jeudi 17 avril 2014

Les Immanquables (5) : Montagne d'émotion

Goldfrapp "Felt Mountain" (2000)
ou "Alison le glas"


     Si un ange tombait des cieux et enregistrait un album pour nous-autres pauvres mortels, ça ne serait pas très différent du divin premier opus de la charmante Alison Goldfrapp.

     Qui n'est présentement plus une débutante ayant sévi dans plusieurs formations anarcho-punk aux profils publics élusifs avant de faire une apparition remarquée avec les électroniciens d'Orbital et d'y être remarquée par celui qui est son partenaire depuis au sein de l'entreprise Goldfrapp : Will Gregory.
     Musicalement, la tentation de classer Felt Mountain, premier album du duo, dans le trip-hop dont il sont contemporains et de ne plus en parler est grande mais ultimement limitative ne prenant pas en compte la richesse des influences et leur traitement particulier une paire d'instrumentistes/compositeurs/interprètes supérieurement imaginative. Parce qu'il y a plus dans les vocalises d'Alison et les musiques conçues avec Will que votre dose habituelle de trip-hop à chanteuse façon Morcheeba (pour le plus léger) ou Portishead (pour le plus dramatique). C'est évident dès Lovely Head où clashent les échos conjoints de Burt Bacharach, d'Ennio Morricone et de Massive Attack avec une sensibilité vocale cousine d'Elizabeth Fraser et des arrangements au potentiel filmique énorme. Et puisqu'on parle de voix, établissons définitivement qu'Alison, sans doute bien aidée par une formation classique et le large registre dont l'a doté Mère Nature, est le centre d'intérêt principal de chacune des 9 (magnifiques) compositions garnissant l'album, aussi capable d'une délicatesse ou d'une sensualité absolue que d'emportements bienvenus et même de quelques traitements sonores et vocalises étranges (sur le morceau titre par exemple) renforçant l'"extraterrestralité" de la galette. Un galette qui, entre Hollywood ou Cinecittà et Bristol, entre hier (voire avant-hier), aujourd'hui et sans doute un peu demain, peut définitivement être qualifiée de rétro-moderniste en plus d'ear candy de première classe parce que Felt Mountain, à l'évidence à l'examen des très nombreux intervenants ayant été réunis pour l'enrichir (mais jamais l'empeser !), est une œuvre mûrement réfléchie et brillamment exécutée. Une œuvre dont on peine à retenir un morceau plus qu'un autre tant la palette présentée est, in fine, complémentaire et inséparable.

     Depuis Felt Mountain, la fine équipe constituée par Alison et Will a fait florès, jamais stagné musicalement prenant par conséquent le risque de décevoir ponctuellement un auditoire par forcément friand de déstabilisation. Ponctuellement, ils se sont approchés de leur déclaration de grâce initiale sans toutefois jamais l'égaler mais en n'essayant jamais non plus de reproduire à l'identique l'exploit. C'est tout à l'honneur d'une équipe dont chaque apparition revêt désormais un caractère évènementiel chez ceux qui savent qu'un potentiel énorme il y a chez ce Goldfrapp changeant, souvent attachant et concluant. Et que ceux qui ne savent pas encore, heureux les ignorants pouvant gouter au doux nectar de la découverte, se penchent au plus vite sur Felt Mountain, ils m'en diront des nouvelles !
 

1. Lovely Head 3:49
2. Paper Bag 4:05
3. Human 4:36
4. Pilots 4:29
5. Deer Stop 4:06
6. Felt Mountain 4:17
7. Oompa Radar 4:42
8. Utopia 4:18
9. Horse Tears 5:10
bonus
10. Utopia (Plaid mix)
11. Utopia (Goldfrapp mix)


Alison Goldfrapp – vocals, whistling, keyboards, producer, sleeve design
Will Gregory – keyboards, string arrangements, brass arrangements, producer
&
Alexander Bălănescu – violin (2, 5, 8)
Nick Barr – viola (2, 5, 8)
David Bascombe – additional mixing (8)
Nick Batt – bass synthesiser (1); additional programming (1, 3, 4, 6); additional mixing, metal percussion (3); additional engineer (all tracks)
Andy Bush – trumpet (3); flugelhorn solo (7)
Steven Claydon – synthesiser (6, 8)
Nick Cooper – cello (2–5, 8)
John Cornick – trombone (3)
Andy Davis – baritone ukulele, koto, melodica (2)
Clive Deamer – brushes (4)
Flowers Band – brass band (7)
 Luke Gordon – additional engineer (all tracks); additional programming (3, 4)
Stuart Gordon – viola, violin (1, 9); tremolo violins (6); violin solo (9)
Bill Hawkes – viola (3, 4)
Steve MacAllister – French horn (6)
Mute Male Voices – humming (2)
Jacqueline Norrie – violin (3, 4)
Rowan Oliver – percussion (3, 4)
Tony Orrell – drums (7, 8)
John Parish – drums (1, 2, 9); bass guitar, tremolo guitar (9)
Mary Scully – double bass (2, 5, 8)
Sonia Slany – violin (2–5, 8)
Adrian Utley – bass guitar (1, 4); synthesiser, tremolo bass guitar (2)
Ben Waghorn – tenor saxophone (3)
Chris Weston – additional programming (8)

