lundi 29 septembre 2014

Douceur vs. Furie : à l'amour, à la mort

A ma gauche (côté cœur !), un acteur, chanteur, amuseur britannique plein de fantaisie récoltant un énorme (et mérité) succès. A ma droite (côté foie !), 4 méchants poilus qui font du bruit électrique bien graisseux dans l'underground de leur genre qui l'est déjà. Incompatible ou les deux faces d'une seule et même médaille ? le Ying et le Yang ? En tout cas, deux artistes pour lesquels il faudra oublier ses préconceptions 1) pour les acteurs qui chantent et 2) pour tout ce qui frôle le metal, parce qu'ils le valent bien, ces gars-là. Enjoie !

DouCeuR
Hugh Laurie? a winning smile!
Hugh Laurie "Let Them Talk/Didn't It Rain" (2011/13)
ou "Bluesin' Down the House"

Vous direz ce que vous voudrez, Hugh Laurie est quand même un mec énervant. Il a du charme, il est drôle, joue très correctement la comédie, de la guitare, du piano, de la voix et, si ça ne suffisait pas, il a du succès aussi bien en image qu'en musique... Franchement, il énerve, l'Hugh.
Alors quand, sortant du succès télévisuel que nous connaissons tous, il se lance dans une carrière discographique et scénique, on l'attend un peu au tournant, langue aussi aiguisées que les lames. Mais, voilà, le mec a du talent, et est suffisamment fin et intelligent, et passionné probablement, pour savoir où s'aventurer avec son organe, en l'occurrence une mixture joliment équilibrée entre blues et jazz.
Qu'on aille pas, pour autant, croire que c'est une nouvelle marotte pour l'anglais aux yeux bleus. Ceux qui connaissent son parcours pré-House savent que, déjà, il y a bien longtemps, en compagnie de son vieil ami Stephen Fry, il tâtait régulièrement de la chose musicale, penchant humoristique mais prenant toujours au sérieux la manière de faire en grand professionnel qu'il est.
Présentement, il profite simplement de l'opportunité qui lui a été offerte d'exprimer une autre facette de sa sensibilité artistique, et il a bien raison parce qu'il le fait bien, exhumant quelques vieux blues/jazz souvent méconnus, parfois classiques (St. James Infirmary ou Joe Henry  sur Let Them Talk, Unchain My Heart sur Didn't It Rain) dans un contexte musical qu'il a, lui-même, pensé. 
Du coup, avec un vrai groupe pour le seconder, formation qui évolue sensiblement d'un album à l'autre avec un bon gros tronc commun cependant, et possédant donc le parfait véhicule pour mouvoir son art, il délivre deux galettes absolument charmantes, tout sauf illusoirement ambitieuses mais très sérieusement enregistrées, parce qu'il est comme ça, Hugh, un comique, certes, mais aussi un homme pointilleux, précautionneux quand il s'agit de proposer au monde, qui l'attend au tournant, forcément, l'expression de la musique qu'il a depuis si longtemps en lui.
Parce qu'elle est là, fondamentalement, la force de Mr. Laurie : c'est un passionné doublé d'un travailleur appliqué. Ce qu'il démontre sur ses deux albums, tous deux de belle facture, desquels on préfèrera sensiblement son premier, parce que la formule y est alors inédite et que les guest (Irma Jones, Dr. John, Tom Jones) y font de remarquées apparitions, parce qu'aussi les chansons, le choix d'icelles, y est semble plus séminal, plus essentiellement proche de l'attachement que porte Laurie à la musique qu'il a choisi de reprendre... Mais, honnêtement, les deux albums méritent le détour et l'attention de tous les amateurs de jazz/blues "à la grand-papa".
Une reconversion réussie ? Un intermède sympathique ? Quelque soit l'option que le futur révèlera, on ne peut que féliciter Hugh Laurie pour l'excellent travail accompli et recommander chaudement ses jolis Let Them Talk et Didn't It Rain, deux opus pas franchement révolutionnaires mais tellement bien troussés...
 
Let Them Talk (2011)
1. St. James Infirmary 6:25
2. You Don't Know My Mind 3:39
3. Six Cold Feet 4:55
4. Buddy Bolden's Blues 3:12
5. Battle of Jericho 3:47
6. After You've Gone 4:09
7. Swanee River 2:43
8. The Whale Has Swallowed Me 3:37
9. John Henry 3:34
10. Police Dog Blues 3:33
11. Tipitina 5:06
12. Winin' Boy Blues 2:59
13. They're Red Hot 1:11
14. Baby, Please Make a Change 4:57
15. Let Them Talk 4:10

Hugh Laurie - vocals, piano, guitar, percussion
Jay Bellerose - drums, percussion
Kevin Breit - tenor & six strings guitar, mandoline, mandocello
Greg Leisz - guitar, lap-steel, Weissenborn, mandola
David Piltch - upright bass
Patrick Warren - field organ, autoharp, accordion, keyboards
&
Irma Thomas
- vocals (9), backing vocals (14)
Dr. John - vocals (6)
Sir Tom Jones - vocals (14)
Craig Eastman - violin & tenor violin
Levon Henry - tenor saxophone (3)
Robby Marshall - clarinet & alto clarinet
Jean McClain - backing vocals
Gennine Jackon - backing vocals
Joe Green - handclaps (3)
- Horns:
Allen Toussaint - arrangements & direction (1, 4, 11)
Brian "Breeze" Cayolle - tenor & baritone saxophone
Tracy Griffin - trumpet
Clarence J. Johnson the 3rd - alto saxophone
"Big Sam" William - trombone

Didn't It Rain (2013)
1. The St. Louis Blues 4:21
2. Junkers Blues 2:55
3. Kiss of Fire 3:27
4. Vicksburg Blues 4:28
5. The Weed Smoker's Dream 4:17
6. Wild Honey 4:20
7. Send Me To The 'Lectric Chair 5:26
8. Evenin' 3:03
9. Didn't It Rain 2:52
10. Careless Love 5:21
11. One For My Baby 4:00
12. I Hate A Man Like You 4:17
13. Changes 3:58
14. Unchain My Heart 3:41

Hugh Laurie - vocals, piano, guitar
Jay Bellerose - drums, percussion
Kevin Breit - tenor & six string guitar, mandoline, mandola, mandocello, tenor banjo, backing vocals
Greg Leisz - guitar, lap-steel, Weissenborn, mandola, mandoline, dobro
David Piltch - upright bass, electric bass
Patrick Warren - Hammond B3, pump organ, accordion, various keyboards
Vincent Henry - saxophones, clarinets, harmonica, backing vocals
Robby Marshall - saxophones, clarinets
Jean McClain - vocals (7, 9, 12), backing vocals
&
Larry Goldings
- Hammond B3
Elizabeth Lea - trombone
Taj Mahal - vocals (4)
Gaby Moreno - vocals (3, 5, 9), backing vocals


FuRie
de vrais premiers prix de beauté !
Red Fang "Red Fang/Murder the Mountains" (2009/11)
ou "Stoner aux crocs aiguisés"

Il y a une évidence qui vous saute à la face à l'écoute de la musique de Red Fang : ces Orégonais ne font ni dans la nuance, ni dans la demi-mesure, leur rock lourd, sale et graisseux est à l'image de leurs dégaines patibulaires de routiers/bikers tatoués et barbus, un machin cru, franc, frontal qui décrasse les conduits auditifs avec une indéniable efficacité.
En ce 3ème millénaire, on appelle leur musique du stoner metal, ou du stoner rock, ici produit avec un soupçon de sludge (l'agression du punk hardcore, la lourdeur et la majesté du doom) en épice bienvenu, mais ça c'est au 3ème millénaire. Avant, on disait du bon gros rock sale qui tache, genre pratiqué par des sbires aussi peu recommandables que les affreux de Black Sabbath (avec Ozzy) et les vilains pas beaux de Motörhead, desquels Red Fang a acquis, ou au moins partage, sa substantifique moelle. En fait, on m'avait parlé d'eux comme une version ré-énergisée de Mountain, y a de ça, sans l'ombre d'un doute mais on se doit aussi de citer Kyuss, les réinventeurs du genre.
Ca nous donne donc du rock d'origine 70s en juste plus nerveux et plus glorieusement pouilleux, et c'est bon, très bon !... Quand c'est bien fait. Les riffs, dans l'entreprise, sont évidemment l'élément essentiels, la base sur laquelle repose la réussite ou l'échec, ils sont présentement très bons, traditionalistes et tranchants, un vrai bonheur d'équilibre entre finesse et puissance, et un petit solo qui va bien de temps en temps (gras mais fin, c'est la règle), le tout avec ce son plein de fuzz et de disto, c'est ce qu'il faut. Après il y a la voix qui, en l'occurrence, est suffisamment éraillée, limite soulful, et abrasive forcément pour servir des mélodies bien trouvées si tout sauf surprenantes. Et le moteur, la section rythmique qui doit, comme si sa vie en dépendait, honorer de sa stable assurance, de sa rugueuse métronomie, son groove aussi, et sa propension à défourailler aussi implacablement en excès de vitesse qu'à la vitesse de l'escargot, et ainsi péréniser  la bonne marche du fier panzer. un petit coup d'orgue par un invité de passage quand il faut (ça casse la monotonie) sur leur premier album, un peu plus sur leur second (percussions et guitare slide s'ajoutant), la production adéquate par dessus ça, roots dans son rendu final mais nourrie de l'avancée technologique acquise, et le tour est joué, vous obtenez la recette d'une belle réussite stoner, du rock d'aujourd'hui rendant hommage aux merveilles d'hier.
Les deux opus que je connais d'eux, l'éponyme et Murder the Mountains, sont impossibles à départager, je vous laisse donc le choix de l'un, de l'autre ou des deux. Ce sont, en vérité, deux belles galettes de stoner d'école, pas original pour deux sous mais si parfaitement exécuté qu'on ne résiste guère, et qu'on a bien raison ! Alors si vous êtes à le recherche, en demande, en manque de bon vieux rock en fusion, ne cherchez pas plus loin que les excellents Red Fang et leur délicieux talent d'agression électrisée façon vieille école, y en a d'autres bien sûr (The Sword,Orange Goblin, High On Fire, etc.) souvent plus médiatisés d'ailleurs, mais ces quatre gars-là s'y entendent décidément trop bien pour qu'on les perde de vue et ne les recommande pas, chaudement.

