mercredi 18 novembre 2015

Les Nouveaux Anges et 13 de l'an (Zornophagie 2015 Volume 9)

A l'occasion de ce qui devrait, selon toute vraisemblance, être l'ultime parution de 2015 de l'ami John Zorn, la 13ème !, il est temps de faire le bilan et, donc, de recycler tout ce que vous avez pu trouver ici... Avec la nouveauté du moment, et quelle nouveauté ! Un Livre des Anges ! En big band ! Enjoie.

BiG aNGeS
John Zorn/The Spike Orchestra "Cerberus, Book of Angels Volume 26" (2015)
ou "Mad Swing Masada"

Quand on en vient à évoquer un nouveau volume du Book of Angels de John Zorn, on ne peut s'éviter de recourir à la même rengaine, de souligner la qualité des compositions de l'homme, le choix pertinent de la formation, le résultat au-dessus des espérances, une sorte de routine dans l'excellence qui doit en laisser quelques-uns béats d'admiration. Et ce n'est pas avec le déjà 26ème tome de la saga, confié cette fois à un big band edgy et foutraque, que ça va changer.
Parce que les zozos choisis pour l'occasion, The Spike Orchestra, assumant fièrement des influences de Duke Ellington à Carl Stalling, de Frank Zappa au compositeur du présent, semblent destinés à proposer à l'avide zélote de la chose zornienne un volume riche et multiple comme purent l'être, par exemple, ceux des Secret Chiefs 3 (Xaphan, le 9) ou d'Eyvind Kang (Alastor, le 22), une sorte de Saint Graal en forme de montagnes russes pour les tympans et stimulateur zygomatique certifié. Le détail ? On ne le donnera pas trop pour ne pas déflorer le plaisir, les justes références ci-dessus, la certitude de retrouver quelques mélodies typiques et pourtant encore nouvelles d'un compositeur qui accumule les trésors lors de miraculeuses sessions d'inspiration est, youpi tralala, au rendez-vous, une fois encore. Rappelons ici que tout ce second livre de Masada, tous les 26 volumes et souhaitons les quelques autres encore à venir, fut composé en trois petits mois, une expérience dont Zorn se souvient encore avec émotion. Or, donc, quand ce matériau séminal, cette giclée créatrice irrépressible est assemblée par une bande de barjots dédiés à l'ouvrage, inventifs et experts dans leurs arrangements et, surtout !, prenant un audible plaisir à la tâche, c'est, en tout cas lors de premières écoutes enthousiasmantes, un véritable festin pour les oreilles qui paraît taillé dans le même divin matériau que les tous meilleurs opus de la série (du minimalisme d'un Friedlander au jazz évocateur d'un Bar Kokhba, et j'en passe, dont les deux autres mentionnés).
Evidemment, il faudra attendre le verdict du temps, ultime juge de paix mais, d'ors et déjà, ça s'annonce très très bien. Aussi peut-on, sans crainte, recommander ce Cerberus en forme de potentiel nouveau tour de force, et accessoirement la 13ème galette de l'an apparentée au stakhanoviste new-yorkais (une année comme les autres, en somme...), aux amateurs de musique qui swingue chez les mabouls avec un allant pas si souvent entendu et toujours bienvenu. Bravo le Spike Orchestra, bravo John Zorn.

1. Gehegial 4:59
2. Hakha 5:09
3. Hananiel 5:09
4. Lahal 5:19
5. Armasa 7:35
6. Thronus 6:47
7. Shinial 4:42
8. Donel 5:48
9. Raguel 4:45
10. Pahadron 6:19

Paul Booth - Tenor Sax, Clarinet
Erica Clarke - Baritone Sax, Bass Clarinet
Stewart Curtis - Tenor Sax, Clarinet
Sam Eastmond - Solo Trumpet
Nikki Franklin - Voice
Moss Freed - Guitar
Ben Greenslade-Stanton - Trombone
Mike Guy - Accordion
George Hogg - Trumpet, Flugelhorn
Noel Langley - Trumpet, Flugelhorn
Sam Leak - Piano, Keyboards
Chris Nickolls - Drums
Dave Powell - Tuba
Ashley Slater - Trombone
Karen Straw - Trumpet, Flugelhorn
Mike Wilkins - Alto Sax, Clarinet
Otto Willberg - Bass
Vasilis Xenopoulos - Alto Sax, Flute

THE SPIKE ORCHESTRA

iT'S NeW
John Zorn/James Moore "James Moore Plays The Book of Heads" (2015)
ou "Guitar Mania"

Membre du Dither qui commit le chapitre inaugural des Olympiads de John Zorn en début d'année, James Moore s'attaque ici à une série d'études autour de la guitare écrites pour Eugene Chadbourne par le même Zorn en de turbulentes septantes et, plus tard, enregistrées par Marc Ribot pour le label Tzadik, c'est dire s'il s'avance en terrain miné.
Reprenant la formule, en gros on triture la guitare dans tous les sens avec toutes sortes d'instruments plus fantaisistes les uns que les autres (jouets, ustensiles de cuisine, etc., rien n'est trop fou), James Moore s'empare de la partition pour la faire sienne et, surtout !, s'amuser comme un petit fou à faire da la musique savante mais rigolote (l'un n'empêche pas l'autre). Et musicalement, ça ressemble à quoi, vous demandez-vous sans doute si vous n'avez eu l'honneur et l'avantage de goûter à la version originale ? A 35 courtes études qui font subir à la guitare des traitements aussi radicaux que ceux de feu-John Cage à ses pianos préparés, et donc ça gratte, ca pince, ça claque, ça percussionne à qui mieux-mieux. De la mélodie ? Il en y a dans ces minimalistes constructions mais noyée dans un joyeux chaos où l'on ne s'ennuie jamais. Parce que, cartoonesque comme souvent le contemporain zornien quand il ne se prend pas au sérieux, ces 45 minutes passent mieux qu'un charme avec leur lot de petites citations/références amusées (Row your boat, etc.).
A tous ceux qui pensent que la musique expérimentale et avant-gardiste est ennuyeuse et inabordable, on conseillera une écoute de ce Book of Heads version 2015 d'autant qu'il est supplémenté d'un DVD documentaire permettant de plonger encore plus avant dans l'étonnante expérience.

PS 11/2015: Je l'ai réécouté quelques fois depuis, il tient formidablement bien la route et demeure, malgré l'avant-gardisme de sa démarche, un opus divertissant.

