jeudi 6 août 2015

Tire le Fil #7

Un fil tout en charme folk, jazz prospectif et progressisme d'exception ? C'est le volume 7 de la série avec, comme d'habitude, du classique et de l'obscur, du référentiel et du surprenant et, toujours !, de la bonne musique ! Enjoie !

GooD FoLKS
Steeleye Span "Parcel of Rogues" (1973)
ou "Evolution"
 
En électrifiant et raffinant leur son, mais en conservant leur éthique traditionnelle, les anglais de Steeleye Span opèrent une transformation en douceur qui finira de les établir comme une des formations qui comptent dans un revival folk britannique dont il seront l'uns des plus beaux fleurons.
Dans les faits, Parcel of Rogues est déjà le 5ème album de Steeleye Span depuis 1970, un rythme soutenu que le large répertoire traditionnel à leur disposition et leur inspiration propre réussissent sans problème à soutenir, ce n'est donc pas une surprise que d'entendre, une fois encore, le quintet réunir une belle collection de chansons. Plus surprenante est la façon adoptée pour l'occasion, là où les devanciers de l'opus proposaient une folk tout à fait "dans les rails", traditionaliste dirait-on, tout à fait sage si indéniablement inspirée, une belle dose d'électricité à été ajoutée, utile progression d'un son qui, à être trop défini, prenait le risque de tourner en rond. Du coup, ce petit supplément, qui épice l'approche plus qu'il ne la révolutionne, le Steeleye Span des quatre premiers albums s'en trouve validé, sert exactement ce à quoi ces petits malins l'avaient imaginé, à donner un sérieux coup de jeune et, forcément, une énergie accrue qui donne aussi une chance de briller à un six-cordiste de qualité, Bob Johnson, qui ne manque pas l'opportunité nouvellement offerte. A part ça, c'est avec plaisir qu'on retrouve les harmonies vocales émouvantes de Maddy Prior et de ses compagnons, cette musique terrienne et sensible, aussi, et une sélection intégralement comprise, comme d'habitude, de reprises de thèmes traditionnels prouvant l'érudition du groupe en plus de sa capacité de s'approprier ce répertoire.
Si Parcel of Rogues demeure une des plus belles pièces du catalogue d'un groupe qui ne cessa que très fugitivement de produire, deux petites années sur une carrière quadri-décennale (78-80), c'est parce qu'il allie l'intensité originelle d'une folk pure à l'innocence de nouvelles dispositions électriques. Ca en fait, à n'en pas douter, un album incontournable pour les fans du genre, une excellente porte d'entrée pour ceux qui ne se seraient pas encore frottés au groupe ou au style pratiqué ou, plus généralement, à toutes celles et tous ceux qui aiment la bonne musique, parce que c'en est, indéniablement !

1. One Misty Moisty Morning 3.30
2. Alison Gross 5.29
3. The Bold Poachers 4.18
4. The Ups And Downs 2.45
5. Robbery with Violins 1.47
6. The Wee Wee Man 4.01
7. The Weaver and The Factory Maid 5.21
8. Rogues in a Nation 4.34
9. Cam Ye O'er Frae France 2.49
10. Hares on The Mountain 4.33

Maddy Prior - vocals
Tim Hart - vocals, guitar, appalachian dulcimer
Bob Johnson - vocals, guitar
Rick Kemp - bass guitar, drums
Peter Knight - violin, viola, mandolin, piano, recorder, harmonium

Maddy Prior (chant)

à PRioR(i)
Silly Sisters "Silly Sisters" (1976)
ou "Fausses Sœurs, Vrai Folk"