Red Fang (2009)
1. Prehistoric Dog 4:28
2. Reverse Thunder 3:15
3. Night Destroyer 3:12
4. Humans Remain Human Remains 6:28
5. Good to Die 3:29
6. Bird on Fire 3:08
7. Wings of Fang 2:49
8. Sharks 2:26
9. Whales and Leeches 4:21
10. Witness 2:37

Murder the Mountains (2011)
1. Malverde 4:02
2. Wires 5:43
3. Hank Is Dead 2:36
4. Dirt Wizard 2:57
5. Throw Up 6:33
6. Painted Parade 2:27
7. Number Thirteen 4:45
8. Into the Eye 3:58
9. The Undertow 5:02
10. Human Herd 3:51

Aaron Beam - Bass, Vocals
John Sherman - Drums
David Sullivan - Guitars, Vocals
Maurice Bryan Giles - Guitars, Vocals
&
Adam Pike
- organ (Red Fang)
Anita Robinson - Guitars (Murder the Mountains)
Kevin Robinson - Percussion, Effects (Murder the Mountains)
Jenny Conlee - Organ (Murder the Mountains)
Chris Funk - Slide Guitar, Percussion (Murder the Mountains)

samedi 27 septembre 2014

7 Made in France

7 albums qui ne se ressemblent pas. Ce qui les rassemble ? Made in France ! Des années 60 à une actualité pas si lointaine, je vous propose de voyager de pop à jazz, de folk à metal progressif, d'humour décalé au plus grand sérieux, dans le petit monde de la musique "d'chez nous". Enjoyez !

LeS BeauX yeuX
Marie Laforêt "Gold" (2002)
ou "Les petites chansons et grandes ambitions"

Qui se souvient aujourd'hui de Marie Laforêt ? De l'actrice, quelques-uns, de la people un peu beaucoup barrée, quelques rares autres. De la chanteuse ? A part les auditeurs de Radio Bleue, on ne voit pas bien.
Et c'est dommage parce qu'entre chanson orchestrale classique, pop française naissante et fantaisies exotiques, la belle dame au regard si profond a tout de même produit quelques très jolies choses, dont toutes ne sont pas sur ce pourtant généreux "Gold", comme quoi il y avait à faire et, vous me direz qu'avec un parcours, entre 1964 et 1979, ses années d'activité phonographique, de 13 albums studio, ce n'est que logique.
Mais, Marie, c'est aussi une rebelle,  une artiste qui tenta de trouver son indépendance, de s'imposer comme plus qu'une interprète au charmant minois, et se fit sévèrement rabrouer de son outrecuidance (d'où sa première retraite).
Marie reviendra dans les années 90, un album studio en 1993 et un live en 1998, aucun des deux n'est couvert ici, avant de définitivement se retirer dans la région de Genève où elle vit déjà depuis 1978. Nous restent quelques très jolies chansons qui, suivant scrupuleusement les tics et trucs de leurs époques respectives, sont un bon reflet de la chanson française populaire d'alors. 
Même si vous êtes allergique à la variétoche, n'ayez crainte, testez ce Gold tout à fait représentatif et constituant, donc, une excellente introduction à une artiste aujourd'hui trop souvent négligée au catalogue pourtant charmant.

CD 1
1. Les Vendanges De L'Amour 2:33
2. La Tendresse 2:19
3. Katy Cruelle 2:27
4. Julie Crève Coeur 2:15
5. La Flûte Magique 3:15
6. Siffle Siffle Ma Fille 2:16
7. Manchester Et Liverpool 2:20
8. Ivan Boris Et Moi 2:15
9. El Polo 3:30
10. Au Printemps 3:08
11. La Cavale 2:26
12. Choux Cailloux Genoux Epoux 2:50
13. Dis A Mathieu 2:16
14. Lily Marlène 3:17
15. Arlequin 3:21
16. L'Amour Comme A 16 Ans 3:11
17. Cadeau 3:38
18. Un Peu L'Amour 2:52
19. Sous Les Paletuviers 2:16
20. Lettre De France 3:35

CD 2
1. Viens Sur La Montagne 2:21
2. La Plage 2:54
3. La Bague Au Doigt 2:40
4. Viens 2:45
5. La Voix Du Silence 2:56
6. Marie Douceur Marie Colère 2:50
7. Mon Amour Mon Ami 2:17
8. Le Lit De Lola 2:46
9. Que Calor La Vida 2:23
10. Roselyne 2:30
11. Pégao 2:45
12. Marie Douce Marie 2:47
13. Ay Tu Me Plais 2:09
14. Viens Viens 3:22
15. Mais Je T'Aime 3:18
16. Tant Qu'Il Y Aura Des Chevaux 3:50
17. Noé 3:22
18. Lève-Toi Chante Avec Moi 2:53
19. Il A Neigé Sur Yesterday 3:15
20. Moi Je Voyage 3:12


FaNTaiSie RéTRo
Katerine "L'éducation anglaise" (1994)
ou "Monsieur fait chanter Mesdames"

Ce n'est que son deuxième album mais, pourtant Philippe Katerine (né Blanchard) cède déjà le micro. A des invités prestigieux ? Du tout !, à sa sœur et à sa compagne du moment : Bruno (c'est la sœur !) et Anne. C'est osé.
Sans doute ne sont-ce que les prémices d'une carrière dédiée au plaisir avant tout autre calcul, un parcours de sale gosse qui ne respecte rien ni personne et surtout pas l'ordre établi de l'intelligentsia phonographique. Ce qui ne veut pas dire faire tout et n'importe quoi pour autant parce que Katerine, alors, a une vision (un peu perdue depuis), une idée de la chanson qui a plus à voir avec Pierre Barouh, surtout, et la clique de Saravah que toute autre chose ce qui, fondamentalement, est une excellente nouvelle.
De Barouh, Katerine a retenu une esthétique un poil surannée et un style, une bossa nova francisée, avant tout destinée à combler l'auditeur d'aise en lui amenant un bienvenu rayon de soleil. On retrouve aussi des petites chansons sans rythme brasileiro, au charme tout aussi désuet, permettant d'éviter l'impression de monotonie qui, sinon, risquait de poindre. Et on appréciera la reprise joliment décalée de l'Eté Indien de Joe Dassin, petit bulle de bonheur dans un album champagne où les bons moments ne manquent pas (Ha ! Mon Bel Andalou !).
Fun et frais, fin et souvent drôle, L'Education Anglaise est une jolie galette qu'on recommandera sans la moindre objection à tous les fans de Katerine, à tous les amateurs de chanson ne se prenant pas au sérieux et, plus généralement, à tous ceux qui doutent encore du talent (il est vrai quelque peu delayé ces dernières années) d'un de nos plus beaux trublions.

1. Un Après-Midi A Paris 1:50
2. L'Education Anglaise 3:06
3. La Mémoire Courte 1:44
4. Le Badminton 1:57
5. L'Eté Indien 2:25
6. Les Mensonges 2:02
7. Les Leçons De Belles Manières 1:15
8. 21 Mai 1993 0:47
9. Les Neiges Eternelles 1:58
10. Quelques Minutes De Retard 1:44
11. Mon Bel Andalou 1:40
12. Jean François 1:54
13. Minuit Sonne 1:31
14. L'Automobile 1:48
15. Un Parapluie Pour Deux 2:06
16. L'Education Anglaise (Instrumental Piano) 3:02

Katerine - guitare, basse, claviers, percussions, chœurs
&
Anne - chant (1, 2, 4, 6, 10, 12, 15)
Bruno - chant (3, 5, 7, 9, 11, 13, 14)
Loumy Sevenot - basse (5)
Nicolas Moreau - basse (8, 10, 11, 14), flûte (1, 6, 10, 11)
Antony Ka (1, 3, 4, 7, 9, 10, 14), Laurent Brosseau (5) - batterie
Alain Grimaud (3, 7), Zeca Lopez (9, 13), Yannick Neveu (14) - cuivres
Louis-Marie Sevenot (1, 2, 4, 5, 6, 9, 10, 11), Philippe Berthonneau (3, 12, 15) - cordes
Fantasia del Ande - flûte (12)
Raphaël Froment - clarinette (4, 7)
Monsieur de Foursaing - piano (16)


Le PReSQue PaS RéGioNaL De L'éTaPe
Slow Joe & the Ginger Accident "Sunny Side-Up" (2011)
ou "à la cool"

Un vieux type entouré de jeunes mecs pour de la musique cool et roots, c'est, en peu de mots, le programme du Sunny Side-Up de Slow Joe & the Ginger Accident.
Sunny Side-Up, c'est aussi l'histoire d'un monumental coup de bol quand Cédric de la Chapelle, alors en vacances en Inde, découvre un vieux mec à la voix chaude alors occupé à donner de la voix dans la rue et à rabattre le touriste vers quelques échoppes idoines. Les deux se rencontrent, apprennent à se connaître, jouent ensembles, c'est ainsi que naît l'idée de l'album, on peut dire que le destin conduit à bien des hasards, heureux en l'occurrence. Parce que Slow Joe a une vraie belle voix de crooner, et Cédric les atouts compositionnels et instrumentaux pour l'alimenter. Et plein d'amis pour l'accompagner dont son groupe, The Ginger Accident (qu'on retrouvera plus tard avec Thomas Fersen), c'est dire si l'affaire part sur de bonnes bases, si quelque peu inattendues.  
La musique ? Un rock à l'ancienne plein de groove, souvent psychédélisant mais pas toujours, si référencé qu'on se croirait en 1966/67, y a de l'entrain et la voix de crooner, quelque part entre Elvis Presley, Lee Hazelwood, et Jim Morrison d'un vieil indien à la gorge d'or. Comme en plus les arrangements débordent d'inventivité et de fantaisie, utilisent bien les moult guests pour égayer le rétro-cocktail, que les compositions variées (un petit coup vers les Doors, un petit coup vers Elvis, un petit coup vers Tom Jones, la BO d'Hair voire Procol Harum (ce sont les orgues !) ou Leon Redbone (c'est la coolitude !)) sont délicieusement troussées, et qu'en effet tout ça déborde de légèreté et de bonne humeur, de soleil aussi, Mister Joe vient de Goa !, et que quand la pluie tombe et la température dégringole ce sont des qualités à ne pas minimiser, on apprécie.
Ce n'est pas un album compliqué, c'est juste un bon album d'aujourd'hui avec des qualités d'hier, une bombinette dans un domaine relativement rarement visité en France. Recommandé.