1. Étude # 1 1:56
2. Étude # 2 0:59
3. Étude # 3 0:48
4. Étude # 4 0:53
5. Étude # 5 2:28
6. Étude # 6 1:15
7. Étude # 7 1:35
8. Étude # 8 0:51
9. Étude # 9 0:40
10. Étude # 10 1:19
11. Étude # 11 1:48
12. Étude # 12 0:52
13. Étude # 13 1:54
14. Étude # 14 1:15
15. Étude # 15 1:01
16. Étude # 16 0:42
17. Étude # 17 1:39
18. Étude # 18 1:03
19. Étude # 19 0:44
20. Étude # 20 0:23
21. Étude # 21 2:28
22. Étude # 22 1:29
23. Étude # 23 1:57
24. Étude # 24 1:35
25. Étude # 25 1:04
26. Étude # 26 0:36
27. Étude # 27 1:52
28. Étude # 28 1:07
29. Étude # 29 1:00
30. Étude # 30 2:23
31. Étude # 31 0:21
32. Étude # 32 1:37
33. Étude # 33 0:33
34. Étude # 34 1:21
35. Étude # 35 1:34

James Moore - guitare

JAMES MOORE

TRoiS TRoiS TRoiS
John Zorn "Inferno" (2015)
ou "Hell ain't a bad place to be"

Retour au trio avec une formation retrouvant le line-up du Simulacrum originel, qui ne remonte pas à si loin que ça d'ailleurs (mars 2015, sacré Zorn !), pour un infernal troisième opus de bruit, de fureur... et de mélodie !
...Bon, on ne va pas se mentir, après avoir goûté à la version augmentée du trio (avec Ribot et Dunn respectivement à la guitare lead et à la basse), ça laisse une petite impression qu'il manque quelque chose, que le son plus plein de The True Discoveries of Witches and Demons permettait finalement aux trois "simulacreurs" de s'exprimer encore mieux, avec encore plus de liberté. Ca ne fait pas pour autant d'Inferno un mauvais album, oh que non !, très loin de là, simplement un légère frustration quand (auditeur créatif) on entend ce que les deux compères manquant auraient amené à ce dantesque édifice. Parce que dès un Dance of Death qui pousse Jon Lord dans le jazz metal, pour situer le genre de machin virtuose et agressif auquel on a affaire, c'est à une sélection de belles compositions, d'un Zorn qui, s'éloignant du klezmer si présent dans son répertoire pas tout à fait absent, en témoigne un Pariah rondement mené, ici mais nettement moins dominant, trouve de nouvelles liberté, un nouveau fun !, à créer des musiques énergique, mélodiques, radicales et belles. On ne peut pas se quitter sans évoquer, bien-sûr, la fleuve composition titre, pièce centrale de l'opus, cet Inferno qui ficherait presque les miquettes avec ses 21 imposantes minutes, à tort ! Parce que Zorn le malin y fait sa propre version du rock progressif prospectif jadis tenu par un certain Robert Fripp, du King Crimson (avec même un peu de Yes dedans !, Wakeman, sort de ce corps !)! Enfin, du King Crimson by Zorn avec donc, ses explosions post-modernes, ses riffs d'une rare lourdeur, ses climats angoissants, et, évidemment !, un Medeski, qui sait ne pas trop en faire, en star absolue, maître d'un orgue tantôt caressant, tantôt brutal, ou, souvent, créateur d'ambiances à nulles autre pareilles. Résultat ? Grand !
Voilà, outre la petite déception de ne pas retrouver le quintet du coup d'avant, une déception qui vaut surtout quand le trio et son compositeur/patron resserre le format, Inferno est une belle réussite de plus pour une formation qui, c'est heureux !, à l'air de particulièrement motiver l'instinct créatif d'un Zorn en forme... démoniaque ! Vite, la suite !

PS 11/2015 : Je confirme mon impression initiale, énoooorme !

1. Dance of Death 5:53
2. Pariah 3:14
3. Ghost Sonata 6:24
4. Inferno 20:57
5. Blasphemy 2:01
6. The Powers 2:50
7. Dreamplay 3:50

Kenny Grohowski - batterie
Matt Hollenberg - guitare
John Medeski - orgue

KENNY GROHOWSKI

SiMuLaCRuM auGMeNTé
John Zorn "The True Discoveries of Witches and Demons" (2015)
ou "3+2"

C'est un Simulacrum étendu que propose le second opus du trio qui avait déjà commis un premier opus plus tôt dans l'an. Cette fois, à la triplette originelle (Grohowski, Hollenberg et Medeski) s'ajoute un guitariste supplémentaire (Marc Ribot) et un bassiste (Trevor Dunn), tous deux des habitués de la maison Zorn. Le résultat ? Un tir de barrage absolument pas démenti et des possibles élargis pour un son encore plus plein et terrassant, en un mot comme en mille, miam !
Evidemment, la formation y perd son particularisme sonore (pas de basse, un orgue largement dominateur, une guitare toute en riffs surpuissants et licks déjantés et une batterie furieusement tapageuse) mais y gagne une puissance et une richesse nouvelle. C'est donc, sur le même modèle tout de même, un ensemble moins "sec", plus raffiné qui prend à malin plaisir à nous trépaner à coup de compositions mélodiques ET furieuses cette fois toutes relativement courtes (pas de morceaux jammy de plus de 10 minutes comme le coup d'avant). Et puis, avouons, l'ajout du solide Trevor Dunn, un vrai ciment que la basse de cet homme-là, et de l'excellentissime Marc Ribot, un mec capable du plus grand raffinement acoustique comme de la plus folle déjante, comme ici, est une sacrée bonne nouvelle qui sert et est bien servi par une inspiration zornienne occulte et passionnée qui serait, pour situer, un croisement de Moonchild (les vocalises et le côté gothique en moins) et de l'Abraxas Quartet auteur de deux albums, dont un Book of Angels, où on retrouvait d'ailleurs déjà le "pieuvresque" badaboumeur Kenny Grohowski, mais en moins klezmer où on rajouterait presque un doigt d'Electric Masada parce que tout vient un peu de la... Pas très surprenant ? Certes. Mais si totalement convaincant, si diablement bien interprété par un quintet virtuose et bien "assemblé", une spécialité de John Zorn qui a le don de mélanger ses effectifs à la mesure de ses envies, qui, comme on dit, "envoie bien le bois".
Vous aimez le Zorn qui vous attrape les "oups" pour ne plus les lâcher ? Vous aimerez The True Discoveries of Witches and Demons, c'est fatal.