En vacances de son groupe de référence, Steeleye Span, aidée d'une consœur (June Tabor encore une débutante qui s'affirmera vite comme une vraie force vive de la scène folk britannique), Maddy Prior produit une merveille de petit album tout en fraicheur et en délicatesse, l'éponyme des Silly Sisters.
La première chose qui frappe, à entendre ces deux dames chanter ensemble, c'est la complémentarité de leurs organes, le doux, léger, mutin presque de Maddy, le plus sombre et dramatique de June, en harmonies, l'effet bœuf est garanti. Ensuite vient la musique, que du très classique en fait, du folk anglais typique de ces années 70 ce qui est tout sauf surprenant à détailler les pontes du genre qui le peuple (de Danny Thompson de Pentangle à Andy Irvine et Johnny Moynihan des irlandais de Planxty en passant par le comparse de Maddy au sein de Steeleye Span, Martin Carthy), c'est un fameux who's who présentement entièrement dédié à la cause de la doublette féminine qui les a attiré à elle. Mais, finalement, c'est quand, débarrassées de ces messieurs, ces dames se livrent sans artifice instrumental qu'elles tutoient le divin. Il faut dire que le répertoire, composé, comme dans le groupe de référence de Maddy, essentiellement d'airs traditionnels, a été particulièrement finement choisi permettant aux deux interprètes de s'y glisser avant tant d'aise et de grâce qu'on peine souvent à ne pas croire que ce sont bien elles, les auteures de ces bucoliques mélopées.
Attention cependant, on ne plonge pas dans l'œuvre des sœurs si facilement, pas fille de joie pour deux sous, d'un charme discret et raffiné, cette musique peut demander un temps d'adaptation avant de gagner l'auditeur. Un peu de patience donc, et le bonheur sera au bout du chemin de cet album qui n'eut, dix ans plus tard, qu'un héritage hélas inférieur. Mais celui-ci, ha celui-ci, fantastique !

1. Doffin' Mistress 2:13
2. Burning of Auchindoon 1:08
3. Lass of Loch Royal 4:09
4. The Seven Joys of Mary 3:18
5. My Husband's Got No Courage In Him 3:12
6. Singing The Travels 2:50
7. Silver Whistle 4:12
8. The Grey Funnel Line 3:05
9. Geordie 4:02
10. The Seven Wonders 4:35
11. Four Loom Weaver 2:39
12. The Game Of Cards 3:20
13. Dame Durden 3:00

Maddy Prior - vocals
June Tabor - vocals
Martin Carthy - guitar
Nic Jones - fiddle
Tony Hall - melodeon
Andy Irvine - mandolin
Johnny Moynihan - bouzouki
Gabriel Mckeon - uillean pipes
Danny Thompson - bass

Danny Thompson (basse)

CeLT'aNGLe
Pentangle "Open the Door" (1985)
ou "Retour d'affection"

L'album du retour pour les folk-rockers anglais de Pentangle, avec un line-up quasiment inchangé, seul le guitariste John Renbourn manque remplacé par le guitariste et violoniste Mike Piggott, Open the Door est tout sauf une surprise reprenant les choses exactement là où le quintet les avaient laissés, 13 ans plus tôt, avec le mi-cuit Salomon's Seal... L'inspiration en plus !
On y retrouve donc cette folk typiquement anglaise où quelques bruns de jazz viennent se glisser, moins que pendant le premier run de Pentangle mais toujours bien présents, salutairement. Parce que sans leur edge, sans ces soli à la marge d'un Mike Piggott digne remplaçant du Renbourn manquant, violoniste inspiré en plus de guitariste, il est fort à parier que ce groupe n'aurait pas départi des nombreuses formations d'un genre plus ou moins similaire et, du coup, probablement sombré dans la masse. Mais il y a ce particularisme et des chansons, toutes composées par le groupe outre une belle reprise de Milton Nascimento (Mother Earth), qui continue donc, là où certains de leurs collègues favorisent l'adoption d'un répertoire séculaire, de créer son propre morceau d'histoire entre passé et présent. Parce qu'il y a indéniablement un lien fort avec une tradition musicale britannique dans l'art consommé de Pentangle et de son songwriter en chef, Bert Jansch, d'accommoder ce style fondamentalement ancien à sa verve compositionnelle.
En chansons, ça donne 9 originaux plein de sensibilité et de nuance où voix masculines et féminine s'épousent pour le meilleur et où, forcément, les performances instrumentales, Jansch et Piggott, l'un acoustique l'autre électrique, sont deux fameux six-cordistes tout sauf outrancièrement démonstratifs, qui plus est. Parfois, on pense presque au Fleetwood Mac de Rumours débarrassé de ses oripeaux américains (Dragonfly, Sad Lady), d'autre fois, on plonge dans une merveille de petit instrumental mélodieux et délicat (The Dolphin), parfois encore, on flirte avec le blues avec talent (Lost Love) ou une folk jazzée et progressive avec doigté (Street Song et un mémorable solo de contrebasse de Danny Thompson), ou ailleurs on plonge dans de belles ballades hors du temps où la voix caressante de Jacqui McShee fait fureur (Child of the Winter,  Yarrow), toujours avec talent, avec une qualité d'écriture et d'interprétation qui fait qu'on ne peut que fêter ce retour aux affaires en forme de triomphe créatif.
Open the Door, longtemps indisponible en format CD avant un salutaire retour en 2006 sur le label revivaliste Talking Elephant, relance réussie d'une formation trop longtemps absente est tout simplement un petit bijou de folk d'aujourd'hui, même 30 ans après sa sortie.

