lundi 10 mars 2014

Grand Jeu, 8ème Edition, 1er Tour

THEME:
"Oh honey, why don't you come back?"
Le disque du retour, pour le meilleur ou pour le pire, à vous de choisir...

L'occasion était trop belle !, je ne pouvais pas passer à côté. Pour ce 1er tour du 8ème (déjà !) Grand Jeu Sans Frontière des Blogueurs Mangeurs de Disques, je vous propose un chef d'œuvre, tout simplement. Enjoie !

Jacques Brel "Les Marquises" (1977)
ou "Un retour, un adieu"


     Quand il enregistre Les Marquises en 1976, Jacques Brel sait que ce sera son ultime œuvre. Condamné par un cancer désormais incurable, c'est avec l'énergie du désespoir qu'il livre sa dernière collection de merveilles, son testament au monde de la musique.

     Les Marquises est donc un album de fin, un Adieu au monde majuscule, c'est aussi le retour d'un Brel qui n'a plus rien sorti depuis 72, et plus de matériau original depuis 1968, ce sont les dernières cartouches d'un (pas si) vieux chanteur qu'on ne croirait pas amputé d'une bonne partie de ses facultés respiratoires pas la récente ablation d'un de ses poumons (et ce foutu crabe qui ronge l'autre, inéluctablement).
     C'est, en tout logique, un Brel sombre, désespéré... Mais finalement pas beaucoup plus que le sémillant jeune-homme qui chantait La Mort dès 1959, Le Moribond en 1961, ou l'ultimement dépressif Les Vieux en 1964. Dans le genre Orly et Jojo se posent un peu là, Voir un ami pleurer n'est pas loin derrière.  Mais Brel n'est pas qu'un dépressif, c'est encore et toujours un fantaisiste et un coléreux. Dans la première catégorie, on soulignera Les F... (qui marche aussi pour la colère) et son funk débridé et Le Lion entre bossa speed et swinging chanson. Dans la seconde, VeillirBrel se réjouit/pleure de toute sa rage de ne pas mourir vieux dans un texte au cordeau en forme de liste implacable de l'inéluctable extinction définitive des feux, Les F... donc où il crache sa haine de ses concitoyens flamands et de leur crasse hypocrisie. Brel est indéniablement encore Brel, et le jeu l'attente en valait la chandelle parce que Les Marquises, musicalement, textuellement, est une splendeur. Et un adieu déchirant à un chanteur rare, un parolier exceptionnel, un artiste irremplaçable.
     Concernant la présente édition, on mentionnera la (petite) polémique de l'ajout de cinq titres des mêmes sessions restés inédits parce que pas assez aboutis selon Brel. Si l'on comprend très bien la logique de l'indignation de certains gardiens du temple, on se réjouit d'avoir accès à un matériau certes moins viscéralement essentiel mais néanmoins sympathique (en particulier Sans exigences, avec Brel supporté par un orgue et un clavecin, du plus bel effet) . Il était tout à l'honneur, à l'époque, à Jacques Brel de démettre ces chansons dans le cadre de l'œuvre vinylique qu'il souhaitait concevoir, il l'est tout autant aux ayant-droits de les rendre publiques aujourd'hui, à l'heure du cd et du dématérialisé.

     Les Marquises, un retour et un adieu. Une dernière merveille et puis s'en va. Des comme lui, on n'en fait plus, hélas. Essentiel, donc.


1. Jaurès 3:37
2. La ville s'endormait 4:36
3. Vieillir 3:42
4. Le Bon Dieu 4:44
5. Les F... 3:27
6. Orly 4:20
7. Les Remparts de Varsovie 4:06
8. Voir un ami pleurer 3:53
9. Knokke-le-Zoute tango 5:10
10. Jojo 3:11
11. Le Lion 3:27
12. Les Marquises 3:53
Bonus
13. Sans exigences 3:11
14. Avec élégance 3:01
15. Mai 40 3:42
16. L'amour est mort 4:06
17. La Cathédrale 4:46


Jacques Brel - chant
François Rauber - arrangements et direction d'orchestre
Marcel Azzola - accordéon
Gérard Jouannest - piano
(autres musiciens inconnus)

45 commentaires:

  1. Entièrement d'accord également. Plus qu'un retour réussi, c'est un adieu parfait!

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  2. Non, des comme lui on en fait plus. Un retour émouvant qui n'est autre qu'un adieu. Terriblement dur. Excellent choix.

