vendredi 1 février 2013

la Transe du Hors-jeu: un rebrousse-poil émoustillant

Forcément, je ne pouvais pas faire sans un hors-sujet (et hors jeu) en détournant le thème particulièrement déprimant que nous avait choisi hier Charlu. Donc, cette fois, il n'est pas question d'un album universellement reconnu et qu'on ne supporte pas mais bien d'un album universellement conspué et dont on souhaite pourtant vanter les grandes, bien que trop rarement perçues, qualités. Et donc Trans de Neil qui, dans le genre album maudit d'un artiste généralement béni par la critique et les fans, se pose furieusement bien là.
 
 
(une galette maudite en 1982 comme en 2013 !)
 
Pour bien parler de Trans et, conséquemment, bien le défendre, il n'est pas inutile, en guise de préambule, de le contextualiser dans la carrière du Loner comme dans sa vie privée, le sens, la profondeur qu'il y gagne en fait une toute autre oeuvre, plus grande.
Nous sommes donc au début des années 80, période particulièrement délicate pour les géants des années 60 et 70 comme vous le savez sans doute tous déjà. Pour Neil, tout devrait bien aller, il vient de signer un juteux contrat avec un label qui monte (Geffen) et effectue un retour discographique fébrilement attendu par une cohorte de fans d'avance enthousiastes qui voit dans cette nouvelle ère un possible renouveau après deux derniers albums pas forcément très inspirés (Hawks & Doves, Reactor) qui en seront pour leur frais quand tombera l'opus nouveau, Trans. Parce que, si professionnellement Neil a tout pour être heureux, ce bonheur est irrémédiablement entaché par le lourd handicap mental de son dernier né, Ben, et son incapacité de communiquer avec lui par des méthodes traditionnelles.
Forcément, musicien qu'il est, c'est par le truchement de son art qu'il s'essaye à l'impossible. Ce détail, non explicité à l'époque de la sortie, forcément influe largement sur l'orientation musicale de l'album, fait figure de mouton noire dans un catalogue jusque alors largement dédié au rock et à la folk. Ici, voix robotisées et synthétiseurs mènent la danse pour ce qu'il est convenu de considérer comme l'album électronique du canadien. On s'en doute, pas plus les fans que la critique ne marcha dans la combine et Trans de se retrouver voué aux gémonies tel l'affreux barbarisme que beaucoup entendaient. Pourtant la plupart des compositions se tient bien et le parti-pris expérimentaliste fonctionne plutôt mieux que ce qu'on aurait pu craindre à la description sonique du contenu. Ainsi, malgré leur vocaux vocodérisés, des chansons comme Transformer Man ou Sample and Hold valent leur pesant de chemises à carreaux et vestes en jeans... Et le reste est à l'avenant d'une création unique de (Nine Inch) Neil (avec, qui plus est, un beau casting au menu).
Album bancal, imparfait mais étonnamment attachant, Trans n'est sans doute pas l'oeuvre Younguienne la plus essentielle de sa longue et excellente discographie, on l'admettra sans peine. Passer outre serait cependant une erreur, il a gagné, avec le temps, une patine, un charme qui le rend, de l'avis de votre serviteur, nettement plus aisément "ingérable" aujourd'hui qu'à l'époque de sa parution. Et puis, un album fait avec le coeur et d'aussi nobles motifs ne peut pas être totalement mauvais, n'est-ce pas ?
 
Neil Young: guitar, bass, synclavier, vocoder, electric piano, vocal
Nils Lofgren: guitar, piano, organ, electric piano, synclavier, vocal
Ben Keith: pedal steel guitar, slide guitar, vocal
Bruce Palmer, Billy Talbot: bass
Ralph Molina: drums, vocal
Joe Lala: percussion, vocal
Frank Sampedro: guitar, stringman
Produced by Neil Young, Tim Mulligan & David Briggs

1. Little Thing Called Love 3:13
2. Computer Age 5:24
3. We R in Control 3:31
4. Transformer Man 3:23
5. Computer Cowboy 4:13
6. Hold On to Your Love 3:28
7. Sample and Hold 8:03
8. Mr. Soul 3:19
9. Like an Inca 9:46

9 commentaires:

  1. ..j'insiste.. les 80's ont ravagé les mecs déjà en circuit...pour moi le Young refera tout péter à partir de "Freedom" 89.

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    1. Les 80s ont ravagé pas mal de mec déjà en circuit, pas Neil qui y a pas mal expérimenté avant de revenir à ses racines. Trans est le parfait exemple de cette phase libre.

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    2. M'y replonge dès que possible .. ah savais pas qu'il y avait Lofgren...l'inconvénient des gravures .

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    3. Carrément, c'est pq je livre régulièrement les line-ups.

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  2. Superbe chronique pour un disque que je ne connaissais pas et pour une fois je suis plutôt d'accord avec toi plutôt qu'avec Charlu. Il y a des perles dans les années 80. Je n'aurais pas supporté ce disque dans les années 80 mais après avoir écouté Night Music d'Etienne Jaumet (tu connais ?)...Trans c'est du petit lait.

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    1. Merci pour le compliment, déjà, ça fait tjs plaisir.
      Après, venant d'un mec qui vient de détruire Pet Sounds, plus rien ne me surprend pas même des avis quelque peu caricaturaux... très tranchés, on va dire. C'est le propore des amateurs de musique d'ailleurs.

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    2. Et je reviens pour le Etienne Jaumet (vu avec une bande d'olibrius lors d'un hommage à John Cage en première partie de Marc Ribot) dont je ne connais pas l'album que tu mentionnes. Qu'en est-il exactement ?

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  3. A l'époque, cet album imparfait ne me semblait pas manquer de qualités. Ta chronique me donne envie d'y regoûter !

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  4. Va savoir pourquoi, je l'adore celui-ci!

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