1. Open the Door 4:20
2. Dragonfly 3:14
3. Mother Earth 2:43
4. Child of the Winter 5:08
5. The Dolphin 2:45
6. Lost Love 3:42
7. Sad Lady 3:48
8. Taste of Love 4:11
9. Yarrow 4:38
10. Street Song 5:31

Terry Cox - drums, percussion, vocals
Bert Jansch - acoustic guitar,vocals
Jacqui McShee - vocals
Mike Piggott - violin, acoustic and electric guitar
Danny Thompson - double bass

Bert Jansch (chant, guitare)

BaRoQue BRiT
Bert Jansch "Birthday Blues" (1969)
ou "Jansch veut encore !"

C'est déjà le sixième album solo de celui qui a formé, un an plus tôt, une formation qui comptera, Pentangle, ce Birthday Blues qui porte si bien son nom est aussi l'album le plus réussi du jeune répertoire de l'excellent Bert Jansch.
Pourtant, depuis 1965 et un premier album bricolé et lo-fi mais toujours aussi recommandé, Jansch a produit quelques excellentes galettes, notamment deux avec son futur partenaire chez Pentangle, John Renbourn, mais c'est celui-ci qui marque la plénitude de son art encore débutant. Un art qui navigue allègrement entre blues, jazz et folk styles où le timbre chaud et la technique acoustique du six-cordiste font merveille. Présentement, comme indiqué par le titre donc, c'est le blues qui domine l'affiche mais pas n'importe quel blues Jansch continuant de favoriser l'acoustique et donc les luminaires originels d'un genre qui lui est cher. Mais favoriser, pour Bert, ne veut pas dire suivre benoîtement les préceptes précédemment définis, l'homme sait prendre ses libertés, inclure sa personnalité et son maniérisme à une belle collection de chansons de sa propre plume, qui plus est.
Et donc, entouré de musiciens talentueux (la section rythmique d'un Pentangle en formation et une paire d'invités ayant trainé ou qui traineront leur guêtres un peu partout), Jansch donne de sa voix et de sa guitare d'un blues traditionnaliste (Poison, I've Got a Woman, A Woman Like You, I Am Lonely, Promised Land. et Blues, évidemment), à une folk pastorale (Come Sing Me a Happy Song, The Tree Song) ou au délicat et réussi mélange des deux (The Bright New Year, Wishing Well) dans un album dont le défaut majeur, le seul en vérité, est son extrême brièveté (33 minutes, on en voudrait plus !).
Birthday Blues, d'un musicien qu'on continue de regretter (Jansch nous a quitté en 2011, fauché par un vilain crabe), est une petite merveille qu'on conseille chaudement.

