le redémarrage gothique du Grand Corbeau Noir en final réussi). 
 
     Après un si beau succès, artistique parce que commercialement..., il fallut attendre 10 ans pour retrouver Repac chanteur sur le recommandé La Grande Roue. C'est long mais, évidemment, moult autres projets occupèrent le lascar dans l'intervalle. Et depuis ? Plus rien et c'est bien dommage parce que Repac compositeur et interprète de ses propres chansons est presque aussi savoureux que Repac monteur sonore de génie ou Repac accompagnateur et co-créateur de grande classe (voir L'Or Noir avec Arthur H). La Vile est, vous l'aurez compris, un album qu'il est chaudement conseillé d'écouter... Si vous parvenez à mettre la main (l'oreille) dessus !


1. Madame Desastre 4:30
2. Ego 5:02
3. Dans Le Ghetto 3:39
4. Le Ciel Aigri 4:48
5. Le Fric 4:34
6. Metropolis 5:22
7. La Vile 4:48
8. Prier 3:53
9. Le Moribond 4:10
10. Bordel à Queue 3:34
11. Le Grand Corbeau Noir 3:34


Nicolas Repac - voix, guitares, flûte, balafon, sanza, programmation, samples, arrangements
Pierre Fruchard - guitares, illustrations, arrangements
Laurent Robin - batterie
David Coulter - violon, mandoline, didjeridoo
&
Najette - prières (8)
Stéphane Hervé - samples additionnels, prières (8), photos, coproduction artistique
Philippe Teissier du Cros - zen cymbales (11), production, enregistrement, mixage
Pierre Guinot - samples additionnels

samedi 26 avril 2014

Hommage à Francis B., Grand Africain

Francis Bebey "La Belle Epoque" (2011)
ou "Bebey don't you leave"


     Alors qu'il est disparu en 2001, il fallut attendre 2011 pour qu'enfin voit jour, en quatre rondelles argentées contenues dans un petit boîtier cartonné dûment supplémenté d'un livret dont sa fille est l'auteure, une anthologie du chanteur, compositeur et interprète camerounais Francis Bebey, un homme régulièrement taxé de Brassens africain ce qui fait sens si l'on considère son "revendicalisme" souvent rigolard et distancié, moins en prenant en compte un aventurisme musical que le natif de Sète n'a jamais même caressé.
     Pour l'occasion, parce qu'il est si bien fait que je ne tenterai pas de m'y risquer, un très joli article paru sur le site de RFI à l'occasion de la sortie dudit coffret, La Belle Epoque:


FRANCIS BEBEY, l'aîné des africains
 
     Le chanteur, multi-instrumentiste et agitateur culturel camerounais Francis Bebey a disparu il y a tout juste dix ans. RFI musique revient sur le parcours de cet artiste exceptionnel.

     Francis Bebey était un poète. Chanteur, compositeur, romancier, multi-instrumentiste, conteur, il avait des douceurs de vieux sage et des rêves de jeune homme, des élans émerveillés et des accès de réalisme dru. Il était le poète de la flûte pygmée chargée de mystères sylvestres et de senteurs nocturnes. Il était aussi poète de la sanza (le lamellophone de métal de l'Afrique noire) et de la guitare, avec dans son jeu du Baden Powell comme du Narciso Yepes, des usages qui évoquent le balafon comme de belles brusqueries rythmiques. Il chantait de légers sanglots, des nostalgies, des rires, des tendresses, des solitudes que la malice parfois allume, complice et attendrissante.

     Né au Cameroun en 1929, il est le fils d'un pasteur baptiste qui joue à l’harmonium ou à l’accordéon des cantiques de Bach et de Haendel. Enfant d’un village à la périphérie de Douala, il est fasciné par un voisin qui, "la nuit, jouait d'instruments dont on disait qu'ils appelaient le diable, nous avait-il raconté. Alors il ne fallait pas écouter cet homme-là. Mais notre case était juste de l'autre côté de la rue. Comme il jouait tard la nuit et que les cases étaient ouvertes à tous les vents, je profitais du sommeil de mes parents pour aller l’écouter. Si je me faisais prendre, j’avais droit à une raclée, évidemment." Il découvre avec cet homme la sanza ou l’arc à bouche, instruments simples mais aux possibilités infinies.

     "Je ne voulais pas devenir ingénieur, professeur ou médecin, mais je voulais être musicien. Or ce n'était pas perçu comme un métier. Beaucoup de gens faisaient de la musique et ce n’était le métier de personne. J'ai donc fait des études d'anglais pour devenir professeur. Et je me suis rendu compte que, puisque je n'avais jamais aimé l'école, je ne pourrais jamais être un bon professeur." Il fait mille détours : il étudie le journalisme et les métiers de la radio aux États-Unis, participe à la création d’une radio au Ghana (où on lui fait comprendre que l’on n’a pas besoin de journalistes trop libres), revient à Paris où il travaille à la Sorafom (Société de radiodiffusion de la France d’outre-mer, qui deviendra plus tard RFI) avant d’entrer à l’Unesco où il forme des cadres et des techniciens pour les radios de pays du Tiers Monde et dirige une collection de disques de musiques traditionnelles. En même temps, il écrit des romans, des essais sur la musique africaine et, "dès que je trouvais trois sous et un studio, même dans des conditions techniques difficiles, je faisais un disque".

     Las de se battre contre la bureaucratie et l’inertie, avide de musique et de création, il quitte l’Unesco en 1974 pour se consacrer à plein temps à sa carrière de chanteur. Alors que, partout sur le continent africain et dans les diasporas installées en Europe, on se livre à la course aux armements dans l’instrumentation électrique et l’ampleur de l’effectif des orchestres, Francis Bebey aime les instruments simples et les enregistrements acoustiques. Il se passionne pour la flûte pygmée à une note alors que la plupart de ses pairs, au même moment, s’engouent des claviers électroniques.

