jeudi 14 mai 2015

Drôle d'Endroit pour une Rencontre...

Des rencontres qui tombent sous le sens, d'autres qu'on n'attendait pas, des instants ou deux mondes se confrontent, se mêlent, s'accouplent pour le meilleur et pour le pire. Ici, forcément, il ne sera question que du meilleur ! Drôle d'endroit pour une rencontre ? Une belle rencontre ! Enjoie !

L'éToNNaNTe ReNCoNTRe
Spooky Tooth avec Pierre Henry "Ceremony" (1969)
ou "Pierre et les Garçons"

Une messe progressivo-électronique par un des inventeurs du rock progressif et un musicien d'avant-garde contemporaine français généralement connu pour sa collaboration avec Maurice Béjart ? Un projet aussi étrange que réussi !
Etrange parce qu'on peut, si on ne saisit pas le décalage qu'intime Pierre Henry aux compositions somme toute classiques de Spooky Tooth, parce les plaintes électroacoustiques de ses machines ne viennent pas souligner mais bien créer un contrechant, une ambiance différente à ce qui aurait été, sinon, un bête album de proto-progressive rock. Réussi parce que, si l'un, les aliènes créations du régional de l'étape, interfère avec la normalité du second c'est souvent pour que l'emphase de cette messe, puisque c'en est une, soit d'autant plus mystique, futuriste et, parfois, d'un humour péri-dadaïste (l'étrange babil de Jubilation). On ne regrettera, finalement, qu'un mix où la partie de Pierre Henry n'aurait pas été si outrageusement mise en avant cachant parfois les créations du groupe qu'il est sensé accompagner. Parce que, côté Spooky Tooth, c'est de bel ouvrage dont il s'agit, un heavy prog ronflant d'orgue, orné de moult acrobaties guitaristiques, et ô combien bien vocalisé par les organes chauds de Gary Wright et Mike Harrison.
L'alliance de la carpe et du lapin, une sorte d'ornithorynque musical ? Assurément. L'album n'en est, d'ailleurs, que plus attrayant et assurément recommandé à ceux qui apprécient les projets hors du commun, à priori casse-binettes mais finalement couronnés de succès.

1. Have Mercy 7:53
2. Jubilation 8:26
3. Confession 6:48
4. Prayer 10:51
5. Offering 3:29
6. Hosanna 7:36


Pierre Henry – synthesizer, electronics
Gary Wright – vocals, Electronic organ, keyboards
Luther Grosvenor – guitars
Mike Harrison – vocals, keyboards
Mike Kellie – drums and percussion
Andy Leigh – bass, guitar

Pierre Henry avec Spooky Tooth

MeeT Me aT THe CRoSSRoaD
Canned Heat and John Lee Hooker "Hooker 'n Heat" (1971)
ou "Noir et Blancs Blues"

Des petits blancs avec le vent en poupe qui donne un coup de main à un vieux maître un peu oublié ou l'adoubement d'une formation prometteuse par un pape du genre ? Quoiqu'il en soit, la rencontre mythique de Canned Heat et John Lee Hooker vaut le détour !
Dans les faits, Hooker 'n Heat est une drôle de créature tricéphale où voisinent performances solo du vieil Hooker, quelques duos entre le vieux maître et Alan "Blind Owl" Wilson, et des performances incluant les deux précités ainsi que tout le line-up, le nouveau line-up avec les arrivées du guitariste Henry Vestine (un retour en fait) et du bassiste Antonio de la Barreda suite à une double défection au profit des Bluesbreakers de John Mayall, de Canned Heat.
Souvent intensément laidback, la sélection coule comme un Mississipi paresseux vers son delta, roots en diable, authentique et dépourvue de tout artifice de modernité comme, évidemment, la première partie, 9 titres tout de même, entièrement dévolue à Hooker et à son blues si typique avec des hauts (l'intense The Fellin' Is Gone en pinacle suivi de près par un Burning Hell tout près des étoiles) et d'autres de qualité aussi si un peu routiniers (Send Me a Pillow ou Drifter) qui viennent un marginalement tempérer l'enthousiasme pour la partie solo du vieux maître. Suivent les duos entre Hooker et Blind Owl, trois au total, où la jeune pousse supporte aptement le bluesman de son piano (sur l'entraînant Bottle Up and Go, le talking blues The World Today, un des musts de l'album) ou à la guitare (I Got My Eyes on You, une version ainsi nouvellement titrée, pour des raisons de droit sans doute, du classique de John LeeDimples). Last, but certainly not least, viennent les pleines collaborations entre Hooker et le Heat, enfin ! Et c'est un festival de 5 titres où la joie du jeu est non seulement audible mais communicative avec, en sommet himalayen de blues suant et dansant, un Boogie Chillen de plus de 11 minutes... Légendaire !
Alors, certes, la rencontre ne se fait que brièvement, on le regrettera, mais comme le reste est beau, blues et beau, que le tout fait une collection de blues de qualité si supérieure qu'on ne devrait même pas avoir à le recommander. Oui, carrément.

