vendredi 28 novembre 2014

Bobbie from the South

Après Emilie, Bobbie. Le Zornophage revient sur les dames de classe, qui s'en plaindra. Et donc voici, recyclés de l'Année du Dragon (souvenirs, souvenirs) les trois cd édités par le label australien Raven, une intégrale ou presque de Miss Gentry, youpi !

Bobbie Gentry "Ode to Billie Joe/Touch 'Em With Love" (2008)
ou "Ca commence"

Si on pourra questionner la raison qui fit rapprocher ces deux albums distants de 3 années et séparés par 3 autres long-jeux au label australien Raven, il faut se réjouir d'enfin en trouver une édition cd digne de ce nom.
Le premier des deux albums, Ode to Billie Joe, est évidemment connu pour sa chanson titre (le titre le plus connu de Bobbie) dont les nombreuses reprises (de Joe Dassin à Sinead O'Connor) assurent encore aujourd'hui une renommée - souvent indirecte - à une artiste ayant tiré sa révérence après une courte carrière (même pas 5 ans et tout de même 6 album dont un en duo avec Glen Campbell). En l'occurrence, la musique de Bobbie, navigant librement entre country, folk, rock, blues, jazz, soul, et middle of the road typique des late 60s, est quasiment sans équivalent à son époque. Déjà parce que Mlle Gentry, dont la musique semble vouloir accrocher les charts, est compositrice et auteure en plus d'être interprète, ensuite parce que, même quand la plus grande facilité mélodique se fait jour, une exigence artistique de tous les instants et des arrangements au cordeau emportent aisément le morceau.
Et puis il y a la voix de Bobbie, ce voile qui lui rajoute tant et sa capacité à coller à chaque registre avec un égal bonheur. Et ça vaut aussi pour la seconde partie de ce double set, Touch `Em With Love (encore un petit cran au dessus de son illustre voisin, album d'une rare variété et d'une excellente tenue de bout en bout... Peut-être le meilleur de Bobbie Gentry, ce qui n'est pas peu dire ! Et comme si ça ne suffisait pas (alors que si, on s'en serait contenté), Raven a rajouté 7 ( !) titres bonus dont une seule facilement trouvable ailleurs (sur l'album avec Glen Campbell déjà évoqué)... Royal !
Si certaines compilations donnent une bonne idée de l'étendue de la palette d'une artiste aujourd'hui trop peu rarement citée quand on en vient à évoquer les grandes dames du passé, cette rencontre de deux de ses plus beaux albums les remplacera avantageusement permettant, qui plus est, par son petit livret biographique, de plonger encore plus avant dans l'histoire peu banale d'une artiste qui ne l'était pas moins. Manquent toutefois les paroles pour que cette édition soit parfaite, étant entendu que, musicalement, elle l'est déjà.

- Ode to Billie Joe (1967)
1. Mississippi Delta 3:06
2. I Saw an Angel Die 2:58
3. Chickasaw County Child 2:47
4. Sunday Best 2:45
5. Niki Hoeky 2:47
6. Papa, Won't You Let Me Go to Town with You 2:34
7. Bugs 2:09
8. Hurry, Tuesday Child 3:55
9. Lazy Willie 2:42
10. Ode to Billie Joe 4:15
- Touch 'Em With Love (1969)
11. Touch 'Em with Love 2:03
12. Greyhound Goin' Somewhere 2:23
13. Natural to Be Gone 2:21
14. Seasons Come, Seasons Go 2:50
15. Glory Hallelujah, How They'll Sing 2:35
16. I Wouldn't Be Surprised 3:24
17. Son of a Preacher Man 2:06
18. Where's the Playground, Johnny 2:32
19. I'll Never Fall in Love Again 2:52
20. You've Made Me So Very Happy 3:19
- Bonus Tracks
21. Scarlet Ribbons 2:39
22. The Girl from Cincinnati 3:32
23. You and Me Together 4:00
24. Let It Be Me (With Glenn Campbell) 2:07
25. All I Have to Do Is Dream (With Glenn Campbell) 2:34
26. Walk Right Back (With Glenn Campbell) 2:19
27. En Todas Partes (Here, There and Everywhere) 2:18


Bobbie Gentry "The Delta Sweete/Local Gentry" (2006)
ou "2/3"