     Il est d'une étonnante prolixité, enregistrant au total plus d’une trentaine d’albums, qui lui apportent quelques très visibles succès sur le marché français et francophone comme Agatha ou La Condition masculine. Mais, à l’aube du nouveau millénaire, il compose aussi pour le Kronos Quartet ou écrit une pièce pour violoncelle et sanza sur une commande de la violoncelliste française Sonia Wieder-Atherton. Ce faisant, il refuse de se poser en porte-drapeau du Cameroun ou de l’Afrique. Il nous avait ainsi confié, à la sortie de son remarquable album Lambaréné-Schweitzer, en 1993 : "Chez quelques-uns, je suis énervé par l’appropriation de musiques non africaines que l’on fait passer pour africaine. Qu'on ait l'humilité de dire 'c'est ma musique à moi', et non 'c’est de la musique africaine', uniquement parce qu’elle est jouée par un Africain. Les Africains d'aujourd'hui ne sont pas ceux d'il y a cinq cents ans. Ils sont des hybrides, qu'ils le veuillent ou non. Je fais depuis des années une musique africaine qui n'est pas forcément celle que le commerce a retenue et qui cependant me représente le plus fidèlement possible – un homme né dans une ville, et qui a ses racines dans des villages d'Afrique."

Reconnu par ses cadets comme un pionnier, siégeant au Haut conseil de la francophonie, aussi souvent invité par des universités que par des festivals de world music, Francis Bebey ne cachait pas que ses chansons devaient parfois autant à Georges Brassens ou à la musique classique européenne qu’à ses racines africaines. En ce sens, il avait été un des premiers à définir une voie médiane entre l’assimilation culturelle et la référence à une sorte d’absolu identitaire africain. La musique née de ce chemin singulier est charmeuse, émouvante, diverse, souriante. Et elle reste une des plus singulières qui ait éclos depuis les décolonisations africaines.

 
Et donc, sur la très belle anthologie, vous retrouverez :
 
Disque 1
1. Je vous aime zaime zaime 2:51
2. Easter 6:13
3. Kinshasa 3:21
4. Femme noire 13:06
5. E tit bu 3:41
6. Cries from the South 4:34
7. Cousin Assini 2:24
8. Ndolo 2:56
9. Black tears 8:34
10. Immigration amoureuse 4:11
11. Kitibanga 4:17

Disque 2
1. Idiba 3:24
2. Les poèmes égarés 2:54
3. La condition masculine 3:27
4. Malea 4:57
5. Ganvié 4:00
6. Mon amour pour toi 3:44
7. Tumu Pakara 4:48
8. La boîte magique 3:45
9. Roméo na Julietta 5:26
10. Tinanga 4:17
11. Crocodile crocodile crocodile 4:06
12. Sahel 5:17

Disque 3
1. Cameroun bikoutsi 4;25
2. Madona Verona 4:08
3. Danse des criquets pèlerins 7:20
4. Lettre à ma bien-aimée 3:26
5. Altona 1:58
6. Douala o mulema 3:40
7. Si les gaulois avaient su 3:37
8. Je pars maria 3:27
9. News Time 2:58
10. On les aime bien 3:20
11. Soufflés 4:58
12. Ave Maria Today 8:16

Disque 4
1. Moon's Smile 4:08
2. O bia 3:34
3. Bahia Congo 5:13
4. Agatha 4:16
5. Le chant d'Ibadan 8:41
6. Motema 3:14
7. Rwanda 5:12
8. L'amour malade petit-français 3:14
9. Stabat mater dolorosa 4:13
10. Pygmy divorce 5:35

vendredi 25 avril 2014

Pour le plaisir... Zornons !

John Zorn/Masada String Trio "50th Birthday Celebration Vol. 1" (2004)
ou "Happy Birthday, Beautiful Music"


     A tout seigneur tout honneur, c'est à son String Trio chéri, indubitablement l'une des plus belles réussites de la galaxie Masada qui n'en manque pourtant pas, que revient l'honneur et l'avantage d'ouvrir la série commémorative des captations des concerts donnés, en 2003, en célébration du demi-siècle de celui qu'on peut, sans prendre trop de risque de se tromper, considérer comme le plus prolifique compositeur d'au moins ces 20 dernières années : John Zorn.
 
     C'est aussi une bonne manière de fêter une tranche non négligeable du "body of work" zornien au travers d'une formation capable d'en saisir et de coller à toutes ses nuances. Parce que, force est de le constater, le Masada String Trio fait un peu figure de mètre étalon de la série avec sa capacité à enjôler sur les figures klezmer, à hérisser dans les saillies contemporaines et même, oui ! sans batterie, à swinguer quand le jazz prend le pas. Il faut dire que le trio, déjà à l'époque extrêmement expérimenté dans l'exercice et, donc, développant des automatismes, un instinct qui ne vient qu'aux musiciens se connaissant par cœur, permet à l'ensemble de couler de source. Il faut dire, aussi, que le matériau proposé à ces trois instrumentistes d'exception est de très haute qualité. Globalement puisé à la dive source d'Acoustic Masada (le quatuor jazz "classique" de Zorn qui lança la série et où figure d'ailleurs le contrebassiste Greg Cohen), c'est une assurance tous risques de qualité. Et une captation parfaite, claire et précise, permettant de jouir des performances solistes de très haut vol de chaque musicien mais, surtout !, l'osmose de leur jeu en trio.

     Pas besoin d'en dire plus. Comme les autres opus du Masada String Trio, de leur disque de Circle Maker (double partagé avec une autre très belle formation, Bar Kokhba) aux deux Book of Angels, ce premier volume de la célébration des cinquante ans de leur "patron" est une fête pour qui aime le jazz de chambre contemporain klezmerisé. Et même les autres, en fait !