1. Money Mama 3:23
2. Love Bug 2:42
3. When Are You Comin' Home 2:35
4. Cover Me Over 4:48
5. Long Long Walk 1:58
6. Brunette Blonde 3:18
7. Just One Touch 1:24
8. Give Me Your Love 2:38
9. Inside Of Me 2:57
10. Back Home Soon 4:34
11. Ab Kahan Jayen Hum 2:43
12. Climbin' A Mountain 3:46
13. So Many Dreams 3:20
14. Roses Singin' 3:25

Slow Joe - vocal, hands and mouth percussion
Cédric de la Chapelle - guitars, backing vocals, percussion, keyboards
Alexis Morel Journel - bass, guitar, indian banjo, backing vocals
Denis Troufleau - keyboards
Josselin Varengo - drums, piano
&
The Sault Choir - backing vocals
Sébastien Fink - congas
Adrien Spirli - bass tuba
Lucas Spirli - farfisa, Hammond, piano
Stéphane César - mandolin
Amélie Bouard - cello, violin
ArtDeko - trombone, trumpet, flugelhorn
Julien Lesuisse - saxophone
Gilles Poizat - trumpet, flugelhorn
Joan Eche Puig - double bass
(et plein d'autres choristes !)


LeS CHaLLeNGeRS
Exsonvaldes "There's No Place Like Homes" (2010)
ou "Françacoustics"

Une formation pop rock de qualité "d'chez nous" dont on ne parle pas assez ? Exsonvaldes. Un album de leur courte discographie (4 long-jeux en 10 ans) qui mérite qu'on s'y penche, on dirait bien Near the Edge of Something Beautiful, et ce serait logique étant donné que c'est le très réussi opus qui les fit un peu mieux connaître aux foules mais, finalement, c'est l'acoustique et chic There's No Place Like Homes qui aura mon vote.
Peut-être parce qu'on y retrouve deux excellentes reprises, Take On Me de A-Ha (ne riez pas !) et As Tears Go By des Rolling Stones, peut-être simplement parce que l'acoustique, mais rythmé !, va bien au teint du quatuor. Peut-être aussi parce que l'album est ridiculement court (30 minutes et 42 secondes !) et du coup passe très vite, et bien. Et, évidemment, qu'en plus d'une obligatoire maîtrise instrumentale, pas de chichis des résultats, Exsonvaldes ajoute celle de la langue de Shakespeare (un peu comme Phoenix, tiens, dont ils ne sont finalement pas très éloignés), ce qui est tout sauf accessoire. Sans doute parce que le groupe, qui n'avait prévu au départ qu'un EP 5 titres, a pris un tel plaisir à l'exercice, jusqu'à le doubler, que, forcément, nous auditeurs en bénéficions.
Et donc, en 7 recyclages de leurs deux albums précédents (l'emphase sur Near the Edge), 2 inédits et 2 reprises, Exsonvaldes propose, plus qu'un best of ou qu'un bête live, une petite merveille de simplicité, un bel assemblage de bonnes compositions pop rock dans un cadre plus intimiste et chaud qu'habituellement, un bonheur simple... Une réussite !


1. Everything I See 3:00
2. Lali 2:55
3. Going Away 2:53
4. Sunlight 1:47
5. Old & Weak 3:52
6. Folk Song 1:58
7. Take On Me 2:47
8. I Know 2:47
9. Hurry Up 3:13
10. Last Year 2:38
11. As Tears Go By 2:49

Simon Beaudoux - vocals, guitar
Antoine Bernard - guitars, vocals
Martin Chourrout - drums, vocals
Guillaume Gratel - bass, vocals


D'iCi eT D'aiLLeuRS
Stranded Horse "Humbling Tides" (2011)
ou "a world for folks"

De la folk pour le monde, de la world music pour habiter, transcender sa folk, c'est Stranded Horse et Humbling Tides, petite merveille d'album d'il n'y a pas si longtemps (...même si tout va si vite, maintenant).
Et comme tout va trop vite, il est bon qu'il existe des œuvres telles qu'Humbling Tides, hors du temps, tendant vers une zénitude tout sauf contemporaine et proposant une fusion aussi "in" qu'intemporelle.
Paradoxe ? Non, parce qu'il y a un mouvement de fond à proposer des collections mariant une esthétique occidentale aux sonorités traditionnelles d'un autre monde, africain en l'occurrence. Ce qui ne fait pas de l'opus un artéfact de musique subsaharienne, non. Pourtant, l'instrument "star" en est la kora, harpe-luth mandingue aux sonorités si gracieuses, c'est donc l'écriture qui fait la différence. Parce qu'on reste dans une verve compositionnelle folk, plutôt à l'anglaise de la fin des années 60 d'ailleurs ou, plus proche de nous, de celle d'Iron & Wine. C'est donc délicat, aérien, détaché du speed urbain mais pas rural pour autant parce que voyageant - l'utilisation de la kora, le contrepoint d'un violoncelle toute droit sorti de chez Philip Glass, la voix au détachement dandy - entre trop d'univers et avec une trop savante maîtrise pour ça. Dépourvu de tout élément percussif mais pas de rythme, c'est une collection toute en délicatesse qui fonctionnera d'autant mieux qu'on s'y abandonnera, se laissera bercer par les ambiances cotonneuses pas très éloignées d'un Ballaké Sissoko avec lequel, justement, M. Stranded Horse a déjà collaboré.
Comme il y a relativement peu de détails sur la toile, précisons que Stranded Horse (ex-Thee, Stranded Horse) est l'actuel projet d'Yann Tambour, qu'Humbling Tides en est le quatrième long-jeu, et que Yann avait précédemment été repéré pour Encre (si vous ne connaissez pas, testez !), dont la présente appellation est la suite logique.
Et une belle réussite, un album d'une grâce à la fois terrienne et éthérée qu'on conseille sans réserve.

1. And the Shoreline It Withdrew In Anger 3:12
2. Shields 5:25
3. Les axes deregles 3:34
4. They've Unleashed the Hounds for the Wedding 6:36
5. Jolting Moon 7:40
6. Le bleu et l'ether 6:46
7. What Difference Does It Make 4:15
8. Halos 10:44

(pas de crédits clairement annoncés mais on me souffle
qu'on y croiserait M. Vincent Ségal, bonne nouvelle !)


Le PReSQue PaS RéGioNaL De L'éTaPe (BiS)
Steve Shehan "Hang With You" (2013)
ou "jazzimage"

Le pouvoir évocateur du jazz du multi-instrumentiste et compositeur franco-américain Steve Shehan n'est plus à démontrer, qu'il œuvre en solo ou dans l'excellent Hadouk Trio de Didier Malherbe. C'est dire qu'il était temps qu'il se remette à son propre ouvrage lui qui n'avait plus rien produit en son nom depuis 1998 et Amok.
C'est chose faite en 2013 avec Hang With You, album doté d'une belle collection d'all-stars internationales, d'Ibrahim Maalouf à Baly Othmani en passant par Didier Malherbe (forcément) ou Peter Herbert. Un album attendu, mais pas au tournant, qui dépasse les plus folles espérances qu'on plaçait en lui. Un album où on voyage, de New York City à Tel Aviv, de Nagoya à Bangalore, de Tanger à Istanbul. Du jazz certes, et du jazz accessible en plus !, mais du jazz ouvert sur le monde, captivant, capturant, mêlant des sonorités d'ailleurs (dont les hangs présents sur la pochette) en un tout cohérent et mélodique. Il suffit, en vérité, de fermer les yeux et de se laisser accaparer par cette musique visuelle pour se retrouver transporté dans des panoramas dignes d'une pochette de Roger Dean (si on a un peu d'imagination).
Evidemment, comme c'est tout de même de jazz dont il s'agit, tout ceci est merveilleusement bien joué par d'experts instrumentistes sachant, chacun leur tour sans jamais le moindre excès, y aller de leur petit solo qui tue. Mais comme ça vient du cœur, que ce n'est jamais bêtement démonstratif des capacités du "performer", et que ça s'imbrique magnifiquement aux climats tissés par Shehan, on ne trouve rien à y redire et, au contraire, apprécie le doigté (ou le souffle) et la préciosité d'instants trippants sur un album trippé.
Un album qu'il n'est pas simple de décrire précisément, auquel on aimerait mieux rendre justice avec des mots... Le mieux est évidemment de l'écouter avec comme utile sésame que ce jazz là, prospectif dans la manière, le choix de combinaisons instrumentales souvent inédites, demeure extrêmement accessible et pourra même plaire à ceux qui pensent que, vraiment !, ce genre de musique n'est pas pour eux. C'est dire s'il est réussi, le retour de Steve Shehan !

