samedi 10 janvier 2015

(Best of) 2014, 10 jours déjà !

Retour sur les plus intéressantes sorties discographiques de 2014 avec, comme de bien entendu, une massive présence de John Zorn.  J'ai repris le principe du mois par mois qui, hélas, exclue quelque fois certains albums ayant l'infortune d'être sorti dans la même période qu'un autre (ha ! novembre 2014 !). Bref, voici 2014 alors que 2015 commence sous de noirs auspices...

JaNVieR
Nina Persson "Animal Heart"
ou "Nina, Cœur de Pop"

Alors que ses Cardigans semblent en sommeil (plus rien depuis 2005 et le "mi-cuit" Super Extra Gravity, que A Camp (son autre groupe, avec M. Perrson, Nathan Larson de Shudder to Think bien présent ici) n'a plus rien sorti depuis un très réussi Colonia, c'est pour son premier album solitaire que nous revient la jolie Nina Persson.
Et si elle ne nous réserve pas de vraie surprise, ne se réinvente pas, elle donne, avec expertise et talent, le meilleur écrin possible à sa douce voix. Indie pop ? Certainement. On regretterait presque les débuts lounge/jazzy des Cardigans, avant le virage pop/indie pop. Mais c'est ainsi, Nina, quelque soit son "véhicule" du moment est de ce bois.
Concrètement, Animal Heart n'est en aucun cas une révolution. Du sautillant et pourtant doux-amer morceau éponyme d'ouverture à la très belle ballade qui ferme la boutique, titré This Is Heavy Metal (un comble, dont Nina aime visiblement bien jouer, voir Food for the Beast ou The Grand Destruction Game empruntant au maniérisme metal, dans le titre seulement !), c'est toujours à une prêtresse pop à laquelle on a affaire. La différence, parce qu'il en faut bien une pour justifier ce nouveau départ (?) en solo, est l'inclinaison 80s des orchestrations et arrangements. Il y a, souvent, des touches synthpop emblématiques de la période (ha ! les synthés !), un groove détendu et optimiste qui contrebalance, il faut dire, juste ce qu'il faut l'écriture plutôt cafardeuse de Nina Persson.
C'est d'ailleurs l'intelligence du truc qui offre, du coup, une de ces galettes automnale quoiqu'en ensoleillé comme savaient les faire Saint Etienne, ou Black Box Recorder. Et comme c'est une jolie collection de chansons, avec une préférence pour le new-orderien Animal Heart, le presque Kim Wilde revisited Dreamin of Houses, le baroque/club Food for the Beast, un The Grand Destructrion Game qui aurait bien trouvé sa place sur le Gran Turismo des Cardigans, ou This Is Heavy Metal évoqué plus haut. Mais, c'est un fait, pas un morceau qui ne déçoive, tout tient la route. Et c'est, à vrai dire, tout sauf une surprise pour une artiste qui nous avait habitué, avec les deux A Camp jusque-là, à de plus beaux éclats hors de son giron habituel qu'avec ce chef d'œuvre en péril qu'on l'a vu devenir (sur la foi de deux derniers opus en panne presque sèche).
En ne sortant finalement que marginalement de son périmètre habituel, en se contentant intelligemment du coup de jeune "rétro-new-wavo-sythnpoppiste" de la production et des arrangements, Nina Persson débute très bien sa carrière en solo. Animal Heart n'est pas clinquant, il est l'expression d'une artiste (indie) pop épanouie, sûre d'elle et bien entourée. Recette gagnante, album recommandé.

1. Animal Heart 4:30
2. Burning Bridges for Fuel 4:15
3. Dreaming of Houses 3:27
4. Clip Your Wings 3:58
5. Jungle 3:35
6. Food for the Beast 3:20
7. Digestif 0:42
8. Forgot to Tell You 3:56
9. Catch Me Crying 3:19
10. The Grand Destruction Game 3:55
11. Silver 3:41
12. This Is Heavy Metal 2:38

Nina Persson - vocals
Eric D. Johnson - piano, synths, pump organ, acoustic & electric guitar, bass, autoharp, lap steel, percussion, backing vocals
Nathan Larson - synths, electric guitar, bass, vibraphone, pump organ, lap steel, percussion, backing vocals
Brian Kanton - drums, percussion
&
Bengt Lagerberg - drums, percussion (8 & 10)

Nina Persson

FéVRieR
John Zorn "Psychomagia"
ou "Rock my Zorn!"