CD 1
1. Messin' with the Hook 3:23
2. The Feelin' Is Gone 4:32
3. Send Me Your Pillow 4:48
4. Sittin' Here Thinkin' 4:07
5. Meet Me in the Bottom 3:34
6. Alimonia Blues 4:31
7. Drifter 4:57
8. You Talk Too Much 3:16
9. Burning Hell 5:28
10. Bottle Up and Go 2:27

CD 2
1. The World Today 7:47
2. I Got My Eyes on You 4:26
3. Whiskey and Wimmen' 4:37
4. Just You and Me 7:42
5. Let's Make It 4:06
6. Peavine 5:07
7. Boogie Chillen No. 2 11:33

John Lee Hooker - vocals, guitar (all)
Alan Wilson - guitar, harmonica, vocals (CD 1 10, CD 2)
Adolfo de la Parra – drums (CD 2 3-7)
Henry Vestine – guitar (CD 2 3-5, 7)
Antonio de la Barreda - bass (CD 2 3-7)

Canned Heat

PSyCHé-FeRRé (Le ReGioNaL De L'éTaPe)
Léo Ferré et Zoo "La Solitude" (1971)
ou "Léo en Liberté"

Jamais le dernier à embrasser son temps, ni à recruter le talent là où il se trouve, Léo Ferré engage les psyché hard-rockers de Zoo pour son cru de 1971, La Solitude.
Bon, Léo les avait déjà testé sur deux titres d'Amour Anarchie donc, pas folle la guêpe, il savait où il allait, le vieil anar !, mais, tout de même, il fallait oser (alors qu'Eddy, un peu suiveur sur le coup, réitérera la chose avec deux groupe, Magma en plus des collaborateurs de Ferré, un an plus tard, sur Zig Zag). Qui plus est, Léo se garde quelques titres rien qu'à lui 2 au total et pas des moindre (les délicats et orchestraux Ton Style et Tu ne dis jamais rien) histoire peut-être, un compromis ?, de ne pas totalement aliéner son public fidèle d'exactions trop jeunistes pour être universellement bien vues. Mais donc, le gras, l'attraction de la galette, ce sont les 7 titres avec Zoo où, surprise, Léo n'est pas aussi enragé qu'on eût pu l'imaginer. De fait, plus qu'une amalgamation du style de Zoo et de celui de Ferré, c'est plus à l'accompagnement du second par les premiers auquel nous assistons tant Zoo, en l'espèce, joue exactement ce qu'on aurait imaginé sans avoir écouté. Ceci dit, pour prévisible que soit la performance, elle ne manque ni de grâce ni de panache comme exemplifié par un magnifique, poignant et épique La Solitude en introduction de l'album ou, plus loin, A mon Enterrement et la diatribe finale du Conditionnel de la Variété. Ce qui reste, pas les restes ! hein !, tire parfois Léo vers des territoires moins évidents pour lui (Les Albatros et Faites l'Amour, Dans les "Night" typiques d'un rock fusionnant et cruivré pas très éloigné du style pratiqué par le Chicago originel et autres Blood Sweat & Tears populaire en ce début des septante, Les "Pop" et ses volutes psychédéliques si savoureuses). On y sent parfois Léo moins à son aise mais, le talent !, jamais perdu dans ce qui demeure de l'excellent boulot par un grand professionnel inspiré accompagnés de musiciens ô combien talentueux.
Certains dirent que Barclay, essayant de revitaliser l'image d'un de ses vieux artistes, imposa Zoo à Léo, personnellement, vu la personnalité du mec, je n'y crois pas une seule seconde, d'autant moins que la réussite est là, éclatante, démontrant que Monsieur Ferré, ce vieil anar, ce merveilleux auteur, compositeur et arrangeur savait tout faire en chanson et transformer l'art mineur en œuvre majeure, comme ici. Chapeau Zoo !, mais surtout Chapeau Léo !

