mercredi 2 avril 2014

Vade retro, Satanas !

Gary Lucas, Dean Bowman "Chase the Devil" (2010)
ou "Le Blues des Anges"


     Ho !, la belle rencontre que voici ! Quand Dean Bowman (ex-vocalistes des bouillants Screaming Headless Torsos) rencontre l'excellent six-cordiste Gary Lucas (récemment avec Peter Hammill, en solo sur une tripotée d'albums, compositeur de musique de film ou aperçu en accompagnateur de Captain Beefheart, Lou Reed, Patti Smith, Jeff BuckleyJohn Cale, Nick Cave ou John Zorn, pour ne citer que les plus glorieux), quand les deux hommes se trouvent une passion commune pour la roots music spirituelle, l'offre se révèle en galette inspirée, dépouillée et recueillie et, paradoxalement, souvent enjouée.
 
     Parce que, évidemment, la foi est joie et que les gospels, parfois "judéocentrés", repris par  Lucas et Bowman l'expriment à merveille. Il suffit en fait de peu de choses, des deux hommes, et du percussionniste Mustafa Ahmed sur les deux premières pistes de l'album, les seules compositions originales de la sélection, pour bâtir cette maison en rondeau de bois, y poser sur la terrasse ses proverbiaux rocking-chairs, et laisser s'installer et s'exprimer une musique simple (mais pas simpliste) faite de prières mais aussi d'un allant et d'une dose d'électricité réjouissants.
     Pas de surprise concernant Gary Lucas, on le sait fine lame et adaptable à tous les répertoires (ou presque mais ça reste à confirmer), il y fait un boulot parfait entre acoustique "coin du feu" et électrique, l'ampli branché sur le générateur à mazout et parfois même en planant vers la stratosphère. Ceux qui ne connaissent pas Dean Bowman trouveront un vocaliste aussi capable de retenue que d'emportements (extatiques en la circonstance), une bonne voix black à la large palette audiblement inspirée par le thème dévot de ce Chase the Devil.
     Concernant la tracklist, on regretterait presque la présence des deux originaux d'ouverture, deux compositions au dessus de tout soupçons (l'impeccable Nobody's House en particulier) mais pas exactement dans l'ambiance de ce qui suit. Et ce qui suit est du meilleur vin (de messe). On y retrouve un ensemble emprunté au domaine public, au répertoire traditionnel ou à quelques classiques du folk/blues judéo-chrétien (dont deux du révérend Gary Davis) des Etats Unis ou d'ailleurs (Hinay Ma T'ov, traditionnellement chanté pour le sabbat ou Jérusalem, hymne anglais par excellence jadis repris par Emerson Lake & Palmer ici moins "bombastique" ça va sans dire) qui, l'un après l'autre, nous emmènent en balade au pays de Dieu, où tout n'est pas si parfait qu'on l'escomptait et que, du coup, on y resterait bien plus longtemps, parce que l'imperfection est rassurante d'humanité finalement, que les trois courts quart d'heure que constituent cet opus organique en diable (!).
 
     L'offre pouvait laisser perplexe à priori, pensez !, du folk/blues qui croit en dieu quand chacun sait que la beauté du diable est tellement plus attrayante. Et puis non, par la magie d'un guitariste aussi élégant que virtuose et d'un vocaliste aussi inspiré que l'extraordinaire Dean Bowman, ce qui n'aurait pu être qu'une curiosité se révèle une jolie petite trouvaille sur un label, Knitting Factory Records, qui n'en manque, il est vrai, aucunement. Recommandé !


1. Nobody's House 3:26
2. Time And The Place 2:37
3. God Is A Good God 6:22
4. Twelve Gates To The City 3:22
5. Dark Was The Night, Cold Was The Ground / This May Be The Last Time 5:38
6. Hinay Ma T'ov 2:05
7. Children Of Zion 3:04
8. Out On The Rolling Sea 3:23
9. In Christ There Is No East Or West 3:25
10. Jerusalem 2:02
11. Let My People Go 3:41
12. Up Above My Head 4:52
(tout les extraits son en live)


Gary Lucas - guitar
Dean Bowman - vocals
&
Mustafa Ahmed
- percussion (1, 2)

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