John Zorn "Dreamachines" (2013)
ou "Le rêve de John"
Qu'importe le concept (en l'occurrence un hommage à deux "beat auteurs", Gysin & Burroughs, créateurs de l'art du cut-up si cher à Zorn), l'important est qu'il offre à John Zorn de nouvelles cartouches pour étendre encore et toujours son impressionnante série de compositions/enregistrements. Qu'importe le quatuor assemblé pour l'occasion, on sait Zorn sûr dans ses choix et possédant un "cheptel" d'exceptionnels instrumentistes dans lequel il puise à foison, à l'envie. Et voici donc Dreamachines, déjà 5ème livraison de l'an pour un compositeur dont la productivité délirante ne se dément pas, pensez !, depuis le début des années 90 chaque nouvelle levée calendaire apporte sa cinq à dizaine d'œuvres originales... Mais comment fait-il ?!
Musicalement, c'est à du Zorn classique et varié auquel nous sommes, cette fois, confrontés. Classique parce qu'on y retrouve la patte mélodique du maître, reconnaissable entre mille. Varié parce que le spectre présentement déployé touche au jazz, au classique contemporain, au klezmer et à l'imprévisibilité "cut & paste" de ses explorations rock, noise et filmiques de Naked City... Une somme ! Et une sacré performance que d'associer ainsi les deux facettes de son art : celle presque easy-listenning avec l'autre, exigeante de l'auditeur et souvent atonale voire carrément chaotique... Comme vous le réaliserez dès l'ambivalente pièce d'ouverture, Psychic Conspirators.
Certes, connaître son "personnel", ce quatuor de pointures habituées de la "Maison Zorn" sur le bout des doigts aide, et posséder ainsi chaque style depuis si longtemps n'est aucunement un facteur aggravant. Parce qu'il faut bien le dire, si le cocktail est présentement relativement nouveau, du fait d'un assemblage presque inédit de musiciens (même équipe que Nova Express), on reste dans la zone de confort du compositeur. Et tant mieux, après tout ! Parce que ce Zorn expert, qui vous attrape par des mélodies enjôleuses (mais écoutez moi cet hypnotique Git-le-Cœur ou ce Masadien en diable The Conqueror Worm !) pour mieux vous brutaliser les tympans de courtes virgules éruptives et bouillonnantes (Psychic Conspirators, Note Virus) est absolument divin bien aidé, il faut le dire, par, en premier lieu, un Kenny Wollesen au vibraphone tutoyant les anges et culbute les démons (tout l'album est un festival de ses capacités, vraiment) ! C'est aussi un bonheur d'entendre John Medeski (Medeski, Martin & Wood) tâter du piano (souvent dingue et parfait partenaire soliste du précité) en lieu et place de ses plus réguliers orgues et synthétiseurs. Quand à la section rythmique composée du bassiste Trevor Dunn (Mr. Bungle, Secret Chiefs 3, Tomahawk) et de l'indéboulonnable chauve rythmicien (Joey Baron), que dire si ce n'est que le "couple" assure impeccablement mariant prouesse et sensibilité, douceur et rage... Où il faut quand il faut tels les grands professionnels et artistes inspirés qu'ils sont. Car enfin, oui, il faut bien le dire, Zorn a, encore une fois, su s'entourer, ce n'est pas la moindre raison de son insensée réussite récurrente.
Au risque de me répéter, mais tant pis, des fois il faut, John Zorn, compositeur multiple et volubile, fait mouche avec, pour le coup, un album à recommander autant aux initiés de son art musical qu'aux newbies qui n'en reviendront pas s'ils seront certainement un peu chahutés par l'expérience... Immense, quoi !
1. Psychic Conspirators 3:18
2. Git-le-Cœur 4:26
3. The Conqueror Worm 6:57
4. The Third Mind 6:33
5. Light Chapels 5:20
6. The Dream Machine 5:57
7. Note Virus 3:30
8. 1001 Nights in Marrakech 6:29
9. The Wild Boys 3:25
John Medeski - piano
Trevor Dunn - bass
Kenny Wollesen - vibraphone
Joey Baron - drums
John Zorn - compositions, arrangements, production
Un bel album! Peut-etre le plus jazz depuis...? D'ailleurs, je me permets de corriger legerement ta chronique, puisque le lineup etait deja le meme sur Nova Express, on peut donc considerer celui-ci comme la suite, non?
RépondreSupprimerLa formulaire vibraphone+piano marche mieux qu'on ne pourrait l'imaginer, je craignais que Medeski et Wollesen ne se marchent un peu dessus mais non, leur musicalite (et la direction de Zorn?) fait la difference.
