mardi 3 mai 2016

the Many Worlds of Storm Thorgerson (Vol. 2/3: 1977-1979)

Deuxième partie de la sélection de pochettes d'albums conçues par le légendaire Storm Thorgerson avec, cette fois, l'inévitable Pink Floyd, groupe que le graphiste suivra toute sa carrière. Et plein d'autres autour pour, de mon humble avis, une belle brochette sur laquelle je vous invite à picorer à l'envie. Enjoie !

GaBRieL'S FiRST Storm
Peter Gabriel "Peter Gabriel (Car)" (1977)
ou "Here Comes the Flood"

Un artiste qu'on ne présente plus et un album qui gagnerait à être plus connu, c'est la combinaison que je vous propose avec le tout premier album solo de l'ex-Genesis Peter Gabriel. On ne s'en souvient par forcément mais, quand elle fut annoncée, la séparation d'un des groupes phares du rock progressif anglais et son charismatique vocaliste causa quelque émoi et beaucoup d'interrogations quand à la suite que chacune des parties allait donner à leur carrière. Genesis tirèrent les premiers rassurants leur dévots par une impeccable doublette avec Trick of the Tail et Wind and Wuthering (février et décembre 76) réussissant magnifiquement la transition qu'on pensait pourtant - si ce n'est impossible - extrêmement hasardeuse. L'Archange s'en trouva d'autant plus mis sous pression mais releva parfaitement le gant, dès février 77, avec ce qui reste une des plus belles réussites de sa longue et fructueuse discographie. Il faut dire que, sous la houlette de Bob Ezrin (qu'on ne présente plus et que je ne présenterai donc pas), Peter rassemble un sacré casting avec, notamment, Robert Fripp et Tony Levin (tous deux de King Crimson), Steve Hunter (Alice Cooper), Allan Schwartzberg (James Brown, Mountain), etc. Dès la première chanson (du Genesis sans Genesis) les fans sont rassurés, Peter est toujours ce vocaliste théâtral à l'imagination fertile et à la fêlure presque soul. On notera la stratégie de mettre en ouverture le titre le plus proche des exploits passés de Gabriel, bien joué. D'autant que la suite démontre que Gabriel est bien parti pour faire autre chose que du rock progressif (même si cette musique demeurera une des composantes de son style). De fait, Solsbury Hill oscille entre folk et pop, Excuse me est gentiment jazzy/désuet, etc. Pas deux chansons ne se ressemblent ici et pourtant le tout est cohérent et s'imbrique à merveille. Certains reprocheront la relative froideur de la production (qui est le signe avant-coureur du glissement "New Wave" à venir), mais certains sont prompts à toujours chercher la petite bête là où il faut simplement s'esbaudir de tant de talent ! Et quand, pour achever l'affaire, Peter délivre un Here Comes the Flood richissime en émotion, c'est la critique toute entière qu'il achève, magistralement. Peter Gabriel est grand, tous ses albums sont indispensables, c'est un fait. Juste, celui-ci, de l'épure d'une pochette conçue par Storm Thorgerson à la richesse musicale qu'on y trouve, l'est peut-être encore plus indispensable que les autres.

1. Moribund The Burgermeister 4:18
2. Solsbury Hill 4:21
3. Modern Love 3:38
4. Excuse Me 3:20
5. Humdrum 3:26
6. Slowburn 4:37
7. Waiting For The Big One 7:14
8. Down The Dolce Vita 4:42
9. Here Comes The Flood 5:56

Peter Gabriel: voices, keyboards, flute, recorder
Allan Schwartzberg: drums, directories
Tony Levin: bass, tuba, leader of Barbershop Quartet
Jim Maelen: percussion, synthibam, Bones and Barbershop
Steve Hunter: Full frontal guitar, electric & acoustic rhythm guitar, pedal steel
Robert Fripp: electric guitar, classical guitar, banjo
Jozef Chirowski: Frontal keyboard, Barbershop
Larry Fast: synthesizers and programming
Dick Wagner: backing voices, solo guitar on "Here Comes The Flood" and at the end of "Slowburn"
The London Symphony Orchestra on "Down The Dolce Vita"
Michael Gibbs: Orchestra arranger and Conductor

PETER GABRIEL

iF PiGS CouLD FLy...
Pink Floyd "Animals" (1977)
ou "La Ferme !"

