jeudi 24 mars 2016

2015 par 12 (12 mois, 14 albums)

Retour sur 2015 via une sélection mensuelle qui n'est donc pas "les meilleurs albums de 2015" mais bien "un album sorti chaque mois de 2015", vous voyez la nuance ? Bref, j'ai un peu triché en en ajoutant deux de plus mais le Björk en deux chapitres méritait d'être ainsi proposé et je ne me résolvais pas à éliminer l'un des deux albums "short-listés" pour septembre. Et donc, 14 albums, des recyclages (avec leur PS de circonstance) et de nouvelles propositions, pour une année qui valut la peine d'être vécue malgré les pertes et les horreurs dont nous n'avons, hélas, que trop l'habitude. Enjoie.

JaNVieR
Björk "Vulnicura"
ou "Au Pays des Elfes"

En janvier 2015, l'islandaise la plus connue de l'univers (je veux bien parier que les aliens l'écoutent aussi !), sort son 8ème album solo officiel (c'est à dire sans compter l'oddity de 1977, quand elle n'avait que 12 ans ou son album jazz, Gling-Gló, 1990), il s'appelle Vulnicura et, bonne nouvelle !, c'est son meilleur depuis longtemps ! Et pourquoi ? Parce qu'il repose sur ce fragile, instable équilibre entre émotion et expérimentation, juste sur la tranche, sur le fil, comme le fut en son temps un Post qui demeure une des plus belles pages de la discographie de l'elfique islandaise. Ici Björk y est, exprimant les tourments de son âme via de déchirantes mélopées glorieusement emballées de leur écrin fantastiquement à la marge. En beats, en cordes et en voix, une solide équipe de session-men pour y parvenir (on est revenu des pléthores de guests de certains opus passés, Medúlla par exemple, seul Antony (d'and the Johnsons) intervient sur le déchirant Atom Dance), miss Guðmundsdóttir, mère de famille désormais presque cinquantenaire, "fait le métier" avec toute la sensibilité de ses plus belles pièces. Enregistré au pays, avec un casting essentiellement du cru, Vulnicura ne révolutionne pas l'œuvre de Björk, ça fait quelques années et quelques albums qu'on (et qu'elle) a fait le tour des possibles, que le nouveauté n'est plus qu'une donnée marginale de l'appréciation de sa musique. De fait, Vulnicura n'est pas un album d'ouverture ou de révolution, à part intime puisque c'est un album de rupture, et ne fait pas autre chose que pérenniser un équilibre, ici idéal, entre prospective et émotion où, plus que jamais, Björk s'affirme comme l'artiste féminine (et "une des", tous sexes confondus) la plus intéressante de ces 20 dernières années au moins (avec pourtant une concurrence sévère faite de Fiona Apple, Kate Bush, Tori Amos, PJ Harvey et autres Joanna Newsom, en en oubliant évidemment beaucoup). Avec Vulnicura (et son pendant "débeaté") Björk est surtout une musicienne dans la plénitude de son art, sûre de son fait mais aussi suffisamment fragile et sensible pour éviter l'arrogance (vous savez, celle qui fait faire des albums, excellents au demeurant, réservé à une minuscule portion de mélomanes, comme ceux d'un Scott Walker revenu par exemple). Quand en plus les mélodies sont au rendez-vous, et l'émotion avec, ça donne Vulnicura, et ça rime avec hourrah !

1. Stonemilker 6:49
2. Lionsong 6:08
3. History of Touches 3:00
4. Black Lake 10:08
5. Family 8:02
6. Notget 6:26
7. Atom Dance 8:09
8. Mouth Mantra 6:09
9. Quicksand 3:45

Björk – vocals, programming
Arca – programming
The Haxan Cloak – programming
John Flynn (aka Spaces) – programming
Antony Hegarty – vocals on track 7
U Strings – strings
Choir
Ásta Ægisdóttir
Auður Albertsdóttir
Ásdís Björg Gestsdóttir
Ásdís Eva Ólafsdóttir
Bergljót Rafnar Karlsdóttir
Drífa Örvarsdóttir
Elín Edda Sigurðardóttir
Erla María Markúsdóttir
Fífa Jónsdóttir
Gígja Gylfadóttir
Gígja Haraldsdóttir
Guðrún Matthildur Sigurbergsdóttir
Sigrún Ósk Jóhannesdóttir
Unnur Sigurðardóttir

BoNuS (11/2015)
Björk "Vulnicura Strings"
ou "Elfe en Cordes"

Vulnicura avait convaincu, Bjôrk décide de l'épurer, de le déshabiller pour une version encore plus organique, encore plus émouvante. Ca s'appelle, en toute logique à l'écoute, Vulnicura Strings et c'est essentiellement (outre une version instrumentale de Black Lake en final) le remix de l'album que vous devez ou devriez connaître (parce que c'est le meilleur de l'islandaise depuis... longtemps !) retranché de ses beats et machins électroniques mettant ainsi encore plus en valeur ses portions cordées et vocalisées et, donc, les arrangements d'icelles dont la Guðmundsdóttir est évidemment l'auteure. Dire que ça change tout serait largement exagéré, on retrouve et reconnaît bien l'album sorti 10 mois plus tôt mais, de fait, on apprécie la version "à la bougie" dont on pourra, recueilli dans une semi-obscurité, apprécier les extraordinaires nuances. Bref, Vulnicura Strings est un parfait compagnon de son devancier, aurait même pu être "fourni" dans une hypothétique version "Deluxe" qu'on n'aurait pas trouvé à y redire, et une addition donc recommandée à toutes celles et tous ceux qui ont su se laisser emporter par ses mélodies passionnées. C'est aussi, ce qui n'est pas rien, la réalisation que le futur de Björk pourrait bien se situer dans une musique instrumentale contemporaine qu'elle n'a jamais approchée de si près. Beau et utile, bravo.

1. Mouth Mantra 6:09
2. Lionsong 6:17
3. Black Lake 10:08
4. Atom Dance 7:46
5. Stonemilker 6:48
6. Quicksand 4:08
7. Notget 4:41
8. Family 6:59
9. Black Lake (Viola Organista Version) 10:55

Björk – vocals, arrangements
Antony Hegarty – vocals on track 4
U Strings – strings
Choir
Ásta Ægisdóttir
Auður Albertsdóttir
Ásdís Björg Gestsdóttir
Ásdís Eva Ólafsdóttir
Bergljót Rafnar Karlsdóttir
Drífa Örvarsdóttir
Elín Edda Sigurðardóttir
Erla María Markúsdóttir
Fífa Jónsdóttir
Gígja Gylfadóttir
Gígja Haraldsdóttir
Guðrún Matthildur Sigurbergsdóttir
Sigrún Ósk Jóhannesdóttir
Unnur Sigurðardóttir


BJÖRK

FéVRieR
Scorpions "Return to Forever"
ou "Un dernier tour et puis s'en va ?"

