dimanche 28 juillet 2013

Saxon, the "shame" years


S'il y a une période que même les fans de Saxon ont du mal à accepter, c'est bien celle où Biff Byford et ses acolytes se prirent au jeu de l'américanisation de leur musique, de l'émasculation de leur musique diront certains. Pourtant tout n'est pas noir dans ces "années de la honte"... Revue d'effectif.


"Innocence Is No Excuse" (1985)
ou "Tu parles d'une excuse !!!"


Le succès de Crusader est peut-être un peu monté au bourrichon de Biff & Co, sans doute les gars se sont-ils vus déjà arrivés, prêt à suivre les trace d'un Def Leppard qui triomphait outre-Atlantique... Oui mais Saxon n'est pas Def Leppard, Saxon est avant tout un groupe de (heavy) rockers pour mecs et nanas en cuir, un machin qui s'écoute en sirotant un breuvage houblonné et en lançant de grasses vannes, pas de la musique pour adolescentes extatiques énamourées, et puis Biff & Co ne sont pas assez beaux pour ça. Il y a sans doute aussi, dans le coup, quelque exécutif de leur label d'alors, EMI, qui, voyant le front du heavy pur et dur déjà couvert par Iron Maiden, avec le succès qu'on connait, décida d'orienter nos preux guerriers dans des eaux qui ne leurs étaient ni familières ni particulièrement hospitalières : on ne coince pas un grand blanc dans un aquarium de salon, fut-il doré.

Parce que, fondamentalement, c'est au béton, à une grisaille bruineuse, à la graisse mécanique, à la sueur et au sang qu'on identifie Saxon, pas à leurs beaux teint hâlés au soleil de Californie, à leurs luxuriantes chevelures ou à leur gueules d'anges ni à leurs chansons charto-compatibles, et, niveau répertoire, c'est évidemment la même chose. Même ici en fait ! Si la production et la direction artistique ont émoussé les lames de ces valeureux guerriers du riff, ceux-ci n'ont pas même pris la peine d'y adapter leur écriture. Saxon reste donc Saxon mais un Saxon plus gentil, presque domestiqué par le clinquant de la mise en son, mais heureusement pas tout à fait émasculé par ses prétentions commerciales inaccessibles au groupe. De, fait, il y a du bon sur cet Inexcusable Innocence (titre pour le coup bien choisi tant on a l'impression qu'il y vont "la fleur au fusil). Et ce n'est pas le coup de ripolin outre-atlanticard qui y changera quoique ce soit comme le démontrent les trois titres de l'album repris en version live re-masculinisée sur ce remaster (Back on the Streets, Devil Rides Out et Gonna Shout), du pur Saxon, du bon.

Mis en perspective du reste de la carrière du quintet, Innocence Is No Excuse est une solide production dépassant même, quand à la qualité de son écriture, le Crusader qui le précède, où, il faut bien le dire, l'exceptionnelle chanson-titre ressemblait fort au majestueux chêne cachant la maigre forêt. On le considèrerait même comme l'égal d'un Power & the Glory s'il était juste un poil plus burné. Ca ne fait qu'amplifier une impression de potentiel non totalement réalisé qui ne gâche toutefois pas le plaisir de l'écoute... De justesse.


1. Rockin' Again 5:12
2. Call of the Wild 4:03
3. Back on the Streets 3:59
4. Devil Rides Out 4:23
5. Rock 'n' Roll Gypsy 4:13
6. Broken Heroes 5:27
7. Gonna Shout 3:58
8. Everybody Up 3:28
9. Raise Some Hell 3:40
10. Give It Everything You've Got 3:27
Bonus
11. Back on the Streets (12" Club Mix) 5:10
12. Live Fast Die Young (b-side "Back on the Streets") 3:48
13. Krakatoa (b-side "Rock 'n' Roll Gypsy") 3:46
14. The Medley (live, b-side "Rock 'n' Roll Gypsy") 9:05
15. Gonna Shout (live) 4:14
16. Devil Rides Out (live) 4:59
17. Back on the Streets (BBC in Concert, Hammersmith 1985) 4:38


Biff Byford - vocals
Graham Oliver - guitar
Paul Quinn - guitar
Steve Dawson - bass
Nigel Glockler - drums



"Rock the Nations" (1986)
ou "Ca rocke ou ça rocke pas ?!"