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  3. J'y avais pensé. Tant mieux que tu l'aies publié. Chapeau bas. Et encore merci à monsieur Brel.

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    1. Ben moi, j'avais pensé à Gil Scott-Heron, à Bertrand Cantat ou à Scott Walker... Bien fait de ne pas m'être fié à mes premiers instincts et d'avoir ainsi évité le doublon.

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    2. J'avais aussi AC/DC, KISS et Guns n' Roses dans mes cartons.

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    3. Guns pour le retour foireux ? ^_^
      J'avais Trust dans cette catégorie, moi !

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  4. Mes parents avaient très, très peu de disques, mais ils avaient acheté celui-ci. Je l'écoute encore souvent, il est absolument merveilleux.

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    1. Itou. Mes parents l'avaient aussi.

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    2. Pour info: je ne suis pas si méchant: Yes n'est que mon deuxième choix, j'ai également posté un: "pour le meilleur"...

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    3. J'ai raté ça. Je file voir.
      Et je plaisantais, bien sûr. Et j'en avais aussi des retours tous pourris évidemment mais je voulais parler de musique que j'aime. J'aurai pu parler de VdGG d'ailleurs !

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  5. Mes parents avaient aussi le vinyle, que j'ai récupéré (sans les bonus donc!)...c'est le premier que j'avais écouté...

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  6. Bien sûr! Cela m'évitera de le numériser!

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  7. Mes parents adoraient Brassens et Ferré, pour les emmerder (aussi...) j'ai toujours bien aimé Brel (je sais je la raconte à chaque fois...).
    Joli coup en effet Zorno !

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    1. Ceci dit, on peut aimer Brel, Brassens et Ferré. On aura alors plus de mal à apprécier Yves Duteil mais c'est finalement peut-être une bonne nouvelle. ^_^

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    2. De quoi ? Duteil est de retour et on me dit rien ?

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    3. C'est parce qu'on sait que tu es sensible, on prépare le terrain... ^_^

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  8. Alors, là, oui, Brel, forcément. Intouchable : bravo !

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  9. ça s'fait rare le frenchy.. sauf pour Detroit, bravo, et une fois de plus, j'avais pas la chrnologie discographique. J'chu allé à Brugge la semaine dernière.. par curiosité je suis allé à la FNAC pour voir .. du Brel et du Stromae partout.
    J'avais oublié ce disque qui est aussi rangé dans la malle magique du paternel.

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    1. En plus improbable, j'avais aussi pensé à Bande de Pions, l'album du retour à la chanson de Tom Novembre 17 ans (!) après son dernier album. Mais j'ai pas réussi à remettre la main dessus...

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    2. Perso, niveau Hexagone..j'avait Dominique Dalcan.. mais ça fait 3 fois que j'écoute et ça passe pas !! et je voulais faire un billet pour le meilleur ;D

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    3. Ha oui, tiens, justement, je me demandais ce que ça valait, ça.
      J'aime bien Dalcan, faudra que j'écoute.
      En tout cas, ton choix était magnifique !!! (je suis un grand défenseur de la cause Heronienne !)

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    4. bah j'aimerais bien avoir ton avis.. le Dalcan, ça me fait penser à JP Nataf.. trop lège, trop gai, même si j'écoute le dernier Nataf qqfois ..mais là ça me fait bizarre, j'accroche pas.. moitié entre Sylvain Vannot et Obispo.. bref.. Dalcan passe pas..
      J'avais vu Heron chez toi. Je crois que j'ai acheté le coffret juste après.

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    5. Ha ben, si j'ai pu te convaincre d'essayer GSH, parfait !