PS 11/2015 : A la réécoute, pas le plus imaginatif des opus de l'an, un peu trop redondant des Dreamers, d'Electric Masada et du Bar Kokhba pour vraiment épater, mais un album solide qui s'écoute avec passion, mais un peu moins que les autres Simulacrum, ceux en trio.

1. Strategies 4:05
2. Psychosoma 2:52
3. Imaginary Stations 3:20
4. The Power of the Runic Symbols 3:07
5. Dark Sacrifice 4:51
6. Sorcerer 3:42
7. Ecclesiastes 2:18
8. The Gordian Knot 3:33
9. Phantasms 7:31
10. Mirrors of Being 7:27

Kenny Grohowski - batterie
Matt Hollenberg - guitare
John Medeski - orgue
Trevor Dunn - basse
Marc Ribot - guitare

MATT HOLLENBERG

ZoRN iN BRaZiL
John Zorn/Forro in the Dark "Forro Zinho - Forro in the Dark Plays Zorn" (2015)
ou "Fiesta Zorn"

Sur le modèle des Book of Angels, des compositions du maître offerte en pâture à une formation spécialement choisie pour l'occasion, dans la foulée, aussi, d'un exercice similaire paru en début d'année, Dither Plays Zorn, icelui dédié à une approche nettement plus avant-gardiste que le présent, John Zorn ouvre ses portes à une combo brésilien qui fait sien quelques pages du boulimique compositeur new-yorkais pour un résultat aussi surprenant que bluffant.
En l'occurrence, doté d'épices brésiliennes, proposant un cocktail de morceaux connus et de créations spécifiquement dédiées au projet, c'est à un Zorn inhabituellement festif et percussif auquel nous nous voyons joyeusement confrontés. Le mérite en revient au quatuor d'exilés cariocas en la grosse pomme, Forro in the Dark, qui a su, sous le patronage d'un Jesse Harris déjà repéré dans le Song Project et présentement producteur de l'album, habiter ces partitions sans pour autant perdre une once de l'esprit habitant le versant le plus cool et groovy du compositeur.
Histoire de mettre les petits plats dans les grands, quelques invités de marque ont été conviés au banquet parmi lesquels des têtes connues, le précité Jesse Harris, l'argentine Sofia Rei (également partie prenante dans le Song Project) ou, plus surprenant, le vétéran de la samba/bossa nova Marcos Valle. Tout ce petit monde, qui a l'air de bien s'amuser, sur la base d'un forro, style pas si distant de celui de John puisque puisant ses racines dans des musiques traditionnelles d'Europe centrale, ici notablement enrichi d'atours rock, jazz, reggae et même country, propose une ouverture musicale qui sied particulièrement bien à l'univers du touche-à-tout génial que nous connaissons. Le résultat, une fusion tourbillonnante et joyeuse, dansante et spirituelle, ne déstabilisera pas les suiveurs zélotes d'un Zorn qui les a habitué à s'attendre à tout mais, tout de même, peut-être pas à une œuvre si immédiatement accessible et addictive. Parce Forro in the Dark, avec son cocktail d'instruments traditionnels et classiques, son allant tout à fait communicatif aussi,  réussit un opus poussant à trémousser du popotin un large sourire aux lèvres ce qui n'est pas si courant dans l'œuvre tentaculaire du membre le plus hyperactif de la downtown scene.
Galette idéale pour un été ensoleillé ou, plus tard, pour mettre un bon coup de lumière et de chaleur à la grisaille et la froidure qui nous guettent , Forro Zinho est une exemplaire réussite qu'on recommande sans la moindre hésitation tant aux amateurs des exactions zorniennes qu'à toutes celles et tous ceux qui veulent simplement passer un excellent moment en compagnie d'excellents instrumentistes sachant jouer avec application et fougue une musique qui ne se prend surtout pas au sérieux et tutoie, du coup, souvent le divin.

PS 11/2015 : Toujours aussi bon !

1. Uluwati 3:31
2. Novato 3:42
3. Forro Zinho 5:03
4. Life Is Real Only Then When "I Am" 2:46
5. Shaolin Bossa 3:21
6. Sunset Surfer 3:13
7. Zavebe 4:45
8. Ode to Delphi 4:28
9. Tempo de Festa 4:36
10. Annabel 2:01
11. The Quiet Surf 3:13

Jorge Continentino - pianos, flutes, vocals, tenor and baritone saxophone
Guilherme Monteiro - electric guitar
Mauro Refosco - zabumba, vibes, synare, percussion
Rea Mochiach - bass, percussion, fun machine
Jesse Harris, Sofia Rei - vocals
Vitor Gonçalves - accordion
Marcos Valle - guest vocals, wurlitzer

FORRO IN THE DARK


DReaM oN!
John Zorn/The Dreamers "Pellucidar : a Dreamers Fantabula" (2015)
ou "5ème Rêve"

Enfin ! Enfin ce 5ème album des merveilleux Dreamers, ce tant attendu successeur à un album de Noël tout mignonnet mais en aucun cas aussi enthousiasmant que, au hasard, un O'o, l'album aux chants d'oiseaux. Et donc, 4 longues années, une éternité en zornie, après, revoici les Dreamers: Marc Ribot, Jamie Saft, Kenny Wollesen, Trevor Dunn, Joey Baron et Cyro Baptista... Youpi !
Première constatation, et pas des moindres pour ceux qui ont apprécié le jazz mélodique teinté d'exotica de la formation, on retrouve bel et bien le son Dreamers soit, peu ou prou, ce qui se fait de plus facile, de plus immédiatement approchable dans l'œuvre d'un compositeur ne rechignant jamais à l'expérimentation plus ou moins absconse. Présentement, avec comme concept un hommage à un genre littéraire plus souvent moqué que célébré, la fantasy, il y a forcément des éléments de nouveauté dans un cocktail sonique reconduit mais enrichi, mais pas suffisamment pour qu'on ne reconnaisse pas cette latinité un peu de pacotille (c'est voulu), ce kitsch aussi assumé que savoureux qui, c'est heureux, colle bien au concept. Comme, en plus, ce qui ne surprendra en vérité personne, il y a de fantastiques interventions solo de Marc Ribot à la furieuse et vibrante six-cordes, du magique Jamie Saft sur ses claviers ô combien essentiels, ou de Kenny Wollesen dont on ne vantera jamais assez le talent de vibraphoniste virtuose, et des mélodies qui vont longtemps vous hanter l'oreille et le ciboulot !, on peut, sans aller vraiment plus loin, sans déflorer le contenu plus avant, recommander un opus de retrouvailles aussi attendu que réussi.
Ha si, pour ceux que l'objet émeut encore, on notera un bon gros livret bourré d'illustrations dans le plus pur style (naïf) des précédentes œuvres des Dreamers mais pas, cette fois, de ces précieuses notes de pochette dont John Zorn use pour ses plus osées excursions, tant pis. Et pas trop grave la musique parlant ici d'elle même et parlant avec une telle éloquence avec un tel brio qu'on ne peut, encore une fois, que recommander l'expérience, particulièrement à toutes celles et tous ceux qui pensent (encore ?) que ce diable de Zorn pour agitateur et prolifique qu'il soit, et polyvalent, ne l'oublions pas, est vraiment trop "out there" pour eux, Pellucidar (A Dreamers Fantabula), opus frais et joyeux, leur prouvera aisément le contraire.