Le meilleur Pink Floyd ? Certains qui préfèrent la période Barrett citeront le pécher originel, The Piper at the Gates of Dawn, d'autres plus proches de la trippante et décontractée période 70s pencheront pour The Dark Side of the Moon ou Wish You Were Here, d'autres, enfin, sans doute amateurs de concept albums choisiront The Wall. Rares sont ceux qui citent Animals, et pourtant, quel album ! Peut-être parce qu'il est moins facilement appréhendable que ses concurrents au trône, Animals, plus progressif qu'aucun devancier ou successeur, ce qui lui vaut d'ailleurs les généreux suffrages de la communauté prog, a toujours eu des allures de parent pauvre, de celui qu'on aime tout de même mais qu'on oublie trop souvent. Pourtant, dès sa marquante pochette (la centrale de Battersea survolée par un cochon de baudruche), évidemment toujours signée de Storm Thorgerson, c'est une démonstration d'un groupe au pic de sa puissance créatrice. Compositionnellement dominé par Roger Waters (ça deviendra l'habitude jusqu'à son départ du groupe en 1985) qui ne cède qu'un co-crédit à son collègue Gilmour (Dogs), mais c'est une première ici, c'est un album sombre et étrange, adaptation libre de l'Animal Farm de George Orwell, précurseur aussi, sans les longueurs et les lourdeurs, d'un nihiliste The Wall, où chaque musiciens trouve sa place participant au tissage de l'inquiétante toile qui nous est proposée. Certes, les amateurs de Richard Wright regretteront que ces claviers soient ici essentiellement des créateurs d'ambiances, des machines à texturer (en l'occurrence, c'est exactement ce qu'il fallait) le son Pink Floyd n'en est pas pour autant radicalement altéré ne serait-ce que par l'omniprésence de la scintillante guitare de David Gilmour. Certes, l'absence de quelque vraie chanson que ce soit déconcertera ceux qui avaient fait de Money, Time, Welcome to the Machine ou Wish You Were Here leurs moments préférés du catalogue des londoniens mais, des grandes épopées (Dogs, Pigs, Sheep) aux deux miniatures d'ouverture et de fermeture de l'opus (les deux Pigs on the Wing), il y a largement de quoi s'esbaudir devant tant de maîtrise, tant de talent, tant d'imagination, et une si totale cohérence d'ensemble qu'il est aisé de se laisser emporter dans le noir trip de Waters. Pour toutes ces raisons, mais aussi pour l'impeccable mise en son fomentée par le groupe lui-même, ce 10ème opus de Pink Floyd mérite largement sa place au panthéon des œuvres progressives et conceptuelles qui comptent, un plus qu'un accessit dans le bilan des œuvres d'une formation, à raison, toujours révérée aujourd'hui.

1. Pigs on the Wing 1 1:25
2. Dogs 17:03
3. Pigs (Three Different Ones) 11:25
4. Sheep 10:25
5. Pigs on the Wing 2 1:23

David Gilmour - lead guitar, vocals on "Dogs", bass guitar on "Pigs (Three Different Ones)" and "Sheep", talkbox on "Pigs (Three Different Ones)", acoustic guitar on "Dogs", additional backing vocals
Nick Mason - drums, percussion, tape effects
Roger Waters - lead vocals, acoustic guitar on "Pigs on the Wing", rhythm guitar on "Pigs (Three Different Ones)" and "Sheep", tape effects, vocoder, bass guitar on "Dogs"
Richard Wright - Hammond organ, electric piano, Minimoog, ARP string synthesizer, piano, clavinet, backing vocals

PINK FLOYD

uNDeaNeD
Yes "Going for the One" (1977)
ou "The Special One"