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  10. Il faisait parti de ma "liste" avant de déclarer forfait (Mais j'avais finalement choisi Neil Diamond) Je me demandais, tout les titres sont des matériaux pour cet album? Je croyais qu'il y avait une partie parue par ailleurs? Bon, J'ai lu ta chronique tout en me disant que je n'avais pas trop ressenti la mort roder, mais comme un humaniste sans illusion? le titre ORLY me hante en particulier, comme CES GENS LÀ. "... elle a mille ans..." Et quel grande orchestration, je pensais qu'il y était particulièrement pour quelque chose, mais le Kaserio qui fréquentait un peu ce milieu (travail à une Radio je crois) m'avait un peu refroidi, Brel passait derrière la vitre pour donner un avis, pas davantage. Bon, si c'est vrai, alors il y avait derrière la console un sacré sensible. Puisque tu évoques le bonus, je vais t'ajouter un récit qui a été ajouté au dernier (??) coffret, un extra bonus des marquises donc.

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    1. Tu as vu les crédits à la fin ? Les arrangements sont de François Rauber. ;-)

      Sinon, tu sais que tu peux commencer au second voire au troisième tour, personne ne t'en voudra. ^_^

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    2. Le problème n'était pas les post (je les avais pratiquement tous fait) mais ensuite il faut venir voir les efforts des autres c'est la moindre des choses, et dès demain, mon surf perso se réduira à quasi zéro et ceci pendant pratiquement toute la semaine.
      Et je n'aime pas les commentaires bâclés. Donc en ce Lundi de télétravail, je peux me permettre des entorses. Après,impossible.
      Pour les arrangements? Oui, mais le nom ne me dit rien.

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    3. C'est WIKI qui le dit :

      François Rauber (né le 19 janvier 1933 à Neufchâteau, mort le 14 décembre 2003) est un pianiste, compositeur, arrangeur et chef d'orchestre français, principalement connu pour sa collaboration avec Jacques Brel.

      Après ses études de piano au conservatoire de Nancy, François Rauber travaille dès 1951 dans divers cabarets parisiens comme accompagnateur d'artistes tels que Agnès Capri, Boris Vian ou Serge Gainsbourg. À la demande de Jacques Canetti, il est l'accompagnateur de Jacques Brel le 23 juillet 1956 lors d'une représentation à Grenoble. Cette rencontre avec Brel marque le début d'une collaboration qui se prolongera jusqu'au décès de ce dernier en 1978.

      En avril 1958, François Rauber écrit ses premiers arrangements pour Jacques Brel, peu après avoir fait ses débuts comme arrangeur pour un enregistrement de Simone Langlois.

      Les connaissances musicales de François Rauber (en particulier dans les domaines de la musique de chambre et de la fugue) ont apporté un grand enrichissement à la musique de Jacques Brel, dont l'accompagnement était jusqu'alors assuré par son propre jeu à la guitare (qui était des plus basiques), ainsi que par les services de chefs d'orchestre aux emplois du temps chargés. C'est également François Rauber qui convainc Jacques Brel de ne plus jouer de guitare sur scène, ce qui a, dès cet instant, laissé le champ libre à l'interprétation théâtrale de Brel.

      Brel et Rauber s'entendent également très bien sur le plan personnel. François Rauber est le parrain d'Isabelle, la fille de Jacques Brel.

      En dehors de son activité comme arrangeur attitré de Jacques Brel, François Rauber travaille, à partir des années 1960 jusqu'à son décès, avec de nombreux autres artistes, parmi lesquels Anne Sylvestre, Glenmor (album Cet amour-là), Cora Vaucaire, Brigitte Bardot, Barbara, Juliette Gréco, Mireille Mathieu, Germaine Montero, Georges Moustaki (album Méditerranéen, 1992), Isabelle Aubret, Pierre Gripari, Pierre Selos, Jean-Pierre Reginal, Charles Aznavour, Jean Sablon, Colette Renard, ou encore Juliette (sur l'album Assassins sans couteaux, 1998).

      Il compose également des musiques de film et des œuvres classiques, il enregistre et interprète beaucoup de musiques de divertissement – musiques de cirque, du Texas, de kiosque champêtre (en partenariat avec le trompettiste Maurice André) –, et il arrange et dirige l'accompagnement orchestral des Rondes et Chansons de France, série de douze 45 tours Philips réunissant Renée Caron et les Petits Chanteurs de l'Ile de France, vers 1965.