14 commentaires:

  1. Un album incroyable, album de chevet absolu. Déçu par la suite, en revanche. Je n'ai apprécié que Tales of Us et Seventh Three depuis.

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    1. C'est déjà beaucoup pour ce groupe à la démarche en ligne brisée.

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    2. C'est d'ailleurs la même chose pour moi avec une très nette préférence, aussi pour 7th Tree et Tales of Us mais une adoration seule donnée au présent Felt Mountain.

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  2. J'adore ce disque, j'aime le groupe, Je suis aussi touché par le jeu sensuel de l'artiste, ce jeu me fait penser à Kate Bush dans sa façon de séduire, combinant son et image.
    Par contre, marrant, je l'écoute peu, j'ai peur de "comprendre" la magie et de ne plus apprécier, je l'écoute régulièrement mais peu....

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    1. Tout le contraire ici. A sa sortie, quand je l'ai découvert, je l'ai usé jusqu'à le connaitre dans ses moindres recoins et, du coup, comprendre le pourquoi du comment. Personnellement, une approche analitique de la musique ne me la gâche pas.

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    2. C'est moins une question d'analyse en ce qui me concerne, mais je me méfie de mes engouements spontanées, je crains de tomber dans un genre de JunkMusic (une partie de la Lounge) généralement quand j'aime pour toujours c'est qu'il y avait de la profondeur et du sens caché jusqu'à la révélation après plusieurs écoutes. Sur ce disque le plaisir est immédiat et je continue à craindre la lassitude.
      Mais ton expérience prouverait le contraire, tant mieux pour l'oeuvre, je vais te croire sans vérifier tellement il y a encore à écouter ... des albums qui se font désirer sur la longueur.

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    3. Prend ton bonheur comme tu le veux, Antoine, c'est la seule règle du "jeu". ;-)

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  3. Je viens de découvrir. C'est d'une "sombritude" absolue !!!!! Plusieurs fois, j'ai eu envie de me taillader les veines. Qu'est-ce qui peut bien rendre aussi malheureuse une si jolie jeune femme ?
    Très jolie voix, ambiances lugubres, accompagnements musicaux discrets mais riches… un disque pour dépressif chronique.
    J'y recèle quelques traces de Bjork.
    J'ai pris du plaisir à l'écouter… mais il ne passera pas en boucle dans ma chambrette sous les toits !!!!!

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    1. Ce que tu es sensible tout de même ! Te taillader les veines, tt de même !!!
      Tu as pris du plaisir ? C'est l'essentiel. :-)

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    2. Lugubre? Sombre? C'est tellement inattendu que tu me mets le doute dans la tête.... Je me le repasse

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    3. Tu me diras parce que, si sombritude il y a indéniablement, elle est contrastée par moult puits de lumière, selon moi.

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    4. Comme quoi, Keith, à force de s'écouter du Trash Dark Metal Death Funny Street.... Sombre comme le crépuscule pourquoi pas, douce mélancolie... un peu de tristesse dans le registre regret... Mais je ne ressens pas le lugubre.
      Comme quoi.
      Moi qui croyait Keith un dur... Je n'irai pas plus loin, vu ce qu'il nous prépare... Tiens je vais lui en toucher un mot au loustic

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  4. Rhoo, je croyais que c'était qu'un alnum que pour moi que personne d'autre l'écoutait et que j'ai l'impression de m'être fait chiper une meuff :D
    Sans dec, il est aussi à mon chevet.. c'est un truc particulier dans l'histoire de la musique, avec tt qui s'engouffre dedans. Total déçu par la suite, sauf le dernier.

    "Deer stop" et je tombe, avec le final à foutre par terre.

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    1. Je tombe aussi pour Deer Stop mais ne suis pas aussi radicalement déçu par la suite, enfin, pas par tout ce qui suivit.

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