Après l'incartade bien barrée avec l'excellent Patrick Moraz aux claviers (Relayer), Going for the One marque le retour du line-up classique de la formation, avec Rick Wakeman aux panoramiques, théâtraux et, pour tout dire un peu pompeux synthétiseurs qui sont quand même un peu la trademark du Yes qui triompha vers le début des années 70. Mais, aïe aïe, on est en 1977 et dire que la jeunesse d'Angleterre s'intéresse à tout autre choses qu'aux élucubrations symphoniques de ces déjà vieux et si inaccessibles virtuoses tient indéniablement du massif euphémisme. Et puis le groupe est absent depuis trois longues années, une éternité pour les années 70. Pourtant Yes s'en sort bien en modernisant juste ce qu'il faut sa formule notamment via la contribution de Wakeman qui a profité de ses années en solo pour renouveler, augmenter son matos des derniers développements disponibles. L'affaire commence par une étrangeté, une sorte de hard blues progressif qui donne son titre à l'album et n'aurait presque pas déparé dans le répertoire de Led Zeppelin, le single évident de l'album aussi avec son refrain à reprendre en chœur et sa mélodie accrocheuse. On se retrouve vite dans une domaine plus familier avec un Turn of the Century qui, débutant en acoustique tranquille, n'a de cesse de "crescender" à un train de sénateur vers un palpitant final et une redescente en douceur histoire de boucler la boucle. Vient ensuite le très classique Parallels où on retrouve le versant rock du progressif de Yes pour une composition correcte sentant quand même un peu le remplissage, mais ça va, ça s'écoute et ne détonne pas sur l'ensemble de la galette. Pas plus que Wonderous Stories marquant un retour vers la tendance hippie collant si bien à la peau d'un Anderson qui ne s'en défend même pas. Last but not least, c'est l'authentique second sommet de l'album, avec la bizarrerie addictive d'ouverture, Awaken, la grosse pièce et son quart d'heure du plus pur Yes qui soit donné d'entendre sur Going for the One. Celui-ci a tout, des patterns rythmiques atypiques, des claviers et guitares virtuoses, un chant et des chœurs façon "chorale des anges", un développement symphonique idéal, il a tout ET la qualité qu'on attend d'une telle équipe et qui, enfin !, est ici atteinte. Bien produit par le groupe lui-même, embellie créatrice avant un énième drame (qui conduira vers l'excellent Drama et l'adoubement des deux Buggles) suite à un album mi-cuit (Tormato), Going for the One, sans Roger Dean mais avec Storm Thorgerson, est peut-être bien le dernier grand classique de Yes, un classique mineur, certes, mais un classique tout de même qu'on ne peut, évidemment, que recommander.

1. Going for the One 5:30
2. Turn of the Century 7:58
3. Parallels 5:52
4. Wonderous Stories 3:45
5. Awaken 15:38

Jon Anderson - lead vocals, harp
Chris Squire - 4-, 6-, and 8-string bass guitars, backing vocals
Steve Howe - acoustic and electric guitars, lap steel guitar, pedal steel guitar, laúd, backing vocals
Rick Wakeman - Polymoog and Minimoog synthesizers, church organ, piano, Mellotron, choral arrangement
Alan White - drums, tuned percussion
&
Richard Williams Singers
- choir

YES

PRoGoPoPiSM
The Alan Parsons Project "Pyramid" (1978)
ou "Slick as Silk"

Un album en équilibre entre soft et prog rock mais louchant vers la new wave, un retour aux sources aussi vers leurs Tales of Mystery of Imagination débutantes en plus d'un triomphe de musique accrocheuse et mélodique ? C'est Pyramid, le troisième opus de l'Alan Parsons Project. De fait, sur la partie la plus ouvertement progressive de l'album, la trilogie d'introduction ou l'énorme In the Lap of the Gods par exemple, retrouve t-on les tentations orchestrales qui avaient marqué les débuts du projet de l'ingénieur du son de Pink Floyd (qui, on le notera au passage, a aussi volé le concepteur graphique de ses amis/patrons, Storm Thorgerson), mais comme plus loin on entend aussi un Can't Take It with You et encore plus sur le sautillant Pyramania qui louchent très fortement sur la nouvelle vague qui fait alors fureur (opportunisme ou simplement signe de musiciens vivant dans l'air du temps, je vous laisse juge), on a clairement faire à l’œuvre d'une formation qui se cherche, cherche aussi sûrement à se démarquer et certainement à éviter l'obsolescence qui vise alors tant de leurs collègues. Comme Parsons et ses associés (le fidèle Eric Woolfson en premier d'iceux, ne serait-ce que pour son immense apport compositionnel), et qu'évidemment la production est irréprochable, on a tout de même affaire à une belle galette qu'on écoute avec le plaisir de l'audiophile se délectant du beau velours sonore ici présenté mais, de fait, ça fait aussi de Pyramid un album un peu boiteux, un peu déséquilibré, qu'on ne déconseillera pourtant pas aux amateurs de progressisme supra-mélodique (même le pire de ces gars-là saurait les contenter) mais qui n'enthousiasmera que partiellement les autres, moins dévoués au genre. Ceci dit, avec un remaster de compétition et des bonus à gogo, on a tout de même affaire à un excellent travail, personne ne le niera de l'Alan Parsons Project, de grands professionnels.

