vendredi 12 juillet 2013

Hare Santa Rama Rama Hare Santa Na Hare Hare (et John aussi !)

Carlos Santana, Mahavishnu John McLaughlin "Love Devotion Surrender" (1972)
ou "Fusion spirituelle"


Conspué à sa sortie par les fans de Santana n'acceptant pas le virage jazz fusion de leur poulain, album ayant depuis acquis une réputation culte bien méritée, Love Devotion Surrender est une œuvre qui touche souvent au divin.

En l'occurrence, la rencontre d'une sélection de musiciens du Santana band et du Mahavishnu Orchestra de John McLaughlin (l'autre tête d'affiche de l'album) sur une somme d'influences héritées de John Coltrane et Miles Davis (dont John a été le sideman) réactualisées à la sauce fusion mystique  fonctionne magnifiquement bien. Les latineries du Santana star mondiale chicano n’apparaissent que fort ponctuellement donc, évidemment, et on comprend le désespoir d’accros soudain privés de leur dose mais, en l’espèce, bouder son plaisir devant pareille merveille tient purement et simplement du sacrilège.

Bien sûr les deux guitaristes sont des maîtres, personne ne le niera, il n’était pourtant pas gagné d’avance que leur cohabitation se mue en l’accord parfait dont nous avons l’avantage d’être les témoins, de fait, au service de la musique plus que de leur égo, les deux rivalisent de virtuosité et de feeling sans jamais donner l’impression de vouloir manger dans l’assiette du voisin. Le répertoire – 2 Coltrane, un traditionnel et 2 originaux, le tout glorieusement bonussé de deux alternate takes dans la présente édition - est, il bien l’avouer, d’une rare grâce. Et si la formation modernise des standards tels qu’A Love Supreme ou Naima, c’est toujours avec doigté, sentiment, talent et – surtout ! -, en disciples dévoués, en respectant scrupuleusement l’esprit de cette musique prospective aspirant aux plus inaccessibles hauteurs (A Love Supreme) ou pleine de tendresse et de nostalgie (Naima, où les deux leaders dialoguent en acoustique). Et ce n’est pas tout à fait un hasard si les deux originaux de l’album, The Life Divine et Meditation (signés McLaughlin) évoqueront à parts égales le Mahavishnu Orchestra de John et les fusionnantes années de Miles en ne perdant toutefois jamais de vue les guides spirituel (Sri Chinmoy) et artistique de l’album (John Coltrane). Finalement, seul le traditionnel (Let Us Go Into the House of the Lord, déjà repris par Pharoah Sanders) rappellera un tant soit peu l’œuvre du moustachu Carlos tout en restant admirablement cohérent dans un ensemble jazz prog ici élevé par la double caution d’un duo de choc en osmose intégrale.

Que dire de plus ? Ah, oui, que Love Devotion Surrender est un album essentiel.


1. A Love Supreme 7:51
2. Naima 3:12
3. The Life Divine 9:28
4. Let Us Go into The House of the Lord 15:45 
5. Meditation 2:51
Bonus Tracks
6. A Love Supreme (alternate take) 7:27
7. Naima (alternate take) 2:52


Carlos Santana - guitare, chant
John McLaughlin - guitare, piano
Billy Cobham, Don Alias, Michael Shrieve - batterie
Phil Browne - percussions
Jan Hammer - batterie, claviers
James Mingo Lewis - piano
Armando Peraza - congas, percussions, chant
Doug Rauch - basse, guitare
Khalid Yasin, Larry Young - orgue


 CECI EST UN RECYCLAGE DE L'ANNEE DU DRAGON  

5 commentaires:

  1. Tu as tout dit...
    Un véritable joyau que cet album qui aura aussi été transitoire, plus pour Santana que pour John Mc Laughlin, d'ailleurs.
    Santana avait beaucoup fait les premières parties de Miles dans la période dite électrique et bien sur l'influence est majeure même si ici, c'est Coltrane qui prédomine.
    D'un coté Mc Laughlin va véritablement reprendre en mains agiles sa carrière solo et quelle carrière ! Passé le Mahavishnu, il va aussi se lancer dans Shakti dont on pige ici les racines, puis un retour électrique dont on entend ici plusieurs bases également.
    Carlos va ensuite oser tomber de temps à autre des petites pépites qui flirtent jazz/rock - jazz rock, fusion... (The swing of Delight)...
    Bref, en ces temps encore bénis le transfert d'étiquette importait peu, seule comptait la musique et le projet artistique.
    Et puis Trane en version électrique fusion, ça a aussi ouvert la voie à l'oser, comme le fit plus tard Liebman...
    Essentiel, oui pour sûr.
    Et puis comment se refuser un tel casting de zicos...