Vous les connaissez peut-être déjà. Ils étaient les auteurs, sur un volume qui leur donne d'ailleurs leur nom, de la lecture la plus radicalement rock du second livre de Masada, les Book of Angels (avec celui de Marc Ribot en power trio, le bouillant Asmodeus qu'on n'oubliera pas !). Ils reviennent, toujours sur des compositions de John Zorn, pour un album au moins aussi furieux mais moins radicalement jewish (mais jewish quand même, on ne se refait pas !). Re-voici donc, bonheur !, l'Abraxas Quartet dans ce Psychomagia tout nouveau, tou beau, tout chaud... ¡Muy caliente!
Première constatation, avant d'attaquer le fond, après son second Hermetic Organ, et les sorties conjointes de son Alchemist et du présent volume, John Zorn a déjà sorti trois albums cette année, et attaqué l'orgue d'église en solo, le quatuor à cordes, le trio vocal et maintenant le quatuor rock. Diable !, l'homme ne se calme pas, ne restreint pas sa palette non plus et continue, ce faisant, d'épater un auditoire captif de ses incessantes offrandes discographiques. Un auditoire sans cesse grandissant, me souffle-t-on. Bref, ce qu'il avait accompli précédemment en 2014, une certaine cohérence dans le style contemporain, se voit soufflé par l'explosion Psychomagia. Oui, explosion, même que, si on avait pas envie de perdre quelques brebis au troupeau, on évoquerait presque, du bout des lèvres, un jewish metal à péter les rotules. Mais, chut !, on parlera de rock étant entendu que le précité est une composante du tout. Vous me suivez ?
Donc ça dépote bien, ça gratouille avec furie et précision, ça tambourine avec lourd frénétisme et fine technicité, ça groove plutôt est-européen et moyen-oriental que blanc de blanc "made in Birmimgham" (la terre d'origine de... Bla... Ju... même une moitié de Led... de qui vous savez, si vous savez !), variable d'ajustement stylistique décisive. Les mélodies de Zorn, la patte du maître ou son maniérisme ?, y sont évidemment très identifiables, on est d'ailleurs souvent proche de l'Abraxas qui donne désormais son nom au quatuor. Parce du rock zornien reste avant tout zornien, ce qui est aussi évident sur quelques douceurs presque sucrées (Sacred Emblems et The Nameless Gods, pas très éloignés des Dreamers finalement) que sur de plus explorateurs et drus tirs de barrage aux effluves seventies omniprésentes (Metapsychomagia, Circe, Evocation of the Triumphant Beast). Le tout, sans cassure marquante, roule aux à-coups d'un chemin cahoteux désormais connu mais toujours surprenant.
Parce que pour mener à bien pareille mission, il faut d'excellent musiciens qui soient en plus compatibles, Zorn, en l'occurrence, n'a pas eu loin où chercher ayant participé avec, ou accueilli sur son label, Tzadik, Eyal Maoz (et son Edom, pour 2 albums de radical jewish guitar), Shanir Ezra Blumenkranz (sur moult de ses albums mais aussi en tant que membre du Rashadim de Jon Madof ou du Banquet Of The Spirits de Cyro Baptista), Aram Bajakian (et son furieux fusionneur groupe Kef dans la série Spotlight), de fait, seul le batteur, Kenny Grohowski (croisé uniquement sur le Book of Angels précité, mais également aperçu chez les amis et excellents Secret Chiefs 3) fait figure de petit nouveau. Avec un line-up pareil, l'osmose ne fut pas dure à trouver, et se concrétise encore un peu plus sur ce second opus. Ces gars jouent bien ensemble (bien et ensemble !), y prennent un plaisir audiblement communicatif sur un matériau leur correspondant à merveille... Et que ça finesse jazzé ou "worldé" comme pas deux, et que ça "envoie le bois" où faut, quand il faut, comme il faut ! En un mot comme en mille : impeccable.
Faut il vraiment le dire, louanger encore et toujours l'imagination, la créativité et la générosité d'un compositeur hors du commun ? Oui ! Parce que Psychomagia est une nouvelle très belle réussite d'un John Zorn décidément inusable, un homme-musique qui, a plus de 60 balais, continue de créer comme un vigoureux jouvenceau. Et donc ? Vite, la suite !

1. Metapsychomagia 7:31
2. Sacred Emblems 3:02
3. Circe 6:03
4. Squaring the Circle 5:51
5. Celestial Mechanism 2:32
6. Evocation of the Triumphant Beast 6:25
7. Four Rivers 3:54
8. The Nameless God 4:35
9. Anima Mundi 4:14

Aram Bajakian - guitar
Eyal Maoz - guitar
Shanir Ezra Blumenkranz - bass
Kenny Grohowski - drums
&
John Zorn - compositions, production

Eyal Maoz

MaRS
Emilie Simon "Mue"
ou "Changement de peau ?"

Depuis la sortie de son essentiel premier album éponyme, je suis pas à pas la carrière de la petite montpelliéraine devenue grande. De Végétal à La Marche De L'Empereur, des Black Sessions, de son Live à l'Olympia à ses tournées, j'ai régulièrement été épaté par ce petit bout de bonne femme à l'angélique voix et aux capacités créatrices très au-dessus de la moyenne. Alors qu'importe la relative déception d'un Big Machine un poil sur-joué ou d'un Franky Knight un peu en pilote automatique, la nouvelle de la sortie d'un nouvel opus de cette artiste chérie m'a mis dans tous mes états. Avec, en plus, une pochette pareille, rappelant celle de son tout premier béni des muses, et un titre semblant promettre une renaissance, vous comprendrez l'enthousiasme initial du zélote "Simonien" que je concède bien volontiers être.
Parce que la musique d'Emilie Simon, c'est quand même quelque chose ! Un hybride de pop supra-efficace et de musique électronique aux qualités organiques rares, un peu plus standardisée les années et les sorties discographiques faisant, mais du travail d'orfèvre, dans tous les cas.
Et donc Mue, cru 2014, 3 ans après Franky Knight, après le deuil... Une renaissance ? Intimement, on la lui souhaite, l'espère accomplie, musicalement, c'est loin d'être évident. Et ce n'est peut-être pas illogique considérant que le style d'Emilie, qui a évolué mais est fondamentalement resté le même, est partie intégrante de son art et que, donc, s'en éloigner trop serait se perdre.
Ceci dit, qui dit style ne dit pas forcément immobilisme, ce que chaque album d'Emilie a prouvé en ayant sa propre personnalité, son propre son. Mue ne fait pas exception à la règle. Présentement, Emilie a décidé de déshabiller ses chansons, de les offrir bien arrangées mais exemptes de cette emphase instrumentale qui avait fini par envahir sa production. Et c'est une bonne nouvelle parce que la voix et les mélodies de la montpelliéraine, et sa propension à créer des arrangements délicats et épurés, se suffisent largement à elles mêmes.
Côté chansons, ça donne une sélection de très belle qualité où, une fois encore, un cousinage mélodique entre Emilie et Kate Bush s'impose comme l'évidence... C'est un compliment. Déjà, il y a une tessiture voisine, ensuite il y a l'emploi d'icelle pour la création d'une musique mélodique mais formellement toujours un peu prospective. Pop forward, dirait-on. parce qu'Emilie, dont on connaît le bagage académique, aime à triturer les éléments formateurs de sa pop, d'ajouter des larmes de cordes à son émoi (Paris j'ai pris perpète), des acrobaties percussives péri-africaines et des guitares funk (Menteur), des ambiances orientalistes et mélodramatiques à la fois (Encre), de délicates constructions acoustiques (The Eye of the Moon)... etc., parce qu'on ne s'ennuie pas une seconde sur un album varié, mélodique, tirant globalement vers la douceur mais se ménageant quelques utiles crescendos. Une vraie belle collection, avec une jolie reprise du Wicked Game de Chris Isaak en prime, plus délicatement maîtrisée que ses deux devancières, un poil plus inspirée aussi, d'où la globale satisfaction.
Plus qu'un changement de peau, Mue donne l'impression d'une remise à zéro des compteurs, d'un redémarrage de la machine. On y retrouve finalement une Emilie inchangée qui a simplement décidé, en apparence en tout cas, de tout simplifier et, ce faisant, de laisser ses chansons respirer. Une excellente idée pour un excellent album !

