samedi 4 juillet 2015

Né un 4 juillet (1ère partie)

Fête nationale étatsunienne oblige, je vous propose une petite plongée en 2 parties (la suite mardi) dans une Amérique quand même un peu beaucoup à la marge. Enjoie !

BoB!
Bob Dylan "Highway 61 Revisited" (1965)
ou "Electric Revolution"

Le coup d'avant, Bring It All Back Home, avait préparé le terrain mais c'est sur Highway 61 Revisited que Bob Dylan largue largement les amarres avec une scène folk dont il était devenu la principale attraction.
Ce changement d'habillage, parce qu'on retrouve bien le songwriting de Dylan, vaudra à Bob les foudres des intégristes folk furieux d'avoir perdu l'uns de leurs plus beaux poulains mais, surtout, les louanges d'un nouveau public compensant largement ceux qui avaient déserté. Parce qu'il faut dire que, sur des bases certes électrisés mais néanmoins traditionnalistes (beaucoup de blues et encore pas mal de folk sur l'album), Highway 61 Revisited est une sacrée réussite.
Une sacrée réussit qui commence en trombe par un historique Like a Rolling Stone où, de l'orgue d'Al Kooper à la guitare Mike Bloomfield sans évidemment oublier les paroles et la mélodie de chant de Dylan, le nouveau Bob s'affirme avec la même classe qui caractérisait l'ancien. La suite de l'album, qu'elle soit franchement rock (Tombstone Blues, From of Buick 6, Highway 61 Revisited), glisse vers le blues (It Takes A Lot To Laugh, It Takes A Train To Cry, Ballad of a Thin Man) ou ne soit, finalement, qu'une relecture électrifiée de ce à quoi Dylan a habitué son auditoire (Queen Jane Approximately, Just Like Tom Thumb's Blues, Desolation Row), constitue le mètre étalon de ce que Bob continuera majoritairement de proposer tout du long de sa longue et productive carrière avec ce petit plus d'inspiration, cet alignement bienvenu des planètes, ce hasard cosmique incontrôlable qui en fait un authentique classique en plus de l'évènement mutateur que l'on sait.
Bob confirmera ces nouvelles et excellentes dispositions dès un presque aussi indispensable Blonde on Blonde l'an suivant sans, toutefois, cette fraicheur des premières fois qui caractérise cet Highway 61 Revisited indispensable, c'est le mot.

1. Like a Rolling Stone 6:13
2. Tombstone Blues 6:00
3. It Takes a Lot to Laugh, It Takes a Train to Cry 4:09
4. From a Buick 6 3:19
5. Ballad of a Thin Man 5:58
6. Queen Jane Approximately 5:31
7. Highway 61 Revisited 3:30
8. Just Like Tom Thumb's Blues 5:32
9. Desolation Row 11:21

Bob Dylan - vocals, guitar, harmonica, piano, police car
Mike Bloomfield - electric guitar
Charlie McCoy - guitar
Paul Griffin, Al Kooper - piano, organ
Frank Owens - piano
Harvey Brooks, Russ Savakus - bass guitar
Bobby Gregg, Sam Lay - drums

BOB DYLAN

PSyCHé TRioMPHe
Quicksilver Messenger Service "Happy Trails" (1969)
ou "Psyché Deluxe"

