mardi 28 janvier 2014

Organic Zorn

John Zorn "The Hermectic Organ vol. 2 - St. Paul's Chapel" (2014)
ou "Saint Zorn en la Chapelle"


Pour sa première apparition discographique de 2014, John Zorn nous refait le coup de l'orgue d'église, et donc d'un volume 2 de son Hermetic Organ. Bonne nouvelle, le premier avait séduit.

Une première constatation, sur la forme celle-ci, si le premier volume était une succession d'ambiances et de mélodies, la performance n'était pas découpée en plusieurs pistes contrairement à ce volume second qui en présente sept. Ainsi pourra-t-on l'écouter par "tranches", dans l’ordre ou pas selon l’envie et l’instinct, ce qui en facilitera sans doute la digestion, la compréhension aussi.
Parce qu'il est évident que le trip présentement proposé n'est pas exactement immédiatement accessible, sauf à se laisser émotionnellement submerger par le torrent. Il est évident aussi que Zorn "trippe" énormément sur l'orgue de la Chapelle Saint Paul de New York City devant un public qu'on imagine volontiers, tour à tour, enjôlé, médusé, cajolé, violenté par de tant passion et si peu de compromission quant à l'usage de l'instrument cérémoniel.
A l’évidence, et pas seulement parce que les titres alloués à chaque segment  pointent dans cette direction, il y a une dimension profondément mystique dans la performance, tout sauf une surprise pour ceux qui suivent un tant soit peu l’œuvre du trublion. Mais si le mysticisme zornien, présentement, déborde encore souvent vers un bruitisme orageux, les apaisements, pas si peu nombreux qu'on pourrait l'imaginer et tous bienvenus comme sur un Prayer en état de grâce (ça tombe bien !), respirations nécessaires à ce maelstrom, tempèrent ce déluge de notes péri-improvisées et sont autant d'entrées évidentes dans cet univers d'une noirceur souvent violente.
Alors, évidemment, on peut trouver des références, des ressemblances dans le classique contemporain le plus ardu, de Xenakis à Messiaen, de Stockhausen à Nono (le blabla promotionnel de Tzadik ne s’en prive d’ailleurs pas) mais aussi chez des minimalistes tels que Reich, Terry Riley ou, surtout !, le Philip Glass des débuts qui en disait tant en peu de notes qu'il nous laissait, du coup, ébahis. A l'image de ses glorieux devanciers, Zorn le roué, Zorn le malin sait ne pas trop en faire justement, et sait, ce faisant, hypnotiser son auditoire de belles ambiances calmes… Pour mieux le trépaner de furieuses cavalcades ensuite !
Toute l'œuvre fonctionne sur cette dichotomie, cet équilibre entre le chaud et le froid, le beau et le laid, le grandiose et le ridicule, le facile et le demandant. Typiquement zornien en somme et en même temps un autre monde parce que Zorn y oublie pas mal de ses tics en choisissant d'honorer, avant tout, l'instrument et ses possibles dramatiques, liturgiques même.
Au final, passées les 47 minutes que durent la performance, on ressort un peu rincé, tout à fait épaté par la capacité de l’homme Zorn posséde de sans cesse se réinventer, de toujours trouver de nouveaux champs d’action sans jamais avoir l’air de s’y forcer, de chercher absolument à élargir son spectre. Et de se dire que ce que  l’inaugural volume de la série avait touché du doigt en une emphase mélodico-foutraque, son successeur l’accomplit : faire du neuf avec du vieux, réussir l’incroyable exploit d’être à la fois familier et révolutionnaire.

A mon humble avis, que vous avez tout à fait le droit de ne pas partager me démettant comme un vil zélote du compositeur/performer New Yorkais, Bach, qui s’y connaissait un peu en musique pour orgue, serait fier de cet improbable et furieux rejeton. Oui, rien que ça !


Office Nr 9 - The Passion
1. Crucifixion 6:55
2. Prayer 9:12
3. Ascent into the Maelstrom 4:33
4. In Gloria Dei 11:28
5. Holy Spirit 7:17
6. Battle of the Angels 3:16
7. Communion 4:21
(pas d'extrait pour ce trip total !)


John Zorn: Organ

6 commentaires:

  1. Superbe chro ! J'avais adoré le premier volume, tu me donnes envie d'écouter celui-ci !

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    1. Merci Augustin.
      N'hésite pas à revenir livrer ton opinion.

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  2. Zorn est-il d'une qualité constante dans ses œuvres ? Il a l'air d'être toujours intéressant, quoi qu'il fasse, à lire plusieurs papiers sur lui (dont les tiens). Je pense que je vais attaquer son œuvre par "@" avec Thurston Moore, j'aurais l'accroche assurée par mon amour pour Sonic Youth, puis je vais écouter ses œuvres de 2013 que tu as présentées

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    1. Comme le dit SB juste en dessous, je ne suis pas persuadé que @ soit la porte d'entrée idéale. Il m'en faudrait cependant en connaître plus sur tes gouts pour la définir. Jazz ? Rock ? World Music ? Classique contemporain ? Où vont tes préférences ? Quelles sont tes allergies ?
      Franchement, je suis toujours curieux de voir la réaction d'un néo-auditeur à Zorn et donc à l'aider à trouver son introduction idéale.

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  3. Zorn a visiblement la flamme (de l'inspiration) et fait tout pour l'entretenir et la stimuler en travaillant énormément, d'où une certaine constance dans la qualité de sa production. Pour qui le suit depuis longtemps, la qualité et le plaisir va plutôt en augmentant, non pas que ces premières œuvres soient moins intéressantes mais elles sont souvent plus difficiles d'accès. Ce vol. 2 comme le "@" ne sont pas pour autant faciles... et je ne suis pas certain que ce soit les bonnes portes pour entrer dans l’œuvre. "@" est vraiment très (trop?) éloigné de Sonic Youth. Cependant, ce sont des œuvres surprenantes, parce que prenantes, (Zorn n'y va pas de main morte) et très originales parce qu'assez éloigné de ce que nous écoutons habituellement. On a beau entendre les filiations -Bach, Riley, Glass, dans le Hermetic Organ- et Sonic Youth dans "@" on en est vraiment loin.
    Même si la qualité augmente constamment, on a le droit d'avoir ses préférences dans une œuvre riche et varié. J'aimais bien le côté monolithique du Vol1 et je suis un peu déstabilisé par ce vol2... Certaines parties me touchent plus que d'autres. Certains en conclueraient peut-être qu'il est inégal ce que je me garderait bien de faire. Il faut bien que je trouve une raison de le supprimer de mon disque dur. Je réserve mes sous pour le Psychomagia le 3 février. J'achèterais peut-être celui-ci si je n'ai rien de mieux à acheter.

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    1. Entre le 1 et le 2 des Hermetic Organs, j'entends une sacrée évolution. Zorn, présentement, semble encore plus à son aise sur l'orgue, semble aussi avoir plus envie de mélodies que sur le volume 1. Quand à son côté plus fluctuant, plus découpé (ce qui justifie probablement la multiplicité des pistes), je l'apprécie. Elle est, à mon avis, plus dans les cannons de Zorn que ne l'avait été un premier volume certes plus surprenant mais, au final, moins agréable à écouter. Je vote pour le 2 et j'attends la suite des œuvres de 2014 en espérant que ce soit une aussi belle années que le furent 2011, 2012 et 2013.

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