On les croyait parti, rangé des voitures, ayant plié les gaules mais non, les increvables teutons ne lâchent pas prise et reviennent avec un 20ème album studio, et le 50ème anniversaire de la toute première mouture de la formation (dont seul l'indéboulonnable Rudolf Schenker demeure), un album dont le titre laisse augurer qu'on est pas près de trouver le poison pour ces sales bestioles qui piquent : Return to Forever.
Pour dire l'entière vérité, peu avaient été convaincus par leurs précédentes exactions, Comeblack, mélange de reprises accessoires et de réenregistrements qui ne l'étaient pas moins, et Sting In The Tail, tentative un peu quelconque de recoller avec le son qui avait fait leur gloire dans la première moitié des 80s n'étaient pas exactement des chefs d'œuvres même s'ils se laissaient écouter (surtout Sting of the Tail). C'est dire si on attendait les Scorpions au tournant surtout quand ils annoncèrent que cet album comprenait pas mal de chansons jamais totalement finies par le passé jusqu'à cette double autocélébration de circonstance. Conséquemment, la peur d'un recyclage honteux et embarrassant était dans toutes les têtes, têtes qui n'avaient pas tout à fait tort même si le résultat est tout sauf pathétique (ouf !).
Concrètement, si on pourra reprocher aux Scorpions de se contenter de faire du Scorpions (vous vous attendiez à quoi ?), il le font plutôt bien. Evidemment, quand on dit "font du Scorpions" on pense aux albums des années 80, pas aux excellentes galettes des seventies dont le groupe ne s'est plus jamais rapproché depuis le départ du spatial Uli Jon Roth (qui d'ailleurs rend hommage à cette période sur le tout récent et réussi Scorpions Revisited, elle est pas belle la vie ?), soit un hard rock racé, accrocheur qui ne cherche, substantiellement, pas autre chose que de faire passer un bon moment à l'auditeur avec une musique absolument sans prise de tête. Alors certes, tout ceci n'est pas exactement affolant mais tient la route ce qui, quarante-deux ans après l'excellent mais souvent négligé Lonesome Crow (Scorps on Kraut !), n'est pas rien. Evidemment, bis, avec 16 titres et 62 minutes (diable !) dans son édition spéciale et "limitée", plus chère donc, y a pas de petit profit, ça traîne un peu en longueur, sans surprise surtout vers la fin où sont, en toute logique, relégués les morceaux supplémentaires, un petit tri ne sera donc pas inutile pour que la galette tienne la distance. Evidemment, ter !, il ne faudra pas trop plonger dans les paroles "fun et rock'n'roll" qui, si elles collent bien à la musique légère de la formation, n'ont qu'un maigre (pour rester positif) intérêt littéraire. Pas de surprise ? Certes mais quelques excellentes chansons : l'entraînant rock Going Out With a Bang en ouverture, pas une révélation mais une sympathique entrée en matière, le relativement soft et très 80s We Built This House qui n'aurait pas fait tâche sur Savage Amusement ou Crazy World, un All for One mordant et bien troussé, Eye of the Storm ou Gypsy Life où les germains nous rappellent qu'ils savent encore pondre de la power ballad à faire pleurer le chevelu dans sa bière, The Scratch tout en shuffle nerveux et guitares accrocheuses ou le bonus Dancing with the Moonlight aux riffs différents et efficaces qui produisent leur petit effet parce qu'ils se démarquent un chouia de leurs habitudes compositionnelles. Autour de ces quelques indéniables highlights, tout n'est pas rose, quelques rockers automatiques et un peu bêtas et franchement pas indispensables (Rock My Car, Rock'n'roll Band, Hard Rockin' This Place, que des titres d'une folle imagination) viennent ternir le tableau alors que le reste, pas désagréable, loin s'en faut, sent tout de même un petit peu le remplissage. Mais, l'un dans l'autre, le groupe, avec un état d'esprit bourré de bonne humeur étonnement similaire à celui qui l'habitait sur sa précédente offrande originale, Sting of the Tail donc, est loin de l'indignité de Pure Instinct ou, surtout, d'Eye II Eye, deux albums qu'on préfèrera oublier.
Alors, Scorpions en 2015, un vieux cheval sur le retour ou un fier destrier certes âgé mais encore fringant ? Les deux mon général !, mais tout dépend d'où l'on se place et ce qu'on recherchait dans Return to Forever. Les fans seront ravis de retrouver un groupe fidèle à son idiome, les autres n'y verront qu'une fin de règne certes pleine de pompe et d'énergie mais aucunement décisive. En un mot comme en mille, choisis ton camp, camarade !

PS (mars 2016) : C'est pas beau de vieillir mais, à ce petit jeu de massacre (parce que nos idoles sont rarement comme un bon vin), les queues-qui-piquent s'en sortent plutôt bien. Et puis, c'est promis, c'était le dernier (avant le live, la compilation, l'anthologie, le live du retour, la re-compilation, les morceaux rares, la re-re-compilation, etc.), alors merci pour vos services, messieurs, et merci pour ce final au moins pas indigne, c'est déjà ça !
 
1. Going Out with a Bang 3:47
2. We Built This House 3:53
3. Rock My Car 3:20
4. House of Cards 5:05
5. All for One 2:58
6. Rock 'n' Roll Band 3:54
7. Catch Your Luck and Play 3:33
8. Rollin' Home 4:03
9. Hard Rockin' the Place 4:06
10. Eye of the Storm 4:27
11. The Scratch 3:41
12. Gypsy Life 4:51
Bonus
13. The World We Used to Know 3:51
14. Dancing with the Moonlight 3:42
15. When the Truth Is a Lie 4:27
16. Who We Are 2:33

Klaus Meine - lead vocals
Rudolf Schenker - rhythm & lead guitars, backing vocals
Matthias Jabs - lead & rhythm guitars, backing vocals
James Kottak - drums, backing vocals
Pawel Maciwoda - bass, backing vocals

SCORPIONS

MaRS
John Zorn/Simulacrum "Simulacrum"
ou "Progressive Zorn"

Pour son cinquième album de 2015, John Zorn convoque un nouveau trio et lâche les chiens dans une fusion jazz metal qu'on n'avait plus croisé dans ses créations depuis... Une éternité !
Ceci dit, on sent la maturation du compositeur et de l'arrangeur dans cette nouvelle phase, ce nouveau trio composé d'un organiste (John Medeski, un habitué de la maison), d'un guitariste (Matt Hollenberg, repéré chez Cleric mais aussi les black doomsters d'Höllenlärm), et d'un batteur (Kenny Grohowski de chez Secret Chiefs 3 mais aussi du quatuor Abraxas exécutant de deux albums composé par Zorn), bref, un furieux trio assemblé tout sauf au hasard pour la circonstance. Et la maturation donc, on y revient, parce qu'on est tout de même loin des exactions chaotiques d'un PainKiller ou d'un Naked City, loin aussi des turbulences gothiques de Moonchild. Loin mais dans l'esprit parce que, indéniablement, ce Zorn là a la rage et sait merveilleusement la communiquer. Présentement, évidemment, l'orgue hanté de Medeski tient le centre de la scène mais se voit bien secondé par les riffs lourds et tranchants d'Hollenbeck et l'abattage rythmique façon "tir de barrage, pas de prisonniers" de Grohowski. Concrètement, en 6 compositions et 43 trop courtes minute (on en redemande !), les trois s'amusent audiblement beaucoup à prendre nos tympans pour des tambours de foire, à concasser nos gonades menu menu avec une précision chirurgicale n'empêchant pas une ambiance de jam bienvenue. Pour ce faire ils ont, il faut dire, une partition suffisamment infusée de mélodie pour que le tout ne tourne pas simplement à l'exercice de style bruitiste mais plutôt au laminage systématique de feuilles complices de l'auditeur ravi d'un tel traitement.
Simulacrum ? Une excellente nouvelle chez un Zorn qui, dernièrement, semblait ne souhaiter enchainer qu'easy listening et avant-garde contemporaine (oui, sauf pour le quatuor Abraxas qui semble hélas avoir vécu). L'autre bonne c'est que le projet connaîtra une suite que, franchement, on est impatient de découvrir tant cet originel tour de force fonctionne au-delà des espérances.

PS (mars 2016) : Ô la belle confirmation. Si on a du mal a le départager avec le 3 (l'excellent Inferno), on a l'assurance qu'on tient bien la un Zorn à la fois progressif et énervé. Bonne nouvelle, la formation revient bientôt avec un 4ème opus, avec le vibraphone de Wollesen en bonus !

1. The Illusionist 12:02
2. Marmarath 5:17
3. Snakes and Ladders 5:27
4. Alterities 2:49
5. Paradigm Shift 4:34
6. The Divine Comedy 12:54

John Medeski - organ
Matt Hollenberg - guitar
Kenny Grohowski - drums
John Zorn - composition, direction & production

SIMULACRUM
(John Medeski)

aVRiL
Blur "The Magic Whip"
ou "La magie opère"

C'est le retour qu'on n'attendait presque plus, celui du leader brit-pop qui avait su opérer une mue plus expérimentale particulièrement réussie. Du coup, avec deux Blur dans le passé, il s'agissait avant tout de savoir lequel The Magic Whip allait proposer. Mais en attendant, il faut commencer par constater qu'il fallut six ans depuis les réconciliations pour qu'enfin ce nouvel opus voit le jour... Une éternité meublée par des concerts triomphaux et des singles confidentiels et des nombreux projets menés par les quatre membres (dont Albarn était évidemment le plus occupé), mais côté "new Blur", pas grand chose à se mettre sous la dent... Jusqu'à ce Magic Whip donc tant attendu et qui surprend... en ne surprenant absolument pas ! De fait, sans doute parce que la formation avait alors mué et atteint sa plénitude adulte, c'est du digne successeur de Think Tank dont il s'agit, et la présence de leur producteur historique, Stephen Street qui n'était plus de la partie sur le cru 2003 et revient ici, n'y change absolument rien ! On y retrouve par conséquent la section rythmique la plus "élastique" d'Angleterre (James et Rowntree, capable de groover comme de vrais blacks comme de krauter comme d'authentiques teutons), l'écriture détaché, parfois sarcastique, parfois désabusée, de Damon Albarn, et, bien-sûr, tous les petit trucs "à la marge" dont l'arty Graham Coxon s'est fait la spécialité... Blur, quoi ! Avec cependant un peu plus de joie de vivre et d'optimisme que les deux précédents opus, l'un obscurci par la séparation du leader avec sa petite-amie de longue date, l'autre synthétisant les affres d'un collectif au bord de la séparation. Rien de ça ici ou quatre mecs désormais bien installé dans la quarantaine se font audiblement plaisir à refaire du "comme avant" bénéficiant de leurs expériences augmentées. Voilà avec de bonnes chansons ( je ne fais pas le détail, si vous aimez Blur vous ne serez pas déçus), une bonne production et une drôle de pochette (on aime ou on n'aime pas), les Kings de la brit-pop sont de retour, espérons qu'il ne repartent pas tout de suite !