1. Tahah 7:53
2. Abidan 5:25
3. Lachish 3:30
4. Sippur 3:27
5. Malkut 5:03
6. Meholalot 6:30
7. Kedushah 8:32
8. Ner Tamid 3:37
9. Karet 4:13
10. Moshav 8:08
11. Khebar 6:50


Greg Cohen - basse
Mark Feldman - violon
Erik Friedlander - violoncelle


Mieux que quelques extraits, une captation du Masada String Trio à Varsovie en 1999:
Rien que pour l'intro de Zorn virant les photographes vaut le détour !

jeudi 24 avril 2014

Les Immanquables (6/7): le Roi du Rock est un Cowboy Etanche !

Jeudi Gras, deux immanquables pour même pas le prix d'un ! Elle est pas belle la vie ?
1.
Elvis Presley "Elvis Presley" (1954-56/2005)
ou "Pelvis Premier"


     On dira ce qu'on voudra d'Elvis Presley et de son parcours, du jeune plouc du sud au déhanchement révolutionnaire à la grassouillette caricature de Las Vegas, le mec avait une Voix et un style qui devaient l'inscrire dans la légende.

     Particulièrement sur ce premier long-jeu, compilation de trois sessions d'enregistrements, une pour Sun Records plutôt axée country & ballads, deux pour RCA comprenant quelques reprises bien senties de tubes de rythm'n'blues, marquant la volonté de son nouvel employeur, qui vient de racheter son contrat à prix d'or, de dynamiser le répertoire du pas encore King dont le potentiel est cependant pressenti par un Steve Sholes, découvreur émérite de pépites encore mal dégrossies ayant d'ailleurs également déniché le légendaire Chet Atkins, justement présent sur quelques pistes ici.
      Musicalement, pas besoin de faire l'article, chacun connaît cette mixture de rythm'n'blues, de country/folk et d'énergie juvénile passée à la postérité sous le nom de Rock and Roll. Il faut, cependant, souligner l'incroyable nombre de titres passés depuis à la postérité parce que, c'est évident, leur lancement présentement les inscrit dans les annales. Forcément, son allure, dans une Amérique blanche et anglo-saxonne encore largement coincée dans un mode patriarcal triomphant, d'un jeune blanc de basse extraction ayant pas mal biberonné du côté de peaux plus sombres a son petit (euphémisme Inside) effet. Diable !, un "cadre Elvis" sera même imposé pour ses passages télévisés, évitant soigneusement d'afficher ce déhanché affolant les demoiselles et outrageant les bien-pensants. Parce qu'Elvis est indéniablement plus qu'un musicien, en tant qu'étincelle de l'explosion de la jeunesse américaine c'est même un phénomène de société dont on débat, sur lequel les plus violents désaccords se font jour, partie immergée d'un iceberg de changements qui secouera le navire aux cinquante états dans les deux décennies suivantes. Important, quoi.
 
     Dûment remasterisée et bonussée, mais pas l'ordre chronologique qui aurait vu Heartbreak Hotel et I Was the One (premier single du King pour RCA) ouvrir la tracklist comme sur le pressage de 1999, la présente édition de 2005 suffira largement au bonheur de l'amateur point trop hardcore de l'idole de Memphis. Il est cependant à noter que d'autres ont depuis vu le jour et été plus richement dotées que la présente : une de 2006 avec quelques outtakes et une de 2011 (Legacy Edition) ne comptant pas moins 36 pistes, toutes finies. Mais donc, essentiellement, en objet de culte obligatoire à toute collection d'amateur de rock se respectant, celle-ci fera l'affaire démontrant que l'Elvis jeune était décidément une vraie bête de musique en plus d'un beau gosse à la voix d'or sachant bouger son corps. Immanquable, quoi.


1. Blue Suede Shoes (January 30, 1956) 2:00
2. I'm Counting On You (January 11, 1956) 2:25
3. I Got a Woman (January 10, 1956) 2:25
4. One-Sided Love Affair (January 30, 1956) 2:11
5. I Love You Because (July 5, 1954) 2:43
6. Just Because (September 10, 1954) 2:34
7. Tutti Frutti (January 31, 1956) 1:59
8. Tryin' to Get to You( (July 11, 1955) 2:31
9. I'm Gonna Sit Right Down and Cry (Over You) (January 31, 1956) 2:01
10. I'll Never Let You Go (Little Darlin') (September 10, 1954) 2:24
11. Blue Moon (August 19, 1954) 2:40
12. Money Honey (January 10, 1956) 2:36
Bonus tracks
13. Heartbreak Hotel (January 10, 1956) 2:08
14. I Was the One (January 11, 1956) 2:34
15. Lawdy Miss Clawdy (1956) 2:08
16. Shake, Rattle & Roll (1955) 2:37
17. My Baby Left Me (April 14, 1956) 2:12
18. I Want You, I Need You, I Love You (April 14, 1956) 2:40
(si vous ne connaissez pas, vous devriez, pas d'extrait donc !)


Elvis Presley – vocals, acoustic guitar, piano
Scotty Moore – electric guitar
Chet Atkins – acoustic guitar on January 10–11 (except I Got a Woman )
Floyd Cramer – piano on January 10–11
Shorty Long – piano on January 30–31
Bill Black – bass
D. J. Fontana – drums
Johnny Bernero – drums (on Trying to Get to You)
Gordon Stoker – backing vocals
Ben Speer – backing vocals
Brock Speer – backing vocals


2.
Les Cowboys Etanches "Dur Caillou" (2014)
ou "Avoir un bon copain"


     En 2014, les Cowboys Etanches, groupuscule implanté dans une campagne française indéterminée (la DGSE est à leur recherche, aidez-la !), se rêvent en Led Zeppelin camembert. Bon, c'est pas aussi simple que ça mais ça résume bien.