A peine échaudés par la critique que reçut leur précédent opus dans la presse spécialisée, sans doute revigorés par leur meilleur classement dans les charts US sur le pourtant mou du genou Innocence Is No Excuse (pas un mauvais album au demeurant mais manquant trop de testostérone pour "saxonner" comme il se doit), Saxon ne corrige pas le tir sur Rock the Nations, second volet de la "trilogie américaine" (ou au moins américanisée) qui se conclura en 1988 avec Destiny. En plus, pensez !, ils ont Sir Elton John en guest pianiste sur deux des neuf titres de l'album, de quoi vous surbooster quand on sait que "Moumoute-Man" triomphait alors mondialement.

Oui mais voilà, là où la qualité des compositions sauvait son prédécesseur, Rock the Nations faillit aussi. Et c'est sans doute grandement dû à une collection de chanson n'arrivant pas à produire un "tout" cohérent. Ainsi passe-t-on d'un hymne heavy metal guerrier convaincant (Battle Cry) à une tentative semi-ratée de single (Waiting for the Night et son refrain péri-Bon-Jovien) à un rocker simple et direct mais finalement trop simpliste (We Came Here to Rock... ben voyons !) à un mid-tempo groovy sans grand intérêt (You Ain't No Angel), etc. Il faut dire aussi que la production policée, standardisée ne rend pas même justice même aux deux pièces de bravoure introductives (le précité Battle Cry et le très réussi Rock the Nations). Pas étonnant, à partir de là, que l'auditeur se sente parfois saisi d'une certaine lourdeur dans les paupières. Et ce ne sont pas les deux interventions du Sir Perruqué (un bon rocker rapide et une power ballade crapoteuse) qui sortirons ce claudiquant ensemble de ses écueils récurrents.

Sans doute Saxon voulu-t-il trop vite capitaliser sur les maigres accomplissements commerciaux d'Innocence Is No Excuse aux Etats Unis et se rendit-il en studio trop peu armé de bonnes chansons pour parvenir à sa tâche, sans doute aussi fut-il mal guidé par un management et une maison de disque espérant décrocher quelque illusoire cocotier avec de vieux briscards ayant plus à voir avec Motörhead que Def Leppard (pour rester dans les angliches). Le fait est là, à 2/3 chansons près, Rock the Nations est un ratage. Ce que confirme des bonus live n'offrant qu'une maigre place (sur 5!) au répertoire issu d'icelui, de bons bonus valorisant, pour le coup, un remaster pas exactement essentiel mais néanmoins sauvable.


1. Rock the Nations 4:40
2. Battle Cry 5:26
3. Waiting for the Night 4:51
4. We Came Here to Rock 4:18
5. You Ain't No Angel 5:28
6. Running Hot 3:35
7. Party 'til You Puke 3:25
8. Empty Promises 4:09
9. Northern Lady 4:42
Bonus
10. Chase the Fade (b-side "Waiting for the Night") 2:32
11. Waiting for the Night (7" single edit) 4:12
12. Northern Lady (7" single edit) 3:57
13. Everybody Up (live, b-side "Northern Lady") 3:37
14. Dallas 1PM (live, b-side "Northern Lady") 6:34
15. Power and the Glory (live) 6:52
16. Rock the Nations (live) 4:49
17. Waiting for the Night (live) 4:34


Biff Byford - vocals, bass
Graham Oliver - guitar
Paul Quinn - guitar
Nigel Glockler - drums
&
Elton John - piano (7, 9)


"Destiny" (1988)
ou "Destinés à disparaître ?"
 