1. Lonesome Street 4:23
2. New World Towers 4:03
3. Go Out 4:41
4. Ice Cream Man 3:25
5. Thought I Was a Spaceman 6:16
6. I Broadcast 2:51
7. My Terracotta Heart 4:05
8. There Are Too Many of Us 4:25
9. Ghost Ship 4:59
10. Pyongyang 5:47
11. Ong Ong 3:08
12. Mirrorball 3:39

Damon Albarn – vocals, keyboards, synthesizers, iPad, acoustic guitar
Graham Coxon – electric guitar, backing vocals, co-lead vocals on "Lonesome Street", "Thought I Was a Spaceman", and "Y'all Doomed"
Alex James – bass guitar
Dave Rowntree – drums, percussion, backing vocals
&
Stephen Street – programming, percussion, drum machine, "saxophones" (synthesizers) on "Ghost Ship"
James Dring – programming
Demon Strings – orchestration

BLUR

Mai
Faith No More "Sol Invictus"
ou "Beau retour"

C'est le retour discographique qu'on avait fini par ne plus attendre, celui d'un groupe qui, en son jeune temps, enfin, à l'arrivée de son référentiel vocaliste (Mike Patton) a secoué le petit monde du metal (à son corps défendant parce qui'il ne s'est jamais revendiqué comme en étant), c'est le retour des San-franciscains de Faith No More, 18 ans après son dernier album, une éternité...
La première surprise de ce Sol Invictus, surtout venant d'une formation qui n'eut de cesse de se renouveler dans son premier "run", c'est de sonner exactement comme du Faith No More et, précisément, comme un savant compromis de King for a Day et d'Album of the Year. Du premier, il retient une certaine variété, une capacité à marier le mélodieux et tempéré avec le colérique et chaotique, c'est d'ailleurs évident dès l'enchainement entre le moody Sol Invictus, le titre, tout en ambiance ouateuse et délicate et Superhero où la guitare et le chant agressif de Patton viennent vous décrasser les conduits auditifs. Du second, il reproduit une cohérence d'ensemble une ligne directrice générale qui manquait à son glorieux devancier.
Evidemment, sans bonnes chansons, tout ceci ne serait qu'une coquille vide, une tournure de style sans but et sans grand intérêt. Heureusement, avec line-up d'Album of the Year, et Jon Hudson à la six-cordes donc étant entendu que l'historique Jim Martin est définitivement persona-non-grata chez les Sans-Foi, les désormais largement quarantenaires prouvent qu'ils savent encore trousser de la composition accrocheuse mais pas putassière. Les meilleures ? C'est une question assez difficile dans une œuvre semblant plus vouloir former un tout que détacher tel ou tel titre du lot. On citera tout de même les deux morceaux introductifs pour leur établissement du panorama et leur belle construction mélodique, Sunny Side Up pour son petit piano si typique du style de Roddy Bottum et son refrain ô combien entêtant, Separation Anxiety pour la performance d'un Patton qui y montre l'étendu de sa palette, Black Friday pour ses atours folky inhabituels et bienvenus, et From the Dead, le plus typique d'une composition traditionnellement pop dont Faith No More se soit jamais approché. Mais ce ne sont que des exemples d'un ensemble de belle facture où, vraiment, rien ne déçoit.
Quatre ans, il aura fallu attendre quatre ans pour que la reformation d'un des groupes qui, en son temps, contribua à changer la face du metal. Un triomphe ? Sans doute pas, mais un bon album dont le plus gros défaut est sa trop courte durée avec ses 39 minutes qui passent vraiment trop vite et laissent, en vérité, un peu l'auditeur sur sa faim. Parce que Sol Invictus, réussit tout de même le tour de force de ne pas se trahir sans sembler vouloir, opportunisme oblige, coller à tout prix à ce que le groupe imaginait qu'on attendait de leur retour. Un beau retour qui appelle une suite, mais pas dans 18 ans messieurs, pas maintenant que vous nous avez aiguisé l'appétit !

PS (mars 2016) : Un grand album ? Non ! Un bel album qui vieillit plutôt bien, dont les chansons fortes perdurent et dont d'autres finissent par faire leur petit effet ? Absolument ! Alors le retour de Faith No More n'aura pas été vain, youpi ! Et on attend la suite !
 
1. Sol Invictus 2:37
2. Superhero 5:15
3. Sunny Side Up 2:59
4. Separation Anxiety 3:44
5. Cone of Shame 4:40
6. Rise of the Fall 4:09
7. Black Friday 3:19
8. Motherfucker 3:33
9. Matador 6:09
10. From the Dead 3:06

Mike Bordin - drums
Roddy Bottum - keyboards, vocals
Billy Gould - bass guitar
Jon Hudson - guitar
Mike Patton - vocals

FAITH NO MORE

JuiN
Sarah Cracknell "Red Kite"
ou "Light as Air"

Quand la chanteuse des très recommandés Saint Etienne se relance en solo, 18 ans après le joli Lipslide, ça donne un album tout en douceur et en délicatesse, exactement ce que l'on attendait d'une des plus douces voix de la pop anglaise. Mais pas exactement ce que son groupe, Saint Etienne, propose ou ce qu'elle avait, elle-même, offert sur son premier opus solitaire, pas de mélopées synthétiques ici, c'est à une précieuse petite galette pop toute en cordes ensoleillées à laquelle nous avons affaire. Avec le concours de ô combien décisif de Carwyn Ellis (l'homme derrière Colorama et également collaborateur d'Edwyn Collins, d'UNKLE, de Gemma Ray, etc.), producteur mais aussi très impliqué dans sa réalisation instrumentale (voir les crédits plus bas), Sarah Cracknell reste évidemment dans cette pop légère et douce, où un petit coup de cafard, un élan de nostalgie, n'est jamais bien loin, qui va si bien à sa voix caressante. La différence, donc, tient dans la manière, dans la toile tissée pour accueillir l'organe de la dame, un toile organique qui laisse d'infinies libertés pour explorer les multiples possibles alors envisageables. Et donc, en 12 titres et 37 vraiment trop courtes minutes, sommes-nous enchantés par les tours du duo augmenté. Bref, ça fait beaucoup de mots pour une pop qui coule joliment de source, qu'elle glisse vers la folk des fleurs pleins les cheveux (On the Swings, In the Dark, Ragdoll, Take the Silver, The Mutineer, et Favourite Chair, toutes différentes et toutes plus réussies les unes que les autres), entourés d'une pop généralement très rétro et très chic comme une sorte de Swinging London réinventé (Nothing Left to Talk About,  Under the Stars, Hearts Are for Breaking, I Close My Eyes, It's Never Too Late et Enemy, de la ballade ouatée au rock presque psyché, tout est fait et bien fait), le tout s'imbriquant merveilleusement l'un dans l'autre pour une galette équilibrée et inspirée. Reste à espérer que Sarah ne mette pas 18 ans à nous offrir un successeur à ce Red Kite "light as air". 