     Ben quoi ? Avec un titre comme Dur Caillou vous vous attendiez à quoi ? De la dentelle de Calais ?! Parce que ça dépote dès l'instru stoner d'intro, Valbert's Grave, un genre de boléro à la sauce chili/diesel. La suite est à l'avenant d'un bon rock pour highway (Complainte du Rotary en Alaska, ce titre !) rappelant Blue Oyster Cult, un genre de Black Sabbath ivre mort (Je bois du noir), un escalier pour les cieux revu et corrigé à la sauce Palaprat (le voyageur céleste), une relecture de Rammstein (ou du Capdevielle industrialisé ?) convaincante (Cafard dans la cave), avant de revenir vers le dirigeable (Je m'emmerde, Un petit Tour en Ballon), en passant par un détour du côté du rock alternatif hexagonal des années 80 (J'attendais une Fille devant la FNAC à Strasbourg), c'est du lourd, du bien foutu avec des textes un peu noyés hélas qu'on aurait bien voulu une extension livret pour les déguster plus aisément. Mais ça colle au genre, la voix bien dans le mix, à l'anglo-saxonne. On en vient même à caresser l'espoir de tenir là un album majeur du cru mais, d'une, il est vraiment trop court (même pas 35 minutes, I WANT MORE !), de deux, l'affreux Cowboy Etanche en chef en a réservé l'exclusivité à un blog ami mais néanmoins concurrent, et de trois, que Dur Caillou a été produit au fond d'une cave (à vin ?) et que ça s'entend, et que ça se sent parfois, aussi ! ;-)
     Blague à part, on entend, souvent, trop souvent !, moult albums dits professionnels qui feraient bien de prendre de la graine de l'enthousiasme et du savoir faire d'amateurs (ce qui veut dire de gens qui auraient potentiellement pu devenir professionnels si la providence avait été de leur côté) tel que ce diable de Jeepeedee, et non, on ne citera pas de nom parce que ça serait trop long et leur faire trop d'honneur.

     Amitié bloguistique mise à part, on tient là un fier exemple que du terreau français continuent de germer d'improbables jolies fleurs, tout un bouquet, en l'occurrence qui n'a pas même à rougir de son voisinage prestigieux, c'est dire ! Hourra aux Cowboys Etanches et vivement la suite !


1. Valbert's Grave 4:08
2. Complainte du Rotary en Alaska 3:49
3. Je bois du noir 4:22
4. Le voyageur céleste 5:52
5. Cafard dans la cave 4:08
6. Je m'emmerde 4:31
7. J'attendais une fille devant la FNAC à Strasbourg 3:21
8. Un petit tour en ballon 4:30
(il te faut tout, ami qui passe par là, donc pas d'extrait !)


Les musiciens de cette œuvre bientôt intersidéralement reconnue
ont préféré garder l'anonymat. Pas qu'ils aient honte de leur
participation, simplement qu'ils ne voulaient pas faire d'ombre
au compositeur avec leurs impressionnants pédigrées.

mercredi 23 avril 2014

Family values

Güngör "I Am Mountain" (2013)
ou "L'ouverture"


     On ne va pas se mentir, 99% de la scène musicale chrétienne américaine est d'une énorme nullité, de ses groupes de "metal" à côté de la plaque et généralement limité à un metalcore de toute manière passé de mode à un rock alternatif post-grunge à faire passer Stone Sour ou Nickelback pour les héritiers du savoir-faire le plus sophistiqué, c'est dire ! A croire qu'un chrétien qui fait de la musique "à (son) message" doive forcément tomber dans toutes les chausse-trappes du mauvais goût et dans le recyclage systématique d'icelui, qui plus est. Mais il y a des exceptions, des formations qui, sans une étude particulièrement rapprochée de leur contenu textuel, pourraient passer pour autre chose que des zélotes tellement préoccupés par l'amour de Jesus qu'ils en oublient que, fondamentalement, c'est de musique dont il s'agit...
 
     Et donc, la bonne nouvelle avec Güngör, collectif mené par le couple Michael et Lisa Gungor, c'est que le prêchi-prêcha, relativement plus discret que chez pas mal de leurs condisciples, n'occulte pas les aspirations musicales réussies.
     En l'occurrence, avec un opus nettement plus expérimental que leur précédente production (deux albums et un live) sans en devenir inabordable, Güngör poursuit son évolution autour d'un post-rock poppisé de belle facture. Indéniablement, le groupe est influencé par Sigur Ros mais sait ne pas cloner son modèle trouvant sa propre voix et voie dans une expression plus terrienne et américaine, Güngor ne refusant pas quelques emprunts à la folk et country de son pays, du même matériau de base. Force est de constater que, débarrassé des lourdeurs religieuses qui empesaient leur musique de relents difficilement supportables au laïque hexagonal de base, on marche facilement dans la combine parce que d'un I Am Mountain joliment troussé au crescendo salvateur, d'un Beat of Her Heart aux accroches flamencas et americanas, d'un Wandering en jazz processionnel électronique, d'un God and Country western et nerveux, d'un interlude ambient et habité (Hither and Yon) bien enchainé sur une ballade introspective en progression (Yesternite), c'est à de la musique recherchée et mélodique fonctionnant parfaitement à laquelle nous avons affaire. Le cocktail marche moins quand le parti-pris semble glisser vers des préoccupations dansantes que le groupe maîtrise moins, sonnant parfois presque comme un mauvais boys band autotuné (l'affreux Let It Go, par exemple), ce qui n'arrive heureusement que peu souvent sur un album globalement plutôt très réussi.

     Avec I Am Mountain et en s'affranchissant apparemment de son lien clérical et misant sur l'ouverture, tant musicale que d'esprit, Güngör réussit son plus bel album. Pourvu que ça dure !


1. I Am Mountain 4:08
2. Beat of Her Heart 4:18
3. Long Way Off 4:37
4. Wandering 3:58
5. Let It Go 3:39
6. Wayward and Torn 2:03
7. God and Country 4:23
8. Hither and Yon 1:58
9. Yesternite 3:58
10. The Best Part 3:50
11. Finally 5:01
12. Upside Down 8:01


Michael Gungor - vocals, guitar, bass, banjo, mandolin, keys, percussion, programming
Lisa Gungor - vocals, keys, synth, percussion
John Arndt - piano, keys, synth, wurlitzer, organ, percussion
Robert Gungor - synth, keys, piano
Aaron Sterling - drums, percussion
Terence Clark - percussion, bgv
Chad Copelin - bass, synth bass, programming
David Gungor - bass
Cara Fox - cello, gang vocals
Isaac Roman - violin, gang vocals
Michael Rossback, Chara Bultman - gang vocals

mardi 22 avril 2014

Super Groupe !