1. Paris j'ai pris perpète 3:53
2. Menteur 4:03
3. Encre 3:35
4. The Eye Of The Moon 3:53
5. Quand Vient Le Jour 3:11
6. Les Etoiles De Paris 3:43
7. Des Larmes 3:56
8. Le Diamant 3:43
9. Perdue Dans Tes Bras 4:17
10. Les Amoureux De Minuit 3:10
11. Wicked Games 3:58

Emilie Simon - voix, claviers, guitare, lame sonore
Simon Edwards - basse
Martin Barker, Raphaël Seguinier - batterie
Henri-Charles Caget - percussions, harmonium
Nicolas Bauguil - guitares
Tahiti Boy - claviers
Cyrille Brissot - chœurs, programmations additionnelles
Catherine Michel - harpe
Leon Michels - optigan
Gary Barnacle - saxophone soprano et ténor, flûte
Nick Carter - saxophone baryton et alto, clarinette
Jack Birchwood - trompette, flugelhorn
Steven Fuller - trombone
Sally Herbert - direction cordes
Natalia Bonner, Calina de la Mare, Alison Dodd, Richard George, Ian Humphries, Rick Koster, Everton Nelson, Tom Piggot-Smith, Julia Singleton, Lucy Wilkins - violon
Nick Barr, Charlie Cross, Claire Orsier, Bruce White - alto
Ian Burdge, Sophie Harris, Sarah Wilkinson, Chris Worsey - violoncelle
Richard Pryce, Lucy Shaw - contrebasse

Emilie Simon

aVRiL
John Zorn /Eyvind Kang "Alastor : the Book of Angels Vol. 21"
ou "un 21 sur son 31"

Après l'évenementiel, Pat Metheny dans le Livre des Anges, diable !, on serait presque amené à pensé que le présent volume n'est finalement qu'un retour à la normale pour le second livre de Masada. Sauf qu'Eyvind Kang, compositeur, (présentement) arrangeur et poly-instrumentiste accompli a qui a été confié ce volume, ne l'entend pas de cette oreille et appose toute son imagination et son savoir-faire aux compositions de John Zorn, il n'en faut pas plus pour créer un album d'exception et donc un authentique évènement musical, un des plus forts de l'an en cours pas moins.
Il faut dire qu'avec un capitaine si roué et inventif à la barre, auteur d'une vingtaine d'album en son nom depuis la seconde moitié des années 90 mais aussi session man ou invité par de nombreux autres artistes d'Animal Collective à Laura Veirs en passant par Sun O))) ou Blonde Redhead (pour ne citer que les plus connus), un faisceau d'indices s'accumulait. Un petit coup d'œil à l'équipe réunie, déjà, révélait un volonté à la fois orchestrale, exotique et radicale de s'approprier le matériau mis à disposition par un Zorn toujours aussi prolifique et inspiré.
Le résultat est d'autant plus surprenant qu'on tient là un album très arrangé, précieux même dans une galaxie Zorn où l'improvisation est, le plus souvent, de mise. Et enregistré loin des bases du compositeur (Seattle) qui n'y a, du coup, plus tout à fait le même poids tout en restant, c'est heureux, immédiatement identifiable comme la source du matériel. Et quel matériel ! Des flaveurs orientales d'un Hakem d'ouverture quelque part entre Marrakech et l'espace intersidéral, de l'oriental jazz soyeux et baladeur de Samchia, des atours percussifs et tribaux asiatico-orientaux de Hakha, du "contemporarisme" dramatique de Jetrel et ses cordes émouvantes, la délicieuse exotica rumba de Variel qu'on danserait bien une corbeille de fruits en équilibre sur le chef, etc. parce qu'on ne va quand même pas tout dire !, on admire l'expertise et l'immense versatilité de Kang arrangeur et performer, de son travail de transformation, de reconstruction, et le potentiel cinématique non négligeable qu'in fine possède son Livre des Anges.
Parce que, on l'a déjà dit mais on ne perd rien à rebattre le fer, Kang a mis les petits plats dans les grands pour servir Zorn, convoqué un casting aussi luxueux que surprenant, intégrant moult instruments (coréens particulièrement) qui n'avaient pas encore eu l'honneur et l'avantage de "fouler" la musique de Master John, et confectionné l'écrin idéal, avec Randall Dunn qu'il avait croisé lors de ses gigs chez d'autres, via une production chaude, claire et précise, permettant d'apprécier toute la finesse du bon coup qu'il a si malicieusement et magistralement fomenté.
Comme c'est le cas dans la plupart des albums les plus réussis de la série, dont il est, donc, Alastor est une créature ultimement bicéphale. La chose d'un compositeur, bien sûr !, mais aussi de son arrangeur/interprète de l'occasion, Eyvind Kang, qui l'a suffisamment accommodé pour le rendre sien sans le priver de sa place de choix dans le Masada Book Two. Un tour de force remarquable, un album exceptionnel de grâce et d'invention avec même un certain sens de l'humour... Bref, à ne rater sous aucun prétexte.

1. Hakem 5:36
2. Samchia 3:49
3. Hakha 3:18
4. Jetrel 5:31
5. Variel 4:12
6. Loquel 3:15
7. Rachiel 3:48
8. Barael 3:22
9. Sakriel 7:08
10. Uriron 4:41

John Zorn - compositions
Eyvid Kang - electric bass, guitars, janngu, kacapi, kemancheh, korg synth, moog synth, oud, percussion, piano, setar, sitar, viola, violin, voice
&
Dave Abramson - drums, percussion
Josiah Boothby - french horn
Maya Dunietz, Jessica Kenney - voice
Hidayat Honari - tar
Taina Kar - english horn, oboe
Hyeonhee Park - janngu, kkwaenggwari
William Smith, Maria Sherer Wilson - cello
Emma Ashbrook - bassoon
Tor Dietrichson - bongo, conga, clave, guiro, tabla, triangle
Shahzad Ismaily, Moriah Neils, Jacob Yakshaw - bass
Soyeon Park - geomungo
JungAh Song - gayageum

Eyving Kang

Mai
John Zorn "In the Hall of Mirrors"
ou "Un nouveau trio pour Master Zorn !"