1. On the Swings 3:51
2. Nothing Left to Talk About 2:52
3. In the Dark 3:53
4. Ragdoll 3:02
5. Underneath the Stars 3:15
6. Hearts Are For Breaking 3:00
7. Take the Silver 2:32
8. The Mutineer 3:25
9. I Close My Eyes 3:05
10. It’s Never Too Late 2:46
11. (I Am Not Your) Enemy 3:11
12. Favourite Chair 2:11

Sarah Cracknell - Vocals 
Carwyn Ellis - Autoharp, Bass, Celeste, Drum Machine, Drums, Dulcimer, Guitars, Harmonium, Harp, Marxophone, Mellotron, Organ, Piano, Sitar, Ukulele, Vibraphone, Background Vocals, Vox Continental
Mark Waterfield - Guitars, Background Vocals
Mason Neely - Drums, Percussion, String Arrangements 
Lawrence Oakley - Bass, Drums, Background Vocals
Luca Guernieri - Drums
David Adams - Violin 
Julia Loucks - Violin
Sophie Frankford - Violin  
Louisa Lyne - Cello 
Alice Neary - Cello
Jane Griffiths - Viola 
Robin Bennett - Flute, Background Vocals
Kami Thompson - Background Vocals
James Walbourne - Background Vocals
&
Seb Lewsley
- Mixing, Shaker, Tambourine
The Rails - Vocals 
Nicky Wire - Vocals

SARAH CRACKNELL

JuiLLeT
John Zorn/Forro in the Dark "Forro Zinho - Forro in the Dark Plays Zorn"
ou "Zorn in Brasil"

Sur le modèle des Book of Angels, des compositions du maître offerte en pâture à une formation spécialement choisie pour l'occasion, dans la foulée, aussi, d'un exercice similaire paru en début d'année, Dither Plays Zorn, icelui dédié à une approche nettement plus avant-gardiste que le présent, John Zorn ouvre ses portes à une combo brésilien qui fait sien quelques pages du boulimique compositeur new-yorkais pour un résultat aussi surprenant que bluffant.
En l'occurrence, doté d'épices brésiliennes, proposant un cocktail de morceaux connus et de créations spécifiquement dédiées au projet, c'est à un Zorn inhabituellement festif et percussif auquel nous nous voyons joyeusement confrontés. Le mérite en revient au quatuor d'exilés cariocas en la grosse pomme, Forro in the Dark, qui a su, sous le patronage d'un Jesse Harris déjà repéré dans le Song Project et présentement producteur de l'album, habiter ces partitions sans pour autant perdre une once de l'esprit habitant le versant le plus cool et groovy du compositeur.
Histoire de mettre les petits plats dans les grands, quelques invités de marque ont été conviés au banquet parmi lesquels des têtes connues, le précité Jesse Harris, l'argentine Sofia Rei (également partie prenante dans le Song Project) ou, plus surprenant, le vétéran de la samba/bossa nova Marcos Valle. Tout ce petit monde, qui a l'air de bien s'amuser, sur la base d'un forro, style pas si distant de celui de John puisque puisant ses racines dans des musiques traditionnelles d'Europe centrale, ici notablement enrichi d'atours rock, jazz, reggae et même country, propose une ouverture musicale qui sied particulièrement bien à l'univers du touche-à-tout génial que nous connaissons. Le résultat, une fusion tourbillonnante et joyeuse, dansante et spirituelle, ne déstabilisera pas les suiveurs zélotes d'un Zorn qui les a habitué à s'attendre à tout mais, tout de même, peut-être pas à une œuvre si immédiatement accessible et addictive. Parce Forro in the Dark, avec son cocktail d'instruments traditionnels et classiques, son allant tout à fait communicatif aussi, réussit un opus poussant à trémousser du popotin un large sourire aux lèvres ce qui n'est pas si courant dans l'œuvre tentaculaire du membre le plus hyperactif de la downtown scene.
Galette idéale pour un été ensoleillé ou, plus tard, pour mettre un bon coup de lumière et de chaleur à la grisaille et la froidure qui nous guettent , Forro Zinho est une exemplaire réussite qu'on recommande sans la moindre hésitation tant aux amateurs des exactions zorniennes qu'à toutes celles et tous ceux qui veulent simplement passer un excellent moment en compagnie d'excellents instrumentistes sachant jouer avec application et fougue une musique qui ne se prend surtout pas au sérieux et tutoie, du coup, souvent le divin.

PS (mars 2016) : Pour le coup, je n'ai rien à ajouter sauf à confirmer l'excellence d'une galette aussi abordable aux néophytes que délicieuses pour les spécialistes de la "chose Zorn".
 
1. Uluwati 3:31
2. Novato 3:42
3. Forro Zinho 5:03
4. Life Is Real Only Then When "I Am" 2:46
5. Shaolin Bossa 3:21
6. Sunset Surfer 3:13
7. Zavebe 4:45
8. Ode to Delphi 4:28
9. Tempo de Festa 4:36
10. Annabel 2:01
11. The Quiet Surf 3:13

Jorge Continentino - pianos, flutes, vocals, tenor and baritone saxophone
Guilherme Monteiro - electric guitar
Mauro Refosco - zabumba, vibes, synare, percussion
Rea Mochiach - bass, percussion, fun machine
Jesse Harris, Sofia Rei - vocals
Vitor Gonçalves - accordion
Marcos Valle - guest vocals, wurlitzer

FORRO IN THE DARK

aoûT
Motörhead "Bad Magic"
ou "Glorious Last Words"

La Mauvaise Magie, c'est la disparition de Lemmy quelques mois après la sortie de ce 22ème long-jeu de son Motörhead, un album qui donnait envie d'en avoir plus. On aurait pu, on aurait voulu, même, dire que ce dernier album était un final en fanfare, l'album le plus diversifié, l'album le plus créatif, l'album le plus agressif, l'album le plus rigolo, l'album le plus... Je pense que vous m'avez compris, qu'on tenait là un album au caractère, pour une raison ou une autre, absolument décisif. Clairement, il n'en est rien et Bad Magic est simplement un album de Motörhead de plus mais pas un album de Motörhead de trop ! Un album de plus parce qu'on y retrouve tout ce qu'on attend du trio, du heavy rock qui va à 100 à l'heure au mid-tempo rampant en passant par une power ballad forcément un peu à part, parce que Lemmy, quoi !, bref, rien que de très classique mais, en l'occurrence, du classique bien troussé, qui flatte l'oreille de celui qui a biberonné à Ace of Spades ou Overkill comme à celui qui vient de découvrir, mieux vaut tard que jamais, ces affreux, sales et méchants rockers certes vieillissant mais qui n'en ont pas l'air. Et donc pas un album de trop parce que, d'un Victory or Die sur les chapeaux de roues, d'un The Devil lourd et menaçant (avec un beau solo de Brian May), d'un Till the End d'autant plus émouvant qu'il prend désormais un tout autre sens, à une sympathique reprise du Sympathy for the Devil des qui-vous-savez (belle performance de Mickey Dee, au passage), et tout ce qu'il y a autour et que je vous laisse le soin de découvrir par vous-même vous assurant tout de même que de déception il n'y aura pas, c'est une solide et inspirée sélection que Lemmy, Phil (Campbell, là depuis 1984 tout de même) et Mickey nous offrent.
...Et le rideau tombe, et une larmichette coule en se souvenant que c'est fini, que plus jamais cet incomparable escogriffe ne viendra hurler dans le micro et tabasser ses cordes graves pour notre ravissement auditif un poil masochiste (qu'est-ce qu'ils jouaient fort, les bougres !)... Bad Magic est-il un digne chant du cygne ? En impeccable démonstration qu'une formule immuable peut continuer à livrer de sacrées chansons, en souvenir d'un mec qui n'avait rien pour être une star mais a beaucoup bossé (ce qu'il ne disait jamais, évidemment), oui, mais on le regrette parce qu'on en aurait voulu plus.