Mike Bloomfield, Al Kooper, Steve Stills "Super Session" (1968)
ou "Trio d'As"


     Quand Mike Bloomfield (Paul Butterfield, Electric Flag), Al Kooper (comme Bloomfield, un des artificiers du passage à l'électricité de Bob Dylan) et Stephen "Steve" Stills (Buffalo Springfield, évidemment futur Crosby, Still, Nash & Young) se rencontrent (enfin, presque) pour faire de la musique ça donne ? De l'excellente musique, bien sûr !
 
     Du coup on se dit que le nom de Super Session, qui franchement fait un peu "vente forcée", n'est en fait qu'un juste avertissement du festival qui attend l'auditeur. Parce qu'une super session, c'en est indéniablement une, avec trois fines lames encore pleines de la sève de leur jeunesse mais avec déjà suffisamment d'expérience pour savoir exactement ce qu'ils font et où ils souhaitent aller ou, du moins, en donne l'impression par leur incroyable sens de leur musique, instinctif ou pas. Parce qu'il faut de l'instinct, en plus de l'évident talent, pour boucler pareil tour de force en neuf petites heures (!).
     Musicalement, c'est, en résumé, de blues électrique dont il s'agit, un genre qui doit beaucoup à quelques jeunes agités britanniques mais prend, ici comme dans quelques albums contemporains, un tout autre essor. Si c'est Kooper qui est à l'origine du projet et semble souvent tenir la baraque, la véritable star de la captation est indéniablement un Bloomfield jouant d'égal à égal avec les plus fines galettes de son temps (Hendrix en particulier), aisément reconnaissable et éblouissant du début à la fin de sa face, la première et, bonheur d'une réédition pour le coup brillamment bonussée, sur 3 titres supplémentaires pour encore plus de plaisir. Du coup, la performance de Stills, qui est de belle qualité à n'en pas douter, parait quelque peu pâlotte comparée à celle de son devancier. Il faut dire aussi que Stills débarqua en catastrophe, remplaçant dans un genre qui n'est pas sa prédilection et au pied levé un Bloomfield incapable de compléter la session pour des raisons de santé selon la version officielle. Bref, le style de Stills, plus aérien, plus ensoleillé, tranche forcément avec le bouillonnement parfois presque (free) jazz de Bloomfield (His Holy Modal Majesty et ses influences coltraniennes), l'album y gagne en variété ce qu'il y perd, obligatoire revers de la médaille, en concision... Mais pas en qualité, elle est bien là, de la première à la dernière note de ce "jammy" festin bleu et feu.

     Plus de 45 ans après sa sortie, sans doute plus assez célébrée qu'elle le mériterait, la Super Session de Mike Bloomfield, Al Kooper et Stephen Stills demeure, en plus d'une étape essentielle dans le développement de la "pop" musique, un œuvre blues essentielle à tout amateur du genre.


1. Albert's Shuffle 6:54
2. Stop 4:23
3. Man's Temptation 3:24
4. His Holy Modal Majesty 9:16
5. Really 5:30
6. It Takes A Lot to Laugh, It Takes A Train to Cry 3:30
7. Season of the Witch 11:07
8. You Don't Love Me 4:11
9. Harvey's Tune 2:07
Bonus tracks
10. Albert's Shuffle (remix without horns) 6:58
11. Season of the Witch (remix without horns) 11:07
12. Blues for Nothing (outtake) 4:15
13. Fat Grey Cloud (in concert at the Fillmore West) 4:38


Al Kooper — vocals, piano, organ, ondioline, electric guitar, twelve-string guitar
Mike Bloomfield — guitars on side one, reissue tracks 10, 12, 13
Stephen Stills — guitars on side two, reissue track 11
Barry Goldberg — electric piano on "Albert's Shuffle" and "Stop"
Harvey Brooks — bass
Eddie Hoh — drums, percussion
autres musiciens (cuivres) inconnus.

lundi 21 avril 2014

Devoir de mémoire (14)


Jonas Hellborg with Glen Velez "Ars Moriende" (1994)
ou "Un monde à 2"


     Dire que ces trois pièces du fusionneux bassiste suédois et de son comparse percussionniste ethno-latino du jour relève de la grâce dans l'austérité tient du doux euphémisme. L'épure, de fait, sert à merveille un album qui, pour n'être que peu démonstratif, sait offrir les tréfonds de son âme.

     Mais clairement une question s'impose à moi. Est-ce l'influence de son mentor Mahavishnien, le zen Sir McLaughlin ou un goût tout personnel pour l'expérimentation (déjà perçu sur The Word disponible sur ce blog même) des formules et des sons qui amène une star montante du jazz-fusion à s'impliquer dans pareil projet ? Sans doute un peu des deux considérant que les hasards cosmiques qui ont jalonné son parcours sont autant de signes du destin et de rencontres d'âmes compatibles.
     Ne fuyez pas à ce déballage de charabia niaiso-newageux ! Cet album se déguste aussi quand on a la profondeur spirituelle d'une moule bretonne accrochée à son rocher mazouteux. Et si l'ensemble de l'ambiance penche ici vers le franchement méditatif, celui qui sait prêter l'oreille découvrira d'insoupçonnés méandres et d'audibles délicatesses.

     Bref ! Ars Moriende est un diable d'album ! Unique en son genre, puissant dans sa prétendue tranquillité, et, surtout, une pièce de plus au convaincant tableau d'un artiste qui n'a pas fini de nous surprendre tant par les choix artistiques auxquels il souscrit que par le choix, parfois improbable mais toujours judicieux, de ses petits partenaires de jeu.