PS 11/2015 : l'easy-Zorn des Dreamers 2015 fonctionne sur le  moyen/long terme. Un bel album cinématique.

1. Magic Carpet Ride 7:25
2. Gormenghast 8:28
3. Queen of Ilium 5:18
4. Once Upon a Time 5:13
5. A Perfume from Cleopolis 4:19
6. Flight from Salem 3:34
7. Pellucidar 4:59
8. Jewels of Opar 6:09
9. Atlantis 6:10

Marc Ribot - guitar
Jamie Saft - keyboards
Kenny Wollesen - vibraphone
Trevor Dunn - bass
Joey Baron - drums
Cyro Baptista - percussion
John Zorn - direction, composition

THE DREAMERS

4 FiLLeS PouR ZoRN
John Zorn/Mycale "Gomory: Book Of Angels Volume 25" (2015)
ou "Retour en voix"

On ne pensait pas les retrouver, on se disait que Mycale, le 13ème chapitre du Book of Angels, serait un malheureux one-shot. Malheureux parce qu'excellent et donc, forcément, logiquement, appelant à la suite, dans la même série ou pas d'ailleurs.
Or donc Mycale est de retour, avec une vocaliste partie et une autre arrivée (Basya Schechter s'en va, Sara Serpa la remplace), avec son nouveau Livre des Anges ! Ce n'est d'ailleurs pas la première formation à avoir l'insigne honneur d'un rappel "masadien" puisque, déjà, le Masada String Trio a réalisé l'exploit, ça n'en est pas moins une excellente surprise.
Comme son devancier, Gomory, ci-devant 25ème volume de la série, est un album court, mais un peu moins heureusement, un album à fleur de peau, aussi, où la délicatesse le conteste à la beauté, où la sensualité le dispute à la grâce. De fait, si l'attente de chaque nouveau chapitre de la série se fait avec le présage d'un appétit musical déjà potentiellement comblé, icelui a une saveur particulière, un arome de madeleine proustienne, une impression de paradis perdu et enfin retrouvé. Et donc, sans surprise, retrouve-t-on les polyphonies multilingues de mesdames Gottlieb, Serpa, Zarra et Rei et nous laissons nous emporter par les volutes vocales que les accords de leurs cordes vocales rendent possibles.
Bref, on ne devrait pas avoir plus à en dire... Ceux qui avaient apprécié Mycale s'y retrouveront assurément, ceux qui ne connaissent pas encore la formation et ses œuvres feraient bien d'y plonger, et les autres, les insensibles qui n'ont pas encore cédé aux charmes envoutants de ce monsieur et de ces dames, ils se voient offrir une belle opportunité de réviser leur jugement. Parce que Gomory, aussi réussi que son prédécesseur, mérite toute votre attention, vraiment !

PS 11/2015 : Sous le charme du second Mycale. Haaaa, Zorn et les voix...

1. Huzia 4:47
2. Tzadkiel 3:28
3. Mumiah 3:45
4. Yofiel 4:19
5. Peliel 4:10
6. Achusaton 3:23
7. Qaddisin 4:54
8. Belial 2:32
9. Grial 3:23
10. Shahariel 4:58
11. Paschar 1:46

Ayelet Rose Gottlieb - vocals
Sara Serpa - vocals
Malika Zarra - vocals
Sofia Rei - vocals

MYCALE

ZoRN eN PoP (ou PReSQue)
John Zorn "The Song Project - Live at LPR" (2015)
ou "Zorn et les Zornettes"