Il faudrait une ecoute comparee, mais il me semble un peu moins experimental que Nova Express. Mais que l'on se rassure, c'est Zorn quand meme! :)
Le prochain album, avec Thurston Moore, s'annonce... bruitiste?
Pan sur le bec et rectifié comme il se doit. Faut dire aussi que Zorn sort tellement d'albums !!! ^_^
SupprimerPour revenir à l'équipe Medeski/Wollesen, je la trouve au contraire tout à fait complémentaire et même parfois carrément fusionnelle les deux s'imbriquant souvent.
Aucune idée de ce que donnera le "@" à venir... J'ai hâte ! :-)
Ce qui me plait le plus sur cet album, c'est le travail démentiel de la section rythmique. C'est zappaesque en diable. Quand aux divagations piano/vibes pour les parties rapides, si le "duo" semble aisément s'acoquiner (définition: se lier avec quelqu'un de peu fréquentable), il ne tarde pas à m'ennuyer. Reste les parties "anbiant" et "swing" qui ramènent de l'humanité à la musique. Ce qui rend l' album abordable, même au grincheux dont je suis fier de faire partie!
SupprimerLes parties "ambient" et "swing", dis-tu... C'est quasiment l'entièreté de la partie mélodique de l'album. Le reste, ce chaos, est typiquement Zornien, face contemporaine dont je crois deviner que tu n'es pas très fan... Pas perdu pour autant.
SupprimerMerci de ton com', Grincheux ! ;-)
Bin voui, le contemporain, d'où qu'il vienne à le don de me hérisser le poil. Avant, il y avait les coupeurs de cheveux en quatre, depuis que le contemporain est mis à toutes les sauces (liantes, gluantes, piquantes, dégoulinantes, malodor...heu), il y a les coupeurs de coupeurs de cheveux en 4! J'ai peur qu' après le contemporain, on nous trouve encore plus extrémiste dans l'anti-mélodie et nous aurons ces montagnes de notes (on va y passer du temps pour les assembler sur la partoche, hein!) avec leurs coupeurs de coupeurs de coupeurs....
SupprimerOui, Zorn me plait beaucoup quand il l'a joue cool et swing, c' est quand il se prend pour un émule de Boulez (ou un autre sbire du genre) que ça va plus chez moi. Le rôle de l'artiste n'est-il pas de rendre visible/perceptible ce qui ne l'est pas, vers ceux qui l'écouterons? Lorsqu'il touche au contemporain, j'ai l'impression que tombe l'obscurité. Curieux, non?
Ben moi j'aime bien le contemporain, il me stimule les neurones. Après, je peux comprendre, les gouts et les couleurs hein !, qu'on n'en soit pas client, c'est vrai que ça chahute, ça secoue et défie la mélodie... C'est justement ce qui me plait, cette liberté, ce refus des conventions, cette disharmonie... Et j'aime que Zorn puisse, à la fois, être facile et abscons d'autant que je vois autant de lumière dans l'un que dans l'autre.
SupprimerCa fait un moment que je n'étais pas venu...Et que vois-je ? Marillion ? Queen ? Moi qui ai horreur du rock progressif, j'ai failli partir en courant !
RépondreSupprimerPlus sérieusement, je ne connais pas (encore) cet album de Zorn, faut dire qu'il en sort tellement et que y'a tellement d'autres disques à écouter, je vais réparer cet oubli grace a ton post. Coté Zorn, y'a aussi le Pat Metheny qui revisite Zorn (Tap / John Zorn's Book of Angels Vol. 20). Zorn en dit du bien : “Pat is of course a living legend—one of those rare lights in the universe. His incredible facility and dedication, indefatigable energy and focus, imagination, and never-ending curiosity have distinguished him as truly one of the greatest musicians on the planet. Tap is a showcase for Pat’s remarkable imagination, technique, passion, and love for the world. No matter how many times I listen to this recording I am hit with that same sense of exhilaration that hit me the very first time.”
La aussi, j'ai pas encore pris le temps de chercher, télécharger et écouter mais ça m'intéresserait d'avoir ton avis sur cet album de Pat Metheny.
Poptones
Tu veux mon avis ? Il est ici :
Supprimerhttp://thisbeautifuldowngrade.blogspot.fr/2013/05/john-zornpat-metheny-tap-book-of-angels.html
Suffisait de demander ! ^_^
Tu n'aimes pas le prog' ? Rendez-vous demain pour tenter de te faire changer d'avis !