1. Yaar 5:29
2. Smoking guns 4:47
3. Sortiléges 3:37
4. High jazz (intro)   1:37
5. High jazz 3:23
6. Gamelang 3:20
7. Oracle 4:18
8. Les oiseaux ne me dérangent pas (intro) 2:27
9. Les oiseaux ne me dérangent pas 4:50
10. Princeps 2:10
11. Anima mundi 7:27
12. Wild centaurea 4:58
13. A week in iwik 3:56
14. Kites in kabul 7:18
15. Toscana walz 4:21
16. Solstice in silence 2:27
17. Cap esterias 4:43
18. My tenere friend 2:07
19. Djanet my home 3:20
(un seul extrait mais vous trouverez ICI un excellent documentaire)

Steve Shehan  - hangs, space drum, piano, bass, percussion...
Golshifteh Farahani - voice, space drum
Ibrahim Maalouf - trumpet
Ugo Rabec, Virginie Basset - violin
Charlotte Castellat - cello
Didier Malherbe - duduk
Charles Lucas - bass, stratospheric basses
Peter Herbert - acoustic bass
Baly Othmani - voice, poetry in Tamachek...
Vladiswar Nadishana - bansuri, ney, hulusi


yaNN, LeS GaRCoNS, La FiLLe
P.Y.G (Projet Yvan Guillevic) "End of the World" (2011)
ou "Virtuoso!"

Du néo-prog métallisé made in France mené par un guitariste virtuose. Ne fuyez pas, c'est moins pire que ça n'en a l'air !
Parce qu'il y a une bonne grosse louche de Pink Floyd, que Guillevic "tribute" au sein d'une autre formation (Empty Spaces), pour  faire passer les quelques excès riffus pas si diffus mais point omniprésents non plus. Ne fuyez pas non plus parce qu'il s'agit d'un concept album, ce n'est pas trop pompeux pour autant et qu'on a parfaitement le droit de se moquer de l'histoire tout en appréciant la musique. Alors on pourra reprocher aux deux vocalistes, par ailleurs de qualité, d'avoir un accent franchouillard, c'est un léger détail qui ne dérange que modérément (on s'y fait !).
Bref, véritable outsider, même si mené par un guitariste qui commence à se faire un nom, et pas seulement dans la sphère habituelle des amateurs de descendeurs de manches supersoniques, P.Y.G n'a pas à craindre la concurrence de formations mieux dotés. Parce que la production propre d'End of the World, manquant seulement d'un peu de mordant dans les moments les plus frontaux et plaçant le chant un peu trop en avant (un défaut très français), met aisément sur orbite un enchainement de titres où, forcément, la part belle est faite à des guitares souvent Gilmouriennes dans leurs soli. L'album a aussi pour lui la jolie compatibilité de deux vocalistes, un gars, une fille, qui, pas franchement exceptionnels séparément, donnent vie aux compositions par leurs interprétations combinées.
Et des compositions où, outre l'évidence récurrente et évidente de Pink Floyd, on retrouve une bonne louche de Queensrÿche (évident sur Prisoners of a World et My Greed et plus généralement chaque fois que le ton se durcit sensiblement) , ou de Marillion (et plus particulièrement d'un Mark Kelly ayant notablement influencé le claviériste de P.Y.G, Jean-Noël Rozé) voire un peu de Meat Loaf (Mother Earth Part 2) mais, heureusement, pas les tics démonstrativo-ennuyeux d'un Dream Theater.
Pas tout à fait prog-metal, néo-prog mais pas complètement, P.Y.G aura dans doute du mal à se faire un public, c'est dommage parce que la formule présentement pratiquée, du rock progressif moderne modérément métallisé, fonctionne plutôt très bien. On me souffle, par contre, que leur second album (We Live, We Die) serait un peu moins convaincant. A suivre tout de même d'autant que ce prog costaud de qualité n'est pas monnaie courante dans l'hexagone.

 
1. Prisoners of a World 5:50 
2. Mother Earth, Part. 1 (From the Darkness) 3:56 
3. Mass Consumption, Part. 1 (Television) 4:07 
4. Mass Consumption, Part. 2 (New Stuff) 3:55 
5. Siren Song 5:06 
6. My Greed 6:17 
7. Rain Dance 4:21 
8. Mother Earth, Part. 2 (Don't Cry) 3:02 
9. End of the World 6:59 
10. Time of Exodus 7:34 
11. New Hope 6:57

Yann Guillevic - guitars
Nelly Le Quillec, Morgan Marlet - vocals
Jean-Noël Rozé - keyboards
Bernard Clémence - bass
Julien Oukidja - drums

jeudi 25 septembre 2014

...et Purplexité

Lord                              Bolin                                 Turner                              Morse
...et Purplexité
quatre périodes, quatre albums, trois raisons d'être "purplexe" quand aux choix de carrière de ces messieurs de Deep Purple, et deux de s'enthousiasmer quand on y aurait pas cru. C'est le retour du trouble, la suite du Black Sabbath de mardi. Enjoyez !
 
Le MeLoN De LoRD 
Deep Purple "Concerto for Group and Orchestra" (1969)
ou "Les Grandes Ambitions"

Un nouveau line-up tout juste assemblé, celui qui passera à la postérité (avec Gillan et Glover), Deep Purple, présentement sous la férule de Jon Lord qui a chapeauté et amoureusement conçu le projet, se lance dans la plus extravagante expérience de son, alors, encore courte carrière : un concerto pour groupe et orchestre, rien que ça !
Pour ce faire, ils ont recruté les services du chef Malcolm Arnold, également de bon concert sur certains arrangements, dixit Jon Lord, et du Royal Philarmonic Orchestra pour une performance enregistrée au Royal Albert Hall, le grand luxe, quoi. Pour un résultat hélas plus nuancé parce que, fondamentalement, il n'y a rien de pire que de ne pas avoir les moyens de ses ambitions, ce qui est clairement le cas. Parce que la partition de Lord, si elle est correcte, n'a pas de thèmes suffisamment forts pour vraiment marquer l'auditeur, parce que l'obligatoire passage chanté (pour que Gillan se sente un minimum concerné ?), composé à l'arrache, dixit le chanteur lui-même, reste très anecdotique. Parce qu'enfin, tout ceci est un peu longuet et aurait donc mérité une bonne cure d'amaigrissement avant de passer par la scène, et l'enregistrement conséquemment. Ceci dit, il faut avouer que le groupe et l'orchestre s'imbriquent bien (mais pas assez souvent !), ce qui est loin de toujours être le cas dans ce genre d'exercice, qu'il y a tout de même quelque bulles de bonheur qui viennent surnager à la surface du bouillon et que, bien sûr, il y a les trois autres chansons histoire de repasser, enfin !, aux choses sérieuses (et vive les bonus, pour le coup même si c'est une étrange idée de les mettre sur le premier cd).
Foncièrement, dans sa juvénile maladresse, le Concerto for Group and Orchestra de Deep Purple est un machin attachant. Reflet des désirs de grandeur d'un compositeur qui fera mieux dans un registre relativement similaire (Lord, dont il faut réévaluer la discographie solitaire, Sarabande et Gemini Suite en tête), et expression typique des prémices d'un rock "monsieur plus" qui verra son apothéose dans les délires grandiloquents d'un ELP, c'est une œuvre de son époque à laquelle on goûte, aujourd'hui, avec l'œil (et l'oreille !) d'un explorateur temporel appréciant la naïveté talentueuse des jeunes rockers d'alors. Loin d'être parfait, loin d'être inintéressant, aussi.
Quand à Deep Purple, maintenant que Jon Lord pu faire sa crise, ils se préparent à leur premier sommet : In Rock. C'est dire si tout va bientôt changer !

CD 1
1. Intro (Radio Clips) 3:28
2. Hush 4:40
3. Wring That Neck 13:23
4. Child in Time 12:02

CD 2
Concerto for Group and Orchestra
1. 1st Movement: Energico 19:21
2. 2nd Movement: Lento 19:11
3. 3rd Movement: Con Fuoco 13:08
4. (Encore) Third Movement: Vivace - Presto 5:52

Jon Lord - keyboards
Ritchie Blackmore - guitar
Ian Gillan - vocals
Roger Glover - bass
Ian Paice - drums
&
The Royal Philharmonic Orchestra

conducted by Malcolm Arnold


PuRPLe PouR Qui N'aiMe PaS PuRPLe
Deep Purple "Come Taste the Band (35th Anniversary Edition)" (1975/2010)
ou "Funky Purple!"