S'il arrive sur la queue de la comète que fut le Book of Angels Vol. 21 d'Eyvind Kang, une merveille ! ceci dit en passant, la nouvelle création du stakhanoviste new-yorkais John Zorn se doit de ne pas être négligée.
D'une parce qu'elle propose un nouveau trio, ce qui n'arrive pas si souvent dans une écurie de musiciens étendue et versatile dans laquelle le compositeur peut puiser à loisir, avec cependant un vénérable ancien, le fidèle d'entre les fidèles contrebassiste Greg Cohen.
De deux parce que la musique qui y est proposée, louvoyant entre exigence contemporaine et swing expert, y est d'une beauté, d'une luminosité... Comme la galerie des miroirs du Château de Versailles à qui elle emprunte le titre et le visuel d'habillage mais en moins clinquant, en moins rococo/milliardaire russe/sofia-coppola-ladurée (rayez les mentions inutiles), parce que Zorn a du goût, évidemment.
Concrètement, comprenant six pièces rondement menées par le piano de Stephen Gosling pour un peu moins de 50 minutes, In the Hall of Mirrors pourrait, si on cédait à la facilité, être comparé à moult autres projets du compositeur. On évoquera, par exemple, un Gnostic Trio où la responsabilité de soliste aurait été transféré de la guitare de Frisell et du vibraphone de Wollesen vers le piano du susnommé sur une partition notablement intensifiée, ou à l'admirable Dreamachines sorti l'an dernier avec une composition instrumentale seulement augmentée des marteaux tapants du même Magic Kenny W. ce dernier doté d'une contemporanéité nettement moins exacerbée, cependant. De fait, c'est un bon résumé, mais seulement un résumé !, d'un album qui n'oublie jamais d'être mélodique même quand il glisse vers des territoires plus exigeants. Parce que Zorn, tenant en Gosling un pianiste d'exception ayant d'ailleurs publié quelques albums chez l'excellente maison Naxos, lui a préparé une partition puisant dans les capacités techniques d'un "exécutant" aussi bien capable de jazzer, y en a !, que d'explorer expertement les aspects classiques et avant-gardistes, parties intégrantes de son art.
Evidemment, si Gosling et la partition du Maître sont les attractions principales de cette Galerie des Miroirs, on n'en oubliera pas l'impeccable et versatile socle rythmique pourvu par la contrebasse sûre de l'ami Cohen et la jeu sur les peaux et les cymbales de Tyshawn Sorey qui, taillé comme un truck américain (genre Buddy Miles, voyez) délivre, en puissance, technique ou inventivité, une prestation si extraordinaire qu'on a parfois l'impression que Kali l'a doté de quelques membres supplémentaire. Pas tout à fait étonnant pour un gars ayant joué avec quelques pontes tels que Wadada Leo Smith, Steve Coleman, Vijay Iyer, Dave Douglas, ou Anthony Braxton, mais une révélation tout de même.
On précisera que si, souvent, Zorn laisse une large part d'improvisation à ses musiciens, ce ne fut pas le cas ici où tout est très écrit justement pour profiter au maximum des doigts d'or de Gosling. Sans doute y a-t-il un fantasme de virtuose frustré là-dessous, au résultat, on ne s'en plaindra pas.
Je l'avoue, j'ai parfois envie de dire du mal de John Zorn, juste histoire de rompre la routine louangeuse. Mais non, parce qu'à 60 piges maintenant passées, les idées claires, le regard perçant et la mine vive, Zorn se répand musicalement comme un jouvenceau courant la gueuse aux premières sèves printanières. De la joie, il en prend et en donne beaucoup en retour aussi, par son art multiple, sa capacité à sans cesse trouver de nouvelles mélodies, de nouveaux horizons, de nouvelles options toutes aussi viables les unes que les autres. Alors, qu'il joue ou pas pendant les sessions, chaque parution discographique de Master Z est un évènement, celle-ci presque plus qu'une autre, serait-on tenté d'avancer... C'est dire si on recommande ce délicieux, précieux et virtuose In the Hall of Mirrors, en attendant la suite, vite !

1. Epode 5:47
2. Maldoror 10:08
3. Tender Buttons 4:50
4. In Lovely Blueness 11:01
5. Illuminations 12:09
6. Nightwood 4:48

Stephen Gosling - piano
Greg Cohen - bass
Tyshawn Sorey - drums
John Zorn - composition, production

Stephen Gosling

JuiN
Ogre "The Last Neanderthal"
ou "Bestial retour !"

Ogre is back, et ça fait un bien fou ! Ben oui, on était sans nouvelle du secret le mieux gardé du hard'n'heavy étasunien depuis leur excellent concept album de 2008, Plague of the Planet, suite auquel le groupe, sans doute usé par le peu de retentissement de leurs impeccables galettes passé un underground spécialisé, avait débranché les amplis, empaqueté le drumkit et fait ses adieux en bonne et due forme.
Mais donc Ogre is back, tudiou !, et la vraie surprise c'est qu'en vérité rien ne change, ni dans le style, ni dans la supérieure inspiration d'un trio encore jamais pris en faute de ce côté là. On retrouve donc avec bonheur un hard rock régressif métallisé à sauce Black Sabbath, un beau petit monstre qui, c'est acquis, n'invente rien mais sert avec une telle vérité, une telle conviction, son cocktail revivaliste qu'on y croit... Dur comme fer !
On y croit d'autant plus facilement que, passée une tonitruante introduction instrumentale, on entre dans le vif du sujet avec le costaud et très réussi Nine Princes in Amber, impeccable démonstration de lourdeur riffée et racée filant droit au but et ne faisant aucun prisonnier, guerrier, quoi, et accessoirement, morceau le plus frontalement rentre-dedans de l'album. Parce que la suite, sans jamais perdre les éléments distinctifs du style Ogre, est plus nuancée avec, notamment, une belle place laissée aux exactions six-cordées d'un Ross Markonish aussi à l'aise dans le troussage d'un riff que l'emballage d'un long solo trippé comme, par exemple, sur le baobab final, The Hermit et ses 11 minutes bien remplies. Le trio se permet même un petit instrumental tranquillou (White Plume Mountain) et la reprise d'un homonyme inconnu originaire des Etats-Unis et du cœur des 70s (Soulless Woman), en l'occurrence, deux respirations bienvenues dans leur implacable brouet en fusion.
Bref, si vous cherchiez un bon gros power trio traditionnaliste et inspiré pour vous ramoner les cages à miel à grands coups de saillies électriques échevelées, ne cherchez plus, Ogre est de retour et The Last Neanderthal répondra à toutes les attentes des amateurs du genre... Carrément !