J'avais été moyennement convaincu par la performance du Song Project à la Cité de la Musique lors de la journée marathon célébrant les 60 ans de l'ami John Zorn à Paris. Mais le concert était arrivé tard, il avait fallu rester debout (à nos âges !), tout ça pour dire que quand la tête n'y est plus vraiment, il est toujours difficile de prendre vraiment du plaisir. N'étant plus, non plus, de ceux qui continuent à pouvoir encore jouer du vinyl à la maison, j'étais malheureusement passé à côté du coffret des EPs qui contiennent les versions studio du projet (on attend la version cd ou, à minima, dématérialisée !).
Mais qu'est-ce donc que ce Song Project, vous demandez-vous sans doute ? L'adaptation de quelques instrumentaux du maître par quelques vocalistes émérites pour les transformer en chanson. Simple, non ? Un peu moins quand on connaît le catalogue zornien mais pas impossible tant il y a moult mélodies mémorables à disposition. Vous pourrez y rajouter le recyclage de quelques pistes du catalogue (de chez Naked City en particulier) mais l'essentiel est neuf, dans sa version "en voix". Sans vraiment de surprise, on y retrouve Mike Patton (qui a déjà été d'Hemophiliac, de Naked City sur la fin, des Dreamers le temps d'une chanson de Noël et, évidemment, de Moonchild et de ses sept albums, etc., un habitué, quoi !), Sofia Rei (croisée chez Mycale), plus surprenante est la présence de Jesse Harris dont certains connaissent peut-être les albums solo (un bonne douzaine depuis 1995) ou l'on croisé dans ses apparitions chez Bright Eyes, Norah Jones ou Madeleine Perroux, souvent en tant que compositeur, enfin, du sang frais chez Zorn, quoi.
Et ça donne quoi ? Comme précisé plus haut, j'avais été moyennement enthousiaste lors de la performance parisienne du projet c'est donc, fait rare !, avec une certaine appréhension que j'injectais le disque d'argent dans la tiroir approprié et appuyait sur la fatale touche "play". Pouf ! Evaporés les doutes, envolées les réserves, c'était bien la fatique !, la performance est là, pleine et entière, démonstration exemplaire que les mélodies du stakhanoviste new-yorkais sont soluble dans la variété... J'exagère à peine. Parce qu'indéniablement, outre deux emprunts au catalogue Naked City, c'est du versant ear-friendly de la monumentale œuvre que les paroliers/vocalistes se sont inspirés. Le groupe de circonstance, basiquement les Dreamers avec Saft remplacé par Medeski, est de toute façon taillé pour ça d'autant que beaucoup de ces musiciens ont déjà "dans les doigts" ce répertoire dans sa version instrumentale. Avec le terrain ainsi préparé, la combinaison des deux, la musique et la voix, se fait sans anicroche, smooth as silk. Les meilleurs moments ? Un tout doux et latino Sombra en el Espejo adapté d'un thèmes de la Filmworks d'El General (volume XXIII) où Sofia Rei pose son velours de voix avec classe et sensualité, The Wind in the Clouds merveille jazz pop bien servie par la voix douce-amère de Jessie Harris (et adapté cette fois d'une piste d'Alhambra Love Songs), Perfect Crime qui, adapté du Book of Angels de Bar Kokhba (Lucifer) et doté de paroles écrites par Sean Lennon, déjà originellement superbement mélodique, se prêtait idéalement à l'exercice et où un Marc Ribot, en plus !, vient plaquer un de ces soli en extase dont il a le secret, Para Borrar tu Andar (également La Flor del Barrio sur The Gift) où la rencontre entre Mike Patton et Sofia Rei sur une mélodie tendrement sud-américaine viendra enchanter l'auditeur, ou encore The Man in the Blue Mask qui, de l'easy-jazz entendu sur le O'o des Dreamers, se mue en parfait écrin jazz et rock (cette explosion !) pour un Mike Patton en belle forme vocale mélodique, et encore Ribot au solo divin ! En vérité, ce ne sont que quelques exemples d'une tracklist qu'on s'enfile, encore et encore, avec un vrai grand plaisir. Et une exemplaire démonstration à destination de ceux qui pensent que Zorn ne sera jamais leur tasse de thé, ce live est là pour les faire changer d'avis et, va savoir, leur ouvrir un nouveau monde de délices musicaux...
En attendant, et au risque de me répéter, d'avoir accès aux enregistrements studio, ce live enregistré dans une salle de Manhattan répondant au doux sobriquet de "Le Poisson Rouge" est un parfait placébo dont la réalisation technique précise, le "livretage" complet et bien troussé, et la contribution au catalogue zornien satisfait, on n'en attendait pas tant, enfin, moi en tout cas. Recommandé.

PS 11/2015 : Parfait pour épater les potes qui pensent que "Zorn, quoi, c'est de la prise de tête, quoi...".

1. Flying Blind 2:04
2. Sombra En El Espejo 5:34
3. The Wind In The Clouds 3:50
4. Perfect Crime 4:55
5. Kafiristan 3:57
6. Para Borrar Tu Andar 4:32
7. Do Not Let Us Forget 2:37
8. La Despedida 3:24
9. Burn 1:53
10. Waiting For Christmas 5:28
11. The Man In The Blue Mask 5:05
12. Assassin's Bay 4:52
13. End Announcements 0:53

John Zorn - conductor
Jessie Harris - vocals
Mike Patton - vocals
Sofia Rei - vocals
Cyro Baptista - percussion
Joey Baron - drums
Trevor Dunn - bass
John Medeski - organ, piano, fender rhodes
Marc Ribot - guitar
Kenny Wollesen - vibes

MIKE PATTON

iN youR FaCe
John Zorn "Simulacrum" (2015)
ou "Furieux !"

Pour son cinquième album de 2015, John Zorn convoque un nouveau trio et lâche les chiens dans une fusion jazz metal qu'on n'avait plus croisé dans ses créations depuis... Une éternité !
Ceci dit, on sent la maturation du compositeur et de l'arrangeur dans cette nouvelle phase, ce nouveau trio composé d'un organiste (John Medeski, un habitué de la maison), d'un guitariste (Matt Hollenberg, repéré chez Cleric mais aussi les black doomsters d'Höllenlärm), et d'un batteur (Kenny Grohowski de chez Secret Chiefs 3 mais aussi du quatuor Abraxas exécutant de deux albums composé par Zorn), bref, un furieux trio assemblé tout sauf au hasard pour la circonstance. Et la maturation donc, on y revient, parce qu'on est tout de même loin des exactions chaotiques d'un PainKiller ou d'un Naked City, loin aussi des turbulences gothiques de Moonchild. Loin mais dans l'esprit parce que, indéniablement, ce Zorn là a la rage et sait merveilleusement la communiquer. Présentement, évidemment, l'orgue hanté de Medeski tient le centre de la scène mais se voit bien secondé par les riffs lourds et tranchants d'Hollenbeck et l'abattage rythmique façon "tir de barrage, pas de prisonniers" de Grohowski. Concrètement, en 6 compositions et 43 trop courtes minute (on en redemande !), les trois s'amusent audiblement beaucoup à prendre nos tympans pour des tambours de foire, à concasser nos gonades menu menu avec une précision chirurgicale n'empêchant pas une ambiance de jam bienvenue. Pour ce faire ils ont, il faut dire, une partition suffisamment infusée de mélodie pour que le tout ne tourne pas simplement à l'exercice de style bruitiste mais plutôt au laminage systématique de feuilles complices de l'auditeur ravi d'un tel traitement.
Simulacrum ? Une excellente nouvelle chez un Zorn qui, dernièrement, semblait ne souhaiter enchainer qu'easy listening et avant-garde contemporaine (oui, sauf pour le quatuor Abraxas qui semble hélas avoir vécu). L'autre bonne c'est que le projet connaîtra une suite que, franchement, on est impatient de découvrir tant cet originel tour de force fonctionne au-delà des espérances.

PS 11/2015 : Le premier volume de Simulacrum n'est pas le meilleur ce qui, vu son immense qualité, est un hommage à ses interprètes et son compositeur.