1. Victory or Die 3:09
2. Thunder & Lightning 3:06
3. Fire Storm Hotel 3:35
4. Shoot Out All of Your Lights 3:15
5. The Devil 2:54
6. Electricity 2:17
7. Evil Eye 2:20
8. Teach Them How to Bleed 3:13
9. Till the End 4:05
10. Tell Me Who to Kill 2:57
11. Choking on Your Screams 3:33
12. When the Sky Comes Looking for You 2:58
13. Sympathy for the Devil 5:35

Lemmy Kilmister – bass guitar, vocals
Philip Campbell – guitar, piano on "Sympathy for the Devil"
Mikkey Dee – drums
&
Jimmi Mayweather and Nick Agee - backing vocals on "Shoot Out All Of Your Lights"
Brian May – guitar solo on "The Devil"

MOTÖRHEAD

SePTeMBRe
Iron Maiden "The Book of Souls"
ou "Double Dose de Metal"

Dans le petit monde du metal, un nouvel album d'Iron Maiden est toujours un authentique évènement, parce le groupe a marqué l'histoire de cette musique au point qu'on retrouve presque toujours des traces de leur fameux son dans chaque nouvel album, chez chaque nouveau groupe apparu. C'est dire si le retardé The Book of Souls, parce que Bruce était malade et que la décision fut prise d'attendre son rétablissement pour finaliser et sortir l'album, le 16ème opus des anglais, était attendu avec une impatience anxieuse.
Anxieuse parce que si The Final Frontier avait été une bonne nouvelle (après un Dance of Death et un Matter of Life and Death franchement trop en pilote automatique pour être pleinement satisfaisants), un album de retour en forme avec même quelques innovations dans un style pourtant immuable, le titre et la vilaine rumeur suggéraient qu'il serait peut-être le dernier... Et puis, 5 ans entre deux albums studio !, Iron Maiden ne nous avait jamais abandonné aussi longtemps. Enfin, fi de ces mauvais présages, avec 92 minutes, 11 titres dont trois aux épiques proportions (à eux trois dépassant la longueur d'un de leurs albums du début des années 80 !), revoilà Iron Maiden. Clairement, ceux qui craignaient de voir ces vénérables anciens s'adonner, une fois de plus, à leurs penchants progressifs verront leurs craintes confirmées. La nouveauté étant, en la circonstance, que le plus long, le plus radicalement orchestral et épique, soit l'œuvre, non d'un bassiste/leader pourtant habitué à l'exercice, mais bien de son frontman, Bruce Dickinson, qui ne nous avait délaissé l'excercice (mais dont on savait qu'il pouvait faire, voir Révélations et Powerslave, deux inoxydables classiques) et y joue même du... piano !
Et donc, on en vient au gras de la chose, à cette 16ème galette qu'on brûle de dévorer. Première constatation, la pochette (de Mark Wilkinson qui s'est fait connaître par ses travaux pour les progueux british de Marillion) est assez moche, assez peu spectaculaire aussi (ce qui pousse, du coup, à conseiller l'édition "Deluxe" avec son beau gros livret qui rattrape bien le coup, de vrais businessmen ces vieux metalleux !). Pas de réserve, par contre, concernant la mise en son qui est absolument flamboyante et toujours menée par le fidèle Kevin Shirley (ça dure depuis 15 ans et 5 albums, tout de même !) qui a, cette fois, su à saisir l'énergie live du groupe avec la précision d'une captation studio, son meilleur boulot pour les vétérans de la New Wave of British Heavy Metal, bravo.
Et donc, au "gras du gras", à la substantifique moelle de The Book of Souls, les chansons ! Parce que sans bonnes chansons, même avec le meilleur artwork, la meilleure production, la meilleur promotion même, tout ceci ne serait que du vent. Et donc, 11 chansons donc, 92 minutes, c'est du lourd, du massif. Une petite évocation "track by track" ne sera pas, du coup, inutile :
- If Eternity Should Fail : l'habitude prise sur Final Frontier est reconduite ! Iron Maiden a décidé de nous étonner dès le tout début de ce Book of Souls. La fois d'avant c'était avec du tribal, là c'est Dickinson supporté par quelques théâtrales nappes de synthétiseur, étonnant, réussi aussi. Mais on sent que la bête est tapie dans l'ombre et, ça ne manque pas, elle débarque ! Bon, ça défouraille moyen mais c'est du bon Maiden, classique, avec la basse qui claque bien et Bruce qui vocalise comme il faut, plus aussi aigu et agressif qu'avant, c'est l'âge, mais de façon tout à fait convaincante. Et tant pis si ça patine un peu, si, dans leur prime jeunesse, ils auraient mené tout ça le pied sur l'accélérateur en un quart de temps en moins, l'excellent break solo, ouvert par Nicko, une première !, vient rappeler que ces gars-là possèdent leur formule à la perfection. C'est vrai, on a connu de meilleures entrées en matière, mais celle-ci se place dans les plus belles "post-classiques", et c'est signé Dickinson. 8/10
- Speed of Light : c'est le single, du bon gros heavy metal bien enlevé, un fondamental du catalogue de la Vierge de Fer, en somme. Le riff ferait penser à Enter Sandman ? C'est un peu vrai mais on s'y fait rapidement, d'autant que Bruce y chante bien, que le refrain accroche et que les interventions guitaristiques contribuent joliment à la tenue d'un ensemble rigoureusement classique signé d'Adrian Smith et de Dickinson. 7,5/10
- The Great Unknown : la grande inconnue ? Pas vraiment. Une longue intro avant l'explosion de rigueur, sur un bel égosillement de Bruce ceci dit, mais tout ça est exactement ce que les détracteurs reprochent à Iron Maiden, la stricte application d'une formule éprouvée ce qui, sans la flamme, sans la petite étincelle qui fait la différence, se laisse écouter sans déplaisir, certes, parce que tout y est, indéniablement, mais sans réel enthousiasme pour autant. 5/10
- The Red and the Black : c'est, à 13 minutes et demi, le premier des trois mastodontes de l'album, celui qu'Harris s'est jalousement réservé (sa seule composition solo de l'album, c'est à noter) et qui s'avère, sans surprise, d'un immense classicisme stylistique que ce soit dans sa structure ou dans sa mélodie. Quelque part entre Clansman et Heaven Can Wait (ces hohoho à reprendre en chœur), comme de bien entendu rehaussé d'un break solo qui prend son temps, c'est un morceau bien troussé dont on se dit, tout de même, qu'il ne nécessitait pas forcément cet étirement un poil excessif. Mais comme on ne s'y ennuie pas une seconde, on l'achève avec le sentiment qu'on aurait mauvaise grâce à rejeter une si belle composition simplement parce qu'elle vient flatter l'âme nostalgique de l'auditeur lambda des vétérans. 7,5/10
- When the River Runs Deep : du Maiden qui rocke ! Youpi. Le tempo est rapide, les guitares mélodiques et tranchantes (avec un petit quelque chose de Wasted Years, merci Adrian), la ligne de chant coule bien, retient bien l'attention sur un morceau résolument fun, de ceux qu'on aime à reprendre en chœur avec le groupe et pleins d'inconnus souvent chevelus lors de Grand-Messes métalliques bon-enfant. Et s'il n'est pas plus original que The Great Unknown, il est tellement mieux mené, tellement plus tout ce qu'on attend instinctivement du groupe et qui fait tant plaisir quand c'est réussi comme ici, qu'on ne peut qu'y adhérer. 8,5/10
- The Book of Souls : second morceau fleuve de l'album, celui qui donne son titre à l'album et son artwork d'inspiration Maya à son emballage, The Book of Souls est de la même veine d'écriture d'Iron Maiden (et de Steve Harris en particulier) que son épique devancier. Mais le bassiste, ici secondé de Jannick Gers à la composition, n'y produit pas, contrairement à la rumeur, l'héritier de Rime of the Ancient Mariner. De fait, The Book of Souls, du pur Harris en vérité, s'avère être dans la droite lignée des To Tame a Land, Alexander the Great, Seventh Son of a Seventh Son et consorts, et vaut parce qu'il est mélodiquement réussi, jusque dans son inévitable break solo ici excellemment troussé. Comme, When the River Runs Deep juste avant, ça ne réinvente rien mais ça le fait. 7,5/10
- Death or Glory : comme on attaque la seconde galette, il faut redémarrer la machine, c'est le rôle qui incombe à l'efficace et percutant Death or Glory qui s'en sort d'ailleurs très bien sans aucunement innover mais en menant, à un train d'enfer, l'auditeur dans un de ces galops heavy dont le sextet a le secret, riff accrocheur, refrain héroïque et exhibitions guitaristiques incluses. Rien à signaler en somme, sauf le bonheur d'une écoute mettant à l'épreuve les cervicales de l'auditeur. 7,5/10
- Shadows of the Valley : c'est le retour du syndrome The Great Unknown, en encore un peu moins réussi, en vérité, un morceau en pilotage automatique pas exactement indigne mais tellement dérivatif de moult chansons passées, un vrai puzzle d'iceux, et pas assez porté par une mélodie qui n'accroche jamais vraiment, qu'on peine à entrer dans un trip si peu remarquable. 4,5/10
- Tears of a Clown : on a du mal à dire du mal d'un titre si plein de bonnes intentions, de nobles sentiments (il s'agit d'un hommage rendu à l'acteur Robin Williams qui nous a quitté l'an passé) mais, franchement, Tears of a Clown manque de cette étincelle qui en aurait fait plus d'une chanson de plus sur un album déjà bien chargé. Sa principale particularité ? C'est d'être le morceau le plus musicalement "light" de l'opus. Sinon, riffs, soli, mélodies de chant (avec cependant un refrain qui surnage un chouia), peinent à créer l'évènement ce qui, dans un morceau d'Iron Maiden, ne laisse plus grand chose. Pas mauvais mais définitivement dans la moyenne basse de l'exercice 2015 avec tout de même l'avantage de ne pas traîner en longueur. 5,5/10
- The Man of Sorrows : dont la trompeuse homonomie ne doit pas nous le faire confondre avec le morceau de Dickinson en solo (sur Accident of Birth, juste retranché du The chez Bruce). Morceau au tempo lent dans une première partie aussi lourde que du Black Sabbath, il déboîte sur un mid tempo rampant assez inattendu couronné par un refrain bien troussé et, forcément, un break solo permettant à la triplette de six-cordistes de s'exprimer, plutôt bien en l'occurrence même si l'exercice aurait pu être resserré. Mais il n'y a pas la petite étincelle et, donc, au final, ça reste du Maiden assez anonyme mais pas désagréable, comme souvent avec les compositions de Dave Murray. 6/10
- Empire of the Clouds : dans la plus pure tradition d'Iron Maiden, ce n'est pas à chaque fois mais c'est souvent, la dernière case est dévolue à l'ultime épopée. Et quelle épopée !, dont, une fois n'est pas coutume, Dickinson en est l'auteur mais aussi, encore plus rare !, un des instrumentistes puisqu'il y joue du piano. Celle qu'on reconnaîtra désormais connue comme la plus longue, la plus progressive et la plus orchestrale des créations du répertoire du groupe, avec ses fières 18 minutes, est aussi, surtout !, le bébé de Bruce qui l'a, dit-on, pensée de A à Z. La première vraie bonne nouvelle est que le "gros bidule" ne ressemble à strictement rien qu'aient produit ces messieurs précédemment. La seconde est le contenu de ce qui à tous les atours du gros caillou précieux sur la couronne ciselée est à la hauteur de l'évènement et s'avère l'apothéose de cet album qui, sans elle, n'aurait pas provoqué le même enthousiasme critique. Parce que d'une intro qui prend son temps à un développement multi-parties entièrement réussi, d'une mélodie prouvant que Dickinson est plus qu'un simple vocaliste pour la formation, un élément central et indispensable de leur musique, avec donc toujours ce piano en élément mélodique central, c'est un tour de force de metal progressif d'un nouveau genre pour de vieux gars qu'on croyait coincés dans une sempiternelle redite de leurs moments de gloire passés. C'est indéniablement d'Iron Maiden dont il s'agit mais, pour la première fois depuis... pfui, Somewhere in Time (1986, osons !), le groupe y décide de vraiment tenter l'impossible, son mini rock-opéra, son Supper's Ready dirait-on, dans les limites du style exercé par ces messieurs, évidemment, mais tout de même, c'est bluffant, un triomphe même... En forme de piste pour un éventuel futur ? On est preneur ! 9,5/10
Tout ça nous fait ? Un Iron Maiden plus que correct, classique dans le style, prenant des libertés dans la forme, progressif mais ménageant quelques saillies costaudes, n'oubliant jamais d'où il vient aussi... Le travail de gens qui savent exactement où ils veulent aller et ce que leur public souhaite entendre. Et si The Book of Souls n'est pas une nouvelle révélation malgré les discrets mais efficaces ajouts orchestraux qui le peuple (ce serait plutôt la suite extrêmement logique d'un Final Frontier en probablement encore mieux réussi, donnons-nous le temps du recul critique), c'est une vraie bonne galette de heavy metal d'un groupe forcément en fin de parcours (dans 5, 10, 15 ans, fatalement) mais ayant plus que de beaux restes, Dickinson en particulier tout à fait remis de son petit pépin, encore quelque chose à dire et les moyens de l'exprimer... Pourvu que ça dure !
Bon, c'était long mais, comme nous l'a prouvé Iron Maiden avec The Book of Souls, plus c'est long, plus c'est bon !, alors pourquoi s'en priver ?