1. Voyager 2:24
2. What Goes Up... 3:31
3. The Eagle Will Rise Again 4:20
4. One More River 4:15
5. Can't Take It With You 5:06
6. In the Lap of the Gods 5:27
7. Pyramania 2:45
8. Hyper-Gamma-Spaces 4:19
9. Shadow of a Lonely Man 5:34
Bonus
10. Voyager/What Goes Up/The Eagle Will Rise Again 8:55
11. What Goes Up/Little Voice (early version demo) 4:07
12. Can't Take It With You (early version demo) 1:45
13. Hyper-Gamma-Spaces (demo) 2:21
14. The Eagle Will Rise Again (alternate version – backing track) 3:20
15. In the Lap of the Gods (Part I – demo) 3:14
16. In the Lap of the Gods (Part II – backing track rough mix) 1:56

David Paton – bass, vocals
Stuart Elliott – drums, percussion
Ian Bairnson – electric and acoustic guitars
Eric Woolfson, Duncan Mackay – keyboards
Dean Ford, Colin Blunstone, Lenny Zakatek, John Miles, Jack Harris – vocals
Phil Kenzie - saxophone solos on "One More River"
Choir: The English Chorale, Choirmaster: Bob Howes
Produced and engineered by Alan Parsons
Executive production: Eric Woolfson
Arrangements: Andrew Powell

THE ALAN PARSONS PROJECT
(Woolfson & Parsons)

NeW TRio
Genesis "...And Then They Were Three" (1978)
ou "Un seul être vous manque..."

Un seul être vous manque et tout est dépeuplé ? C'est la thèse concernant And Then They Were Three qui suit le départ d'un guitariste exceptionnel, Steve Hackett, et amorce la seconde phase de la carrière de Genesis, plus pop, moin prog. Mais ce n'est pas si simple... Présentement, Genesis, cette fois encore "emballé" par Storm Thorgerson (ça dure depuis The Lamb mais ça s'arrêtera là), se remet du départ d'un instrumentiste qui fut un élément important de son son en ne le changeant pas vraiment. Rutherford, qui c'est entendu, n'est pas du même niveau que celui qu'il est sensé remplacer, mise sur une approche supra-mélodique de l'instrument compensant ainsi son déficit technique, et c'est plutôt bien joué. D'autant qu'il y a, dans le groupe, une évidente volonté de simplification de l'écriture, une évolution vers des compositions à la structure plus pop sans pour autant abandonner l'emphase progressive qu'ils avaient l'habitude de leur donner. Le résultat, un compromis bien trouvé, ne produit pas que d'excellents résultats mais force est de constater qu'il fonctionne sur la majorité de titres plutôt très réussis et nullement indigne de la réputation du groupe. Parce qu'il y a encore du grain à moudre pour les fans du Genesis d'avant : Down and Out, puissante et inspirée ouverture; Undertow, belle composition douce-amère à la mélodie entêtante et la progression réussie; Ballad of Big, morceau étonnamment rock fort bien troussé, Snowbound, délicate composition qui n'aurait pas déparé sur Wind And Wuthering; Burning Rope, une des plus belles réussites de l'opus, puissant, racé et mélodiquement superbe; Deep in the Motherlode, qui semble déjà annoncer le tournant pris par le groupe sur Duke; Scenes from a Night Dream, pendant égal de face B à Ballad of Big; Say It's Alrigh Joe, ballade mélancolique à l'emballage progressif final parfaitement réussi. Toutes de vraies belles réussites. Comme le reste, sauf peut-être un Follow You Follow Me trop facile pour être honnête, n'est pas mal non plus, on ne peut que fêter l'avènement d'un nouveau line-up suffisamment roué pour contourner ses handicaps naturels. Évidemment, on ne peut qu'imaginer (rêver !) le résultat avec Hackett qu'il aurait été facile de retenir en lui offrant un rôle créatif plus étendu, et regretter que les saillies géniales du taciturne axeman ne viennent pas encore un peu plus embellir le probant résultat. Mais c'est comme ça, on fait avec. Au final, passé la compréhensible si excessive déception d'époque, on se retrouve avec un Genesis classique et réussi, un album démontrant que, même à trois, ces messieurs possèdent un petit quelque chose de plus les plaçant loin au-dessus de la plupart de leur collègues et concurrents. Excellent, quoi !