Dans la tripotée d'albums psychédéliques issus de l'explosion californienne de la chose, le Happy Trails de Quicksilver Messenger Service s'avère comme un des plus étranges mais aussi un des plus décisifs, machin live retouché, copié/collé en studio, largement improvisé sur sa longue suite introductive comme sur les sélections plus courtes qui suivent, c'est aussi le chef d'œuvre absolu de ses auteurs, un classique d'un temps révolu où il est bon de se replonger.
La Love Suite , ouverte et conclue par le Who Do You Love? de Bo Diddley, qui occupe l'entièreté de la première face, enregistrée sur deux concerts du Fillmore East et Fillmore West (entre New York et San Francisco, donc, sans qu'on sache bien d'où vient quoi) est un excellent exemple des exactions rock'n'blues d'une formation qui, sous l'influence de "produits", n'en doutons pas, sait reformer l'idiome à sa "trip-sauce". Des performances des deux guitaristes (Gary Duncan et, surtout, John Cipollina), des hooks mélodiques infusés dans la jam, à l'ambiance générale des 6 pièces enchainées, c'est un grand moment qui s'offre à nous. L'exploit étant qu'en retournant la cire noire on a droit à... encore mieux ! A commencer par une autre reprise de Bo Diddley, Mona, revue et corrigée pour de psychédéliques sensations où Cipollina en fait des caisses tout tripé qu'il est et nous emmène aisément avec lui. Suit un court instrumental notablement plus structuré mais pas moins épique que tout ce qui l'a précédé, Maiden of the Cancer Moon, où, encore une fois, la guitare de Cipollina fait des merveilles et, évidemment, le pinacle de la galette, cet objet musical non identifié qui, sur 13 et quelques minutes entraîne l'auditeur dans une montée au calvaire convoquant les influences de Carlos Montoya ou d'Ennio Morricone en un tout cinématique, sorte de poème symphonique psychédélique unique en son genre et donc absolument irremplaçable. Ha ! Calvary, quel trip ! Mais le panorama ne serait pas complet sans une petite virgule humoristique finale, une idée que reprendra à son compte Van Halen quelques années plus tard (sur Diver Down) avec la reprise du thème du Roy Rodgers Show, Happy Trails, l'instant cowboy qui ne sert pas à autre chose que de conclure sur un sourire l'éprouvante et satisfaisante expérience.
Création d'exception, captation fidèle de l'esprit des concerts d'un Quicksilver Messenger Service jamais prétentieux, toujours prenant, Happy Trails demeure un des plus belles galettes psychédéliques de tous les temps, et un immanquable, donc.

1. Who Do You Love? - Part 1 3:32
2. When You Love 5:15
3. Where You Love 6:07
4. How You Love 2:45
5. Which Do You Love 1:49
6. Who Do You Love - Part 2 5:51
7. Mona 7:01
8. Maiden of the Cancer Moon 2:54
9. Calvary 13:31
10. Happy Trails 1:29

John Cipollina - guitar, vocals
Gary Duncan - guitar, vocals
David Freiberg - bass, vocals, piano
Greg Elmore - drums, vocals, percussion

QUICKSILVER MESSENGER SERVICE

ReeD BeTWeeN THe LiNeS
Lou Reed "Transformer" (1972)
ou "Lou sous influence"

Si son éponyme sorti quelques mois plus tôt avait tout l'air d'un "solde de tous comptes", exclusivement composé de chansons originellement destinés au Velvet Underground, c'est avec Transformer qui constitue les vrais débuts d'artiste solo d'un Lou Reed composant pour lui-même avec, présentement, comment ne pas les nommer ?, l'assistance ô combien précieuse de deux fameuses araignées martiennes, David Bowie et Mick Ronson.
Contrairement à Iggy Pop quelques années plus tard (The Idiot, 1977), Lou est l'auteur de tout l'album ne partageant qu'un petit crédit avec son coproducteur de l'exercice, Wagon Wheel, créé lors d'une jam avec David, mais comme Iggy il bénéficie du savoir-faire et des penchants stylistiques de la doublette qui l'a pris sous son aile. Le résultat est un album de pop/rock classique de son temps, les seventies, où l'inspiration, la qualité de l'interprétation et des arrangements font la différence. Alors, évidemment, il y a les trois tubes, les classiques qui continuent de hanter les ondes radiophoniques, le solaire et harmonieux mais ultimement un poil dépressif Perfect Day (une belle journée ! j'aurais aimé la passer avec toi...) et son penchant de la nuit qu'est le sexuellement chargé de Walk on the Wild Side , sa ligne de basse légendaire, son petit chorus de saxo bienvenu, et, bien-sûr, un Satellite enluminé de chœurs accrocheurs pourvu, en partie, par un Bowie qu'on entend vraiment très bien sur le dernier refrain. Pour ces trois-là, pas besoin de faire l'article mais il ne faudrait pas limiter l'opus à ces fiers baobabs parce que, vraiment, c'est l'entièreté de Transformer qui en impose dans un ensemble frais et varié où le ton détaché, sarcastique presque, de Reed fait merveille.
Avec l'assistance on ne peut plus précieuse de David Bowie et Mick Ronson, Lou Reed redémarre en trombe une carrière solo qui connaîtra d'autres hauts (les deux authentiques classiques des 70s que sont Rock N' Roll Animal et Coney Island Baby, ou, plus tard, Songs for Drella excellent hommage à Andy Warhol en duo avec John Cale ou New York sur la foi de son propre talent) mais aussi quelques bas (l'accessoire Sally Can't Dance, Metal Machine Music, entreprise de masochisme sonique s'il en fut, ou Rock and Roll Heart qui manquait cruellement du dernier, le cœur). De ce tout, à creuser, il y a des merveilles !, Transformer demeure l'apex, un immanquable.