1. The Illusionist 12:02
2. Marmarath 5:18
3. Snakes and Ladders 5:28
4. Alterities 2:49
5. Paradigm Shift 4:35
6. The Divine Comedy 12:54

Kenny Grohowski - batterie
Matt Hollenberg - guitare
John Medeski - orgue

JOHN MEDESKI

GaRDe L'aVaNT !
John Zorn "Hen to Pan" (2015)
ou "Zorn au Pot"

Le Zorn contemporain vous effraie ? Prenez votre courage à deux mains et plongez hardiment dans son nouvelle opus du genre, l'étrangement titré Hen to Pan (littéralement Poule au Pot). Au programme, 3 partitions dont une divisée en 3 sections par un pianiste, un batteur et 3 violoncellistes.
Tout commence par le gros morceau, Ouroboros, dont trois versions sont ici proposées. C'est à cette composition qu'à trait l'artwork panthéiste, démonique, héraldique ou autre (choisis ton camp, camarade, ce type d'imagerie étant largement usité) et le titre qui, outre ses atours culinaires, se réfèrent en fait à l'éternel renouvellement (Un es tout). Mystique, donc. Quid de la musique ? Assurément. Même si, Zorn oblige, Carl Stalling (Merry Melodies), n'est jamais très loin et que, si bon vous semble, il sera facile de choisir un rôle à chaque instrument (chat et souris, tiens !) et à la  batterie de Tyshawn Sorey le chaos occasionné par les deux précités. Outre l'aspect figuratif de la chose, on y apprécie aussi la performance d'instrumentistes (sur)doués que ce soit dans les trios piano, violoncelle, batterie (piste 1 et 5) ou le duo de violoncellistes (Jay Campbell et Michael Nicolas). Facile ? Certes non mais pas inabordable pour autant, surtout pas si un chaos organisé parsemé d'éclairs mélodiques ne vous effraie point, et comme il n'y a, objectivement, pas de raison d'avoir si peur...
Les deux autres pistes, celles sandwichées du pain Ouroboros, ne sont pas très différentes dans l'esprit. Occam's Razor (Jay Campbell au violoncelle, Stephen Gosling au piano), plus mélodique et contemplatif, est d'un abord plus aisé, d'une beauté moins fugace tout en restant une pièce contemporaine avec, évidemment, son lot de grincements et d'abstraction, ses sommets vertigineux et gouffres insondables, mais plutôt dans le plus abordable du Zorn contemporain. The Aristos, les mêmes plus Chris Otto (violoncelle aussi), est plus ou moins du même moule... en plus radical mais pas moins dramatique. De fait, on y entend une musique qui, en n'excluant jamais tout à fait la mélodie, ne lésine pas, de calmes passages presque caressants à leurs voisins immédiats de bruit et de fureur, à brinquebaler l'auditeur plus ou moins consentant mais globalement très satisfait de ce traitement sans compromis.
Les 49 minutes et quelques secondes de l'exercice passées, on se dit que, décidément, alors que le même jour sort un 24ème volume à son second livre de Masada (Amon), ce diable de Zorn a un talent protéiforme à nul autre pareil et que si ses expérimentations contemporaines ne sont pas à mettre entre toutes les oreilles, elles gagnent tout de même à être connues et que ce Hen to Pan réussi vaudra aisément en introduction d'un monde musical aussi différent qu'attirant.

PS 11/2015 : Pas tous les jours mais, en le ressortant au moment propice, il refait volontiers son effet, ce Hen to Pan.

1. Ouroboros (trio version 1) 9:03
2. Occam's Razor 9:26
3. Ouroboros (duo version) 9:02
4. The Aristos 13:02
5. Ouroboros (trio version 2) 9:00

John Zorn - composer, arranger, producer
&
- Ouroboros (trio version 1 & 2)
Jay Campbell - cello
Michael Nicolas - cello
Tyshawn Sorey - drums
- Occam's Razor
Jay Campbell - cello
Stephen Gosling - piano
- Ouroboros (duo version)
Jay Campbell - cello
Michael Nicolas - cello
- The Aristos
Chris Otto - cello
Jay Campbell - cello
Stephen Gosling - piano

JAY CAMPBELL

VoiLà (eNCoRe !) LeS aNGeS
John Zorn/Klezmerson "Amon: Book of Angels Volume 24" (2015)
ou "Les Anges du Fils"

C'est un fait sur lequel tous les zélotes Zorniens s'accordent : chaque nouveau chapitre du Book of Angels est un évènement attendu avec impatience. Sur les pas d'Aguares, l'excellent volume de Roberto Rodriguez, qui n'est finalement pas si vieux lui qui ne date que de septembre 2014 (5 mois ! toujours aussi rapide le John !), voici le 24ème dans une série qui, semble-t-il, n'est pas prêt de s'éteindre, tant mieux !
Cette fois-ci, la bande à qui Zorn a décidé de confier ses partitions s'appelle Klezmerson, vient de Mexico City, a sorti un album en 2011 sur la bonne maison Tzadik (Siete) où elle pratique une fusion tous azimuts cousine des Secret Chiefs 3 ou du Banquet of the Spirits de Cyro Baptista, deux formations déjà usitées dans le Livre des Anges pour deux exemplaires réussites (Xaphan, Caym), très compatible avec l'univers du composteur new yorkais, c'est le moins que l'on puisse dire.
Evidemment, ces diables étant mexicains, leurs racine latines ne tardent pas à poindre le bout de leur joli nez et donner, avec ô combien de grâce et d'imagination, une nouvelle couleur à la palette pourtant déjà si large du Book of Angels. C'est évident dès l'introductif Samchia où, entre Rumba, Tango et un maniérisme semblant tout droit hérité d'exotiques bandes originales de film d'un Hollywood à l'âge d'or, on se laisse aisément emporter. Le ton ainsi donné ne faiblira pas. Variée, dynamique, créative, la musique de Zorn s'habille particulièrement bien des atours dont la dote Benjamin Schwartz (leader de Klezmerson) et ses nombreux acolytes. D'ailleurs, le réservoir instrumental, déjà multiple en ne considérant que la formation de base, étant encore étendu par l'addition de cordes, de cuivres ou d'instruments plus surprenants (jaranas, oud), c'est à un festin auditif de tous les instants auquel nous sommes conviés, un festin d'autant plus réjouissant que si la musique de Klezmerson sait ne pas toujours être sage, elle demeure absolument mélodique et, vous l'aurez compris, brillamment arrangée, enregistrée et mixée.
A ranger aux côtés d'autres préciosités multiformes (les précités mais aussi le volume du Cracow Klezmer Band, celui de Koby Israelite ou le toujours chaudement recommandé Lucifer de Bar Kokhba, que du beau monde !), Amon est une nouvelle addition de qualité à une série qui n'en finit plus d'épater, un album fortement conseillé aussi, évidemment, et une preuve de plus que la musique de qualité n'a pas de frontière, stylistique ou géographique. Et sinon  ? Vite, la suite !

PS 11/2015 : Et dire que c'est le moins essentiel des trois Book of Angels de l'an, alors qu'il est objectivement excellent !