1. La Solitude 5:21
2. Les Albatros 3:09
3. Ton style 3:37
4. Faites l'amour 4:11
5. À mon enterrement 3:19
6. Les Pop 5:07
7. Tu ne dis jamais rien 5:56
8. Dans les « Night » 4:12
9. Le Conditionnel de variétés 4:57

Léo Ferré - chant
&
Zoo (pistes 1, 2, 4-6, 8, 9)
André Hervé : orgue électrique, piano, guitare électrique
Michel Ripoche : trombone, saxophone ténor, violon électrique
Daniel Carlet : saxophones alto, baryton, soprano, flûte, violon électrique
Michel Hervé : basse électrique
Christian Devaux : batterie
&
(pistes 3, 7)
Les musiciens de la formation symphonique assemblée par Léo Ferré n'ont pas été identifiés à ce jour.

Léo Ferré et Zoo

eN aVaNTGaRDie
John Cale and Terry Riley "Church of Anthrax" (1971)
ou "Terry à fond de Cale"
 
Voilà une rencontre qui a dû en surprendre plus d'un quand, en 1971, elle apparut dans les bacs des disquaires.
Surprendre surtout ceux qui ne savaient pas qu'avant le Velvet Underground et son premier album solo (l'excellent Vintage Violence), John Cale avait frayé avec quelques olibrius chantres d'un avant-garde minimaliste alors naissant et, en particulier, avec le Theatre of Eternal Music de La Monte Young.
Parce qu'ici, à l'exception de l'accessoire et déplacé The Soul of Patrick Lee (pas un mauvais titre cependant), pas de chansonnettes mais une musique instrumentale habitée où Terry Riley "drone", sa spécialité, et Cale illustre en multi-instrumentiste passionné et passionnant. Et si on sent bien qu'on a affaire à une jam c'est surtout à une création musicale d'une grande beauté qui nous est proposée, une musique qui sait se faire relaxante sans jamais perdre de son ambition et ambitieuse sans jamais se prendre la tête, où les influences world, jazz ou classiques apportent leur lot d'épices à la création, où les univers et acquis de deux Hommes s'imbriquent à la perfection.
Longtemps indisponible, outre quelques versions pirates peu recommandables circulant sous le manteau, il est bon de retrouver ce Church of Anthrax aussi stellaire que possédé, un petit bijou de musique avant-gardiste ET écoutable par deux grands messieurs au riche catalogue. Recommandé !

1. Church of Anthrax 9:05
2. The Hall of Mirrors in the Palace at Versailles 7:59
3. The Soul of Patrick Lee 2:49
4. Ides of March 11:03
5. The Protégé 2:52

John Cale – keyboards, bass guitar, harpsichord, piano, guitar, viola, organ
Terry Riley – piano, organ, soprano saxophone
&
Adam Miller
– vocals on "The Soul of Patrick Lee"
Bobby Colomby – drums
Bobby Gregg – drums

John Cale

2 HeaDS aRe BeTTeR THaN oNe
David Byrne & Brian Eno "My Life in the Bush of Ghosts" (1981)
ou "Meet Me in the Ether"

Quand David, alors leader des Talking Heads, et Brian, leur producteur, se lancent dans un projet où ils laissent libre court à leurs envies et leurs imaginations, ça donne ce drôle d'album où minimalisme et exploration vont, main dans la main, sur l'escalier du paradis.
Enregistré lors du break des Talking Heads suivant la tournée promotionnelle de Fear of Music et l'enregistrement de Remain in Light, My Life in the Bush of Ghosts est, à l'époque, la collaboration d'un musicien et producteur et du leader d'un des groupes qu'il met alors en son pour le divin résultat que nous connaissons. Eno et Byrne y mêlent leurs intérêts musicaux respectifs, un peu de world music, un peu de funk, un peu d'ambient, beaucoup d'âme, en une fusion qui, sans l'ombre du moindre doute, influencera les accomplissements à venir de Byrne et de sa formation (en particulier sur Remain in Light, c'est l'évidence), rien que pour ça, l'album est indispensable. Mais en plus il est bon, diablement bon ! Evidemment parce que les deux créateurs ont trouvé quelques excellentes mélodies et su les habiter de leurs qualités de multi-instrumentistes mais, aussi, parce que la palette des invités choisis apporte un vrai plus, un panorama sonore riche et nuancé, à la création des deux messieurs. Pour ne pas gâcher le plaisir de ceux qui n'auraient pas encore eu l'honneur et l'avantage de plonger dans cet authentique chef d'œuvre, on n'en dévoilera pas plus sauf à dire que le décollage y est immédiat et le voyage supérieurement trippant.
En faisant se rencontrer l'Europe d'aujourd'hui et le reste du monde dans ses traditions ancestrales, David Byrne et Brian Eno ont créé avec My Life in the Bush of Ghosts un album non seulement immensément avant-gardiste mais aussi, surtout !, une œuvre d'une beauté à couper le souffle qui, plus de trois décennies après sa sortie, n'a pas tant pris de ride que gagné une patine le rendant, encore un peu plus dans sa version bien remasterisée et richelement bonussée, on peut le dire, indispensable.