Blackmore en a eu marre, il a claqué la porte et démarré Rainbow pour faire... du Deep Purple à sa sauce à lui ! D'aucuns auraient pensé que, sans leur taciturne guitar hero, messieurs Paice et Lord (seuls membres fondateurs restants) allaient jeter l'époque. Que nenni ! Vite fait, ils cédèrent aux envies de leur deux partenaires aux dents longues, messieurs Hughes et Coverdale, et allèrent faire groover encore un peu plus la machine (head !). 
Mais il fallait remplacer Ritchie. En deux temps trois mouvements, ils recrutent l'ex-Zephyr et James Gang, un gars qui a aussi collaboré avec Billy Cobham et le batteur de Weather Report Alphonse Mouzon, ladies and gentleman, c'est un cador de la six-cordes, un as de la descente de manche, un taulier de la cocotte, un expert du solo... Tommy Bolin ! Pas n'importe quoi mais définitivement pas le même genre de spécimen que son devancier, la rumeur gronde...
Et l'album est très bon ! Mais a déclenché une vague d'indignation sans précédent dans le cercle pas si petit de ceux qui s'intéressent encore à Deep Purple en 1975. Parce que, enfin, ce blues funk vaguement (hard) rock, ce n'est plus vraiment du Deep Purple, ma bonne dame, que rien ne va plus, que c'est la chienlit, et qu'en dirait le Général s'il était encore des nôtres ? Bon, le petit Tommy est un excellent gratteux, pas de doute !, mais la musique, haaaaa la musique ! Il est où mon hard rock avec ses petits élans classiques et ses soli bien composés ?
Evidemment, ce fut un choc. Rétrospectivement, et encore un peu plus dans l'édition anniversaire présentement billetée, c'est une évolution logique, le passage au premier plan d'éléments déjà présents dans Burn (un peu) et Stormbringer (un peu plus). Certes, sans album transitoire, le changement peu paraître radical, et il l'est sans doute un peu, mais insensé ? Certainement pas. Et, donc, l'album est bon (bis), avec des compositions qui accrochent l'oreille, qui groovent comme si la vie de leurs interprètes en dépendait, un Purple transformé, transfiguré, revigoré aussi. Parce que Stormbringer, pas mauvais, loin de là, avait peiné à renouveler l'exploit d'un impeccable Burn et que la formule, jadis novatrice, commençait sérieusement à s'user. Et bien moi, je dis bravo, bien joué, les testicules bien accrochées, la morgue intacte, ces sales gosses co-inventeurs du Hard Rock et du Heavy Metal qui osent, simplement parce qu'ils en ont envie et l'inspiration qui va avec, envoyer tout, ou presque, valdinguer, du passé faire table rase et sortir un Come Taste the Band à placer au Panthéon des pépites d'autant plus savoureuses qu'elles proviennent d'improbables sources. Pensez, un album de hard (enfin d'un groupe s'étant fait connaître pour ça) avec un hommage à George Gershwin (Owed to 'G'), du jamais vu !
Hélas, ça ne pouvait pas durer, il était dit que le destin de Deep Purple serait plombé par un guitariste qui, en l'occurrence se "plombait" trop lui même pour assurer en concert, goutte qui fit déborder le vase et poussa Lord et Paice à dissoudre le groupe. Quelques mois plus tard, d'ailleurs, ses multiples excès finirent par avoir raison de lui. Chargé d'un cocktail d'héroïne, d'alcool, de cocaïne et de barbituriques, rien que ça !, Tommy Bolin décède le 3 décembre 1976, à 25 ans seulement.
Ha, et le remaster est exceptionnel, et les bonus bienvenus, et le livret très détaillé. Bref, vous avez toutes les armes pour passer le cap de la "purpléxité" et apprécier Come Taste the Band pour ce qu'il est quelque soit son genre et le cv de ses auteurs : un grand album.

CD 1 - Original Album Remastered
1. Comin' Home 3:54
2. Lady Luck 2:48
3. Gettin' Tighter 3:36
4. Dealer 3:53
5. I Need Love 4:24
6. Drifter 4:05
7. Love Child 3:07
8. This Time Around/Owed to 'G' 6:13
9. You Keep on Moving 5:22
Bonus
10. You Keep on Moving (Single Edit) 4:32

CD 2 - 2010 Album Remixes
1. Comin' Home 4:08
2. Lady Luck 2:46
3. Gettin' Tighter 4:23
4. Dealer 3:55
5. I Need Love 5:16
6. You Keep on Moving 5:18
7. Love Child 3:05
8. This Time Around 3:24
9. Owed to 'G' 2:56
10. Drifter 3:59
11. Same in LA (previously unreleased) 3:19
12. Bolin/Paice Jam (previously unreleased) 5:47

Jon Lord – keyboards, piano, synthesizer
Ian Paice – drums, percussion
David Coverdale – lead vocals
Glenn Hughes – bass, vocals (lead vocals on "Gettin' Tighter" and "This Time Around" & co-lead vocals on "You Keep on Moving")
Tommy Bolin – guitars, vocals (backing vocals on "Comin' Home" and share vocal duties on "Dealer"), bass guitar on "Comin' Home"


SCHiZoPHRéNie
Deep Purple "Slaves and Masters (Remastered)" (1990/2013)
ou "Deepbow ou Purple Rain ?"

Quelle drôle d'idée ! Gillan parti, ou viré selon qui raconte l'histoire, les quatre membres restants du Deep Purple Mark II recrutent l'ex-Rainbow Joe Lynn Turner, celui-là même qui avait été choisi par Ritchie quand l'envie le prit d'orienter son Arc-En-Ciel vers des cieux plus charto-compatibles. Vraiment, une drôle d'idée...
Ca commence d'ailleurs dès la première chanson, King of Dreams, où Deep Purple n'a jamais aussi sonné aussi FMiné, refrain à l'américaine inclus. Pas mauvais mais, outre quelques indices (dans les claviers surtout), on a franchement l'impression de tomber sur une chute de studio de Straight Between the Eyes ou Bent Out of Shape, étrange. A la limite, le suivant est pire avec sa rythmique qu'on croirait empruntée à Def Leppard et sa partie de chant calibrée pour les radios rock américaines grand public où on peut envoyer un peu de bois mais juste pour cheminer sur les highways. On retrouve Deep Purple sur le shuffle Fire in the Basement, un bon hard rock à défaut de mieux qui, chanté par Gillan, aurait sans doute fait illusion, là, moins. Truth Hurts aussi se rapproche du son Purple des 80s et notamment d'un Perfect Strangers "light" sans toutefois en posséder la puissance ou la qualité mélodique, suivant.
Plus loin, on a droit à une ballade lacrymale, Love Conquers All, telle que les formations de hard'n'heavy en raffolent, celle-ci pas plus mauvaise qu'une autre mais pas meilleure non plus, s'écoute mais sans enthousiasme. Puis à un autre morceaux rappelant le groupe depuis sa reformation, sans doute la plus convaincante de l'album dans le genre Fortuneteller n'éblouit pas mais satisfait par exemple pour des interventions guitaristiques toutes en finesse. Too Much Is Not Enough est une autre belle "Rainbowerie" bien rock et nous amène, l'air de rien, à constater que ce Deep Purple là fonctionne plutôt mieux quand il ressemble à l'offshoot de Ritchie qu'à lui même... Ce que confirme un Wicked Ways de conclusion qui, "Purplien" en diable, ne convainc pas franchement.
Peut-être est-ce la voix de Turner, peut-être l'écriture du groupe alors, on avait déjà critiqué House of Blue Light (un excellent album, ceci dit en passant) pour ses tendances radiophoniques ici plus que confirmées, toujours est il que Slaves and Masters n'est ni tout à fait du Deep Purple, ni tout à fait du Rainbow et que, c'est bien connu, avoir le séant entre deux chaises n'est jamais bien confortable.
Alors, anecdotique ce Slaves and Masters ? Indéniablement. Anachronique et du coup démontrant que Deep Purple et Rainbow ne faisaient définitivement pas la même chose et que l'un n'était pas nécessairement soluble dans l'autre ? Aussi. Mauvais pour autant ? Moins que je ne l'ai jadis pensé (merci le remaster !) et franchement loin de l'indignité d'un The Battle Rages On... où, vraiment !, comme son titre l'indique d'ailleurs, on sent un groupe qui n'en est plus, Gillan enregistrant de son côté, un et continue plus par obligation que par goût. A réévaluer, donc, sans, surtout !, trop en attendre, ça aide...

1. King of Dreams 5:28
2. The Cut Runs Deep 5:42
3. Fire in the Basement 4:43
4. Truth Hurts 5:14
5. Breakfast in Bed 5:17
6. Love Conquers All 3:47
7. Fortuneteller 5:49
8. Too Much Is Not Enough 4:17
9. Wicked Ways 6:33
Bonus
10. Slow Down Sister 5:58
11. Love Conquers All (Radio Edit) 3:23

Ritchie Blackmore – guitars
Jon Lord – organ, keyboards, string arrangements
Ian Paice – drums
Roger Glover – bass, backing vocals
Joe Lynn Turner – vocals
&
String orchestra led by Jesse Levy


La GRâCe D'uNe ABSeNCe
Deep Purple "Purpendicular" (1996)
ou "L'album miraculeux"

Cet album est un petit miracle. Qu'un groupe qui existe depuis alors près de 30 ans, qui vient de perdre un des membres fondateurs à l'importance si déterminante dans la carrière du groupe, qui n'as plus sorti d'album réellement intéressant depuis une dizaine d'années réussisse le tour de force de produire une galette telle que Purpendicular est, tout simplement, aussi inattendu que réjouissant.
A croire que le départ d'un Ritchie Blackmore - au caractère aussi volatile et explosif que son talent est grand - a libéré nos anciens ! Il est vrai que les dernières années avec Ritchie ne furent pas une grande réussite. Que ce soit la tentative de Rainbowisation du Pourpre Profond avec l'adjonction de Joe Lynn Turner en remplacement d'un Ian Gillan n'arrivant tout simplement plus à supporter son potentat de guitariste ou le retour dudit Gillan pour un album aussi inspiré qu'une page du bottin... Quelque chose n'allait visiblement plus au Royaume de ces dinosaures en perdition...
Qu'il eût fallu le saccage d'un membre aussi influant et (prétendument) indispensable fut une immense surprise pour ceux qui suivaient l'histoire chaotique mais passionnante de ces légendes de la scène Hard Rock des 70s. Et si la six-cordes fut d'abord confiée à un autre maestro, l'inoxydable Joe Satriani, pour ce qui ne fut qu'un dépannage. C'est finalement à l'ex-Kansas et Dixie Dregs Steve Morse qu'incombe (comme avec Tommy Bolin à l'époque du premier départ de Ritchie) la lourde tâche de faire oublier son devancier. Et, pour impossible que relever un tel challenge puisse paraître c'est pourtant le tour de force que réussit ici Morse.
Mais le plus surprenant là dedans c'est la dynamique et le plaisir de jouer que ce changement de personnel semble avoir fait retrouver à Deep Purple. De la première à la dernière note de ce Purpendicular on entend en effet des musiciens qui semblent avoir enfin retrouvé le plaisir de jouer de la musique ensembles. Pas que le matériau disponible sur l'album soit particulièrement novateur ou révolutionnaire - pas du tout ! - ces 4 anciens et leur nouveau joujou se contentent de jouer ce hard rock racé et mélodique qui a fait leur succès. On pourrait même, rétrospectivement, voir dans certains morceaux - les plus calmes - les signes avant-coureurs de l'épuisement d'inspiration qui frappera le quintet sur ses deux opus suivants : le très inégal Abandon et le ramollo Bananas. Mais, en attendant la chute, tout ici fonctionne à merveille.
Dire que Purpendicular est parfait serait cependant exagéré. Il y a dans l'album deux ou trois chansons qui donnent relativement moins satisfaction que le reste mais, tout compte fait, valent tout de même mieux que ce que les deux précédentes livraisons nous avaient apportées. Et même en coupant ces relatifs moments d'inertie créatrice, il reste largement assez de musique pour remplir un album de toute première bourre.
Et c'est exactement ce qu'est ce Purpendicular : l'album du bonheur retrouvé où les anciens convolent en juste noce avec leur nouveau camarade de jeu pour le plus grand plaisir de l'auditeur qui en redemande.
C'est volontairement que je ne rentre pas dans le détail de la musique ici proposée. Ceux qui connaissent déjà l'œuvre ici présentée savent ce qu'elle vaut et il serait dommage de déflorer le plaisir des autres qui, je le souhaite, prendront autant de plaisir que moi à l'écoute de ce - je le rappelle - miraculeux album.