1. Shadow Earth 0:46
2. Nine Princes in Amber 4:17
3. Bad Trip 8:16
4. Son of Sisyphus 7:20
5. Soulless Woman (Ogre cover) 5:16
6. Warpath 8:28
7. White Plume Mountain 2:20
8. The Hermit 11:00

Ed Cunningham - bass, vocals
Will Broadbent - drums, percussion
Ross Markonish - guitars, synths
&
The Moron Tallywhacker Choir (5)

Ogre

JuiLLeT
Overkill "White Devil Armory"
ou "Le Retour, Chapitre III"

Après les claques successives d'Ironbound et de The Electric Age, on finissait par se dire qu'Overkill avait trouvé la formule magique en plus de le fontaine de jouvence... Presque, en fait.
Il faut dire que les deux précités avait mis la barre très très haut damant le pion du supposé Big Four dans l'art de bastonner sévèrement à coup de riffs tranchants, de rythmiques surpuissantes et rapides, de vocaux abrasifs et possédés. Aussi, quand arrive White Devil Armory on n'attend pas autre chose et on a... Presque la même qualité, mais presque seulement. Peut-être parce que les compositions y paraissent plus simples, que les riffs sont juste un tout petit peu moins bien trouvés, certainement parce que les soli sont légèrement moins convaincants dans ce qui reste une excellente collection de chansons avec même une belle reprise de Miss Misery de Nazareth (featuring Marc Tornillo actuel et excellent hurleur des germains d'Accept) rappelant que ces messieurs ne sont pas nés de la dernière pluie et assument fièrement leurs (p)références passées de mode. Côté chant, on retrouve avec un vrai plaisir le Brian Johnson (ou Udo Dirkschneider) du thrash metal, un gars qui sait beugler comme un taureau furieux sans jamais perdre de vue qu'il faut un peu de mélodie pour faire passer cette salutaire colère vocale, la rendre plus acceptable sans lui laisser perdre ne serait-ce qu'un iota de sa substance rageuse. Oui, Bobby Ellsworth est un vocaliste PARFAIT pour le genre, ce que ne démentit nullement White Devil Armory. Comme en plus l'album est idéalement mis en son (précision, puissance, etc., vous connaissez le refrain), il n'en faut pas plus pour secouer sauvagement nos chefs ravis malgré les légères réserves constatées.
Alors non, White Devil Armory n'amène pas tout à fait la même satisfaction que ses deux glorieux prédécesseurs mais, si vous aimez le thrash metal, le bon !, nul doute, vous aimerez White Devil Armory même s'il ne vous surprendra pas vraiment voire vous poussera à revenir vers Ironbound et The Electric Age en le délaissant un peu. Ca n'en demeure pas moins un efficace, rondement mené et diablement addictif album de thrash metal oldschool qu'on se passera en boucle le temps qu'il faut.

1. XDM 0:49
2. Armorist 3:53
3. Down to the Bone 4:04
4. PIG 5:21
5. Bitter Pill 5:48
6. Where There's Smoke 4:20
7. Freedom Rings 6:52
8. Another Day to Die 4:56
9. King of the Rat Bastards 4:09
10. It's All Yours 4:26
11. In the Name 6:03
Bonus
12. The Fight Song 5:13
13. Miss Misery (Nazareth cover) 4:31

Bobby Ellsworth - lead vocals
Dave Linsk - lead guitar, backing vocals
Derek "The Skull" Tailer - rhythm guitar, backing vocals
D. D. Verni - bass, backing vocals
Ron Lipnicki - drums
&
Mark Tornillo - vocals (13)

Overkill

aoûT
Piers Faccini et Vincent Ségal "Songs of Time Lost"
ou "Zen duet, songs en harmonie"

Quelques originaux, quelques reprises, la rencontre de deux musiciens en phase pour un album intimiste et beau... Il n'en faut pas plus pour la nouvelle réussite de l'excellent label No Format.
Les deux hommes, Piers Faccini, folkeux italo-britannique doté de quelques très bons albums (dont le chaudement recommandé Two Grains of Sand), et Vincent Ségal, violoncelliste français co-auteur d'un déjà excellent Chamber Music avec le malien Ballaké Sissoko sur le même label et session-man reconnu, fait sens, pas seulement parce que ces deux ci sont amis depuis longtemps.
Elle fait sens parce que le duo partage un même goût d'une musique reposant souvent sur l'ascèse et l'intimité même si, pour Faccini, la logique n'a jamais été aussi poussée, l'approche instrumentale aussi radicalement minimaliste. Elle fait sens aussi parce que les deux amis aiment audiblement explorer des chemins où on ne les attendrait à priori pas, présentement avec quelques chansons napolitaines, une reprise de Marlene Dietrich, et un détour par l'île de la Réunion sur une relecture d'une chanson d'Alain Peters (Mangé pou le cœur) ou encore le Texas sur un très réussi Quicksilver Daydreams of Maria (de l'immense mais hélas trop méconnu Townes Van Zandt). Les relectures, à l'aulne d'une localisation à la fois moderne et intemporelle, rendent évidemment de vibrants hommages aux originaux mais, surtout, créent leur propre voie où la voix et la guitare de Piers et le violoncelle de Vincent se rencontrent, s'épousent même, dans une quête harmonieuse et précieuse un peu hors du monde et, pourtant, profondément terrienne, humaine. On n'en oubliera pas pour autant les originaux, au nombre de quatre, qui complètent admirablement le tableau de leur fragile beauté.
On notera aussi l'artwork qui, tout à fait dans la ligne esthétique épurée instituée par le label, a été réalisé par Piers, également peintre et illustrateur quand il se départ de son médiator et de son microphone. Une pochette réussie.
Au bout du compte, petit miracle comme le label hôte en a le secret, Songs of Time Lost est un album qui poussera à une écoute recueillie et contemplative, une beauté rare dont on espère qu'elle sera suivie de nombreuses suite tant le chemin ouvert ici promet de très riches perspectives.