1. Ritual Love-Death 32:41
2. Stars Of The Morning Sky 8:29
3. Regicide 23:13


Jonas Hellborg - acoustic bass
Glen Velez - percussion, vocals

Un album dont vous voudriez que les gens se souviennent ? N'hésitez pas à la partager (avec un petit texte d'accompagnement si possible), je me ferai un plaisir de le poster.
zornophage[at]gmail[dot]com

.Recyclé de l'Année du Dragon.

dimanche 20 avril 2014

France Dimanche (3)

Jean-Louis Murat "Parfum d'Acacia au Jardin" (2004)
ou "Jean-Louis en toute intimité"

     Quelque part entre le massif et excellent Lilith et le petit, précieux, pop et recommandé aussi A Bird on a Poire (collaboration avec son bassiste également membre d'AS Dragon, Fred Jimenez compositeur, et la vocaliste d'Elysian Fields, Jennifer Charles), Jean-Louis Murat réunit une petite équipe habituelle et joue, live en studio le 3 décembre 2003, quelques compositions inédites de son cru sous l'œil du réalisateur Don Kent.
 
     Quant on le questionne à l'époque sur sa frénésie d'enregistrement, seulement six mois s'étant écoulés depuis son précédent opus et le suivant étant déjà annoncé, Jean-Louis Murat répond qu'il ne fait que son métier qui se trouve être aussi, surtout !, sa passion. De fait, on entend la passion du musicien dans ces interprétations brutes de décoffrages d'un projet vite bouclé puisque n'ayant pas, non plus, nécessité un énorme travail de répétition.
     A l'instinct, cette équipe se trouve bien parce qu'elle se connaît parfaitement, et ce n'est pas l'addition d'une petite nouvelle, Camille qui a fait la carrière que l'on sait depuis mais n'avait alors qu'un album à son actif, qui viendra troubler cet état de fait, instinctive justement, la demoiselle s'intègre sans soucis et apporte même clairement sa pierre à un édifice de (fausse ?) simplicité qu'on qualifiera de chanson rock (base rock mais avec les paroles et la voix...) avec un Murat de plus en plus éloigné de son image de dandy désespéré un peu trop bellâtre pour être honnête, de plus en plus proche de  quelques grands anciens dont on sait depuis longtemps qu'ils font partie de son panthéon musical (Springsteen ou Neil Young). C'est le meilleur Murat justement, ça tombe bien !
     A l'image de la musique, le filmage choisi par Kent ne déploie pas d'effets de manche excessifs et se contente d'être là, au milieu de musiciens en plein exercice créatif, petit espion vite oublié témoignant de l'expérience. Pour le coup, c'est parfait. Et encore plus dans l'édition limitée avec CD audio bonus proposant quelques morceaux qui n'ont pas passé le "cut" tout en étant de belle qualité et inspiration ou des versions alternatives pas inutiles.
 
     Parfum d'Acacia au Jardin ? C'est Jean-Louis Murat en toute intimité, l'expression d'un auteur, compositeur et interprète unique du PaMF (paysage musical français), artisan passionné et passionnant dont chaque apparition mérite le détour, ici aussi, évidemment.


NB : la partie DVD est un rip audio.


DVD (audio rip)
1. Parfum d’acacia au jardin 6:01
2. La petite idée derrière la tête 6:59
3. Ce qui n’est pas donné est perdu 6:32
4. Au cabaret 4:15
5. Call baby call 4:11
6. Fille d’or sur le chemin 3:35
7. Ton pire ennemi 7:13
8. Elle avait le béguin pour moi 4:22
9. En souvenir de Jade 7:16
10. Dix mille (Jean) Louis d’or 5:05
11. Plus vu de femmes 5:56
12. On se découvre en regardant 2:35
13.Qu’entends-tu de moi que je n’entends pas 6:24

CD (bonus audio)
01. On se découvre en regardant 6:04
02. La petite idée derrière la tête (guiatre-voix) 3:36
03. En souvenir de Jade 8:07
04. Elle avait le béguin pour moi 5:55
05. Chappaquiddick 3:41
06. La petite idée derrière la tête 7:04
07. Marquis 5:02


Jean-Louis Murat - chant, guitare, piano, harmonica
Fred Jimenez - basse
Stéphane Reynaud - batterie
Camille - chœurs
Christophe Pie - claviers, guitare


Et la captation vidéo :

samedi 19 avril 2014

Rions un peu (en attendant la mort)

J'avais déjà proposé une captation audio des Chroniques de la Haine Ordinaire à l'occasion d'un bonus du 8ème Grand Jeu. Ayant en stock le reste de l'œuvre audio du comique limousin, je me suis dit qu'il serait idiot de ne pas vous les proposer. Dont acte.

Pierre Desproges "Les Réquisitoires du Tribunal des Flagrants Délires" (1980/83)
ou "Pris en flagrant délire !"


    Enregistrés lors du Tribunal des Flagrants Délires de France Inter entre 1980 et 1983, l'opulente collection de 6 CDs bien garnis est évidemment extrêmement drôle, finement écrite mais un peu potache quand même parce qu'on est là pour divertir, et avec souvent du sens.
 
     Parce que Desproges en procureur, attaquant de ses saillies drolatiques et de ses traits d'esprits irrésistibles un invité qui en redemande, c'est tout de même quelque chose ! Fleuron de l'humour français, parce qu'il est français et même limousin et francilien, ça fait beaucoup !, on se dit que Desproges aurait sans doute beaucoup de mal, aujourd'hui, à se glisser dans le costume de rigueur de l'amuseur bien-pensant lui qui était, avant tout, un esprit frondeur et un libre penseur ne choquant jamais que pour stimuler l'hilarité de l'auditeur et agiter les idées reçues. Evidemment toutes les qualités de l'homme se retrouvent dans ses réquisitoires pour de rire quoique, parfois... On peut rire de tout mais pas avec tout le monde, n'est-ce pas ? Ainsi, quant un mardi 28 septembre 1982 un certain borgne d'obédience racisto-nationale est reçu, Desproges s'interroge magistralement sur les limites de l'exercice humoristique radiophonique dans lequel il excelle.
     L'autre limite de l'exercice, à laquelle Pierre ne pouvait pas grand chose, est sa temporalité et donc son grand risque d'obsolescence parce que si la notoriété de certains invités transcende les générations et les époques d'autres ne parleront que peu aux plus jeunes générations.
 