1. Samchia 4:02
2. Iahmel 4:25
3. Abachta 5:24
4. Yefefiah 5:41
5. Mashith 4:52
6. Sehibiel 3:43
7. Zikiel 5:22
8. Kabshiel 2:56
9. Amabiel 6:39

Benjamin Schwartz - viola, piano, organ, jaranas
Chali Mercado - drums
Maria Emilia Martinez - flute
Juan Manuel Ledesma - guitar, requinto, leona
David Zlotnik - saxophone, clarinet
Mario Renteria, Carina Lopez - bass
Chatran Gonzalez - percussion
&
Gustavo Nandayapa - drums, percussion
Osiris Caballero Leon - violin, jarana
Rolando Morejon - violin
Alex Otaola - guitar
Natalia Perez - cello
Moises Garcia - trumpet
Homero Santiago - trombone
Rodrigo Santoyo - oud
John Zorn - composer, executive Producer

KLEZMERSON

aRCHéoZoRNie
John Zorn/Dither "Olympiad volume 1: Dither Plays Zorn" (2015)
ou "New Series, Old Memories"

Une nouvelle série dans la galaxie Zornienne, rien que ça tient de l'évènement, aiguise les appétits de ceux qui savent que l'homme Zorn ne se lance jamais à la légère dans de nouvelles explorations.
En l'occurrence, les Olympiades, dont est proposé ici le volume inaugural, nous ramèneront à l'origine du mythe ou presque, à une période où Zorn, empêcheur de jouer en rond, abat une à une les cloisons séparant le jazz le plus free, le contemporain le plus exploratoire, et l'esprit punk le plus juvénilement irrévérencieux (pour bonne mesure). Autant dire que ceux qui se sont fait aux élans lyriques, souvent mélodiques et mystiques peuplant le plus gros dernières années de l'intense production du compositeur pourront repasser. Hockey, Curling, Fencing, trois sports olympiques pour trois "compositions par cartes"* datant de 1977 et 1978, c'est du rude !
Mais qui dit nouvelle série dit nouvelle interprétation, nouvelle appropriation par une formation qu'on découvre pour l'occasion, une formation dominée par la guitare, instrument que les quatre instrumentistes pratiquent, mais où ne sont pas absentes quelques saveurs cousines (des cordes, toujours des cordes !). Et qui dit nouvelle interprétation, nouvelle appropriation dit, forcément !, la surprise de découvrir ces "machins" antédiluviens, que peu ont entendu pour la bonne raison qu'ils ont été rarement joués et enregistrés (l'exception Hockey, sur l'album éponyme ou le coffret Parachute Years), par de jeunes pousses prêtes à en découdre avec ce qui n'est pas le "body of work" le plus exactement abordable du furieux New Yorkais. Dither s'en sort avec une rare classe honorant comme il se doit l'insigne honneur d'ouvrir la collection. Les quatre gars viennent, comme de bien entendu, de la grosse pomme, ont collaboré avec des pointures telles que Fred Frith (Henry Cow, Art Bears, Massacre, etc.), Lee Ranaldo (Sonic Youth, bien sûr !) ou Elliott Sharp, c'est dire si le roué Zorn n'a pas confié son matériau au hasard.
Concrètement, ça ressemble à quoi ? Un chaos contrôlé, de belles bulles mélodiques bientôt perturbées de sorties de routes spectaculaires, et des cordes, bien sûr !, des cordes, puisque telle est la spécialité des quatre instrumentistes composant la formation, tous guitaristes versatiles et exploratoires qui jouent, comme on joue au lego, une musique aussi imprévisible que ludique. Pas clair tout ça ? C'est parce qu'il faut le vivre pour le comprendre comme c'est toujours le cas des œuvres les plus "libres" du compositeur new-yorkais qu'elles voisinent avec le contemporain ou le jazz, ou les deux comme c'est présentement le cas.
Quand à ce qu'apportera la série des Olympiades dans l'avenir, puisque c'est un volume 1, hein !, le mystère demeure intégral. Se basant sur ce premier volume, vous l'aurez compris chaudement recommandé aux oreilles aventureuses, on en salive déjà !

* Les règles d'un Game Piece sont définies par un jeu de 18 cartes, qui codifient les relations entre les musiciens. Un exemple de carte est : Les gens qui jouent actuellement s'arrêtent, ceux qui ne jouaient pas peuvent désormais jouer s'ils le souhaitent. Lors de l'exécution d'un Game Piece, les musiciens choisissent eux-mêmes quelles cartes ils veulent jouer, en faisant un signe à Zorn, qui répercute alors sur l'ensemble du groupe le choix en montrant la nouvelle carte, et donc les nouvelles règles - wikipedia

PS 11/2015 : Si on attend toujours la suite (qui ne devrait plus tarder), on continue d'apprécier l'avant-gardisme accessible, la virtuosité intelligente de ces relectures "en cordes".

1. Curling (electric short) 7:31
2. Hockey (acoustic dry) 3:59
3. Fencing (electric) 11:55
4. Curling (acoustic) 13:16
5. Hockey (electric wet) 6:35
6. Fencing (acoustic) 11:20
7. Hockey (electric dry) 4:04
8. Curling (electric long) 19:22
(Hockey en version live)

Taylor Levine - electric and acoustic guitars
Joshua Lopes - electric and acoustic guitars, bajo sexto, zhong 'wan
James Moore - electric and acoustic guitars, banjo, mandoline
Gyan Riley - electric and acoustic guitars, banjo

DITHER

HeRMeTiC uK
John Zorn "The Hermetic Organ Vol. 3 (St. Paul's Hall, Huddersfield)" (2015)
ou "Toujours plus orgue !"