1. Jesce sole 2:58
2. The Closing of Our Eyes 2:25
3. Cammina cammina 3:22
4. Cradle to the Grave 2:19
5. Quicksilver Daydreams of Maria 4:36
6. Villanella di cenerentola 2:02
7. A Half of Me 4:24
8. Mangé pou le coeur 4:59
9. Cicerenella 2:39
10. Wenn ich mir was wünschen dürfte 2:30
11. Everyday Away from You 2:14
12. Dicitencello vuje 3:52
13. Make Me a Pallet on Your Floor 2:14

Piers Faccini - vocals, guitar
Vincent Segal - cello

Piers Faccini et Vincent Ségal

SePTeMBRe
Robert Plant "Lullaby and... the Ceaseless Roar"
ou "Le lion rugit doux"

Comme un bon vin, Robert Plant ne vieillit pas, il prend de la bouteille, s'affine par le temps, gagne chaque saison de nouvelles flaveurs... Et nous ravit les "papilles auditives".
Parce qu'en plus d'être le plus précautionneux, le plus intègre des membres de Dead Zeppelin (oui, Dead), celui qui a refusé la juteuse tournée de reformation de son ex-gloire mais pas l'idée de réécrire, un jour, avec Jimmy Page, en une sorte de continuation de leurs petites retrouvailles des années 90 (No Quarter, Walking into Clarksdale), il est aussi celui qui n'hésite pas, tout en restant dans sa zone de confort, pas folle la bête !, à se redéfinir à, quasiment, chaque album, à au moins chercher à se surprendre pour garder tout l'intérêt de son job, sa vocation.
En 2014, 9 longues années après son dernier album solo de compositions originales, l'impeccable Mighty Rearranger, Lullaby and... The Ceaseless Roar (quel titre !) ne fait pas autre chose que, forcément, revoir la formule sans révolutionner l'univers, l'équilibre en discipline artistique, en somme. Avec, cette fois une inclinaison pour le blues et une certaine musique africaine cousine d'icelui, Robert Plant mise plus fermement sur la construction de belles ambiances que sur quelque idée de rentre-dedans que ce soit. Dans un "péri-style" du blues tribal produit sur Mighty Rearranger, des musiciens duquel on retrouve d'ailleurs quelques noms ici, augmenté d'une africanité folk encore plus prégnante, l'addition du duo formé par Justin Adams et Juldeh Camara n'y est certainement pas pour rien, son expérience avec Alison Krauss itou, Plant produit un album à la fois familier et surprenant.
Familier parce qu'on y retrouve la voix, bien sûr, que les ans ont patiné sans lui ôter un iota de sa personnalité originelle, parce que le blues, en tronc commun de quasiment toute sa carrière, reste un fondamental du style Plant, parce que, aussi, les mélodies des chansons, une certaine patte stylistique, viennent infuser l'album d'un sentiment de déjà-entendu juste ce qu'il faut de présent pour que le confort et la satisfaction soient immédiats.
Surprenant parce qu'en ces temps de revivalisme forcené, où on se disait que Plant ferait bien de se rapprocher du légendaire dirigeable qui fit sa gloire initiale, surtout avec la campagne des remasters Deluxe en rampe de lancement médiatique.... Sans doute parce que le monsieur est profondément dévoué avant tout à son art, Robert s'y refuse et continue, finalement, de creuser le jardin de ses envies plutôt que de contenter les désirs prémâchées de masses avilies. Ce n'est pas à dire que rien ne rappelle Led Zeppelin, le groupe faisant parti de l'ADN musical de Plant c'est absolument impossible, juste qu'on en est quand même loin, que Robert a d'ailleurs sans doute passé l'âge, tout en naviguant dans les possibles des constructions soniques et ambitions artistiques héritières de l'imposante figure tutélaire.
Je ne rentrerai volontairement pas dans le détail des chansons et de leurs mérites respectifs, pas plus que je ne vanterai l'aspect technique ou l'emballage de ces "berceuses rugissantes", je vous dirai simplement ceci : Robert Plant est enfin de retour en solo, et comme c'est bien notre Robert Plant, homme curieux, félin libre, artiste entier, c'est une excellente nouvelle... et un excellent album !

1. Little Maggie 5:04
2. Rainbow 4:16
3. Pocketful of Golden 4:12
4. Embrace Another Fall 5:51
5. Turn It Up 4:03
6. A Stolen Kiss 5:13
7. Somebody There 4:31
8. Poor Howard 4:10
9. House of Love 5:03
10. Up on the Hollow Hill (Understanding Arthur) 4:31
11. Arbaden (Maggie's Babby) 2:44

Robert Plant - vocals, production
The Sensational Space Shifters
Justin Adams - bendirs, djembe, guitars, tehardant, background vocals
Liam "Skin" Tyson - banjo, guitar, background vocals.
John Baggott - keyboards, loops, moog bass, piano, tabal, background vocals
Juldeh Camara - kologo, ritti, Fulani vocals
Billy Fuller - bass, drum programming, omnichord, upright bass
Dave Smith - drum set

Robert Plant

oCToBRe
John Zorn "Transmigration of the Magus"
ou "For Lou..."

Un Gnostic Trio augmenté. C'est ainsi qu'il serait aisé de décrire la nouvelle livraison de John Zorn, ce Transmigration of the Magus composé et enregistré à l'occasion des commémorations du 1er anniversaire de la disparition de son ami Lou Reed est évidemment un peu plus que ça, ne serait-ce que par son objet, et la rareté d'icelui, parce que Zorn n'a pas l'hommage facile.
Mais, d'abord, un Gnostic Trio augementé, ça sert à quoi, ça sonne comment ? Ca sert à enrichir encore un peu plus les entrelacs mélodiques, à étendre les possibles harmoniques, à donner au rêve d'une musique savante mais toujours plaisante à l'oreille de nouvelles perspectives, de nouveaux panoramas. Et ça sonne... comme un petit bout de paradis.
Un paradis toujours fermement occupé par la guitare délicate, fluide et décontractée d'un Bill Frisell, par le charme texturant de harpes résonnantes, par la délicatesse de vibraphones amoureusement martelés, de cloches délicatement tintées, un paradis où, nouveauté, un orgue vibrant vient s'inviter, jazzer un peu plus le précieux montage (le morceau éponyme en exemple type) et pousser, du coup ses petits camarades dans de nouvelles directions ô combien compatibles à l'esthétique de la formation.
Se rend-on compte qu'il s'agit d'un hommage à Lou Reed, au fait ? Ben, pas vraiment en fait. Pas du tout même pour être tout à fait honnête. On a beau chercher la petite virgule mélodique, le petit clin d'œil au passage qui relierait Transmigration of the Magus à l'œuvre de l'ex-Velvet Underground, on ne trouve rien. Alors hommage spécialement composé ou session dédiée, quoiqu'il en soit la beauté de l'œuvre est la seule chose qui importe. Et l'œuvre est belle, proche de ce que le Gnostic Trio a précédemment sorti mais différent, plus orchestral (de chambre), plus majestueux sans jamais toutefois tomber dans la pompe. Et, non, la totale absence de section rythmique n'est pas un handicap, le rythme ici est implicite et terriblement efficace ainsi.
Bref, Lou manque à John, John lui a rendu un bel hommage. Et comme Lou nous manque à tous un peu et que John sait quand même merveilleusement s'entourer et produire, quand il le veut, de la belle musique mélodieuse, on recommande !