     Reste que, puisque c'est d'un spectacle radiophonique enregistré en public dont il s'agit, de l'interprétation à, évidemment !, l'écriture qui, même dans le plus anecdotique de ses réquisitoires mérite votre vive attention Desproges déroule sa classe d'auteur hors norme  et déclenchera, à n'en pas douter, moult "tétanisations crispées des zygomatiques", ce qui est l'essentiel, finalement.

Volume 1
1. Robert Lamoureux 6:45
2. Renée St Cyr 6:07
3. Georges-Jean Arnaud 7:28
4. Djamel Allam 7:02
5. Gérard Vié 7:32
6. Daniel Cohn-Bendit 6:56
7. Jean d'Ormesson 6:53    
8. Huguette Bouchardeau 9:00
9. Léon Zitrone 8:14
10. Alain Gillot-Pétré 8:04

Volume 2
1. Georges Guétary 7:33
2. Roger Coggio 6:17   
3. Charles Dumont 7:41 
4. Gisèle Halimi 8:11
5. François Béranger 8:13  
6. André Balland 8:21
7. Robert Dhéry 8:06
8. Sapho 7:42
9. Henri Pescarolo 7:13
10. Jacques Séguéla 6:35

Volume 3
1. Jean-Marie Le Pen 9:20
2. Marcel Marceau 7:21
3. Yannick Noah 8:38
4. Jean-Marc Roberts 7:42
5. William Sheller 6:56
6. José Giovanni 7:06
7. Inès De La Fressange 7:20
8. François Romerio 8:04
9. Yvan Dautin 9:31

Volume 4
1. Jean Constantin 9:09
2. Gilbert Trigano 8:24
3. Régine Deforges 7:44
4. Barjavel 6:56
5. Josiane Balasko 7:31
6. Alan Stivell 6:08
7. Pierre Troisgros 6:50
8. Dorothée 6:57
9. François De Closets 8:43
10. Patrick Poivre D'Arvor 7:42

Volume 5
1. Catherine Allégret 6:44
2. Sylvie Joly 7:15
3. Paul Quilès 7:26
4. Claire Bretécher 7:41
5. Siné 7:42
6. Jean-Marc Reiser 7:23
7. Gérard Lauzier 5:37
8. Jean-François Kahn 8:08
9. Cavanna 7:08
10. Jean-Jacques Debout 8:00

Volume 6
1. Pierre Perret 7:53
2. Plastic Bertrand 7:09
3. Jean-Michel Ribes 6:42
4. Roger Carel 4:57
5. Alain Ayache 6:46
6. Daniel Toscan Du Plantier 7:45
7. Frédéric Mitterand 6:38 
8. Alain Moreau 6:24
9. Maurice Siégel 7:46
10. Gérard Zwang 7:57
11. Robert Charlebois 6:06

BONUS:
DESPROGES EN SCENE !
Pierre Desproges "En Scène au Théâtre Fontaine" (1984)
ou "In Vivo Vachitas"


     C'est sur l'insistance, et avec le concours, de Guy Bedos (que l'on remercie bien bas) que Pierre Desproges reprendra la scène. Il s'était bien essayé à l'exercice dans la seconde moitié des années 70 avec, notamment Thierry Le Luron et Evelyne Grandjean mais aussi en one man show dans un quartier Mouffetard qu'il connaissait bien.
 
     Et donc, 1984, Théâtre Fontaine, un vrai théâtre populaire, où se sont succédés ou se succèderont Jean-Marc Thibaut et Roger Pierre, Louis de Funès, Patachou ou Pierre Palmade, un comble pour un auteur et être humain ne goûtant que modérément au spectacle de masse typiquement nivelé par le bas. Mais la salle est bien pleine et le public réceptif à ses pitreries spirituelles où une profonde défiance envers tout ce qui cadre trop bien est joyeusement vilipendé au gré de sketches finement ciselés et interprétés avec tout l'art d'un être inhumain trop humain. Parce que Pierre en plus d'être supérieurement drôle dans son détachement faussement élitiste est un être sensible jouant de la provocation comme arme de destruction massives des zygomatiques tétanisés, et du désespoir et de l'auto-dépréciation, de l'autodérision comme une mise au pinacle.
 
     Et s'il n'y a pas d'image dans cette captation audio (qui existe aussi en DVD), Desproges y est suffisamment expressif pour qu'on y goute avec un réel bonheur. Et dire qu'il fera encore mieux au Théâtre Grévin !


1. Introduction 0:20
2. Je baisse 5:26
3. Dernières volontés 2:44
4. Que choisir ? 7:09
5. Accents toniques 8:47
6. Obsessions 8:28
7. La femme de Monsieur Seguin 4:11
8. Ma femme a de l'humour 3:56
9. Dies irae 7:20
10. Haute couture 4:50
11. Haute coiffure 5:00
12. Basse fosse 3:07
13. Résumé du spectacle 5:08

Pierre Desproges "En scène au théatre Grévin" (1986)
ou "La cire à l'acide"


     Ultime spectacle, mais seulement second publiquement disponible, le Desproges en scène au Théâtre Grévin est aussi son sommet dans l'exercice.
 