1. Come Sing Me a Happy Song to Prove We All Can Get Along the Lumpy, Bumpy, Long and Dusty Road 2:05
2. The Bright New Year 1:34
3. Tree Song 2:37
4. Poison 3:16
5. Miss Heather Rosemary Sewell 2:10
6. I've Got a Woman 5:15
7. A Woman Like You 4:27
8. I Am Lonely 2:31
9. Promised Land 2:51
10. Birthday Blues 1:14
11. Wishing Well 2:17
12. Blues 2:40

Bert Jansch - vocals, guitars
Danny Thompson - bass
Terry Cox - drums
Ray Warleigh - alto sax, flute
Duffy Power - harmonica

Ray Warleigh (saxophone)

BeLLa FuSioN
Rollercoaster "Wonderin'" (1980)
ou "for Stevie"

Une belle équipe bien fusionnante, un répertoire qui s'y prête, un album hélas trop méconnu d'une formation à la courte vie, c'est Wonderin', premier album de Rollercoaster, le suivant arrivera 20 ans plus tard...
Pour le répertoire, c'est très simple, outre un original (un délicat et court Mr. W., par le leader de la formation, Karl Jenkins), c'est du Stevie Wonder à tous les étages, 5 sélections, choisies dans son répertoire de 1973 à 1976 (de Innervision à Songs in the Key of Life) où les trémoussantes funkeries du petit gars de la Motown s'habillent de fusionnants atours. Et ça fonctionne, parfaitement, parce que les morceaux s'y prêtaient particulièrement. Tout juste pourra-t-on regretter des synthés un poil trop 80s, à la pointe à l'époque, cruellement démodés aujourd'hui, parce que, sinon, avec des performers de la trempe de Mike Ratledge (Soft Machine), d'Alan Parker (pas le cinéaste, le guitariste !) ou du saxophoniste Ray Warleigh (Mike Oldfield, Nick Drake et même... Stevie Wonder, tiens donc !), c'est une belle usine à groove cuivrés qu'on découvre.
Un classique ? Sans doute pas. Une vraie petite perle perdue dans la multitude et les limbes du temps plutôt, un album aussi rare que délicieux qui réchauffe bien l'oreille et donne des envies de gigoter. Pas si mal, non ?

1. I Wish 7:29
2. Boogie On Reggae Woman 6:47
3. Higher Ground 6:38
4. Superstition 7:24
5. Mr. W. 2:37
6. Living for the City 7:28

Ron Mathewson - Bass
Barry Morgan - Drums
Alan Parker - Guitar
Karl Jenkins, Mike Ratledge - Keyboards
Mike Pyne - Piano
Dick Morrissey, Ray Warleigh - Saxophones
Chris Pyne - Trombone
Derek Watkins - Trumpet

Mike Ratledge (claviers)

GoLDeN MaCHiNe
Soft Machine "Fourth" (1971)
ou "Volume 4"