1. Into the Light 8:05
2. Transmigration of the Magus 6:43
3. Perfect Mind 4:00
4. Providence 4:27
5. Gnostic Hymn 4:45
6. Apocryphon 3:44
7. The Devine Word 3:37
8. The Three-fold Thought 4:28
9. Merlin 4:30

Bill Frisell - guitar
John Medeski - organ
Carol Emanuel, Bridget Kibbey - harp
Kenny Wollesen, Al Lipowski - vibes, bells

Bill Frisell

NoVeMBRe
Gong "I See You"
ou "Freak Forever!"

Une énième version du plus rigolo des groupes de rock progressif ? Et pourquoi pas !, tant que Daevid Allen est vivant et vibrant, créant encore et toujours, on ne boude pas son plaisir. Et donc, 5 années déjà après le très réussi rassemblement de 2032 (avec Steve Hillage, Didier Malherbe, Miquette Giraudy et Gilli Smyth !), ils sont de retour, Gong !, rien de moins !
Enfin, le retour de Gong... Le retour de Daevid Allen accompagné d'une toute nouvelle équipe où seuls Orlando "Fils-à-Papa" Allen, batteur de son état, et Fabio Golfetti, co-guitariste soliste de l'exercice avec l'ex-Cardiacs et Guapo Kavus Tobabi, avaient déjà fait de précédentes apparitions dans la folie du vieux Daevid, 76 printemps et une imagination intacte.
De fait, on n'a aucune difficulté à rapprocher ce Gong là d'antérieures folies proggo-psyché-spatiales, tant mieux ! Parce que ce Gong ci, toujours autant pris de folie douce et de climats trippo-compatibles, est ultimement inchangé mené qu'il est par la personnalité forte d'un leader sachant s'entourer pour pérenniser son aventure au-delà des incessants changements de personnel, pour habiter de sa voix de vieil alien immédiatement reconnaissable des compositions pleines d'une fantaisie et d'une légèreté à peine updatée d'une approche un poil plus moderne, au moins dans le son, que celles de glorieuses septantes (Ha ! You ! Ha ! Flying Teapot ! Ha ! Camembert Electrique, etc.). Alors certes, les sommets du passé sont inatteignables, distants d'années et de substances désormais remisées mais, franchement, ça tient le choc... Ca le fait ! Des exemples ? L'espèce de comptine introductive déjà, I See You qui donne aussi son titre à l'album, une mélodie simplette certes mais si addictivement démente ! Occupy, qui suit directement avec son gros riff sax/guitare à la (Red) King Crimson et ses décrochages plus légers mais pas moins jazzy. When God Shakes Hands with the Devil où la voix douce-dingue d'Allen, des guitares malines et, surtout !, une flûte baladeuse du plus bel effet font merveilles. The Eternal Wheel Spins où des guitares à la Hillage ne gâchent pas un psychédélisme spatial pas loin de leurs potes de folie d'Hawkwind. Etc., parce que chaque composition, sans jamais tout à fait, donc, égaler le glorieux passé, propose son lot de délicieuses surprises et la preuve que l'âge n'est pas forcément un handicap dans la création de fraiches possibilités, de nouvelles pistes, d'imaginatifs développements.
Réalistement, vu le grand âge de l'irremplaçable maître de cérémonie, I See You sera peut-être le dernier album de Gong, du vrai Gong ! Si tel était le cas, ce qu'on ne souhaite évidemment pas, ce serait vraiment un final en beauté, et en folie aussi ! Pour le moment, c'est uniquement un nouveau chapitre dans la saga protéiforme et passionnante d'une formation dont on ne conseillera jamais trop de se pencher tant sur les grandes heures que sur de récentes aventures valant largement le coup. Dont ce délicieux I See You, donc, vous l'aurez compris.

1. I See You 3:33
2. Occupy 2:54
3. When God Shakes Hands with the Devil 5:40
4. The Eternal Wheel Spins 7:04
5. Syllabub 4:32
6. This Revolution 3:50
7. You See Me 2:40
8. Zion My T-shirt 6:18
9. Pixielation 4:42
10. A Brew of Special Tea 1:22
11. Thank You 10:35
12. Shakti Yoni & Dingo Virgin 9:30

Orlando Allen - drums, vocals (4)
Dave Sturt - bass & computer samples
Kavus Tobabi - neoprog smart guitar
Fabio Golfetti - guitars
Ian East - sax, flute
Daevid Allen - gliss guitar and vocals
&
Gilli Smyth - sprinkled space whisper

Daevid Allen

DéCeMBRe
Hubert-Félix Thiéfaine "Stratégie de l'Inespoir"
ou "Franc-Comtois ad libitum"