1. Down and Out 5:25
2. Undertow 4:47
3. Ballad of Big 4:47
4. Snowbound 4:30
5. Burning Rope 7:07
6. Deep in the Motherlode 5:14
7. Many Too Many 3:30
8. Scenes from a Night's Dream 3:30
9. Say It's Alright Joe 4:18
10. The Lady Lies 6:05
11. Follow You Follow Me 3:59

Tony Banks - piano (Yamaha CP-70 electric), organ (Hammond T-102), Mellotron, synthesizers (ARP 2600, ARP Pro Soloist, Polymoog, Roland RS-202)
Phil Collins - lead and backing vocals, drums, percussion
Mike Rutherford - guitars, fretted & fretless bass guitars, bass pedals

GENESIS

PRoGoPoPiSM 2
Styx "Pieces of Eight" (1978)
ou "Arena Material"

Entre rock progressif et hard rock, idéal pour la bande FM U.S. d'alors, triomphant dans les stades et les charts mais honnis par la critique, pratiquement inconnus chez nous sans doute parce qu'ils n'ont jamais pris le temps de s'intéresser au public de ce côté de l'Atlantique, c'est Styx et le triomphe qu'est leur déjà 8ème album, Pieces of Eight. Il faut dire que Styx a eu un démarrage difficile, une croissance contrariée qui ne s'est solutionnée qu'à l'arrivée du remplaçant du guitariste/co-lead vocaliste John Curulewski, Tommy Shaw. Avec cette nouvelle recrue et un sixième album sous la ceinture, Crystal Ball (1976), la formation était fin prête à conquérir les masses. Et donc, deux ans et deux albums plus tard sort Pieces of Eight qui, en substance, continue de creuser la formule établie depuis deux albums et surtout le triomphal The Grand Illusion (1977), une bonne idée. La formule ? Du rock lisse et millimétré, gorgé de chœurs rutilants (imaginez les refrains !) et d'un vrai côté théâtral, hollywoodien oserait-on, qui couplé à la qualité compositionnelle du quintet, fait un effet bœuf. En détail, ça donne une galette qui démarre par une belle saillie hard-rockante, Great White Hope, du type de celles dont on imagine un Queen capable, enchaine sur un authentique sommet de pop progressive (I'm OK), poursuit par une chanson à classer à côté des exactions hippies d'un Yes ou des fantaisies d'un Kansas, la concision en plus, etc, c'est à dire du progressif bien fichu mais jamais excessivement démonstratif (The Message/Lords of the Ring, Pieces of Eight/Aku Aku), du qui riffe juste ce qu'il faut (Blues Collar Man, Renegade) et, évidemment la power ballad de rigueur présentement bien représentée par un très réussi Queen of Spades. Tout ça est très classique mais là où certains sombrent en n'utilisant que de grosses ficelles, Styx sait faire preuve d'une fantaisie qui fait la différence. Parce que Styx n'a pas les pieds d'argile radiophoniques d'un Foreigner, d'un Journey ou d'un Boston (de fait on les classerait plus avec un Saga ou un Kansas), et sait glisser de jolies trouvailles d'arrangements qui, avec une inclinaison pop naturelle leur permet d'afficher une vraie personnalité dans un domaine pourtant surpeuplé, tout ça fait de Pieces of Eight, certes pas tout à fait l'égal de son prédécesseur (mais presque), un album qu'on recommande à tous les amateurs de stadium rock plus fin que la moyenne, et pas qu'un peu.