1. Vavoom: Ted the Mechanic 4:16
2. Loosen My Strings 5:57
3. Soon Forgotten 4:47
4. Sometimes I Feel Like Screaming 7:29
5. Cascades: I'm Not Your Lover 4:43
6. The Aviator 5:20
7. Rosa's Cantina 5:10
8. A Castle Full of Rascals 5:11
9. A Touch Away 4:36
10. Hey Cisco 5:53
11. Somebody Stole My Guitar 4:09
12. The Purpendicular Waltz 4:45

Jon Lord – organ, keyboards
Ian Paice – drums
Ian Gillan – vocals, harmonica
Roger Glover – bass guitar
Steve Morse – guitar

mardi 23 septembre 2014

Transitions Sabbatiques...

Gillan                             Hughes                          Gillen                           Martin
Transitions Sabbatiques...
Première partie (la suite jeudi) d'un post concernant les périodes troubles de deux légendes du hard rock/heavy metal. Cette fois, nous nous intéresserons à Black Sabbath entre 1983 et 1987 (c'est précis !) avec, toutefois, un copieux bonus à la fin. Et ? C'est tout. Enjoyez !
 
iaN GiLLaN
Black Sabbath "Born Again (Deluxe Edition)" (1983/2011)
ou "Mariage arrangé"

Quand la nouvelle tomba que le nouveau vocaliste de Black Sabbath serait Ian Gillan, les réactions furent partagées entre enthousiasme délirant et circonspection. Certes Gillan, via son groupe éponyme, s'était rapproché du Hard Rock qui avait fait sa gloire avec Deep Purple, après l'intermède de quelques albums dans un rock fusion jazzo-progressif du Ian Gillan Band; certes Black Sabbath avait déjà prouvé qu'il pouvait se passer de son historique chanteur en recrutant un petit gars, déjà dans la sphère de Blackmore, pour le remplacer (ha ! Dio !), mais, tout de même, le pari était risqué, et la compatibilité entre les vocalises suraigües d'Ian et le metal lourd d'Iommi & Co, loin d'être une évidence. 
De fait, un peu comme quand on mélange de l'huile et de l'eau dans un verre, ça fait des formes intéressantes mais ça "n'adhère" pas. Enfin, ça n'adhère pas assez souvent. Parce que la première face, trois titres et deux courts instrumentaux/introductions, est tout à fait correcte avec même un Zero the Hero qui fonctionne au-delà des espérances effleurant la possibilité que le vocaliste de Deep Purple soit bien soluble dans le bain "Sabbathesque". C'est, hélas, le seul vrai beau moment d'un album souffrant, outres l'incompatibilité des égosillements gillanesques et des riffs d'airain iommisiens, d'un songwriting en berne. Parce que, franchement, on peine à s'intéresser à des compositions aussi peu passionnantes que Digital Bitch, le lourdaud Born Again ou le carrément raté Hot Line. Tous des morceaux qui ne sont ni du Black Sabbath ni du Deep Purple mais semble tenter de marier les deux, sans résultat probant. Et ce n'est pas la production (quoiqu'un peu meilleure dans le présent remaster) qui viendra apposer un vernis rutilant pour maquiller la laideur.
Le Deluxe alors ? Déjà la composition bonus, The Fallen, est plutôt moins mauvaise que la plupart de celles constituant la face b d'époque, bon point. Ensuite, l'instrumental Stonehenge en version largement allongée (près de 5 minutes au lieu de 2 !) est plutôt sympathique. Enfin, le live au festival de Reading avec Gillan (où même Hot Line et Digital Bitch passent un peu mieux), un live sans Bill Ward qui donne en plus l'occasion d'entendre Iommi se frotter à Blackmore (Smoke on the Water, rien que ça !) et s'en sortir avec les honneurs, et d'entendre Gillan reprendre quelques classiques de la période Ozzy (rien de Dio, trop difficile ?) et en faire du Gillan (on ne se refait pas !) est un beau document d'époque, si seulement pour l'anecdote. Le Deluxe alors (bis) ?
Oui. En vérité, on conseillera à ceux qui n'ont pas encore l'album alors qu'ils ont tout ou presque de Black Sabbath, parce que ça reste un album accessoire, indéniablement, de faire le choix du Deluxe qui est quand même nettement plus fun, ce qui n'est pas rien mais ne fait pas pour autant de Born Again autre chose qu'un vilain petit canard qui n'a que ce qu'il mérite.

CD 1 - Album
1. Trashed 4:16
2. Stonehenge 1:58
3. Disturbing the Priest 5:49
4. The Dark 0:45
5. Zero the Hero 7:35
6. Digital Bitch 3:39
7. Born Again 6:34
8. Hot Line 4:52
9. Keep it Warm 5:36

CD 2 - Bonus
1. The Fallen (previously unreleased album session outtake) 4:30
2. Stonehenge (extended version) 4:46
Live at the Reading Festival (27/08/83)
3. Hot Line 4:54
4. War Pigs 7:25
5. Black Sabbath 7:10
6. The Dark 1:05
7. Zero the Hero 6:54
8. Digital Bitch 3:33
9. Iron Man 7:41
10. Smoke on the Water 4:56
11. Paranoid 4:17

Tony Iommi – guitar, flute
Geezer Butler – bass
Bill Ward – drums
Ian Gillan – lead vocals
&
Geoff Nicholls
– keyboards
Bev Bevan – drums (on 2011 Deluxe Edition – Disc 2, tracks 3–11)


GLeNN HuGHeS/Ray GiLLeN
Black Sabbath "Seventh Star (Deluxe Edition)" (1986/2010)
ou "This is not Black Sabbath"

Il y a un indice sur la pochette, "featuring Tony Iommi". Seventh Star n'est un album de Black Sabbath en rien sauf en nom et, de fait, fut conçu pour le nouveau projet d'Iommi et de l'ex-Deep Purple et Trapeze Glenn Hughes (l'air de rien, le troisième chanteur à avoir travaillé avec Blackmore avant de rejoindre Iommi, que voleur ce Tony !). Mais bon, la pression du label préférant le nom qui fait vendre au projet "bis", on fini par se laisser convaincre qu'en fait... Vous connaissez l'histoire aussi bien que moi.
Du coup, en toute logique, Seventh Star ne sonne pas comme du Black Sabbath. Evidemment, avec Iommi à la guitare et la composition, il reste des traces, mais elles sont diffuses et plutôt bien planqué dans un hard rock souvent un poil FMiné où la voix puissante et soul-compatible d'Hughes fait merveille. Signe ultime, si vous n'étiez pas encore convaincus, que Seventh Star n'est pas un album de Black Sabbath, et ça s'entend dans le son, Geezer n'y est pas. Mine de rien, c'était le dernier membre original à continuer d'accompagner Tony, et un instrumentiste suffisamment volubile pour occuper pas mal de place (parfait dans un quatuor avec une seule guitare), ce n'est donc pas rien. En plus, ce qui n'est pas une nouveauté sauf à compter le responsable du poste dans le line-up, ce qui est fait ici, il y a un claviériste, Geoff Nichols (peut-être inclus à la fidélité, lui qui est guest musician depuis Heaven & Hell, premier album avec Dio), qui prend pas mal de place et contribue indéniablement à l'adoucissement du ton par rapport aux habitudes du groupe que ce groupe n'est pas, donc.
Ceci conclus, Seventh Star est-il un bon album ? Oui. C'est un bon album de hard rock racé où de bon riffs (Iommi !) viennent complimenter un songwriting classique mais efficace. On retrouve d'ailleurs tous les éléments d'un album du genre de cette époque, un peu de sève (In for the Kill ou Turn to Stone et leur bel abattage), un peu de sueur (Danger Zone en rocker bien troussé, Heart Like a Wheel on hard un poil bluesy bien chaud), un peu de sang (Seventh Star qui aurait des allures plus guerrières avec une production moins allégée), et une giclée de parfum (le pop metal accrocheur de Angry Heart). Ca nous donne un album varié, bien produit, pas exceptionnel mais vraiment très sympathique à écouter pour qui aime ce qu'il est désormais convenu d'appeler du "Melodic Heavy Metal".
La version Deluxe rajoute un live mais ce n'est plus Glenn Hughes qui chante, remplacé au débotté qu'il fut par l'ex-Rondinelli Ray Gillen (le groupe d'un ex-batteur de Rainbow) après qu'il se soit blessé à la gorge lors d'une rixe. Y perd-on au change ? Pas vraiment étant donné que Gillen (plus Coverdale qu'Hughes en matière de référence "purplesques") a une voix puissante et un registre suffisamment étendu pour pouvoir s'adapter aux œuvres de ses prédécesseurs (Ozzy, Dio et Hughes, Ian Gillan étant laissé de côté). La performance, enregistrée à l'Hammersmith Odeon de Londres en juin 1986, est solide et inspirée, en grande partie grâce à la prestation de Ray. Son défaut majeur ? C'est d'un bootlegg de qualité très moyenne dont il s'agit. Sinon, c'est aussi beaucoup trop court mais vu le son, on s'en contente... Ca fait tout de même un bonus satisfaisant dans le registre "ça c'est du document !" et un bel hommage à Mr. Gillen, décédé en 1993, enfin honoré d'une partie de ses travaux pour Black Sabbath (l'autre est dans le Deluxe de The Eternal Idol).
Seventh Star n'est pas un album de Black Sabbath, ça ne l'empêche pas d'être une sympathique galette bien de son époque mais pas trop usée par les ans, et dans la version "riche", c'est encore mieux. Testez voir si vous ne me croyez pas.