PS (mars 2016) : On ne sait toujours pas de quoi le futur créatif d'Iron Maiden sera fait. S'il devait arriver que The Book of Souls soit leur chant du cygne, on parlerait alors d'un final en beauté, ne serait-ce que pour les très très réussis If Eternity Should Fail, When the River Runs Deep et, évidemment, l'impressionnant Empire of Clouds. Un peu long ? Avec quelques titres dont on se serait franchement passé ? Oui, mais une heure de vrai bon Maiden, on n'en attendait finalement pas tant.

CD 1
1. If Eternity Should Fail 8:28
2. Speed of Light 5:01
3. The Great Unknown 6:37
4. The Red and the Black 13:33
5. When the River Runs Deep 5:52
6. The Book of Souls 10:27

CD 2
1. Death or Glory 5:13
2. Shadows of the Valley 7:32
3. Tears of a Clown 4:59
4. The Man of Sorrows 6:28
5. Empire of the Clouds 18:01

Bruce Dickinson - lead vocals, piano on "Empire of the Clouds"
Dave Murray - guitar
Adrian Smith - guitar
Janick Gers - guitar
Steve Harris - bass, keyboards, co-producer
Nicko McBrain - drums
&
Michael Kenney - keyboards
Jeff Bova - orchestration

IRON MAIDEN

eX-aeQuo
Keith Richards "Crosseyed Heart"
ou "Monsieur Keith"

Rien que cette pochette où le vieux Keith au sourire chenapan semble se réjouir du coup pendard qu'il va nous faire en dit très long sur ce Crosseyed Heart. En l'occurrence, 23 ans après un Main Offender pas franchement inoubliable, c'est typiquement le genre d'album d'un mec qui n'a plus rien à prouver, ni rien à se prouver et ne recherche plus que le plaisir de jouer une musique qui est si vicéralement ancrée en lui qu'elle ne peut pas jaillir autrement que comme une sorte d'inespérée fontaine de jouvence.
Et donc c'est de blues et de rock au sens large dont il s'agit parce que, fondamentalement, c'est ce qu'a toujours voulu faire Monsieur Keith, dès sa passion adolescente pour les maîtres étatsuniens du genre et la rencontre avec Mister Mick... Toute une histoire ! Une histoire qu'on ne peut pas tout à fait extraire de son occiput à l'écoute d'un opus de l'un des patrons, la plus rare des Pierres Qui Roulent dans l'exercice. Ici, avec le même sideman que sur ses deux albums solo précédents, Steve Jordan, batteur, co-compositeur et coproducteur des trois galettes (que Keith avait rencontré lors des sessions de Dirty Works de qui vous savez pendant que Charlie était en désintox). D'ailleurs, c'est toute la bande des X-Pensive Winos ou presque qui est reconduite, parce que Monsieur Keith est fidèle, au moins en musique (+ d'un demi siècle avec Mick, ça mérite une médaille !).
Et la musique là-dedans ? On avait d'abord découvert un Trouble, single que n'aurait pas renié un Dan Auerbach ou un Jack White, du blues juste ce qu'il faut de modernisé, d'edgy pour ne pas trop redonder, pas une grande chanson ceci dit mais un bon groove et une écoute prometteuse du long-jeu à venir. Un album généreux puisque doté d'une quinzaine de pistes dont une reprise (Goodnight Irene, un standard composé par le protest-bluesman Leadbelly ici délicieusement revue et corrigée), et généreux surtout parce que les musiciens, le patron compris évidemment, s'y donnent avec un allant nettement supérieur à celui de Talk Is Cheap et Main Offender. Keith nous rappelle que, vocaliste moyen qu'il a toujours été, il sait manier le blues avec une conviction qui emporte le morceau, ce dès l'acoustique Crosseyed Heart largement réminiscent de Robert Johnson (on trouve pire comme comparaison !) où le Richards gratte comme jamais. Amnesia, en blues électrique, rampant et poisseux est une autre grande réussite de l'opus, une chanson qu'on imaginerait pas par ses habituels partenaires ce qui est, en soit, une excellente nouvelle. On croirait un mélange de Tom Waits et Bruce Springsteen sur Robbed Blind ?, belle ballade triste aux délicieux accents countrysants, on apprécie parce que, quelle chanson mes aïeux ! Des beaux accents reggae sur Love Overdue ?, on se souvient du séjour des Stones en Jamaïque et des traces durables que ça a laissé sur le guitariste qui réussit d'ailleurs admirablement son affaire "à la cool". Et du rock and roll qui bluese fort, parce que sinon ce ne serait plus vraiment le Richards qu'on connaît et qu'on aime, la cache est cochée, avec énergie et efficacité si un son suspicieux (une répète gonflée ?) par Blues in the Morning tout en piano swinguant et cuivres moites. Et du rock qui rocke comme sur un Something for Nothing où un Keith un poil égosillé mais grattant un de ses bons riffs millésimés, est bien soutenu par quelques chœurs blacks. Un petit duo de rigueur avec une Norah Jones en pleine mue qui fait du bon boulot avec Papy sur un morceau en swing doux (Illusion). Et même, cerise sur le gâteau, Substantial Damage, un blues rock gras et funky qui, planqué en fin d'opus, nous rappelle que Keith aime l'électricité et sait la faire parler avant de refermer boutique sur un magnifique Lover's Plea en apothéose cool d'un album décidément réussi.
Voilà, à 71 ans, vénérable et vénéré, Keith Richards réussit, enfin !, son bon coup à lui. Varié mais cohérent, Crosseyed Heart est l'album que l'on n'attendait plus, la divine surprise d'un mec qui, parce qu'il n'a plus la pression, peut faire parler l'immense talent qu'on savait qu'il possédait.