Cerise rance sur le gâteau pourri pour certains, preuve d'une constance et d'une consistance dans les objectifs de la carrière du groupe pour d'autres, Destiny, avec son monolithe quasi-funéraire de pochette, est la pierre tombale de la période américano-Hair Metal de Saxon, les clous du cercueil de leurs ambitions commerciales, de leurs rêves de gloire planétaire aussi.

Mais, au moment de l'enregistrement, ils y croient encore (sinon ils auraient fait autre chose, me direz-vous), et il n'y a qu'à les voir attifés et coiffés-pétard pour se convaincre que ce n'est pas forcément la meilleure idée qu'ils aient eu. Fautes de goût visuelles mises à part (qu'importe le flacon..), c'est à un Saxon encore plus radicalement américanisé, détaché de ses bases heavy metal comme jamais auquel nous avons affaire. Et pourquoi pas après tout ? Pourquoi pas ne pas y aller plein pot, joindre volontairement la masse des (hard) rockers FM alors en pleine bourre ? Parce que Saxon ne sait pas faire et que ça s'entend ! Qui plus est, ils ne sont visiblement pas très inspiré par leur sujet à tel point que le morceau le plus convaincant ici est une reprise (Ride Like the Wind de Christopher Cross), et qui ouvre d'ailleurs l'album, mauvais augure.

Le reste de la tracklist alterne l'acceptable (baisquement l'emballage final de For Whom the Bell Tolls à Red Alert) et l'embarrassant (le reste, sauf le reprise inaugurale, donc) avec, qui plus est, une mise en son et des arrangements typiques de l'époque, l'omniprésence de claviers clinquants en est l'artifice le plus audible, et du style visé (Pop Metal ?) qui ne sied définitivement pas au teint blafard de nos britanniques. Ceci dit, à tout prendre, ce full-on FM Hard Rock a plus de cohérence que le puzzle démonté de Rock the Nations... Sans cependant en avoir les grand moments.

L'échec de l'album, un changement de crèmerie (le groupe passant d'EMI à Virgin), mettrons fin aux prétentions commerciales du groupe qui reviendra bientôt, sur le bien nommé Solid Ball of Rock, à une inclinaison stylistique plus proche de celles de leurs origines, plus compatibles avec leurs capacités, aussi. Il faudra cependant encore attendre quelques années et quelques albums pour retrouver la fière formation auteure d'un heavy metal simple, direct et convaincant (en 1997 avec Unleash the Beast). Entre temps, Saxon aura perdu une partie de son aura et la majorité d'une audience si durement acquise avec, comme seul bénéfice, de désormais savoir ne plus dévier du chemin lui étant destiné. Un mal pour un bien, en somme.

1. Ride Like the Wind 4:28
2. Where the Lightning Strikes 4:19
3. I Can't Wait Anymore 4:24
4. Calm Before the Storm 3:46
5. S.O.S. 6:02
6. Song for Emma 4:45
7. For Whom the Bell Tolls 3:54
8. We Are Strong 3:55
9. Jericho Siren 3:36
10. Red Alert 4:34
Bonus
11. I Can't Wait Anymore (12" mix) 4:51
12. Rock the Nations (Live - b'side "Ride Like the Wind") 4:42
13. Broken Heroes (Live - b'side "I Can't Wait Anymore") 6:06
14. Gonna Shout (Live - b'side "I Can't Wait Anymore") 4:40
15. Ride Like the Wind (Monitor mix) 4:26
16. For Whom the Bell Tolls (Monitor mix) 3:57


Biff Byford - vocals
Graham Oliver - guitar
Paul Quinn - guitar
Paul Johnson - bass
Nigel Durham - drums
&
Steven Lawes-Clifford - keyboards
Dave Taggart, George Lamb, Phil Caffrey, Steve Mann - backing vocals

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