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  2. J'voudrais ajouter un petit bémol à ce concert de louanges, il existe (à mes yeux) une énorme différence entre les deux guitariste. L'un est un impulsif, tout au feeling, l'autre un intellectuel du manche, passant des heures à descendre des gammes, de façon à comprendre pourquoi la jouer dans telle tonalité qu'une autre! Il en résulte une maitrise technique qui passe comme une lettre à la poste pour l' originaire du Yorkshire, alors que son compère "s' arrache" pour faire sonner ses notes. J'ai vu deux fois Carlos (le musicien, pas le terroriste), une fois dans les années 70, et une seconde fois bcp plus proche. Et j'ai ressenti chaque fois la même chose: si le feeling est là, les efforts aussi. Je sais, beaucoup aimerait jouer comme lui, mais il n'est pas le monstre de technique qu'on lui met sur le dos. Et cela s'amplifie avec le temps (vu à la tv récemment en live, et il m'a fait pitié, interprétant de la guimauve et étant poussif un max). Il fut un super grand en jouant du rock latino (ou l'émotion l'emporte sur la technique), il aurait du lui aussi descendre des gammes pour pouvoir rivaliser (ce qui se traduit par être au même niveau) avec le buveur de thé (ou autre).

    Il demeure que cet album est une pure merveille, alliant le brut de pomme, heu...téquila au velouté british. Mais tout ce propos n'engage que moi.

    ps: j' ajouterai que McLaughlin (le seul shredder qui ne m'ennuie pas) est dans mon top 5 des guitaristes, et que Carlos est classé bon guitariste, et la liste est (très) longue.

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    1. Je te rejoins là dessus.
      Il y a longtemps Best chroniquait de façon intempestive que Carlos Santana était le "guitariste le plus important depuis Jimi Hendrix"...
      ah bon m'étais je dit ? - adolescent alors je crois qu'une telle affirmation m'avait fait progressivement changer de revue musicale.
      En effet, Santana est un écumeur de clichés, mais ceci dit, malgré tout, avec de telles rencontres il a voulu viser plus haut, émoustillé qu'il fut lorsqu'il rencontrait Miles qui lui assurait en seventies oblige... ses premières parties...

      Mc Laughlin n'est effectivement que rarement ennuyeux, il a tellement à son actif d'albums esthétiquement novateurs que le résumer à un simple shredder est effectivement très réducteur et serait oublier l'énorme musicien/artiste/compositeur qu'il est.
      Donc je souscris à ce propos modérateur d'enthousiasme tout en maintenant que cet album encore jeune et donc fougueux reste un beau pavé (même si, effectivement John est déjà barré dans des sphères que n'attendra jamais Carlos...)...
      Je ne bois pas de thé mais avec un bon whisky cela ne m'empêche pas de rester un inconditionnel de John Mc Laughlin avec ou sans Mahavishnu, avec ou sans Shakti donc tout court...
      Quand à Santana que j'écoute peu mais qu'on m'oblige parfois à jouer, il a tout de même fait quelques petits bijoux que j'ai d'ailleurs chroniqués au début des positionnements de mon blog.
      Comme ça, je retiens Festival - Borboletta - Moonflower - et celui sus-cité...
      Bref, pas vraiment un débat mais plutôt une réalité incontestable que cette rencontre qui oblige la comparaison sans pour autant laisser dupe, il suffit effectivement juste d'ouvrir les oreilles.
      Mais ça valait le coup qu'ils le fassent tout de même cet album... et puis... un sacré casting !...
      Allez, un petit "are you the one ?", juste pour dire...
      à +

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    2. Oui, Santana n'est pas le guitar-god qu'on décrit généralement. Dans un style comparable, Gary Moore lui met la taule.

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    3. Santana, le groupe, m'a beaucoup plu, quand il a eu sa période prog, il y a eu des morceaux de toute beauté. Mais quand ça tourne au carnaval de Rio, j'abandonne!

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