1. Great White Hope 4:22
2. I'm O.K. 5:41
3. Sing for the Day 4:57
4. The Message 1:08
5. Lords of the Ring 4:33
6. Blue Collar Man (Long Nights) 4:05
7. Queen of Spades 5:38
8. Renegade 4:13
9. Pieces of Eight 4:44
10. Aku-Aku 2:57

Dennis DeYoung – keyboards, synthesizers, pipe organ, vocals
Chuck Panozzo – bass guitar, vocals
John Panozzo – drums, vocals
Tommy Shaw – guitar, mandolin, vocals
James Young – guitar, vocals

STYX

2ND SeRViCe
XTC "Go 2" (1978)
ou "On prend les mêmes et on recommence"

Le plus grand défaut de Go 2 ? Non, pas l'étrange et peu attrayante pochette qu'à conçu pour eux Storm Thorgerson. Le plus grand défaut de Go 2 c'est de n'être qu'une suite logique de son prédécesseur, White Music, soit une salve de post-punk mélodique et parfois angulaire avec, hélas, des chansons moins directement satisfaisantes. Un petit ratage pour XTC qui aura la conséquence de pousser la formation vers d'autres cieux, pour le bonheur de tous. Peut-être parce que XTC retourne trop vite en studio pour capitaliser sur son succès naissant, sans doute parce que les compositions y sont un peu moins marquantes, Go 2, bien que légèrement plus mélodique que son devancier, n'est pas aussi captivant que les gesticulations originelles d'une bande encore largement énervée si toujours préoccupée par l'Art de la chanson pop survitaminée. Le groupe y réunit trop rapidement des chansons tout à fait correctes dont aucune, hélas, pas même les deux seules jamais écrites par le claviériste Barry Andrews, My Weapons et Super-Tuff, n'atteint les sommets des plus belles pièces de White Music. De fait, un peu l'album "pour solde de tout compte" de leur brève période punk et assimilé avant de passer à autre chose, sans le moindre bonus sur sa réédition tout bêtement parce qu'il n'y en avait pas de disponible, Go 2 déçoit. Une déception relative parce qu'il s'agit bien de XTC et que ses gars-là savent y faire beaucoup mieux que la masse électrique laborieuse, mais une déception tout de même d'où on extraira quelques salves supérieures telles que le psychotique et bondissant Meccanik Dancing (Oh We Go!), le planant Battery Brides (Andy Paints Brian), l'infectieux The Rhythm, l'étonnant détour reggae/dub Super Tuff ou le rigolo I Am the Audience comme autant de saillies visant un peu plus justes que leurs voisines. Go 2 n'est pas le meilleur album de XTC, Go 2 n'est pas non plus un album très important du groupe, sauf à penser qu'une lassitude stylistique les poussera a essayer autre chose la fois suivante (Drums & Wires !), mais Go 2 est tout de même du XTC ce qui, pour les initiés, est l'assurance qu'intelligence textuelle et sens mélodique hors-pair y seront forcément combinés, sans surprise c'est encore le cas, on le recommandera donc tout de même quand, ayant couvert l'ensemble de la discographie de l'immense formation, vous en voudrez encore plus.

1. Meccanik Dancing (Oh We Go!) 2:36
2. Battery Brides (Andy Paints Brian) 4:37
3. Buzzcity Talking 2:41
4. Crowded Room 2:53
5. The Rhythm 3:00
6. Red 3:02
7. Beatown 4:37
8. Life Is Good in the Greenhouse 4:41
9. Jumping In Gomorrah 2:04
10. My Weapon 2:20
11. Super-Tuff 4:27
12. I Am the Audience 3:48
13. Are You Receiving Me? 3:06

Andy Partridge - guitars and vocals
Colin Moulding - bass and vocals
Barry Andrews - crumar group 49 cheesy organ, farfisa organ, lawrence electric piano, wurlitzer e-piano, minimoog, clavinet, steinway grand piano, vocals and saxophone
Terry Chambers - drums and vocals

XTC

NouVeLLe MoRSuRe
Scorpions "Lovedrive" (1979)
ou "Chewing!"