1. America Is Waiting 3:38
2. Mea Culpa 4:57
3. Regiment 4:11
4. Help Me Somebody 4:17
5. The Jezebel Spirit 4:56
6. Very, Very Hungry 3:21
7. Moonlight in Glory 4:30
8. The Carrier 4:19
9. A Secret Life 2:31
10. Come with Us 2:42
11. Mountain of Needles 2:39
Bonus
12. Pitch to Voltage 2:38
13. Two Against Three 1:55
14. Vocal Outtakes 0:36
15. New Feet 2:26
16. Defiant 3:41
17. Number 8 Mix 3:30
18. Solo Guitar with Tin Foil 3:00

David Byrne and Brian Eno – guitars, bass guitars, synthesizers, drums, percussion, found objects
&
John Cooksey – drums on "Help Me Somebody" and "Qu'ran"
Chris Frantz – drums on "Regiment"
Michael "Busta Cherry" Jones – bass guitar on "Regiment"
Dennis Keeley – bodhrán on "Mea Culpa"
Bill Laswell – bass guitar on "America Is Waiting"
Mingo Lewis – batá, sticks on "The Jezebel Spirit" and "The Carrier"
Prairie Prince – can, bass drum on "The Jezebel Spirit" and "The Carrier"
José Rossy – congas, agong-gong on "Moonlight in Glory"
Steve Scales – congas, metals on "Help Me Somebody"
David Van Tieghem – drums, percussion (scrap metal, found objects) on "America Is Waiting" and "Regiment"
Tim Wright – click bass on "America Is Waiting"
Rooks on "Help Me Somebody" courtesy of April Potts, recorded at Eglingham Hall

Brian Eno & David Byrne

CaNaFoRNia üBeR DaLi
Jello Biafra with NoMeansNo "The Sky Is Falling and I Want My Mommy" (1991)
ou "Rencontre énervée"

Compagnons de label, d'un certain goût de l'indépendance, d'une certaine esthétique punk, d'une commune intelligence pas m-as-tu-vu pour deux sous, la rencontre de l'ex-Dead Kennedys Jello Biafra et du trio canadien le plus barré de la galaxie, NoMeansNo, fait sens, comme le démontre leur album de 1991, The Sky Is Falling and I Want My Mommy.
En fait, la rencontre tombe tellement sous le sens qu'on obtient, en toute logique, un album exactement tel qu'on l'imaginait, où les Wright Brothers et leur complément d'alors, Andy Kerr, fouraillent leur habituel hardcore angulaire fait de riffs peu communs, presque math-rock oserait-on, et d'un emportement toujours sous contrôle (parce que ces messieurs sont de brillants instrumentistes en plus d'être d'authentiques keupons) en écrin des rageuses diatribes du colérique Jello. Pas surprenant, donc, mais diablement efficace avec un NoMeansNo en forme de Dead Kennedys décalé, post-apocalyptique presque avec même des surprises (ces faux cuivres sur Bruce's Diary, un Bad à la Ramones, d'ailleurs crédité à l'incarnation jumelle des frères, les Hanson Brothers, ou le presque progressif Sharks in the Gene Pool) sur un album sinon un poil attendu, c'est son seul défaut.
Des nombreuses collaborations de Jello avec d'autres formations que celle qui la vit briller de ses premiers feux, celle avec DOA un an plus tôt et cet impossible The Sky Is Falling and I Want My Mommy sont indéniablement les plus réussies, et les plus recommandées, donc.