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  11. 001. Jacques Brel - Suivre L'étoile - Cd 13 - Les Marquises - Le Docteur (Récit) (Inédit).mp3
    http://www58.zippyshare.com/v/62732317/file.html

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  12. La plus belle des réponses, inspirée comme lui, du genre de disque de fin qui te fait herisser les poils, à la Bashung, ou vice versa ..

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  13. J'ai acheté le vinyle récemment !
    Très bon choix, excellent choix même.
    Je vais jeter une oreille ou deux aux bonus !

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    1. Et même trois pour les habitants de Tchernobyl ! ;-)

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  14. Brel 77, grand bravo ! Bien vu ! Même si je suis pas du tout d'accord avec toi pour les bonus. Il avait clairement demandé à l'époque que ça ne sorte pas, alors respect. Mais bon, y'a toujours une aile de château à refaire, alors... Ca me fait le même effet que pour les 198 inédits de Bob Marley, il avait fait jurer à Chris Blackwell de ne rien sortir après sa mort... Mais ces gens-là (oups, pardon) sont bien plus rentables et sympathiques une fois six pieds sous terre. Ca continue à faire cracher la thune et ça ferme sa gueule. Un vrai bonheur, quoi !

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    1. Oui, ok, mais les artistes font chier avec leurs principes à la con aussi. Perso, pour ce qui nous concerne à savoir le Brel '77, je suis ravi d'avoir ces bonus. A partir de là, les problèmes de business ne m'intéressent pas.

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  15. Sans moi, dommage que Scott Walker ne l'ait pas emporté du coup ! Brel, grand parolier certes mais j'ai jamais supporté son maniérisme, en général quand le chant en fait des kilos je m'enfuis. Et puis musicalement parfois c'est beau, parfois nettement moins, ça dépend de qui bosse sur les disques, voire sur les morceaux, ça va un peu à l'encontre de mon culte du musicien qui fait tout de A à Z ou du moins prend les décisions, sans doute pour ça que la chanson française avant Gainsbourg m'a toujours fait fuir, le chanteur d'un côté, le parolier de l'autre, le compositeur, l'arrangeur, le producteur et l'éditeur qui a engagé tout ce monde là, on ne sait plus bien de qui est l'album à la fin.

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    1. Tu entends du maniérisme, j'entends l'interprétation, dans le sens théâtral du sens, du texte. Brel est expressif avant tout. Je pense que Brel prenait les décisions, en premier lieu celle de choisir son arrangeur/orchestrateur, Rauber (qui bosse sur les Marquises) fut d'ailleurs un des plus réguliers le suivant jusqu'au grand écran. Ensuite, c'est son texte, sa voix qui guide l'arrangeur. N'oublions pas non plus que Brel est aussi son propre compositeur (à quelques exceptions près, Rauber composa aussi pour lui d'ailleurs). Donc l'album est avant tout de Brel, auteur, compositeur, interprète, et décisionnaire sur tout le reste. Un peu comme Gainsbourg. Et d'autres...

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  16. Je ne doute pas du pouvoir décisionnaire de Brel, après bon on s'en fout mais c'est l'anecdote du Gaitapis sur son implication (ou pas) dans les orchestrations qui m'a fait repenser à ce mode de fonctionnement typique de la variété francophone ou des majors. On va dire simplement que ses chansons ne me touchent pas, et surtout pas la façon dont il les interprète, ou surinterprète, ça doit être pour ça aussi que le théâtre me passe au dessus.

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  17. Merveilleux choix Zorno. Brel est immortel, ça j'en suis sûr, il ne fait pas croire les rumeurs. Brel va bien, il dort aux Marquises.

    Quant aux bonus, je suis plutôt d'accord avec JeePeeDee, j'aime bien qu'on respecte les volontés de l'artiste. Mais ça n'a finalement pas grande importance.

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    1. Dans l'absolu, je suis de ton avis sur le respect des artistes et toussa. Sauf que je préfère avoir ces chansons que de les savoir enfermées dans quelque coffre fort où elles s'étiolent.

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