1. Vicious 2:55
2. Andy's Chest 3:17
3. Perfect Day 3:43
4. Hangin' 'Round 3:39
5. Walk on the Wild Side 4:12
6. Make Up 2:58
7. Satellite of Love 3:40
8. Wagon Wheel 3:19
9. New York Telephone Conversation 1:31
10. I'm So Free 3:07
11. Goodnight Ladies 4:19

Lou Reed – guitar, vocals
Herbie Flowers – bass guitar, double-bass, tuba on "Goodnight Ladies" and "Make Up"
Mick Ronson – lead guitar, piano, recorder, backing vocals, string arrangements
John Halsey – drums
&
David Bowie
: backing vocals, keyboards
Ronnie Ross – baritone saxophone on "Goodnight Ladies" and "Walk on the Wild Side"
The Thunder Thighs – backing vocals
Barry DeSouza – drums
Ritchie Dharma – drums
Klaus Voormann – bass on "Goodnight Ladies" and "Make Up"

LOU REED

aRT & PuNK
Television "Marquee Moon" (1977)
ou "As Heard on TV"

C'est un sommet d'art punk quand les britanniques s'escrimaient à empiler du riff binaire sur d'agressives rythmiques, une des toutes meilleurs galettes de la scène indépendante fourmillante du New York d'alors (Patti Smith, Talking Heads, Suicide, etc.), un album à côté duquel il ne faut surtout pas passer, surtout. C'est Marquee Moon, déclaration d'intention originelle de Television.
Et une œuvre révolutionnaire qui continue, directement ou non, d'influencer des générations de rockers. Mais la révolution de Television n'est pas démonstrative, elle est dans les détails. Dans les performances et l'inventivité combinés et complémentaires de deux guitaristes intelligents (Richard Lloyd et Tom Verlaine), des gars dénués de toute expression égotique. Dans le songwriting fin et distancié de Tom Verlaine (auteur de toute la galette, ne partageant qu'un crédit, avec Richard Lloyd sur Guiding Light) qui sait garder sa colère sous contrôle (See No Evil, Friction), ses mélodies belles mais jamais putassières (Venus, Marquee Moon, Tom Curtain), inventer une nouvelle grammaire où la grâce se vernit de glace (Elevation, Marquee Moon encore).
Evidemment, de génération spontanée il n'y a pas, le cousinage avec les Talking Heads ou Patti Smith, ou l'influence des parrains locaux, le Velvet Underground pour les nommer, est un fait avéré, mais Television est définitivement son propre animal, au moins aussi arty que la bande de Reed et Cale, décapé des soubresauts post-adolescents de têtes qui suivront leur (bon) exemple, ou des oripeaux beat de la demoiselle du lot, ils tracent leur propre route, mélodique toujours, prenante évidemment, sur une recette somme toute classique, un guitar-rock un poil garage encore seventisant, mais habité par une telle liberté, tellement dénué de tous les clichés du genre, et des obligatoires influences blues ici évitées, qu'elle s'en voit transformée.
A l'impossible nul n'est tenu, le groupe ,ou ses membres après la séparation, ne fera jamais mieux. Ceci dit, chacun de leurs trois albums suivants vaut qu'on s'y penche (Adventure de 1978 en particulier) mais plus aucun n'atteindra ce moment magique où la composition, les arrangements et les performances instrumentales s'alignent en majesté. Ca fait de Marquee Moon un obligatoire de toute collection qui se respecte, tout simplement.

1. See No Evil 3:56
2. Venus 3:48
3. Friction 4:43
4. Marquee Moon 9:58
5. Elevation 5:08
6. Guiding Light 5:36
7. Prove It 5:04
8. Torn Curtain 7:00
Bonus
9. Little Johnny Jewel (Parts 1 & 2) 7:09
10. See No Evil (alternate version) 4:40
11. Friction (alternate version) 4:52
12. Marquee Moon (alternate version) 10:54
13. Untitled 3:22

Billy Ficca – drums
Richard Lloyd – guitar (solo on tracks 1, 4, 5, and 6), vocals
Fred Smith – bass guitar, vocals
Tom Verlaine – guitar (solo on tracks 2, 3, 4, 7, and 8), keyboards, lead vocals