1. The Sky Is Falling, and I Want My Mommy (Falling Space Junk) 3:15
2. Jesus Was a Terrorist 2:34
3. Bruce's Diary 5:19
4. Bad 2:18
5. Ride the Flume 2:38
6. Chew 8:47
7. Sharks in the Gene Pool 6:34
8. The Myth Is Real - Let's Eat 5:45

Jello Biafra - vocals
John Wright - drums, vocals
Rob Wright - bass, guitar
Andy Kerr - guitar, bass
&
Cecil English - background vocals
Craig Bougie - background vocals
Mark Critchley - background vocals

Jello Biafra

Le VieuX JeuNe eT Sa MoNTuRe D'eMPRuNT
Neil Young (& Pearl Jam) "Mirror Ball" (1995)
ou "Young Jam"

Troquer son vieux Cheval Fou pour de la Confiture de Perles ? C'est la drôle d'idée qui prit Neil Young et déboucha sur ce Mirror Ball de 1995, un bel album au demeurant.
En fait, Neil, plus exactement dans sa phase exploratoire multi-genres de la fin des années 70 et des années 80, se la joue "safe" se servant, en substance, de Pearl Jam comme d'un Crazy Horse rajeuni. Tout est, en fait, parti d'une rencontre scénique quelques jours plus tôt lors d'un concert pro-choice organisé à Washington DC. Tombés respectivement sous le charme de l'autre, le vieux canadien et les jeunes gars en chemise à carreaux de Seattle décident rapidement d'organiser une session, dans la ville des derniers, qui se tiendra du 26 janvier au 10 février 1995. Une chanson mise à part, Peace and Love coécrite par Young et un Eddie Vedder en duo vocal aussi (alors que le reste de l'album relègue Vedder au rang de choriste, tâche dont il se sort avec les honneurs), toutes les compositions sont de Neil et, en toute logique, ressemble au répertoire rock du canadien. A ce qu'il y a de bon, de juteusement électrique dans le répertoire du Loner comme sur l'épique I'm the Ocean, le frontal Song X, n'oubliant pas, parfois, d'adoucir notablement le ton comme sur le sensible et poignant Truth Be Told. Le tout, brut de décoffrage dans la mise en son, suant l'honnêteté par tous les pores de son cuir, est un Young classique de qualité, presque du niveau de l'exceptionnel Ragged Glory, pour situer.
Un vieux rocker et une valeur montante de ce qu'on appelait alors encore le grunge ? Une rencontre qu'on ne peut que conseiller de visiter souvent, on ne devrait pas avoir à en dire plus... Ha, si ! Bravo messieurs et vous remettez le couvert quand vous voulez, pour le 20ème anniversaire ? Chiche !

1. Song X 4:40
2. Act of Love 4:54
3. I'm the Ocean 7:05
4. Big Green Country 5:08
5. Truth Be Known 4:39
6. Downtown 5:10
7. What Happened Yesterday 0:46
8. Peace and Love 7:02
9. Throw Your Hatred Down 5:45
10. Scenery 8:50
11. Fallen Angel 1:15

Neil Young – vocals, electric guitar, acoustic guitar, pump organ
&
Pearl Jam
Jeff Ament – bass guitar
Stone Gossard – electric guitar
Jack Irons – drums
Mike McCready – electric guitar
Eddie Vedder – vocals on "Peace and Love", background vocals

Neil Young & Pearl Jam

TRaVaiL au CoRe
The Dillinger Escape Plan with Mike Patton "Irony Is a Dead Scene" (2002)
ou "Chaos & Grace"

Quand the Dillinger Escape Plan cherche un chanteur, qu'il se trouve, justement, que Mike Patton (Faith No More, Mr. Bungle, Fantômas, Tomahawk, etc.) est disponible, il tombe presque sous le sens que les deux se rencontrent et collaborent à un projet hélas sans lendemain, hélas parce que si brillamment réussi qu'on en aurait voulu plus.
Au programme, quatre petites chansons, mais quelles chansons ! L'impression est, de fait, que le Dillinger Escape Plan essaye tous ses trucs habituels (gros riffs angulaires supra-techniques et patterns inhabituels dans un chaos contrôlé par ces excellents instrumentistes) avec, en supplément ô combien décisif, les vocalises diverses et variées d'un Patton, on le sait, aussi capable de cris que de jolies mélodies. A décrypter chaque titre, on se rend compte que non seulement la collaboration offre un écrin idéal aux vocalises de ce diable de Mike mais qu'elle semble fourbir de nouvelles armes pour un combo en certaine et impressionnante progression, ceci ne valant évidemment que pour les 3 originaux de la galette. La 4ème piste, une reprise de l'addictif et bizarroïde Come to Daddy d'Aphex Twin, complète aptement le tableau d'un brin d'étrangeté qui va admirablement au teint de l'association et conclut une parfaite tracklist confirmant que les défauts majeurs du projet sont bien son extrême brièveté (18 minutes) et son côté "sans lendemain".
Vous aimez le metal progressif aliéné mais pas exempt de toute accroche mélodique, le bruit et le chaos vous font d'autant moins peur qu'ils sont parfaitement exécutés et doté d'un vrai supplément d'âme (Patton !) et un vrai fun "d'écoutage" ? Irony Is a Dead Scene est pour vous, c'est aussi simple que ça.