Pour Scorpions, qui ne sont pas en retard, les années 80 commencent en 79 avec un nouvel album, un nouveau line-up et, surtout, une nouvelle approche qui préfigure largement les succès hair-metal qui jalonneront la décénnie à venir pour ces fiers teutons du riff. Parce qu'en 1979, sans Uli Roth parti faire son Jimi Hendrix spatial en solo, avec le retour du frère Michael parce que le groupe n'a pas encore tout à fait confiance dans sa nouvelle recrue (Matthias Jabs) qui devra encore attendre pour faire complètement ses preuves, Scorpions met tous les atouts de son côté avec les chansons les plus accorcheuses de sa déjà longue et productive carrière. Outre la pochette polémique et souvent censurée (by Storm Thorgeson), ça deviendra une habitude et pas des plus reluisantes, ces Scorpions là ont l'air de surtout vouloir piquer au cœur. Évidemment, ils continuent de produire quelques acérées saillies (Another Piece of Meat surtout, exemplaire réussite en la matière mais aussi le speedé Can't Get Enough ou le costaud morceau titre) mais, plus important, ils élargissent leur spectre comme jamais. Ainsi les refrains se font plus pop (Loving You Sunday Morning), les ballades plus radiophoniques (Always Somewhere, Holiday mètres étalons de toutes les slows qui suivront), on ose même le complet dépaysement avec un reggae rock convaincant et bien troussé (Is There Anybody There?) et même un instrumental (pas courant chez Scorpions, ça), ce Coast to Coast pas très techniquement démonstratif mais tellement bien construit... Bref, Lovedrive, c'est du doré sur tranche, le meilleur du Scorpions des années 80 avec encore quelques agréables effluves de leur son des septantes. Recommandé.

1. Loving You Sunday Morning 5:36
2. Another Piece of Meat 3:30
3. Always Somewhere 4:56
4. Coast to Coast 4:42
5. Can't Get Enough 2:36
6. Is There Anybody There? 3:58
7. Lovedrive 4:49
8. Holiday 6:32

Klaus Meine – lead vocals
Matthias Jabs – lead guitar, backing vocals
Rudolf Schenker – rhythm guitar, backing vocals
Francis Buchholz – bass, backing vocals
Herman Rarebell – drums, backing vocals
&
Michael Schenker
- lead guitar, backing vocals

SCORPIONS

oK!
UK "Danger Money" (1979)
ou "The Final Fusion"

Deuxième et dernier épisode de la tentative fusion prog de la fin des années 70 de John Wetton, UK, Danger Money ne reconduit pas le line-up qui a si bien réussi sur l'éponyme sorti un an plus tôt. Out Bill Bruford, remplacé par ex de chez Zappa, l'énorme Terry Bozzio, out Alan Holdsworth que Wetton himself supplée occasionnellement (mais qui, du coup, John n'étant pas exactement un guitar-hero, manque quand même un peu). Musicalement, évidemment, on repèrera cette tentation de Wetton de pondre du single pop prog qui se concrétisera bientôt par le supergroupe Asia (Nothing to Lose), mais pour le reste, 5 solides compositions où chacun des trois membres brille par sa technique, Jobson en particulier qui bouffe presque l'opus avec une performance d'exception, on se régale. Un poil moins fusion que son éponyme devancier, mais égal aussi sa capacité à ne pas en faire trop comme, par exemple, en leur temps, un Emerson Lake & Palmer aux dérives instrumentales onanistes souvent too much, Danger Money est une vraie réussite de progressif qui sait même efficacement accrocher l'oreille sans faire de la retape (Rendez-Vous 6:02). De fait, même quand le trio part dans l'épopée sonique, Carrying the Cross et ses 12 grosses minutes, et son fabuleux solo de claviers d'Eddie Jobson (ex-Roxy Music, faut-il le rappeler ?), on reste persuadé que la tenue de la composition n'a jamais été évincée au bénéfice d'une quelconque gloriole personnelle, c'est assez rare pour être signalé. Au bout du compte, on admettra tout de même rester un petit peu sur sa faim sans doute parce que ce parfait équilibre du premier album où deux authentiques virtuoses  (Jobson et Holdsworth, donc) partageaient l'affiche sans jamais se "bouffer le nez" et, ultimement, n'avait d'autre but que de servir la musique (une constante du projet), est ici perdu au profit, certes, d'un Jobson totalement libéré, mais pas inutilement démonstratif pour autant, mais perdu tout de même. Ça ne fait pourtant pas de Danger Money le ratage que certains se plaisent à décrire, un poil moins réussi que le cru 78 bien-sûr, mais tout de même loin au-dessus de la mêlée des laborieux.