Connaissez-vous le plus grand défaut de Fourth, quatrième album de jazzeux progressifs de Soft Machine ? C'est de suivre un Third légendaire, et rien plus que ça, j'vous jure ! Il faut dire que succéder à un des meilleurs albums de free jazz de tous les temps (hé oui !) tient de la mission impossible. Et pourtant, quel album, ce Fourth !
A tort, à mon avis, du fait de leur origine dans la Canterbury Scene, on assimile souvent la formation à l'explosion fusion/prog-fusion de la première moitié des années 70 où il voisineraient alors Mahavishnu Orchestra, Weather Report, Return to Forever et compagnie. Oui mais non, parce que les influences palpables, évidentes de Dean, Wyatt, Hopper et Ratledge tendent plus, nettement plus même !, vers John Coltrane, Ornette Coleman, Pharoah Sanders ou Albert Ayler soit une sorte de Who's Who du jazz 60s qui ose se jouer des structures et des mélodies dans ce que beaucoup considèrent encore comme un chaos nonsensique, les pauvres !
Or donc, sur ce Fourth, encore plus que sur Third où c'était pourtant déjà bien présent, Soft Machine apparaît comme un jazz band, quelque part entre hard bop et free avec un soupçon de fusion, c'est d'époque ! Sur l'album proprement dit, dans le canon des 7 premiers des divins angliches, on le situera comme celui de la plénitude, d'une formation enfin, semble-t' il, installée dans un panorama stablement confortable où chacun s'épanouit instrumentalement et où le tout (l'ensemble des performances sur le substrat compositionnel) satisfait pleinement sans, il est vrai, plus vraiment surprendre. L'album où la trajectoire musicale empruntée par ses protagonistes devait fatalement amener Soft Machine, très loin des douceurs psychédélico-progressives de leur tout premier opus donc, un sacré voyage !
Concrètement, album plus ramassé que son devancier, il propose des compositions plus courtes, plus structurées aussi qui ne manquent pourtant pas de la folie nécessaire à la réussite de pareille entreprise jazzistique. La face A, composée de 3 compositions indépendantes les unes des autres, vaut son pesant de cacahuètes en particulier pour un Teeth mordant (!) et mélodique, et un Fletcher's Blemish qui adorera vous vriller les neurones de ses exactions dignes des plus barjotants passage du Black Saint and the Sinner Lady de Mingus, diantre !, sans en avoir tout à fait la classe tout de même. La face B, décomposée en 4 pistes, propose la suite Virtually qui, malgré quelques petites longueurs, balade "agréablement" l'auditeur dans des paysages tour à tour orageux, accidentés, paradisiaques ou carrément zen (ce final !), une réussite signée Hugh Hopper, son compositeur.
Robert Wyatt, mécontent de la direction musicale prise par la formation, quittera bientôt le navire qui n'en coulera pas pour autant sortant encore quelques jolis albums avec un line-up en perpétuel mouvement. Ainsi, sur Fourth, se conclut l'aventure du "premier" Soft Machine, ou du moins, étant entendu que les changements de personnel n'ont pas attendu le nombre des années, la constitution référentielle des "canterburiens". Un final en beauté dont certains ont critiqué la captation sonore clinique, froide, défaut que je peine à entrevoir sur ce remaster de 2007. Recommandé, donc.
 
1. Teeth 9:15
2. Kings and Queens 5:02
3. Fletcher's Blemish 4:35
4. Virtually Part 1 5:16
5. Virtually Part 2 7:09
6. Virtually Part 3 4:33
7. Virtually Part 4 3:23

Hugh Hopper – bass guitar
Mike Ratledge – Lowrey organ, Hohner piano, acoustic piano
Robert Wyatt – drums
Elton Dean – alto saxophone, saxello
&
Roy Babbington – double bass (1,3,4,6)
Mark Charig – cornet (2,3,4)
Nick Evans – trombone (1,2,4)
Jimmy Hastings – alto flute (6), bass clarinet (1,6)
Alan Skidmore – tenor saxophone (1,6)

Robert Wyatt (batterie)

aVaNT-RoBeRT
Robert Wyatt "The End of an Ear" (1970)
ou "Grandes Oreilles"

En vacance de sa Machine Molle, le barbu batteur et présentement claviériste et vocaliste aussi, Robert Wyatt évidemment, s'offre un petit plaisir free jazz que les amateurs du genre ne voudront pas rater, The End of an Ear, son premier opus solo, aussi.
Mais, il faut le dire, le présent n'est pas destiné à tous les publics, pas même à ceux pour qui le jazz ne va pas au-delà de la bonne maison-mère dont était alors le Wyatt. Parce que, mes aïeux !, ça barjotte à qui-mieux-mieux !, ça te piétine l'idiome avec l'énergie et l'enthousiasme sale-gosse psychédélique qu'il faut, ça n'a, en vérité, rien à envier à la folie d'un Ornette Coleman, d'un Cecil Taylor, d'un Pharoah Sanders ou d'un Archie Shepp, carrément ! Mais il y a, en plus, chez Robert, un côté lettré, expert blanc ayant beaucoup écouté les modèles à la peau sombre avant de se lancer lui-même qui fait que, d'un délire vocalisé (Las Vegas Tango Part 1), d'une sorte de marche jazz improbable (To Mark Everywhere), d'un balladin To Saintly Bridget avec ses cuivres et sifflotements vibrionnants, d'un joliment mélodieux To Caravan and Brother Jim,  à un élégiaque  To Carla Marsha and Caroline, c'est plus à un catalogue du genre qu'une œuvre monolithique à laquelle nous avons affaire.
Un catalogue aussi passionnant, parce qu'on peut y jouer au jeu de piste comme y apprécier l'inventivité, que satisfaisant, parce que c'est de bonne musique jouée par de bons musiciens aussi, où un Wyatt n'hésitant devant aucune expérimentation nous laisse admiratif devant tant de maîtrise et de culture, à 25 ans seulement, un grand déjà pour une œuvre difficile mais néanmoins recommandée.