1. Hollywood Squares 4:06
2. Pig Latin 3:31
3. When Good Dogs Do Bad Things 5:59
4. Come to Daddy 4:09

Liam Wilson – bass
Adam Doll – keyboards, sampling
Chris Pennie – drums, keyboards
Ben Weinman – lead guitar, keyboards
Brian Benoit – rhythm guitar
Mike Patton – lead vocals, percussion, samples, keyboards

Mike Patton

iNDie SuMMiT
Vic Chesnutt (with Thee Silver Mt. Zion & Tra-La-La Band) "North Star Deserter" (2007)
ou "Vic and Co"

Marier la fragilité acoustique d'un Vic Chesnutt avec le post-rock orchestral des canadiens de Thee Silver Mt. Zion tenait, à priori, du mariage de la carpe et du lapin. Force est de constater, à l'écoute de cet extatique North Star Deserter que l'impossible fut accompli.
Peut-être parce que le producteur de l'album, Jem Cohen, celui à qui vint l'évidence qu'il fallait réunir ce chanteur et guitariste paraplégique, ce collectif canadien post-rockant et quelques figures de la scène indé nord-américaine dont Guy Picciotto de Fugazi ou Bruce Cawdron de Godspeed You! Black Emperor, est en fait un réalisateur de documentaires contemplatifs, le projet prend des allures qu'on n'aurait pas imaginé sur ce qui reste, fondamentalement, un album de Vic Chesnutt (compositeur de 11 des 12 titres, le dernier étant une reprise de Nina Simone, Fodder on Her Wings). Mais c'est bien par la rencontre de deux univers à priori pas destinés à s'épouser, par la création d'une œuvre combinant la fragilité folk de Chesnutt au vertigineux crescendos de ses compagnons de circonstance. Le miracle c'est que Thee Silver Mt. Zion ne perturbe pas la précieuse et fragile écriture de Vic, bien au contraire !, les canadiens contribuent à booster, à porter vers de vertigineux sommets, d'épiques chansons orchestrales, cette voix (faussement) mal assurée, cette guitare trompeusement simpliste (Vic , partiellement paralysé suite à un accident de la route, n'ayant qu'un usage incomplet de ses mains, on apprécie la performance, autant que l'adaptabilité et la force de caractère du bonhomme), ce naturel presque atone qui prend, présentement, des couleurs et des atours insoupçonnés. On citerait volontiers quelques titres en les décrivant pour attirer le chaland, et puis non, il suffira de dire que la magie opère de la première à la dernière note dans ce qui est, ce n'est pas peu dire, la plus belle réalisation de Chesnutt qui, hélas, nous quittera deux courtes années après la sortie du présent haut-fait.
Que dire de plus si ce n'est que, recommandé comme rarement on recommandât, North Star Deserter est un triomphe de finesse et de grâce, un album rare comme on aimerait en entendre beaucoup plus souvent, un indispensable de toute collection se respectant, tous genres confondus. Vous hésitez encore ?

1. Warm 3:00
2. Glossolalia 3:32
3. Everything I Say 6:53
4. Wallace Stevens 2:17
5. You Are Never Alone 5:42
6. Fodder On Her Wings 3:12
7. Splendid 8:29
8. Rustic City Fathers 4:23
9. Over 4:00
10. Debriefing 8:27
11. Marathon 5:34
12. Rattle 1:29

Played by Vic Chesnutt with
- Thee Silver M. Zion & Tra-La-La Band
&
- Guy Picciotto
- Chad Jones
- Nadia Moss
- Eric Craven
- Geneviève Meister
- Bruce Cawdron
- T. Griffin
- Howard Bilerman

Vic Chesnutt

eXTRaTeRReSTRiaL MeeTiNG
Scott Walker  + SunnO))) "Soused" (2014)
ou "Le drone de Scott"