PS (mars 2016) : On confirme, il est excellent ce Keith Richards ! Comme son auteur, il vieillit bien. De fait, c'est son meilleur, ce qui ne veut pas dire grand chose, mais aussi probablement le meilleur album d'un Stone en groupe (les Stones compris, donc) ou en solo depuis... Longtemps* ! Bravo Papy !
* je tente Primitive Cool de l'ami Mick

1. Crosseyed Heart 1:53
2. Heartstopper 3:04
3. Amnesia 3:36
4. Robbed Blind 4:01
5. Trouble 4:18
6. Love Overdue 3:29
7. Nothing on Me 3:48
8. Suspicious 3:43
9. Blues in the Morning 4:26
10. Something for Nothing 3:29
11. Illusion 3:48
12. Just a Gift 4:01
13. Goodnight Irene 5:46
14. Substantial Damage 4:22
15. Lover's Plea 4:24

Keith Richards - lead vocals, guitars, piano, bass
Waddy Wachtel - lead guitar
Ivan Neville - keyboards
Steve Jordan - drums
Bernard Fowler - backing vocals
Sarah Dash - backing vocals
&
Norah Jones - duet vocals on "Illusion"

KEITH RICHARDS

oCToBRe
Eagles of Death Metal "Zipper Down"
ou "Eagles Fly Free"

Bien-sûr, les Eagles of Death Metal, suite aux incidents du Bataclan que chacun sait, ne sera plus jamais un groupe tout à fait comme les autres pour nous, public français. Pour ceux qui se s'intéressassent pas forcément à ce projet annexe de l'ex-leader de Kuyss, fomenteur en chef des Desert Sessions et actuelle tête pensante des Queens of the Stone Age, Josh Homme, et de Jesse Hughes, son plus fidèle lieutenant/pote avec qui il collabore depuis longtemps (une Desert Session de 1998, Volume 3 & 4), il n'est pas inutile de préciser que les trois premiers albums de cette formation drôlement nommée (parce que de Death Metal, il n'est évidemment jamais question) ont été de beaux exemples de stoner garage et qu'à défaut de vraiment nous avoir emporté, ils ont satisfait l'amateur de rock gras mais fin. Et donc quand vient Zipper Down, 4ème long-jeu du duo sorti, sept longues années après son devancier, Heart On, le 2 octobre 2015, avant qu'on ne sache, comment aurait-on pu ?, l'impensable, on est fin prêt à accorder à ces Aigles du Metal de Mort notre indéfectible et bienveillante attention et on a bien raison parce que, passé une pochette d'un goût douteux et en plus assez laide, c'est à une sacrée galette de rock'n'roll de chenapans à laquelle nous sommes convies. Parce qu'ils n'ont peur de rien, Josh et Jesse, pas peur de s'aventurer dans le glam rock dynamisé, du presque-Rolling Stones de première bourre, du boogie à faire rosir d'envie le fan d'AC/DC, de la ballade folk-rock 70s, bref, du rock qui n'a d'autre but que de faire secouer les têtes, remuer les popotins avec un large sourire polisson. Caricatural ? Dérivatif ? Oui da!, ce qui semble être le but des deux compères qui se réjouissent dans l'empilement des clichés et leur détournement et est, présentement, absolument glorieusement mené en 34 trop courtes minutes (le seul défaut de l'opus) par un duo qui, souhaitons-le, n'est pas prêt de rendre les armes, avec leur Aigles ou dans leurs autres nombreux projets.

1. Complexity 2:46
2. Silverlake (K.S.O.F.M.) 3:35
3. Got a Woman 2:02
4. I Love You All the Time 3:09
5. Oh Girl 4:08
6. Got the Power 3:28
7. Skin-Tight Boogie 3:12
8. Got a Woman (Slight Return) 0:41
9. The Deuce 3:06
10. Save a Prayer 4:40
11. The Reverend 3:29

Jesse Hughes ("Boots Electric") – guitar, vocals, baritone, bass, talk box
Joshua Homme ("Baby Duck") – vocals, baritone, drums, bass, guitar, electric guitar, duduk, knee slaps, organ, percussion, piano, slapstick, slides, talk box, trumpet
&
Tuesday Cross – additional vocals
Matt Sweeney – additional guitar

EAGLES OF DEATH METAL

NoVeMBRe
John Zorn/The Spike Orchestra "Cerberus, Book of Angels Volume 26"
ou "Big Anges"

Quand on en vient à évoquer un nouveau volume du Book of Angels de John Zorn, on ne peut s'éviter de recourir à la même rengaine, de souligner la qualité des compositions de l'homme, le choix pertinent de la formation, le résultat au-dessus des espérances, une sorte de routine dans l'excellence qui doit en laisser quelques-uns béats d'admiration. Et ce n'est pas avec le déjà 26ème tome de la saga, confié cette fois à un big band edgy et foutraque, que ça va changer.
Parce que les zozos choisis pour l'occasion, The Spike Orchestra, assumant fièrement des influences de Duke Ellington à Carl Stalling, de Frank Zappa au compositeur du présent, semblent destinés à proposer à l'avide zélote de la chose zornienne un volume riche et multiple comme purent l'être, par exemple, ceux des Secret Chiefs 3 (Xaphan, le 9) ou d'Eyvind Kang (Alastor, le 22), une sorte de Saint Graal en forme de montagnes russes pour les tympans et stimulateur zygomatique certifié. Le détail ? On ne le donnera pas trop pour ne pas déflorer le plaisir, les justes références ci-dessus, la certitude de retrouver quelques mélodies typiques et pourtant encore nouvelles d'un compositeur qui accumule les trésors lors de miraculeuses sessions d'inspiration est, youpi tralala, au rendez-vous, une fois encore. Rappelons ici que tout ce second livre de Masada, tous les 26 volumes et souhaitons les quelques autres encore à venir, fut composé en trois petits mois, une expérience dont Zorn se souvient encore avec émotion (an informance with John Zorn, visible sur YouTube). Or, donc, quand ce matériau séminal, cette giclée créatrice irrépressible est assemblée par une bande de barjots dédiés à l'ouvrage, inventifs et experts dans leurs arrangements et, surtout !, prenant un audible plaisir à la tâche, c'est, en tout cas lors de premières écoutes enthousiasmantes, un véritable festin pour les oreilles qui paraît taillé dans le même divin matériau que les tous meilleurs opus de la série (du minimalisme d'un Friedlander au jazz évocateur d'un Bar Kokhba, et j'en passe, dont les deux autres mentionnés).
Evidemment, il faudra attendre le verdict du temps, ultime juge de paix mais, d'ors et déjà, ça s'annonce très très bien. Aussi peut-on, sans crainte, recommander ce Cerberus en forme de potentiel nouveau tour de force, et accessoirement la 13ème galette de l'an apparentée au stakhanoviste new-yorkais (une année comme les autres, en somme...), aux amateurs de musique qui swingue chez les mabouls avec un allant pas si souvent entendu et toujours bienvenu. Bravo le Spike Orchestra, bravo John Zorn.

PS (mars 2016) : Et le verdict du temps évoqué plus haut est que l'affaire est toujours aussi absolument jouissive après une bonne quinzaine d'écoutes, ayant remisé puis ressorti l'album. Confirmation que l'imagination d'interprètes suffisamment chenapans pour ne pas trop respecter sans pour autant trahir, difficile équilibre, va particulièrement au teint des compositions du Maître, comme c'est le cas pour ce swinguant Cerberus.