Trois ans et demi après un universellement acclamé Suppléments de Mensonge, deux après un live (Homo Plebis Ultimae Tour) qui fut une de ses plus belles réussites en scène, et la soixantaine triomphante, le franc-comtois préféré des rockers revient avec son 17ème album, Stratégie de l'Inespoir.
Rien que ça est une excellente nouvelle tant Hubert-Félix Thiéfaine, puisque c'est de lui dont il s'agit, est un cas unique et chéri dans un patrimoine musical français pas forcément toujours aussi excitant qu'on ne l'eut voulu... Un patrimoine auquel, bon an mal an, misant sur de longues tournées et le bouche à oreille pour compenser l'indifférence médiatique, Thiéfaine s'est imposé, avec les honneurs !, jusqu'à être finalement accueilli par ceux qui l'ignorait, surtout à partir de son précédent et excellent album, Suppléments de Mensonge donc.
Il n'y a pas vraiment de surprise, à partir de là et considérant l'âge de l'Hubert, que ce numéro 17 soit si cousin du 16, ceci malgré une équipe différente (dans laquelle on retrouve Lucas, fils de). Cousin parce que la personnalité de l'Hubert y est si écrasante qu'il ne pouvait, fondamentalement, en être autrement. Et donc, que les compositions soient de ses musiciens de tournée (Christopher Board et Yann Péchin) ou d'illustres invités (Armand Méliès, JP Nataf, Jeanne Cherhal) c'est toujours bel et bien de Thiéfaine dont il s'agit et il ne pouvait, c'est l'évidence !, en être autrement quand on a affaire à un artiste à la plume et à la voix si immédiatement reconnaissables. Et c'est ainsi qu'entre hommage littéraire (Celingrad ...jusqu'au bout de la nuit ?), de coups de gueules sociétaux (Médiocratie qui vilipende les réseaux supposés sociaux et leurs effets pervers), de balades désabusées sur les ruines du rêve communiste (Kraganda), ou d'odes érotiques (Mylène Land, c'est chaud !) on retrouve l'Hubert tel qu'en lui même, animal profondément humain sachant habiter cette pop/rock/chanson de toute sa verve et de son intelligence. Bravo.
Indéniablement, il est encore trop tôt pour savoir comment il résistera à l'usure des ans, Stratégie de l'Inespoir est une réussite. Certes pas du niveau des classiques de jeunesse de leur auteur (à l'impossible nul n'est tenu), mais à des lieues de ce qu'on imagine être un album de fin de carrière, c'est, en l'occurrence, un opus toujours vibrant de vie, celle d'un franc-comtois vraiment pas comme les autres pas prêt de raccrocher les gants.

1. En remontant le fleuve 5:10
2. Angélus 3:19
3. Fenêtre sur désert 3:59
4. Stratégie de l'inespoir 3:01
5. Karaganda (Camp 99) 5:32
6. Mytilène Island 2:47
7. Résilience zéro 4:41
8. Lubies sentimentales 3:58
9. Amour désaffecté 4:13
10. Médiocratie 3:31
11. Retour à Célingrad 3:05
12. Toboggan 4:12
13. Père et fils 3:04

Hubert-Félix Thiéfaine - chant, chœurs
Lucas Thiéfaine - guitare, percussions, piano, mellotron, chœurs
Alice Botté - guitare, chœurs
Frédéric Scamps - orgues, minimoog, mellotron, chœurs
Marc Perrier - basse
Bruce Cherbit - batterie, percussions
&
Christopher Board - piano
JP Nataf - guitare, percussions
Vincent Ségal - violoncelle
Sébastien Surel, Elodie Michalakabos - violon
Jean-Marc Apap - alto

Hubert-Félix Thiéfaine

Comme d'habitude le Zornophage ne fait pas de politique, au moins pas directement mais y a des fois où, franchement, ça fait mal, comme de perdre de vieux potes qu'on lisait toujours avec plaisir et souvent avec assentiment... Alors...
Le DROIT de rire de tout !




13 commentaires:

  1. (Best of) 2014, 10 jours déjà !

    Nina Persson "Animal Heart"
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    John Zorn "Psychomagia"
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    Emilie Simon "Mue"
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    John Zorn/Eyvind Kang "Alastor: Book of Angels Vol. 21"
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    John Zorn "In the Hall of Mirrors"
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    Ogre "The Last Neanderthal"
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    Overkill "White Devil Armory"
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    Piers Faccini et Vincent Ségal "Songs of Time Lost"
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    Robert Plant "Lullaby and the Ceaseless Roar"
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    John Zorn "Transmigration of the Magus"
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    Gong "I See You"
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    Hubert-Félix Thiéfaine "Stratégie de l'Inespoir"
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  2. Salut
    Houla 1/3 de Zorn, t' es vraiment fan ;)
    Sinon je vais écouter le "Nina Persson" qui m' a échappé l' année passée
    Et tenté le "Ogre" car tu l' as bien vendu
    Merci

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    1. En même temps, ça ne fait que 4/14 des sorties de Zorn de 2014... ;-)
      Si un retour sur tes deux expériences (Persson et Ogre) te dit, je suis preneur.
      Merci de ton passage.

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    2. Bonne surprise que le "ogre",j' adore la voix du chanteur qui me fait penser par moment a "Alex Harvey".
      Du bon vieux métal pas trop bourrin comme je l' aime ;)

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    3. Impeccable alors ! ^_^
      Tu as raison, Ogre ne cherche pas à réinventer la poudre mais sait merveilleusement s'en servir.

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  3. Tu imagines bien que je n'ai pas le même classement, mais Ogre, OverKill et Robert Plant me vont bien. Je n'ai pas encore goûté le dernier HFT, ça va être l'occasion.
    Sinon, parmi les belles choses parues cette année, il y a aussi "Lou" de Joseph Arthur… et une flopée d'albums de metal !!!!!

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    1. Je te conseille aussi Gong, le Nina Persson (puisque tu n'es pas indifférent à la gent féminine) et le Psychomagia de Zorn, un album rock et metal mais toujours zornien, évidemment. Enjoie et merci de tes tuyaux ! ^_^

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  4. Ne serait ce que pour lire ton admiration pour John Zorn, qui te le rend bien d'ailleurs...En musique!!

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    1. Carrément ! 4 sur 14 pour 2014, pas une mauvaise moyenne.

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  5. Je ne savais pas que Zorn avait sorti autant d'albums sur une seule année (plus personne depuis les 60's ne fait ça...) sinon j'étais certain que tu glisserais un Emilie Simon dans ton recapitulatif...va savoir pourquoi. Je prends le Gong dont je ne connais rien mais tu me donnes envie. Et si la musique nous aide à guerir alors tu es un peu médecin...genre medecine men navajo. Merci. Ph

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    1. Pour information, Zorn a sorti bien plus d'albums que les 4 proposés ici, 14 en 2014 en fait, une belle année !
      Bonnes écoutes du Gong, peut-être l'ultime vu la maladie d'Allen et merci pour tes passages en ma modeste demeure.

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