Sur le papier on pouvait craindre le pire comme espérer le meilleur. Pensez, la rencontre d'un ex-pop singer passé à l'avant-garde et une formation s'étant fait connaître pour son drone metal sans concession, Scott Walker et SunnO))), un beau duo d'étranges !
Indubitablement, si on reconnaît régulièrement les drones de Greg Anderson et Stephen O'Malley, textures électriques à l'assumée monotonie héritées des plus ancestrales musiques monacales moyenâgeuses, c'est le ténébreux sexagénaire américain qui domine la galette. Ce qui n'est que logique sachant qu'il en est le compositeur, parolier, arrangeur, producteur, bien assisté par Mark Warman et Peter Walsh et, donc, les deux de SunO))) qui sont tout de même plus que de simples musiciens de complément.
Concrètement, ce sont cinq longues plages maladives, suites logiques des explorations musicales de Walker depuis Tilt, qui nous sont proposées. Rien qui ne surprendra les observateurs attentifs de la seconde carrière de Scott, largement de quoi déstabiliser les afficionados des "droneux", plus habitués à un ambient metal tout en fuzz qu'à ces cascades déconstruites. Ceci dit, et c'est peut-être LA surprise de Soused, l'apport du plus extrême des deux, sur le papier au moins, amène une étonnante tempérance à l'art du premier. Il faut dire aussi qu'avec une équipe resserrée, comparativement aux castings imposants de ses précédentes créations, l'album tend à une ascèse à laquelle monsieur Engel (le vrai nom de Walker) ne nous avait jamais habitué, même dans la phase pop de sa (jeune) carrière aux mélodramatiques élans toujours aussi recommandés.
En découle un album pas exactement agréable, ce n'est jamais le but que ce soit pour Walker ou SunO))) qui, pour le coup, se sont bien trouvés, mais indéniablement plus accessible que ne le fut aucun album de Scott depuis Climate Of Hunter. On n'a évidemment toujours pas affaire à des chansons dans le sens classique du terme, et chaque pièce sera mieux considérée comme un mouvement d'un opéra électroacoustique moderne qu'une offre compatible aux ondes radiophoniques où la beauté, souvent, perce la carapace d'ombres angoissantes.
En un mot comme en mille ? Pas facile mais ultimement recommandé !

1. Brando 8:42
2. Herod 2014 11:59
3. Bull 9:21
4. Fetish 9:08
5. Lullaby 9:22

Greg Anderson (Sunn O)))) - guitar, Moog synthesizer
Stephen O'Malley (Sunn O)))) - guitar, Moog synthesizer, feedback, bass, sleeve design, type
Scott Walker - vocals, production, composer, drum programming, mixing
&
Mark Warman
- audio manipulation, drum programming, electronic treatments, keyboards, musical director, orchestration, shaker
Peter Walsh - audio manipulation, drum programming, effects, electronic treatments, keyboards, mastering, mixing, producer
Tos Nieuwenhuizen - guitar, introduction, Moog synthesizer
Dot Allison - vocals
Guy Barker - trumpet
G'ast Bouschet - trumpet
Andy Findon - keyboards
Ian Thomas - drums
Sam Walsh - vocals

Scott Walker & SunnO)))

11 commentaires:

  1. Drôle d'endroit pour une rencontre...

    Spooky Tooth & Pierre Henry "Ceremony" (1969)
    - http://www19.zippyshare.com/v/O53PFeiO/file.html

    John Lee Hooker & Canned Heat "Hooker 'n Heat" (1971)
    - http://www19.zippyshare.com/v/3mMRSmEB/file.html

    Léo Ferré et Zoo "La Solitude" (1971)
    - http://www19.zippyshare.com/v/dCWe0xVc/file.html

    John Cale and Terry Riley "Church of Anthrax" (1971)
    - http://www19.zippyshare.com/v/f9t0F0rD/file.html

    David Byrne & Brian Eno "My Life in the Bush of Ghosts" (1981)
    - http://www19.zippyshare.com/v/mEGPDFWy/file.html

    Jello Biafra & NoMeansNo "The Sky Is Falling and I Want My Mommy" (1991)
    - http://www19.zippyshare.com/v/ErFndsTT/file.html

    Neil Young & Pearl Jam "Mirror Ball" (1995)
    - http://www19.zippyshare.com/v/faz9SEaT/file.html

    The Dillinger Escape Plan with Mike Patton "Irony Is a Dead Scene" (2002)
    - http://www19.zippyshare.com/v/KrsUGwpE/file.html

    Vic Chesnutt (featuring Guy Picciotto & A Silver Mt. Zion) "North Star Deserter" (2007)
    - http://www19.zippyshare.com/v/Cu1wPI4y/file.html

    SunnO))) & Scott Walker "Soused" (2014)
    - http://www19.zippyshare.com/v/li3tBodK/file.html

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  2. Euh ? Même pas un petit Zorn à l'horizon ?!? ;-°
    Cette histoire sent la "tempête cérébrale" à plein nez !
    Je tente le Pearl Young, mais pas plus !!!