CD 1 - Album
1. In for the Kill 3:48
2. No Stranger to Love 4:28
3. Turn to Stone 3:28
4. Sphinx (The Guardian) 1:12
5. Seventh Star 5:20
6. Danger Zone 4:23
7. Heart Like a Wheel 6:35
8. Angry Heart 3:06
9. In Memory... 2:35
bonus
10. No Stranger to Love (Single Remix) 4:00

CD 2 - Bonus
Live at Hammersmith Odeon in London (02/06/86)
1. The Mob Rules 2:59
2. Danger Zone 4:44
3. War Pigs 8:10
4. Seventh Star 5:02
5. Die Young 3:58
6. Black Sabbath 9:33
7. N.I.B. 1:37
8. Neon Knights 4:36
9. Paranoid 1:28

Tony Iommi – guitar
Geoff Nicholls – keyboards
Glenn Hughes – vocals
Dave Spitz – bass guitar
Eric Singer – drums
&
Gordon Copley
– bass guitar (No Stranger to Love)
Ray Gillen – vocals (CD 2)


Ray GiLLeN/ToNy MaRTiN
Black Sabbath "The Eternal Idol (Deluxe Edition)" (1987/2010)
ou "Black Dio II"

A l'origine prévu pour être le premier album de Black Sabbath avec Ray Gillen qui vient d'assurer quasiment toute la tournée Seventh Star, The Eternal Idol finira dans les paluches de Tony Martin, dont le mimétisme vocal avec Ronnie James Dio ne dut pas nuire.
Il faut comprendre que le Black Sabbath de 1987 n'est plus le géant triomphant des années 70. Relevant du départ de Dio, de l'échec commercial et artistique de Born Again avec Gillan, de l'échec commercial de Seventh Star avec Glenn Hughes, du départ de Geezer Butler qui n'y croit plus, du départ de Glenn sur blessure, du départ de Ray Gillen parce que les choses n'avançaient pas, c'est un Black Sabbath qui a vu les galères s'accumuler et auquel plus grand monde ne croit.
Iommi y croit, lui. Et il a raison, Tony. Parce qu'il tient là une belle collection de chansons, et un chanteur capable de faire revivre un passé désormais révolu à quelques auditeurs nostalgiques. Il y croit mais avec, sans doute, un petit fond de rancœur pour les mauvais choix, la faute à pas de chance, et un peu de jalousie de voir ses anciens vocalistes triompher, qui dans une carrière solo managée par sa compagne (Dio, Ozzy), qui dans la reformation de son groupe légendaire (Gillan avec Deep Purple, quoique là aussi, il commence à y avoir de l'eau dans le gaz). Aussi, après l'essai infructueux du "super groupe" (avec un chanteur star !, Gillan), après un nouveau projet prestement renommé Black Sabbath pas un label cupide alors que la musique n'en est clairement pas, il se regroupe sur ses fondamentaux, sur un Heavy Metal aux rares excès de vitesse, aux riffs absolument centraux et qui doivent donc nécessairement être bons (ils le sont), à des ambiances sombres menées par un chanteur habité... Evidemment, en 1987, il a fallu s'adapter, moderniser à minima, côté production principalement mais aussi dans l'omniprésence des claviers de Geoff Nichols en ambianceurs de service, ce qui ressemble tout de même à s'y méprendre à une tentative de refaire Heaven & Hell, ou Mob Rules... Du Black Dio, quoi.
Et ça fonctionne. Alors, certes, Tony Martin n'est pas tout à fait Ronnie James Dio, et tant mieux pour lui d'ailleurs, un poil moins lyrique et théâtral il amène une inclinaison presque pop metal à sa prestation (calquée sur celle de Gillen comme démontré par cet utile Deluxe), il est, comment dire, moins grand que Dio, mais très correct, vraiment (il fera d'ailleurs 4 autres albums, ce n'est pas pour rien). Présentement, donc, il se voit offrir un matériel de première bourre avec en particulier The Shining (un mid-tempo tout en ambiances et puissant avec une excellente mélodie de chant et de bons riffs, ça ne pouvait pas mieux commencer), Ancient Warrior (et son petit côté Led Zep via un riff orientalisant), Born to Lose (plutôt rapide, qui rappelle assez Rainbow avec Joe Lynn Turner), Lost Forever, (où le groupe se fait presque prendre en excès de vitesse !), et le titre donnant son titre à l'album, Eternal Idol (morceaux aux ambiances particulièrement réussies et au riff principal typique), dans un opus où, fondamentalement, rien n'est décevant. Du Black Sabbath solide, le meilleur depuis Mob Rules, objectif atteint.
Et ce Deluxe alors ? Deux B-sides solides quoiqu'accessoires viennent complèter l'album sur le premier disque argenté, merci. L'intérêt, toutefois, se situe surtout dans les "démos" (un album presque fini en fait) avec Ray Gillen, bonne occasion de voir à quelle sauce ce vocaliste, proche de David Coverdale, allait assaisonner son Black Sabbath. Les mélodies, inflexions, sont les mêmes que celles que Martin délivre dans l'album officiel, la voix, par contre, avec son côté bluesy, amène un vrai supplément de chaleur qui va, en vérité, bien au teint de la blafarde formation de Birmingham. Ce n'est ni mieux ni moins bien que l'album proprement dit, juste différent tout en étant, pourtant, identiquement conçu, c'est dire l'importance du choix du chanteur.
Un bon album, des bonus intéressants, Eternal Idol, dont la bonne réputation dépasse rarement le petit cercle des admirateurs hardcore de Iommi & Co, est une addition nécessaire à toute collection de hard'n'heavy qui se respecte.

CD 1 - Album
1. The Shining 6:00
2. Ancient Warrior 5:28
3. Hard Life to Love 5:00
4. Glory Ride 4:49
5. Born to Lose 3:43
6. Nightmare 5:19
7. Scarlet Pimpernel 2:05
8. Lost Forever 4:03
9. Eternal Idol 6:33
bonus
10. Black Moon (Single B-side) 3:39
11. Some Kind of Woman (Single B-side) 3:15

CD 2 - Bonus
Versions with Ray Gillen
1. Glory Ride 5:21
2. Born to Lose 3:41
3. Lost Forever 4:17
4. Eternal Idol 6:48
5. The Shining 6:30
6. Hard Life to Love 5:19
7. Nightmare 4:49
8. Ancient Warrior 4:54

Tony Iommi – guitar
Geoff Nicholls – keyboard
Eric Singer – drums
Bob Daisley – bass
Tony Martin – lead vocals
&
Bev Bevan
– percussion (CD 1: 7, 9)
Ray Gillen – lead vocals (CD 2), laugh (CD1: 6)



La seule photo trouvable de Ronnie et Ozzy !
Les retours successifs de Dio, puis d'Ozzy, puis de Dio mais sous un autre nom de groupe, ont cessé quand Ronaldo Padavona s'est éteint, le 16 mai 2010, des suites d'une longue maladie. Voici dont le dernier Sabbath en date (Ozzy !), suivi de l'unique album d'Heaven & Hell, un Black Sabbath qui ne voulait pas dire son nom...
 