Dans la foule des chanteuses s'embarquant dans la mouvance folk/country/pop à la fin des années 60, Bobbie Gentry a un statut bien à part simplement parce qu'en plus d'être une interprète de qualité elle est aussi une fine plume qui sait, mieux qu'à son tour, trousser une chanson.
Sur son tout premier album ça avait donné - entre autres choses - un Ode to Billy Joe toujours solidement ancré dans l'inconscient collectif, on a vu (entendu) bien pire... C'était en 1967 et la suite directe (ces deux albums parus l'année suivante) ne vient pas démentir cette réputation méritée. Le style est toujours le même - une country folk travaillée pour dépasser les clivages - et on ne s'en plaindra pas. De fait, on est souvent étonnamment proche d'un autre artiste : Lee Hazlewood. Les deux partagent le même amour d'un second degré malin, et d'arrangements mariant allègrement une base country folk et des tentations loungesques (cuivres, cordes, etc.) du plus bel effet. Il faut aussi vanter les mérites de la gouaille `gentrienne' et son ton flegmatique et détaché, car oui, la miss s'y entend à merveille pour conter ses petites histoires autant que pour reprendre celles des autres et les faire siennes (et c'est heureux car trois reprises des Beatles sur les 11 titres de Local Gentry, on approche de l'overdose).
En définitive, ce sont deux albums de grande qualité que nous tenons ici - même si Delta Sweete mène clairement la danse - compilées à l'initiative du label australien Raven Records et bonussées pour l'occasion de trois pistes dignes d'intérêt. Que du bonheur (et l'amer regret d'avoir vu une artiste si talentueuse se retirer après quatre petites années de carrière seulement) !

- The Delta Sweete (1968)
1. Okolona River Bottom Band 2:57
2. Big Boss Man 3:00
3. Reunion 2:37
4. Parchman Farm Blues 3:11
5. Mornin' Glory 3:10
6. Sermon 2:36
7. Tobacco Road 2:49
8. Penduli Pendulum 1:57
9. Jessye 'Lisabeth 3:02
10. Refractions 2:30
11. Louisiana Man 2:42
12. Courtyard 2:59
- Local Gentry (1968)
13. Sweete Peony 2:29
14. Casket Vignette 2:35
15. Come Away Melinda 3:25
16. The Fool on the Hill 3:49
17. Papa's Medicine Show 3:51
18. Ace Insurance Man 3:33
19. Recollection 2:11
20. Sittin' Pretty 3:24
21. Eleanor Rigby 2:32
22. Peaceful 2:53
23. Here, There and Everywhere 2:31
- Titres bonus
24. Stormy 3:30
25. Skip Along Sam 2:40
26. Away in a Manger 2:37


Bobbie Gentry "Patchwork/Fancy" (2007)
ou "This is the end"

Des trois sets rééditant les albums de Bobbie Gentry, celui-ci est sans aucun doute le moins essentiel. Y sont proposés les deux derniers albums de la belle avant qu'elle ne disparaisse irrémédiablement de la scène musicale pour ne plus jamais y reparaitre... à tout juste 27 ans !
Les deux albums ici regroupés (Fancy de 1970 Patchwork de 1971) sont, contrairement à ce qu'on avait pu constater des deux autres références du catalogue, proposés dans l'ordre chronologique. Côté son, rien à dire, le travail a été fait et bien fait, c'est donc un remaster de qualité qui nous est proposé avec ses indispensables notes de pochette. Du bon boulot, vraiment. Au passage, on se doit de remercier le label australien Raven de son aeuvre de réédition du catalogue de Miss Gentry étant donné qu'il est le seul à s'y être collé. Merci, donc.
Côté musique, c'est une histoire plus nuancée, inégale. Patchwork, qui ouvre le bal, n'est pas forcément l'album qu'on aurait attendu de Miss Gentry à ce point de sa carrière. Le plus easy-listenning des (vrais) albums de sa courte discographie, c'est un album qui sent le compromis avec des arrangements « middle of the road » qui voient sa country/folk/pop trop souvent empesée de fioritures inutiles ce qui est d'autant plus rageant que le potentiel compositionnel était bien là. Ceci dit, la voix, au voile si sensuel, est toujours présente et si l'album est une relative déception comparé aux précédentes aeuvres de la dame, par lui-même, il se tient plutôt bien, possède quelques très jolies compositions et s'écoute avec perplexité, certes, mais sans déplaisir aucun. A vrai dire, s'il n'y avait ces quelques fautes de goût, il tutoierait le meilleur de Bobbie, ce qui n'est pas rien.
Suit, Fancy, ultime enregistrement longue durée de Gentry qui, quasi-intégralement rempli de compositions d'autrui, est définitivement un album à part dans la carrière de Bobbie. Si le morceau titre, et seule piste signée de son interprète rappelant son désormais standard (Ode to Billie Joe), n'est pas une surprise et fonctionne admirablement le reste est plus inégal. Déjà parce qu'on y sent Bobbie nettement moins à son aise que sur ses propres compositions ensuite parce qu'encore une fois des arrangements « over the top » (imputables au producteur, Rich Hall) s'y déploient sans qu'on en ressente bien la nécessité. De fait, la mayonnaise ne prend que rarement et généralement sur les morceaux les plus épurés et roots (le Rainmaker de Harry Nillson est un bon exemple) nettement moins, au pif, sur les deux reprises de Burt Bacharach (I'll Never Fall in Love Again et Raindrops Keep Falling on My Head).
Pas essentiel (quoique Patchwork, dans ses kitschs exagérations mérite son pesant de cacahouètes), contrairement aux deux précédentes rééditions de la série (Ode to Billie Joe / Touch Em With Love , Delta Sweete / Local Gentry), cette troisième levée sera à réserver en priorité aux complétistes et aux amateurs de variété américaine du début des années 70 de laquelle on pourra stylistiquement rapprocher cette doublette. Pas tout à fait un final en beauté donc mais suffisamment de raisons de regretter la disparition de Miss Gentry, de sa voix et bien sûr de sa plume jamais remplacée.