1. Las Vegas Tango Part 1 (Repeat) 8:13
2. To Mark Everywhere 2:26
3. To Saintly Bridget 2:21
4. To Oz Alien Daevyd and Gilly 2:09
5. To Nick Everyone 9:12
6. To Caravan and Brother Jim 5:20
7. To the Old World (Thank You For the Use of Your Body, Goodbye) 3:17
8. To Carla, Marsha and Caroline (For Making Everything Beautifuller) 2:47
9. Las Vegas Tango Part 1 11:13

Robert Wyatt - Drums, Mouth, Piano, Organ
Neville Whitehead - Bass
Mark Charig - Cornet
Elton Dean - Alto Saxophone, Saxello
Mark Ellidge - Piano
Cyrille Ayers - Assorted Percussion
David Sinclair - Organ

Mark Charig (cornet)

GReaT SCaLeS
King Crimson "Lizard"  (1970)
ou "Pas de lézard !"

Après deux albums ayant imposé son grand projet, son King Crimson, Robert Fripp fomente un album en forme de rupture, une passionnante intrusion dans un jazz progressif qui n'avait jamais été traité comme ça, Lizard.
L'œuvre est imposante, sa construction précise, détaillée, précieuse et emphatique bref, avec Fripp et un line-up largement remanié, qui ne tournera jamais d'ailleurs, c'est à une création unique d'un des fondateurs du rock progressif à laquelle nous avons affaire. Indéniablement, l'influence du jazz modal de Miles Davis (Sketches of Spain en particulier) ou d'un big band progressif "à la Mingus" (The White Saint and the Sinner Lady n'est parfois pas bien loin) se fait largement sentir dans un album qui n'est pas jazz ou prog, et certainement pas fusion, mais bien jazz et prog. Parce qu'il reste des éléments du passé de la formation, via les guitares et le mellotron de Fripp, les textes souvent cryptiques et mystiques de Peter Sinfield, et, plus généralement, un goût pour les constructions périlleuses et surprenantes de ce qu'on ose à peine appeler chanson.
Dans les faits, Lizard est une affaire double, composé sur sa face A de quate "petits" titres presque classiques, sur sa face B d'une imposante suite en 4 parties. L'une comme l'autre démontrant l'expertise des arrangements désormais atteinte par Robert et la verve compositionnelle magistralement renouvelée à l'aulne de l'addition des tendance jazzistiques précitées. Certes, on regrettera qu'en lieu et place de Greg Lake, parti joindre ses forces à celles Keith Emerson et Carl Palmer pour le trio que nous connaissons tous, Gordon Askell ne soit pas le vocaliste exactement idéal pour véhiculer les délires textuels de Sinfield, il s'en sort bien cependant mais pas autant qu'on aurait pu le rêver. Certes, encore, on peut regretter l'extrême sérieux de la chose qui aurait probablement gagné en cœur et en chaleur à faire montre de plus d'humour (quoiqu'il est peut-être dans le thème d'ouverture d'Indoor Games, ce supplément). A part ça, c'est une magnifique sélection sans le moindre faux-pas qui nous est offerte avec, en irremplaçable Himalaya, l'imposant Lizard sur lequel la contribution vocale de Jon Anderson (Yes) est tout sauf anecdotique. Une sélection évidemment merveilleusement jouée par des intervenants triés sur le volet, on n'en attendait pas moins de ce grand maniaque de Fripp, où brillent particulièrement, large penchant jazz oblige, le saxophoniste Mel Collins et ses comparses "venteux" mais aussi, une rareté d'emploi chez le Roi Cramoisi où l'instrument fut rarement usité, le piano de Keith Tippett. Une sélection déjà brillamment mise en son à l'époque mais qui gagne encore en précision, en puissance et en nuance sur ce remix du 40ème anniversaire encore une fois accompli par le précieux Steven Wilson qu'on ne remerciera jamais assez des prodiges soniques dont il est capable.
Tout ça fait de Lizard, vous l'aurez compris, un album unique dans le répertoire de ce groupe incontournable, unique et recommandé parce que, quelle claque mes aïeux !