1. Gehegial 4:59
2. Hakha 5:09
3. Hananiel 5:09
4. Lahal 5:19
5. Armasa 7:35
6. Thronus 6:47
7. Shinial 4:42
8. Donel 5:48
9. Raguel 4:45
10. Pahadron 6:19

Paul Booth - Tenor Sax, Clarinet
Erica Clarke - Baritone Sax, Bass Clarinet
Stewart Curtis - Tenor Sax, Clarinet
Sam Eastmond - Solo Trumpet
Nikki Franklin - Voice
Moss Freed - Guitar
Ben Greenslade-Stanton - Trombone
Mike Guy - Accordion
George Hogg - Trumpet, Flugelhorn
Noel Langley - Trumpet, Flugelhorn
Sam Leak - Piano, Keyboards
Chris Nickolls - Drums
Dave Powell - Tuba
Ashley Slater - Trombone
Karen Straw - Trumpet, Flugelhorn
Mike Wilkins - Alto Sax, Clarinet
Otto Willberg - Bass
Vasilis Xenopoulos - Alto Sax, Flute

THE SPIKE ORCHESTRA

DéCeMBRe
Cage the Elephant "Tell Me I'm Pretty"
ou "The Elephant in the Room"

Le truc qui est évident à l'écoute de la discographie de Cage the Elephant, l'éléphant dans la pièce comme on dit en anglais, le machin que tout le monde voit mais dont on n'ose pas parler, c'est que les natifs du Kentucky sont un groupe sous influence. Avant cet album, sous la direction d'un producteur sans personnalité particulière, ils recyclaient largement le rock pop d'un Oasis le mêlant à des éléments de l'alterno des  Pixies, pas bien original mais rondement mené ce qui leur valut une belle réputation et un certain succès chez nos voisins britanniques sans doute sensibles aux sonorités largement brit-rock de ces cousins d'Outre-Atlantique. Cette fois, puisqu'ils sont désormais dirigé par nul autre que le très "in" Dan Auerbach, ils ressemblent vraiment beaucoup à un petit Black Keys bis, rien que de très normal en somme vu l'énergie que met le bonhomme dans tous les projets auxquels il s'atèle et que, forcément, il aurait un peu tendance à vampiriser. Heureusement pour eux, au petit jeu des émules encombrées, Cage the Elephant, qui ne débute donc pas dans la combine, s'en sort bien, fort sans doute de ce petit quelque chose à lui qui fait la (petite mais) différence (tout de même), de cette manière finalement personnelle de synthétiser ce qu'on a entendu ailleurs. Et donc, en une dizaine de chansons qui ne traînent pas en longueur sur un album tout aussi lapidaire (38 minutes et des poussières, minimum syndical), avec une pochette qui ne donne pas forcément envie de tenter l'aventure (quoiqu'elle intrigue, la bougresse, avec son modèles à l'évidente disgrâce), le presque sextet récemment renouvelé (le claviériste, Matthan Minster, n'étant pas membre officiel et le guitariste Nick Bockrath rejoignant le groupe pour le présent exercice) et leur invité de marque de producteur, qu'on oublie évidemment pas, réussissent une petite merveille de galette aussi revivaliste que réjouissante. Revivaliste parce qu'on se dit que sans les Seeds, les Troggs, les Kinks, les Who, Blue Cheer, les Animals, les Pretty Things (etc., parce que j'en oublie forcément) rien de tout ceci n'aurait été présentement, en l'an de grâce 2015, été couché sur bande. Réjouissante parce que d'un Cry baby psyché-garage light et rondement mené avec tous les hooks qu'il faut pour ce genre de machin, d'un Sweet Little Jean délicieusement pop et si Swinging London qu'on se pince pour se souvenir de la provenance étatsunienne de ces larrons-là, d'un Cold Cold Cold que n'aurait pas renié un Eric Burdon débutant, d'un joyeusement nerveux et sautillant That's Right, qui vous colle un bon gros sourire niais, à un Portuguese Knife Fight bien gras et rampant, Cage the Elephant (et Auerbach donc) ont troussé une bien belle galette à l'ancienne dont la riche mise en son, les petits détails qu'on manque au début, n'est pas le moindre attribut. Bref, miroir, mon beau miroir, les Cage the Elephant ne sont peut-être pas les plus belles, ils n'en ont pas moins de vrais atouts à faire valoir et un 4ème opus tout prêt à les satelliser, et tant pis si c'est un peu dans l'ombre de la comète Auerbach.

1. Cry Baby 4:07
2. Mess Around 2:53
3. Sweetie Little Jean 3:44
4. Too Late to Say Goodbye 4:12
5. Cold Cold Cold 3:34
6. Trouble 3:45
7. How Are You True 4:40
8. That's Right 3:52
9. Punchin' Bag 3:47
10. Portuguese Knife Fight 3:37

Matt Shultz − vocals, acoustic guitar
Nick Bockrath − guitar, backing vocals
Brad Shultz − guitar
Daniel Tichenor − bass
Jared Champion − drums
&
Matthan Minster − keyboards, backing vocals, percussion
Dan Auerbach − guitar, keyboards, backing vocals

CAGE THE ELEPHANT

13 commentaires:

  1. 2015 par 12 (12 mois, 12 albums)

    01
    Björk "Vulnicura"
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    Björk "Vulnicura Strings"
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    02
    Scorpions "Return to Forever"
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    03
    John Zorn/Simulacrum "Simulacrum"
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    04
    Blur "The Magic Whip"
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    05
    Faith No More "Sol Invictus"
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    06
    Sarah Cracknell "Red Kite"
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    07
    John Zorn/Forro in the Dark "Forro Zinho - Forro in the Dark Plays Zorn"
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    08
    Motörhead "Bad Magic"
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    09
    Iron Maiden "The Book of Souls"
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    Keith Richards "Crosseyed Heart"
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    10
    Eagles of Death Metal "Zipper Down"
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    11
    John Zorn/The Spike Orchestra "Cerberus, Book of Angels Volume 26"
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    12
    Cage the Elephant "Tell Me I'm Pretty"
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  2. À part Zorn, que du beau monde dans cette sélection !!!!! ;-D
    Keith et Lemmy dans la même chronique, c'est inespéré et (sans doute) inédit !
    Côté heavy metal, 2015 restera comme une année plutôt riche… mais tu le savais déjà !

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    1. A part Zorn... Provocateur, va ! ^_^
      Comme tu peux le voir, en metal, je reste sur les vieux, ceux qui ont peuplé ma jeunesse et disparaissent les uns après les autres... snif. Et oui, y a ton Richards, parce qu'il a enfin fait un album solo digne de sa réputation, mieux vaut tard que jamais !

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    2. Ses deux précédents tiennent bien la route aussi

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    3. Je les trouve, au mieux, acceptables. Franchement pas au niveau de ce presque miraculeux Crosseyed Heart, en tout cas.

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    4. Là je te trouve extrêmement sévère.
      Talk Is Cheap est une débauche de riffs, Main Offender plus "ambiancé". Deux albums à posséder impérativement... tout comme le petit dernier !

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    5. Ben voilà, tu sais ce que je ressens avec Zorn maintenant ! ^_^

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  3. Motorhead, Iron Maiden et Keith Richards pour finir la soirée calmement...le Zorn (book of angels j'avais déjà) aussi, je vois qu'on pourrait facilemennt vivre 3-4 mois ensemble ! (tu pourrais écouter Bjork sous le casque, par contre) ;o)

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    1. Allez, un petit Björk, des cordes, des voix, des beats, un rêve éveillé, ça ne peut pas faire de mal à ta vieille carcasse, Jeepee !
      Tu as testé le Motörhead (il est bon !) ?, et le Eagles of Death Metal (ça devrait te plaire) ?...

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  4. simulacrum j'l'avais pas c'ui-là, le Faith pas encore écouter mais ça ne saurait tarder... Victory or die c'est du bon !

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    1. Bah les autres c'est moins évident... Cage the elephant c'est sympa mais trop printanier pour mon esprit troglodyte... Bjork j'ai jamais réussi, EODM mon système nerveux supporte pas, Iron Maidon, superbe photo, mais musicalement ça m'botte pas des masses... mais ça m'a donné envie de réécouter Roots de Sepultura, moins "civilisé" si j'puis dire ;-) Keith Richards faut que je l'écoute, je ne connais pas. Et Zorn c'est toujours étrangement perturbant...

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    2. Hé bien, je peux t'informer que tu seras prochainement étrangement perturbé ! ^_^
      Merci pour le retour, aussi !

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