TELEVISION

TRue SToRieS
Bruce Springsteen "Nebraska" (1982)
ou "Bruce Alone"

Bruce Springsteen sans le E Street Band, Bruce qui raconte des histoires comme lui seul sait le faire mais seul, jouant de tout souvent à l'économie, c'est non seulement une première mais surtout une légendaire galette, Nebraska.
Mais pourquoi sans le E Street Band, au fait ? Parce que les démos originelles du Boss avaient une saveur que les sessions entreprises par le groupe ne retranscrivait pas et que, du coup, la décision fut prise de ne pas l'employer laissant Bruce seul aux commandes d'une version légèrement amendée de ses propres démos et une œuvre, à ce moment, atypique de son répertoire, toujours une de ses plus belles réussites, aussi.
De fait, on imagine mal ces chansons autrement que dans leur habits minimalistes, la viande sur l'os, l'essence même de l'art de Springsteen comme nous le découvrirons plus tard (cf. le coffret Tracks). Sans rentrer dans le détail, parce qu'il n'est rien de plus marquant que de vivre ces chansons soi-même, on y retrouve un boss encore plus désillusionné narrant les histoires de gens comme vous et moi de l'incroyable force de sa poésie du quotidien, de ses mélodies et leurs présentes instrumentations évoquant souvent les débuts d'une des influences ici les plus évidentes du Boss, Bob Dylan, sans la voix nasillarde et les atours sarcastiques cependant. Parce que Bruce, présentement, n'est pas un rigolo, ça non !, et les 10 chansons Nebraska tout sauf d'aimables blagues, de remarquables vignettes d'une Amérique blue-collar qui arpente les highways en recherche d'un possible ailleurs, où l'herbe est toujours plus verte, c'est connu.
Immense classique de son auteur, disque quintessentiel s'il en fut, Nebraska, plus de 30 ans après sa sortie, n'a toujours pas pris une ride et demeure, à n'en pas douter, de ces albums qu'on écoute quand tout est un peu bleu mais qu'on ne veut pas que ça change, une merveille !

1. Nebraska 4:32
2. Atlantic City 4:00
3. Mansion on the Hill 4:08
4. Johnny 99 3:44
5. Highway Patrolman 5:40
6. State Trooper 3:17
7. Used Cars 3:11
8. Open All Night 2:58
9. My Father's House 5:07
10. Reason to Believe 4:11

Bruce Springsteen – vocals, guitar, harmonica, mandolin, glockenspiel, tambourine, organ, synthesizer

BRUCE SPRINGSTEEN

Ca y est ! Les congés estivaux sont là ! Mais le Zornophage ne vous abandonne pas pour autant. Avec un "postage" ceci dit allégé, c'est tout l'été que vous pourrez déguster des disques bien frais ! Enjoie !

12 commentaires:

  1. Né un 4 juillet (1ère partie)

    Bob Dylan "Highway 61 Revisited" (1965)
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    Quicksilver Messenger Service "Happy Trails" (1969)
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    Lou Reed "Transformer" (1972)
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    Bruce Springsteen "Nebraska" (1982)
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  2. Des fois, on se dit : « Merd'alors, pourquoi je suis pas américain… et on se ressert un Jack Daniel's ?!? »

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    1. C'est vrai que pour trouver les équivalents français... Chin !

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    2. Moi j'me s'rais bien fait anglais..

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    3. Idem, comparé à la France, en rock en tout cas...

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  3. Bonnes vacances, camarade. Et fais gaffe parce que la canicule à ton âge ça ne pardonne pas !!!!! 8-D

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    1. Pas de vacances pour le Zornophage, juste un ralentissement de l'activité ! ^_^

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  4. Et merdalors !
    Pour une fois pas de découverte... Tant pis.

    Bonne continuation

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  5. L'intérêt de cette sélection est presque davantage dans tes disgressions personnelles que dans la musqiue elle-même qui présente en effet des monument pour la plupart archi-connu. J'avoue pour ma part n'avoir jamais pris le soin d'écouter Quicsilver, alors que les 4 autres font partie de ce que je considère comme des trésors.
    Très curieuse de connaitre la suite de tes choix...

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    1. Une découverte potentielle et un attrait pour mes modestes billets ? Parfait !
      Quand à la suite, la réponse arrive très vite. J'espère qu'elle ne te décevra pas. ^_^

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  6. Un album excellent ! Surement mon favori du Boss avec "Born To Run". Bonne chronique !!

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