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    1. Hé non, pas de Zorn cette fois, pas à chaque fois, quand même !
      Tempête cérébrale ? Dommage, tu perds :
      - une bizarrerie bien sentie
      - du blues séminal
      - de la francophonie intelligente
      - de l'avant-garde pas abscond
      - du pré-worldbeat plein de grâce
      - une belle grosse colère
      - une autre plus en finesse
      - un vrai moment de grâce indie
      - et un objet sonore non identifié tout à fait recommandable.

      Dommage, vraiment.

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  3. Ça me plait bien ça les rencontres ...
    Je charge avec plaisir Hooker 'n Heat dont je ne me souviens pas, La solitude avec Zoo, et je m'empresse aussi de me jeter urgemment corps et âme sur Vic Chesnutt ( j'ai l'habitude de fondre sous le déluge SMZ, GYBE et autres perles de chez Constellation) !
    Et puis un petit Young ou NoMeansNo ne font jamais de mal !
    Merci à toi et bonne journée.

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    1. Ha ! Enfin de la curiosité, de l'ouverture ! Enjoie, Nestor ! Et merci de ton éclairé passage ! Tu vas voir, ou plutôt entendre, ce Chesnutt, c'est quelque chose !

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    2. Heyo !
      Marrant ça, le dimanche d'après mon passage ici, je trouvais le 33t de Ferré/Zoo dans un improbable bric-à-brac ! (et aussi en passant, un super 45t enregistré à Bobino en 1969 avec La révolution, les anarchistes ...).
      Mais je reviens là surtout pour te remercier de cette découverte grandiose avec le disque North Star Deserter, découverte qui m'a poussée à creuser dans l'oeuvre du gars Chesnutt que je connaissais assez mal. Dur dur de trouver des vinyles pas trop hors de prix (enfin c'est surtout les frais de port qui font mal), du coup je me permets de te demander si tu as d'autres petites galettes dans ta besace, je suis gourmand, tout m'intéresse, et en particulier At the Cut, l'autre collaboration avec la bande québécoise.
      Dans un autre style, et avec le plaisir de partager aussi, je pourrais coller là des liens vers Explosion in the sky, par exemple, ou SMZ Orchestra / Godspeed ... si ça te dit.
      Bonne journée !

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    3. ps: et pour illustrer un peu mon remerciement, voilà ce que j'écoute aujourd'hui : http://www78.zippyshare.com/v/7KQi2DOA/file.html
      (en espérant que tu ne l'ai pas déjà)

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  4. Les collisions sont tjrs à jubiler. La preuve ici. Des trucs improbables comme Sunn et Walker qui a pas mal divisé.. des étapes avec The Zoo, des évidences avec Cale d'un côté et Eno de l'autre.. et puis Chesnutt hébergé sous les tuiles de l'hotel2tango.. à l'époque Lhassa était aussi allé faire un tour là bas avant de disparaitre, comme Vic.
    Bon.. Vic-Zion, le még hyper top ;D

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    1. Bien dit ! Mais je ne savais pas que le Walker/SunnO))) avait divisé... Bon, je ne suis jamais très objectif avec Walker, il me fascine...
      Merci de ton passage et de ton commentaire, Charlu.

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  5. Quelques Bitrate d'amélioration Mais surtout un "Chuch of Anthrax" que je connais QUE de réputation. Quand l'humeur sera au rendez vous, je me lancerai dans ce qui est raconté comme un monument.
    En voyant le superbe Ferré, j'ai pensé à un autre grand poète - qu'un vieux pote web m'a fait connaître - une institution et pourtant libre penseur aussi mais en Italie: Fabrizio De André partage ses chansons avec ce groupe de prog Italien: "Premiata Forneria Marconi"

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    1. Ha, ben tu me diras pour le Church of Anthrax.
      Tout bon pour Fabrizio de André, avec PFM ou en solo, un artiste hors norme comme je les aime.
      Merci de ton passage et de ton commentaire, Antoine.

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