vendredi 17 janvier 2014

Que d'os, que d'os !

Tom Waits "Bone Machine" (1992)
ou "Le cauchemar de Mr. Waits"


5 ans ! Il aura fallu attendre 5 ans pour découvrir le tant attendu successeur du déjà très réussi Frank's Wild Years... Une éternité, mais le jeu en valait la chandelle. Pour patienter, il y aura bien eu le live Big Time, la bande-son du Night on Earth de Jim Jarmush mais dieu que cette dixième oeuvre de l'improbable californien aura été attendue !

Pour le coup, c'est un Tom Waits bien noir, lugubre même, qui nous revient. Parce que dès sa pochette (signée Jesse Dylan, fils de Bob), pochette qui ne ment pas, Bone Machine s'affiche comme un étrange animal, une exploration quasi-gothique du versant waitsien de la musique américaine où, c'est heureux, les belles ballades tristes, qui sont devenues la trademark du possédé, ne sont pas totalement absentes et servent idéalement de respiration dans un ensemble plutôt beaucoup plus étrange et claustrophobe que ce que Tom avait eu l'habitude de livrer jusqu'alors. Et c'est en grande partie à cette intense bizarrerie assumée, à cette absolue noirceur que reviennent l'exceptionnelle réussite artistique de l'album.
Parce que si état de grâce compositionnelle et sonore il y a indéniablement, pour la rigolade, vous repasserez ! Obsédé par la mort textuellement, Bone Machine s'affiche en blues cassé et percussif orné des croassements si immédiatement du Maître de Cérémonie. De fait, pour parvenir à ses noirs desseins, Waits remanie en partie ses accompagnateurs, trouvant d'idéals nouveaux partenaires de jeu dans la (alors) jeune génération en la personne de Les Claypool et Brain des agités du bocal de Primus. Le résultat, outres les belles ballades tristes précitées, est souvent glaçant avec Tom en grand ordonnateur vaudou, en touche-à-tout instrumental aussi.
Les meilleurs moments ? Tous ! Même quand l'invité de luxe Keith Richards y va de sa guitare et de sa gorge (That Feel, qui clôt l'album), même quand un chicano rocker de Los Lobos, David Hidalgo sur Whistle Down the Wind, vient poser son habituellement clicheteux violon et accordéon (pas ici !), c'est dire !

Sur la lancée de cette épatante réussite, Tom Waits sortira son petit frère bâtard trop ambitieux, The Black Rider qui, s'il comporte quelques très beaux moments, n'a ni la classe ni l'esprit ni l'ambiance de son glorieux devancier. Un de chute pour Tom qui se remettra bien vite, mais ça vous le savez déjà. Reste donc Bone Machine, beau de toute sa laideur, laid de toute sa beauté, un opus noir toujours aussi indispensable. Le meilleur de Tom ? Peut-être même bien !


1. Earth Died Screaming 3:39
2. Dirt in the Ground 4:08
3. Such a Scream 2:07
4. All Stripped Down 3:04
5. Who Are You 3:58
6. The Ocean Doesn't Want Me 1:51
7. Jesus Gonna Be Here 3:21
8. A Little Rain (for Clyde) 2:58
9. In the Colosseum 4:50
10. Goin' Out West 3:19
11. Murder in the Red Barn 4:29
12. Black Wings 4:37
13. Whistle Down the Wind (for Tom Jans) 4:36
14. I Don't Wanna Grow Up 2:31
15. Let Me Get Up on It 0:55
16. That Feel 3:11


Tom Waits - Vocals (all songs), Chamberlin (1,6,9), Percussion (1,3,4,5,6,15), Guitar (1,3,5,12,14,16), Sticks (1), Piano (2,13), Upright Bass (7), Conundrum (9), Drums (10,11,12,16), Acoustic Guitar (14)
Brain - Drums (3,9)
Kathleen Brennan - Sticks (1)
Ralph Carney - Alto Sax (2,3), Tenor Sax (2,3), Bass Clarinet (2)
Les Claypool - Electric Bass (1)
Joe Gore - Guitar (4,10,12)
David Hidalgo - Violin (13), Accordion (13)
Joe Marquez - Sticks (1), Banjo (11)
David Phillips - Pedal Steel Guitar (8,13), Steel Guitar (16)
Keith Richards - Guitar (16), Vocal (16)
Larry Taylor - Upright Bass (1,2,4,5,8,9,10,11,12,14,16), Guitar (7)
Waddy Wachtel - Guitar (16)

11 commentaires:

  1. Avec Tom je ne suis pas objectif, mais c'est vrai que celui-ci est fameux de noirceur... Pas son plus connu cela dit.

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    1. Y-a-t'il vraiment un album de Tom qui soit plus connu que les autres ? Blue Valentines ? Frank's Wild Years ? Mule Variations ? Tom est grand et puis c'est tout !

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    2. Je pense que "Rain Dogs" par exemple et plus connu, ou du moins celui le plus souvent conseiller aux novices de l'artiste.

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    3. Avec Swordfish Trombones. Ces deux-là me semblent les plus connus. Les plus dévastateurs aussi, je ne suis plus tout à fait le même depuis. Dans la compile des plus belles chansons du monde de Keith j'aurais pu mettre "Tango till they're sore". Et d'autres.

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    4. Heureusement, il y a eu un morceau de Tom dans ladite compilation. Sauvé.

      Pour en revenir au "débat", j'ai tendance à conseiller un lot constitué de Closing Time, Blue Valentine, Franks Wild Years et Bone Machine parce qu'un album de Tom, définitivement, ce n'est pas suffisant pour appréhender la bête

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  2. Plains-toi, ça t'évite de surcharger ton disque dur ! ;-)

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  3. Yo!
    Il y a chez Waits un avant et un après la trilogie Swords-Rain-Frank's, les 5 ans d'attente en sont à la fois la cause et la conséquence. Bone fut un excellent moyen de relancer la Machine...
    EWG

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    1. Oui l'avant était beau, l'après est splendide.

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    2. Bone Machine c'est Tom Waits 2.0 à mon avis. Le bizarre plus poussé, et les compositions plus belles encore.

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  4. Magnifique !
    Indispensable !
    Les Ramones ont repris I don't wanna grow up : excellent !

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    1. Mouais, les Ramones... Par contre Tom, youpi, tu as bien raison !

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