1. Cirkus 6:27
2. Indoor Games 5:37
3. Happy Family 4:22
4. Lady of the Dancing Water 2:47
5. Lizard 23:25
(a) Prince Rupert Awakes
(b) Bolero - The Peacock's Tale
(c) The Battle of Glass Tears
(i) Dawn Song
(ii) Last Skirmish
(iii) Prince Rupert's Lament
(d) Big Top
Bonus
6. Lady of the Dancing Water (alternate mix) 2:50
7. Bolero (remix from Frame by Frame) 6:48
8. Cirkus (studio run-through with guide vocal from original sessions) 6:31

Robert Fripp – guitar, Mellotron, synthesizer, organ, devices
Peter Sinfield – lyrics, VCS3, pictures
Mel Collins – saxophone, flute
Gordon Haskell – bass guitar, vocals
Andy McCulloch – drums
&
Keith Tippett – acoustic and electric pianos
Robin Miller – oboe, cor anglais
Mark Charig – cornet
Nick Evans – trombone
Jon Anderson – vocals (track 5)

7 commentaires:

  1. Tire le Fil #7

    Steeleye Span "Parcel of Rogues" (1973)
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    Silly Sisters "Silly Sisters" (1976)
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    Pentangle "Open the Door" (1985)
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    Bert Jansch "Birthday Blues" (1969)
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    Rollercoaster "Wonderin'" (1980)
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    Soft Machine "Fourth" (1971)
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    Robert Wyatt "The End of an Ear" (1970)
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    King Crimson "Lizard" (1970)
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  2. Hello,
    Mais tu n'arrêtes jamais ...
    Je connaissais ce Soft Machine et ce King Crimson.
    Je connaissais Pentangle, Bert Jansch et Robert Wyatt bien sur, mais pas ces albums.
    Les autres, rien mais alors rien de rien. On va retourner en formation :-)
    Merci beaucoup et bonne suite.

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    Réponses
    1. Un blogger qui n'avance pas est un blogger qui tombe pour paraphraser un certain timonier sanguinaire.
      Une belle pioche avec de bons albums, si tu veux revenir ajouter tes impressions, tu es le bienvenu !

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  3. une fois n'est pas coutume, je ne prends rien (hormis peut-être le King pour les bonus). Par contre, mille mercis pour la découverte de Hawkwind, ce live est tout bonnement formidable, du shoegaze avec 15 ans d'avance, j'ai adoré et je vais essayé d'approfondir ! Merci,
    Vincent

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    Réponses
    1. T'aimes pas la folk ? Tu ne sais pas ce que tu perds !
      Et le free jazz prog non plus ?
      Et la fusion funky, toujours pas ?
      Ben dis donc, c'est que monsieur est difficile ! ;-)

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    2. Perfect As Usual!
      Je vous conseille d'ecouter si ce n'est pas deja fait: Ryley Walker, William Tyler, Steve Gunn...

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    3. Je retiens les suggestions. Merci.

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