Et un Hermetic Organ de plus, un ! Depuis 2014, janvier semble être devenu le rendez-vous rituel des explorations "organiques" de John Zorn, bonne nouvelle.
En l'occurrence, celui-ci fut enregistré lors du festival de musique contemporaine d'Huddersfield, West Yorkshire, c'est dont le premier qui voit Zorn s'éloigner de ses bases new yorkaises. Ce que ça change ? Pas grand chose en fait... A tel point que je pourrais facilement concocter une improbable fusion de mes billets sur les deux précédents volumes sans vraiment tomber loin du cœur de la cible.
Sans le moindre doute, Zorn a son approche, son style à l'orgue, une approche, un style qui combine théâtralité et avant-gardisme sans pour autant tout à fait oublier la mélodie, juste ce qu'il en faut. Comment pleinement goûter cet étrange moment, ces drones organiques, ces crescendos glorieux, ces climats angoissants ? En musique d'un film d'horreur expressionniste imaginaire... Fermez les yeux, imaginez Nosferatu montant l'escalier son ombre portée en stigmate d'un funeste destin... On n'est pas loin du compte. Imaginez ces scènes surnaturelles que surent si bien filmer un Dario Argento ou un Mario Bava ornées de cet orgue seul, certes, mais définitivement apte à construire de complexes et émotionnelles ambiances particulièrement adéquates pour illustrer le malaise jusque dans son côté étrangement attirant.
Entre improvisation et composition, entre un avant-gardisme plus que jamais affirmé et un traditionalisme mélodique rattrapant l'audieur lambda, Zorn construit un excellent chapitre à ses créations pour orgue d'église. On n'a qu'une hâte en fait, pouvoir assister, enfin !, à telle représentation in vivo ! En attendant, on se contentera avec plaisir du pis-aller en galette argentée.

PS 11/2015 : Toujours un trip et donc pas pour tous les jours, mais quel plaisir que d'entendre Zorn se confronter à un instrument si riche !

Office Nr 11
1. The Fall of Satan 14:37
2. Spectral Angels 10:06
3. The Revelation of St. John 13:02

John Zorn - orgue d'église

ZORN à l'ORGUE
 

14 commentaires:

  1. Les Nouveaux Anges etc. (Zornophagie 2015 Volume 9 et récap')


    John Zorn/The Spike Orchestra "Cerberus, Book of Angels Volume 26" (2015)
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    John Zorn/James Moore "James Moore Plays The Book of Heads" (2015)
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    John Zorn "Inferno" (2015)
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    John Zorn "The True Discoveries of Witches and Demons" (2015)
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    John Zorn/Forro in the Dark "Forro Zinho - Forro in the Dark Plays Zorn" (2015)
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    John Zorn/The Dreamers "Pellucidar: a Dreamers Fantabula" (2015)
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    John Zorn/Mycale "Gomory: Book Of Angels Volume 25" (2015)
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    John Zorn "The Song Project - Live at LPR" (2015)
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    John Zorn "Simulacrum" (2015)
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    John Zorn "Hen to Pan" (2015)
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    John Zorn/Klezmerson "Amon: Book of Angels Volume 24" (2015)
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    John Zorn/Dither "Olympiad volume 1: Dither Plays Zorn" (2015)
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    John Zorn "The Hermetic Organ Vol. 3 (St. Paul's Hall, Huddersfield)" (2015)
    - http://www24.zippyshare.com/v/sLVp2qt4/file.html

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    1. Salut le Zornophage!Et merci pour the last BoA qui tourne déjà en boucle!
      Oserai-je te demander si le Zamir de retour sur Tzadik et a priori fort bien entouré est dans les tuyaux? ;)
      A+,
      Mathieu.

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    2. Merci ! Vraiment !...
      Découvert Zorn très récemment, et ça tourne en boucle depuis.
      Les Book of Angels, Masada, Discoveries, etc... (je vais pas refaire la liste)
      Que des super Zicos (c'est peu de le dire), et une inspiration toujours intacte et renouvellée.

      Merci de ces liens. :))

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    3. @ Michael,
      Le Zamir ? C'est bien possible... On m'en a dit beaucoup de bien et, du coup, ça me chatouille... Wait and see.

      @ Michel,
      Cool, un converti ! Enjoie et pense à passer régulièrement, Zorn est un régulier des lieux. ^_^

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  2. Superbe ce Cerberus ! Je l'ai écouté plusieurs fois depuis hier et je le considère déjà comme l'un des meilleurs de la série. Le big band apporte une palette sonore et des arrangements très riches et jubilatoires.
    Après ces atroces événements mortifères et le moral dans les chaussettes qui en découle, cet album me réchauffe le coeur. Comme tu le dis joliment il faudra attendre le verdict du temps et les suites éventuelles de l'aventure Book of Angels pour réellement juger de la place de ce volume (Le faut-il vraiment, d'ailleurs ?). Mais aujourd'hui c'est une vraie belle pulsion de vie que je recommande à celles et ceux qui suivent ce blog et qui hésitent encore.
    Merci à l'ami Zorn, au Spike Orchestra, et merci à toi pour le partage.
    Oya

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    1. Ha, y a quand même un Zornophile qui se ballade... ^_^
      Content de voir que tu as apprécié le dernier Zorn de l'an, décembre va être triste...

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  3. Woo un nouveau BoA, ça promet, merci !
    De tout ce que je connais ici - le Forro Zinho, le Klezmerson et le Song Project - les trois sont excellents !

    Au fait, je me demandais si tu connaissais la série New Japan de Tzadik ? J'ai quelques opus de la série et certains sont très bons (Afrirampo, Korekyojinn, Merzbow, Otomo Yoshihide...), mais beaucoup d'autres me paraissent un peu vains. Un post là-dessus pourrait être vraiment intéressant !

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    1. J'en connais quelques uns de la New Japan mais finalement assez peu, ce qui tourne autour de Ruins surtout. Pour sûr, il y a moult artistes à découvrir, ça viendra...

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    2. le Otomo Yoshihide est vraiment superbe... on est tous d'accord il me semble.

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    3. Merci de la confirmation. Me reste à l'écouter.

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  4. not as exciting as 2014 was in zorn's production, i think the best tsadik issues of the year are not zorn-involved, like larry ochs or blue buddha or hypercolour, those are fantastic albums. the simulacrum project does not excite me very much, maybe just the true discoveries but just for ribot's touch. disappointed about cerberus, ghetto was so much better by spike orchestra. really hoping for a new abraxas work, bajakian is doing very well on his own (listen to the colour of pomegranates...). my dream would be a BoA volume played by one of mats gustafsson bands, the thing or fire orchestra or nu ensemble...can you imagine?
    thanks for everything, zornophage!

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    1. Good idea for a BoA even if I'd be even more curious to hear a Guillaume Perret and the Electric Epic (of which I cannot recommand strongly enough both albums) in the series. It's been anounced then denied... We'll see what happens.
      Is 2015 less exciting than 2014 ? I disagree and think both years are on par, I guess that dépends on the listener's taste.
      Thanks for your comment, anonymous.

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  5. Au fait, si jamais tu n'es pas au courant, une revue de musiques contemporaines (canadienne) consacre son dernier numéro à Tzadik : http://www.revuecircuit.ca/

    Et j'en profite pour te dire que les post-scriptums dans tes posts, c'est une chouette idée !

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