1. Danger Money 8:12
2. Rendezvous 6:02 5:00
3. The Only Thing She Needs 7:53
4. Caesar's Palace Blues 4:42
5. Nothing to Lose 3:57
6. Carrying No Cross 12:20

Eddie Jobson - keyboards, electric violin
John Wetton - bass, lead and backing vocals, guitar
Terry Bozzio - drums, percussion

UK

9 commentaires:

  1. the Many Worlds of Storm Thorgerson (Vol. 2/3: 1977-1979)

    Peter Gabriel "Peter Gabriel (Car)" (1977)
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    Pink Floyd "Animals" (1977)
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    Yes Going "for the One" (1977)
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    The Alan Parsons Project "Pyramid" (1978)
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    Genesis "...And Then They Were Three" (1978)
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    Styx "Pieces of Eight" (1978)
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    XTC "Go 2" (1978)
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    Scorpions "Lovedrive" (1979)
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    UK "Danger Money" (1979)
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  2. Quasiment que des pochettes cultes

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  3. Eh oui "Animals" est un excellent album. N'en déplaise au fans de Syd... et aux autres.
    Et poussons le bouchon (cochon) plus loin, "The Final Cut" n'est pas mal non plus... Mais bon, c'est le Pink Floyd.
    Pour le Peter Gabriel, c'est celui que j'écoute le plus souvent.
    C'est un indispensable.
    A la sortie de cet LP, Peter était sur la Grande Scène de la fête de l'Huma.
    Avant lui passait Brand X... Pour Peter c'était son premier concert en France de l'après Génésis. Phil l'a rejoint... Et que dire. C'était comme le... Pink Floyd, en 1970, à la même fête. Inoubliable.

    Jean-Paul

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    1. Merci pour ce joli souvenir. Je ne peux pas, par contre, dire que je partage ton enthousiasme pour Final Cut, m'enfin, les goûts et les couleurs...
      Merci de ton passage ! ^_^

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  4. Moi aussi j'aime beaucoup "Animals ",je ne suis d'ailleurs pas une inconditionnelle de la période Syd Barrett . .. comme j'aime quand c'est supra mélodique, le Alan Parsons devrait me plaire. ..j'avais bien apprécié un autre que tu avais déjà posté mais le nom m'échappe là. .. De Styx je ne connais que les deux premiers albums mais ça doit être différent ici. .. Je commence à écouter un peu de Yes mais j'ai parfois du mal alors peut-être que celui-ci ....? Et pour le Peter Gabriel je retiens surtout "solsbury hill" dont je ne me lasse pas. ..

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    1. Solsbury Hill est très sympa mais je préfère nettement Moribund the Burgmeister, Here Comes the Flood ou Humdrum... Enfin les goûts et le couleurs, hein... ;-)
      Pour le reste, hé bien tu me diras ce que tu as pioché et ce que ça t'a fait, n'est-ce pas ?
      Merci de ton passage ! ^_^

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    2. Je n'ai eu le temps que d'écouter le Yes pour le moment et il m'a pas mal plu en fait, pas trop alambiqué comme d'autres que j'ai essayés.... il ne faut peut-être pas aller dans l'ordre chronologique alors...:)

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    3. Ordre chronologique ou pas ? Une question que je me suis toujours posé en découvrant un groupe. Parfois ça marche parfois c'est extrêmement trompeur (Genesis, pour ne citer qu'eux). C'est pareil pour Yes quoique les premiers, qui se tiennent tout de même bien avec leur progressisme plus light, sont une porte d'entrée qui peut fonctionner.

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