...et Maintenant
oZZy aGaiN !
Black Sabbath "13 (Deluxe Edition)" (2013)
ou "Retour gagnant"

(recyclage de la rubrique d'époque)
Black Sabbath is back! Le vrai (enfin presque) avec Ozzy, Geezer et Tony (mais pas Bill Ward, c'est physique la batterie alors c'est le Rageux Machineur Brad Wilk qui prend le relais). A la prod', ça devient une habitude quand on revient aux sources (musicales comme commerciales, voir Metallica ou ZZ Top récemment), c'est Rick "jamais sans mes shades" Rubin dont on espère qu'il a fait plus que maugréer derrière la console en mangeant des chips cette fois (wink wink à Greg Fidelman, ingé-son qui porte bien son nom !).
Bon, trêve de mauvais esprit, Black Sabbath is back! crénonvindiou ! Et, vu les inquiétantes nouvelles concernant la santé de son inamovible compositeur/guitariste, Tony Iommi, seul membre du groupe à avoir honoré de sa présence toutes les formations, c'est un bonheur rare auquel on risque de ne va pas devoir trop s'habituer... Ca ressemblerait même à la dernière salve du vieux soldat, mais un vieux soldat encore furieusement vaillant ! Parce qu'il dépote bien ce 13 !
Bien évidemment, c'est de Black Sabbath (le style musical) dont il s'agit, soit ce qu'une jeune pousse appellerait volontiers du proto-doom/psychedelic heavy rock ou quelque chose du genre (vous connaissez les jeunes, toujours à vouloir faire leurs intéressants !). Plus prosaïquement c'est par l'alliance des riffs d'albâtre d'un rythmicien six-cordés expert, d'une basse lourde et dense et d'un marteleur à la fois heavy et tribal (qui amène un certain groove, donc) que s'opère la magie. Il n'y manque plus que l'organe si particulier d'un Osbourne peut-être trépané mais encore vocalement viable (sur des paroles exclusivement de Geezer, ceci se devait d'être précisé) et les mélodies qui vont bien avec pour que l'affaire soit dans le sac...Elle l'est !
Pour le coup, la vraie surprise de 13 c'est de ne pas en rencontrer la moindre, c'est de Black Sabbath pur jus dont il s'agit comme l'annonce clairement End of the Begining au riff si cousin de Black Sabbath, première composition du premier album de Black Sabbath, que le clin d'œil, loin d'être délicat, n'aura échappé à personne. Ca a, au moins, le mérite de marquer clairement les intentions éminemment revivalistes de la galette. Ceci dit, c'est une bonne compo, avec d'excellentes interventions d'Iommi soliste et une tonalité qu'on dirait stoner rock s'il ne s'agissait de Black Sabbath qui sont arrivés avant et sont même à (à minima co-)créditer de la paternité du genre... Faut pas déconner, quoi !
God Is Dead? confirme l'inclinaison 70s stoner doom dans une composition qui s'éloigne du format chanson puisque construite en plusieurs mouvements qui ne se répèteront pas. L'effet en est étrange et inhabituel mais si bien habité par les riffs et, surtout !, un Ozzy créateur d'ambiance de toute première bourre qu'on valide dès la première écoute. En vérité, dans le genre, on imagine pas d'autre formation maîtriser aussi bien l'exercice et réussir nous tenir en haleine pendant près de 9 minutes.
Ha oui, c'est une autre constance de l'album, les chansons y sont longues (3 autour des 5 minutes, les 5 restantes au-delà des 7) sans en donner pour autant l'impression... Parce que Black Sabbath ne cherche pas sciemment à  rallonger la sauce, défaut qu'on a pu régulièrement constater chez deux autres légendaires formations de heavy metal, Iron Maiden et Metallica nommément. Black Sabbath développe ses ambiances, laissent le naturel, le hasard avoir voix au chapitre et les porter là où ils doivent, comme ils doivent.
Mais revenons à nos moutons et au passage en revue des forces vives de l'opus. Loner y tient le rôle du Paranoid nouveau (ça groove, ça dépote, un peu moins violemment qu'à l'époque mais bien comme il faut). Zeitgeist celui du nouveau Planet Caravan soit de la belle ballade acoustique qui permet de respirer juste ce qu'il faut avant de replonger dans le magma brûlant du heavy metal. Zeigeist est très bon d'ailleurs, avec de jolies guitares acoustiques, quelques discrètes percussions et une mélodie typique d'Ozzy dans ce genre d'exercice. Impeccable.
Etc. parce que la suite continue de décliner les cannons des travaux du Black Sabbath circa 1969/72. Pas idiot d'ailleurs de miser sur ses forces bien connues, de brosser l'auditeur dans le sens du poil en lui donnant exactement ce qu'on savait qu'il attendait... De là à y réussir, c'est une autre histoire. Présentement, aucun morceau ne déçoit vraiment. Allez, j'aime un tout petit peu moins Live Forever, c'est facilement contrebalancé par, au hasard, un  Damaged Soul bluesy et jammy du plus bel effet où Ozzy ressort même l'harmo et Iommi rappelle aux oublieux le grand soliste qu'il sait être... Lovely! Et puis, au final, 7 satisfactions sur 8, c'est déjà énorme !
Formellement, on regrettera juste (mais c'est vraiment pour pinailler !) la production un poil monolithique de Rubin dont la nuance n'est pas le fort, c'est acquis, y a qu'à entendre la pluie et la cloche de fin, re-clin d'œil appuyé pour ceux qui n'auraient pas compris, alors qu'ils arrivent au bout de l'album, que la boucle est bouclée. Sans gâcher un tableau quasi-idyllique, le travail accompli par Rick n'est définitivement pas le point fort d'un 13 sinon fort recommandable.
Evidemment, il y aura toujours quelques mauvais-chagrins pour pointer l'opportunisme commercial de l'entreprise, ceux-là n'y verront qu'une grossière approximation du légendaire trademark sound du combo... Laissons-les parler, Black Sabbath is back! et dans une si belle forme qu'on ne boude pas son plaisir et salue, comme il se doit, la splendide performance de trois papys finalement encore très verts... En souhaitant la voir bientôt renouvelée, on peut toujours rêver !

PS: Version deluxe, trois morceaux de plus ! Pas de blablas des résultats ! Trois compositions pour prolonger l'expérience. Les rejects de 13 ? Possible mais ce n'est pas si mal avec pour commencer, Methademic qui trompe son monde avec une petite intro acoustique avant de se muer en gros heavy lourd (et rapide pour du Black Sabbath). Suit Peace of Mind qu'on croirait, avec son riff détourné de Sabbra Cadabra, échappé des outtakes de Sabbath Bloody Sabbath, mineur mais efficace. Last but not least, Pariah, son riff et son groove de la mort n'apportent rien de plus qu'un piqûre de rappel de ce que savent faire ces grands anciens. Comme les autres titres de ce bonus disc, on est juste en deçà du niveau de 13 mais suffisamment proche pour ne pas regretter le (petit) investissement supplémentaire.

CD 1 - Album
1. End of the Beginning 8:05
2. God Is Dead? 8:52
3. Loner 4:59
4. Zeitgeist 4:37
5. Age of Reason 7:01
6. Live Forever 4:46
7. Damaged Soul 7:51
8. Dear Father 7:20

CD 2 - Bonus
1. Methademic 5:57
2. Peace of Mind 3:40
3. Pariah 5:34

Ozzy Osbourne – vocals, harmonica
Tony Iommi – guitars
Geezer Butler – bass guitar
&
Brad Wilk
– drums, percussion

..."faux" Sabbath
L'iNTéRiM Dio
Heaven & Hell "The Devil You Know" (2009)
ou "En tout sauf en nom"

Soyons clairs, The Devil You Know, unique album studio d'Heaven & Hell, est un album de Black Sabbath en tout sauf en nom. D'ailleurs, on y retrouve l'exact line-up qui avait enregistré Mob Rules et Dehumanizer, respectivement 28 et 17 ans plus tôt.
Aucune surprise, donc, à retrouver ce heavy metal classieux et puissant, dont la gamme va de la power ballad au déboulé furieux, où les riffs sont l'axe central, la voix la cerise sur le gâteau et la section rythmique (dont l'excellent Vinnie Appice qui s'associe bien avec Geezer) la fondation nécessaire et irremplaçable à l'accomplissement de pareille entreprise.
Oui mais, la dernière fois, sur Dehumanizer donc, ça n'avait pas tellement fonctionné, la faute à un répertoire très moyennement inspiré et une production franchement pas au niveau et agaçante. Vlam ! Balayé tout ça, on se retrouve, outre une production plus moderne, avec le même groupe que celui qui relança la carrière d'un géant des années 70 alors en pleine déliquescence. Avec Dio (R.I.P.) dont la voix est toujours aussi précieuse et n'a pris qu'une légère patine avec le poids des ans, avec Iommi qui a retrouvé la formule du riff qui tue; et un Geezer totalement impliqué puisque crédité sur tous les titres on se doutait bien... On espérait... Sans doute trop d'où une certaine déception, retombée du soufflé, à l'époque de la sortie. Et d'une réévaluation depuis parce que, si ce n'est pas exactement du niveau de l'irréprochable Heaven & Hell (l'album), c'est très proche du très beau niveau de Mob Rules et, donc, un très net cran au dessus du cru 1992 précité.
De bons titres ? Plus de deux tiers de la tracklist. En tête, l'excellent Bible Black qui, commençant doucement, s'épanouit en composition épique typique du Sabbath de Ronnie James, formule plus ou moins répétée sur Follow the Tears qui reste correct mais ne reproduit pas l'exploit et l'ultime titre, Breaking Into Heaven, qui lui y parvient. Sinon, Atom & Evil, du Sabbath lent et lourd avec une ambiance bien noire fonctionne très bien, le mid-tempo nerveux Double the Pain itou, idem pour Rock and Roll Angel qui sonne très Dio solo, et la même pour le coup de speed de l'album (Eating the Cannibals) qui réveille juste comme il faut, juste quand il faut.
C'est donc bel et bien de bon Black Sabbath dont il s'agit. Alors pourquoi ce nom ? Pour ne pas vexer Ozzy & Sharon et donc éviter de tuer la poule aux œufs d'or qu'est devenue Black Sabbath lors de juteuses tournées ? Possible. Pour démarquer la mouture Dio de celle Ozzy (c'est l'explication officielle) ? On va dire ça... Reste que The Devil You Know, dernière sortie de Ronnie James de son vivant, est une belle galette, là est l'essentiel.

1. Atom and Evil 5:15
2. Fear 4:48
3. Bible Black 6:29
4. Double the Pain 5:25
5. Rock and Roll Angel 6:02
6. The Turn of the Screw 5:02
7. Eating the Cannibals 3:37
8. Follow the Tears 6:12
9. Neverwhere 4:35
10. Breaking into Heaven 6:53

Ronnie James Dio – vocals
Tony Iommi – guitar
Geezer Butler – bass guitar
Vinny Appice – drums, percussion
&
Mike Exeter
– keyboards

...la suite jeudi