lundi 13 janvier 2014

Devoir de mémoire (2)

Dans la foulée de l'album de Tanger proposé la semaine dernière (allez donc voir ça si vous l'avez raté, il mérite le déplacement), j'initie une nouvelle rubrique, à laquelle je vous invite d'ailleurs à participer (voir la fin de ce billet), réservée aux albums mésestimés, oubliés ou obscurs et dont la valeur est exactement inverse à leur réputation. Ca s'appelle donc "devoir de mémoire" et vous retrouverez le thème tous les lundis sur Mange Mes Disques. 

The Walker Brothers "Nite Flights" (1978)
"La fin... Et le début !"


Séparés en 1968, reformés en 1975, The Walker Brothers n'est pas que le véhicule de l'inspiration du plus connu des faux frères, Scott. Enfin, n'était parce que sur Nite Flights, troisième opus de retour et queue de la comète de la fratrie imaginaire, clairement, Scott est aux commandes même s'il partage les crédits avec ses associés.

Aux commandes parce qu'après les sympathiques mais inoffensifs No Regrets et Lines, respectivement de 1975 et 1976, albums assez typiques d'une pop/rock seventies pas exactement affolante, mais pas indigne non plus, l'approche sonore de la formation change radicalement, pour le meilleur.
Évidemment, il serait aisé de rapprocher Nite Flights du Low de Bowie sorti un an plus tôt avec lequel il partage une certaine froideur arty et un gout de l'exploration mélodique, ce serait oublier un peu vite l'influence décisive qu'eut Scott sur le jeune David Jones, ce serait aussi oublier l'air du temps, le choc tellurique provoqué par la vague punk britannique et son évolution, ce serait oublier, enfin, qu'on tient là le chaînon manquant entre les brumeux débuts de carrière solitaire de Scott et les développements avant-gardistes à venir, sur le Climate of Hunter de 1984 (son seul album des 80s) mais surtout sur Tilt et ses foutraques successeurs.
Côté compositions, si les titres de Gary et John sont de belle qualité, ce sont les quatre du troisième homme, Scott, d'ailleurs proposés en ouverture de Nite Flights,pas folles les guêpes !, qui dominent le débat. Plus substantielles et novatrices, menées aussi par la belle voix grave et habitée du sieur Engel (son vrai nom) elles sont autant d'exemples que l'appellation commune de l'album, The Walker Brothers, n'est qu'une façade, un véhicule par lequel chacun exprime sa sensibilité propre. A Scott donc la tension, la froideur mais aussi la plus fulgurante beauté, aux deux autres faux-frères la tradition un poil émoussée, surannée mais sympathique tout de même d'une pop rock relativement conventionnelle quoique boostée par des arrangements raccords avec le quarté d'introduction. En l'espèce, la chanson titre (que reprendra d'ailleurs Bowie pour son retour en solo après l'intermède Tin Machine) et surtout The Electrician, sa mélodie libre et déviante et ses cordes émouvantes, brillent de mille feux où l'on met et remet bien volontiers la main, masochistes que nous sommes.

Ultime album des Walker Brothers ou, partiellement (4 titres sur 10), nouveau départ déguisé d'un Scott Walker en recherche d'un ailleurs pour se réinventer, Nite Flights n'est pas qu'essentiel historiquement, c'est aussi, surtout !, un album à l'écoute addictive et passionnante, une œuvre faisant fi de toute concession commerciale... Enfin, pour son versant Engelien où il s'affiche tel un animal étrange, parfois glaçant mais finalement très beau, et toujours aussi chaudement recommandé.


1. Shutout 2:46
2. Fat Mama Kick 2:52
3. Nite Flights 4:21
4. The Electrician 6:04
5. Death Of Romance 3:42
6. Den Haague 4:02
7. Rhythms Of Vision 2:53
8. Disciples Of Death 3:47
9. Fury And The Fire 3:56
10. Child Of Flames 3:14


Scott Walker - vocals, bass, keyboards
Gary Leeds - vocals, percussion
John Walker - vocals
&
Ronnie Ross
- soprano saxophone
Alan Skidmore - tenor saxophone
Chris Mercer - saxophone
Jim Sullivan - rhythm guitar
Les Davidson - guitar
Frank Gibson - drums
Peter Van Hooke - drums
Mo Foster - bass
Dill Katz - bass
Dave MacRae - keyboards
Morris Pert - percussion
Joy Yates - backing vocals
Katie Kissoon - backing vocals
Dennis Weinreich - backing vocals


Un album dont vous voudriez que les gens se souviennent ? N'hésitez pas à la partager (avec un petit texte d'accompagnement si possible), je me ferai un plaisir de le poster.
zornophage[at]gmail[dot]com

11 commentaires:

  1. Je ne sais pas si c'est le chaînon manquant, surtout que j'adooooore les débuts solo de Scott, mais c'est un album que j'ignorais totalement.
    Assayas évoque les Joy Division sur le ELECTRICIAN.... Allez, mon album du Lundi matin. Je reviens dire si il a éclairé blafardement ce démarrage laborieux chez moi

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    1. The Electrician aurait aussi influencé Ultravox, dixit Midge Ure...
      Sinon, j'espère que l'album (au moins sa première moitié) te plaira. ^_^

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  2. Pleind e chose à dire et manque de temps, mais en style télégraphique
    1) Je comprends mieux le risque à jouer sur plusieurs genres musicaux, finalement les avoir mis en premier, pour l'époque où tu écoutais dans l'ordre, pas forcément la bonne idée.
    2) ELECTRICIAN, me fait penser à une idée qui germe en moi, manque encore de solidité, à associer avec des titres de Bashung, la chanson a des arrangements impressionnants, mieux intimidants. Mais cela permet de passer outre la mélodie, j'ai l'impression que la partie mélodique est finalement assez "Simple"? La mélodie? Ce qui reste le plus compliqué dans l'écriture?

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    1. J'aime bien l'ordre de l'album en fait. Ca nuit un peu à la fluidité de l'album, parce que la suite, les titres de Gary et de John sont plus classiques et font un peu retomber le soufflé mais ça permet de gouter d'emblée à ce qu'il y a de plus intéressant.
      Concernant la mélodie de The Electrician, je ne la trouve pas si simpliste que ça.

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    2. C'est tout mon problème de non-musicien, comment nomme-t-on ce qui se "siffle" sous la douche? Et c'est ici que je veux rendre hommage à ceux qui écrivent des airs faussement simple mais que l'on siffle/chante hors arrangement: Bacharach, Aznavour, Legrand, Daho.... Moins Bashung, moins ELECTRICIAN....

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    3. On peut même siffler du John Zorn ! ^_^

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    4. Hum... quand l'eau devient bouillante?

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  3. Ce qui est amusant dans la trajectoire de Scott Walker, et on l'oubli trop souvent aujourd'hui, c'est qu'au milieu des années soixante (ceux qui ont vécu cette époque pourront confirmer), les Walker Brothers étaient connus comme un groupe à "minettes". Il s'est bien vengé depuis!

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    1. Comme les Beatles (et d'autres) dont le statut a depuis bien changé.

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  4. Je découvre un peu tard ce blog. Si a tout hasard le petit lien pouvait se réactiver...

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    1. Je te propose même, si le cœur t'en dis, de faire un petit tour du blog et de relever ce qu'il te ferait envie de découvrir mais qui n'est plus disponible. Je me ferai un plaisir de proposer un théma rattrapage dont de plus nombreux visiteurs bénéficieront.

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