- Patchwork (1971)
1. Benjamin/Interlude 4:21
2. Marigolds and Tangerines/Interlude 2:43
3. Billy the Kid/Interlude 2:40
4. Beverly/Interlude 3:48
5. Miss Clara/Azusa Sue/Interlude 4:42
6. But I Can't Get Back 3:34
7. Jeremiah/Interlude 6:14
8. Belinda 4:05
9. Mean Stepmama Blues 3:57
10. Your Number One Fan/Interlude 2:54
11. Somebody Like Me 4:07
12. Lookin' In 4:00
- Fancy (1970)
13. Fancy 4:17
14. I'll Never Fall in Love Again 2:54
15. Delta Man 3:02
16. Something In the Way He Moves 2:36
17. Find 'Em, Fool 'Em and Forget 'Em 2:40
18. He Made a Woman Out of Me 2:35
19. Raindrops Keep Falling on My Head 3:11
20. If You Gotta Make a Fool of Somebody 2:23
21. Rainmaker 2:40
22. Wedding Bell Blues 3:13

13 commentaires:

  1. Bobbie from the South

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    1. Merci beaucoup pour cette découverte olutot délicieuse pour le moment j'écoute ode to billie joe.Bien amicalement

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    2. Et merci de ton commentaire. Enjoie !

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  2. La très grande classe! Très, très beau post. Merci.

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  3. Et bravo pour tes excellents billets, j'oublie trop souvent de le signaler.

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    1. Et moi les tiens, qui ne manquent pas non plus. Bravo réciproque donc même si ça n'excuse pas mes rares passages en ta bonne maison.

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  4. Je pensais justement à elle la semaine dernière. Je me disais que Ode to Billy Joe faisait partie de ces grands secrets des 60' s et que cette femme devait être extraordinaire. Et je crois qu'elle l'était à cette époque pour s'affirmer autant dans un milieu très masculin et encore très macho.
    Je ne connaissais que quelques titres et je voulais en découvrir d'autres. Et bing, voilà que ton blog déverse tous ses disques. Tu es un vrai magicien!!!

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    1. Un grand secret Ode to Billy Joe ? Faut pas pousser tt de même. Certes, ce n'est pas le morceau qui passe le plus souvent sur les ondes mais ça reste un classique, connu de beaucoup de gens.
      Mais donc, là n'est pas le propos. En l'occurrence, je me réjouis de te faire découvrir la discographique quasi-intégrale d'une Dame souvent limitée à, justement, son titre le plus emblématique, dont on parlait avant, justement.
      Bonnes écoutes !

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  5. Et la comparaison avec Lee Hazelwood a effectivement du sens. Mais sur certains morceaux (Hurry Tuesday Child), on dirait presque un Scott Walker du début féminin.

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    1. Il y a de ça aussi, c'est d'époque mais Bobbie est tout de même moins mélodramatique que Scott.

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