     Parce que si la formule, qui n'a fondamentalement pas vraiment changé, Desproges restant Desproges (c'est heureux), bénéficie d'une aise accrue sur les planches et d'une qualité de plume encore plus éblouissante, dont des élans humanistes encore plus touchants (Rachid) qui contribuent aux émotions, le rire en étant une et non des moindres, l'indignation (passagère) en étant une autre, le  visionneur ou auditeur, tout support se valant avec des mots si bien sentis, en ressort avec des idées plein la tête, du rire plein le cœur et le seul désespoir qu'une si brillante carrière ait ainsi été fauchée par ce diable de crabe, sujet récurrent de la prose de Desproges, d'ailleurs, qui pourtant n'en savait rien jusqu'à la fin...
 
     Si un bon quart de siècle après sa si prématurée disparition, Pierre Desproges reste un succès d'édition, pas de doute !, c'est qu'on tenait bien là un artiste et auteur supérieurement dotée par Mère Nature. C'est évident dans quasiment tout ce qu'il fit et éclatant présentement.


1. Annonce 0:28
2. Intro 5:11
3. L'artiste Dégagé 5:39
4. QI 130 6:00
5. Gardez Sakharov 3:47
6. Les Piles 6:38
7. Les Cintres 5:18
8. Les Juifs 5:54
9. Rachid 6:56
10. La Merveille 6:05
11. L'ascenseur 6:09
12. J'ai Envie De Tuer Quelqu'un 1:31  
13. Ondine 3:07
14. Bilan 0:52
15. Musique De Fin 0:51
16. Rappel 3:40
17. Chanson 4:10

vendredi 18 avril 2014

un Ange passe...

John Zorn/Eyvind Kang "Alastor, Book of Angels vol. 21" (2014)
ou "un 21 sur son 31"


     Après l'évenementiel, Pat Metheny dans le Livre des Anges, diable !, on serait presque amené à pensé que le présent volume n'est finalement qu'un retour à la normale pour le second livre de Masada. Sauf qu'Eyvid Kang, compositeur, (présentement) arrangeur et poly-instrumentiste accompli a qui a été confié ce volume, ne l'entend pas de cette oreille et appose toute son imagination et son savoir-faire aux compositions de John Zorn, il n'en faut pas plus pour créer un album d'exception et donc un authentique évènement musical, un des plus forts de l'an en cours pas moins.
 
     Il faut dire qu'avec un capitaine si roué et inventif à la barre, auteur d'une vingtaine d'album en son nom depuis la seconde moitié des années 90 mais aussi session man ou invité par de nombreux autres artistes d'Animal Collective à Laura Veirs en passant par Sun O))) ou Blonde Redhead (pour ne citer que les plus connus), un faisceau d'indices s'accumulait. Un petit coup d'œil à l'équipe réunie, déjà, révélait un volonté à la fois orchestrale, exotique et radicale de s'approprier le matériau mis à disposition par un Zorn toujours aussi prolifique et inspiré.
     Le résultat est d'autant plus surprenant qu'on tient là un album très arrangé, précieux même dans une galaxie Zorn où l'improvisation est, le plus souvent, de mise. Et enregistré loin des bases du compositeur (Seattle) qui n'y a, du coup, plus tout à fait le même poids tout en restant, c'est heureux, immédiatement identifiable comme la source du matériel. Et quel matériel ! Des flaveurs orientales d'un Hakem d'ouverture quelque part entre Marrakech et l'espace intersidéral, de l'oriental jazz soyeux et baladeur de Samchia, des atours percussifs et tribaux asiatico-orientaux de Hakha, du "contemporarisme" dramatique de Jetrel et ses cordes émouvantes, la délicieuse exotica rumba de Variel qu'on danserait bien une corbeille de fruits en équilibre sur le chef, etc. parce qu'on ne va quand même pas tout dire !, on admire l'expertise et l'immense versatilité de Kang arrangeur et performer, de son travail de transformation, de reconstruction, et le potentiel cinématique non négligeable qu'in fine possède son Livre des Anges.
     Parce que, on l'a déjà dit mais on ne perd rien à rebattre le fer, Kang a mis les petits plats dans les grands pour servir Zorn, convoqué un casting aussi luxueux que surprenant, intégrant moult instruments (coréens particulièrement) qui n'avaient pas encore eu l'honneur et l'avantage de "fouler" la musique de Master John, et confectionné l'écrin idéal, avec Randall Dunn qu'il avait croisé lors de ses gigs chez d'autres, via une production chaude, claire et précise, permettant d'apprécier toute la finesse du bon coup qu'il a si malicieusement et magistralement fomenté.

     Comme c'est le cas dans la plupart des albums les plus réussis de la série, dont il est, donc, Alastor est une créature ultimement bicéphale. La chose d'un compositeur, bien sûr !, mais aussi de son arrangeur/interprète de l'occasion, Eyvind Kang, qui l'a suffisamment accommodé pour le rendre sien sans le priver de sa place de choix dans le Masada Book Two. Un tour de force remarquable, un album exceptionnel de grâce et d'invention avec même un certain sens de l'humour... Bref, à ne rater sous aucun prétexte.


1. Hakem 5:36
2. Samchia 3:49 
3. Hakha 3:18 
4. Jetrel 5:31 
5. Variel 4:12 
6. Loquel 3:15 
7. Rachiel 3:48 
8. Barael 3:22 
9. Sakriel 7:08 
10. Uriron 4:41
(pas d'extrait ! écoutez !)


John Zorn - compositions
Eyvid Kang - electric bass, guitars, janngu, kacapi, kemancheh, korg synth, moog synth, oud, percussion, piano, setar, sitar, viola, violin, voice
&
Dave Abramson - drums, percussion
Josiah Boothby - french horn
Maya Dunietz, Jessica Kenney - voice
Hidayat Honari - tar
Taina Kar - english horn, oboe
Hyeonhee Park - janngu, kkwaenggwari
William Smith, Maria Sherer Wilson - cello
Emma Ashbrook - bassoon
Tor Dietrichson - bongo, conga, clave, guiro, tabla, triangle
Shahzad Ismaily, Moriah Neils, Jacob Yakshaw - bass
Soyeon Park - geomungo
JungAh Song - gayageum