vendredi 13 septembre 2013

Sonic Zorn

John Zorn/Thurston Moore ""@"" (2013)
ou "New York Rendez-Vous"


A voir la configuration en duo guitare et saxophone, on est évidemment tenté de faire le parallèle avec The Art of Memory et ses successeurs, démonstrations conjointes de John Zorn avec le barjotant guitariste Fred Frith (Henry Cow, etc) mais, d'une, Thurston Moore (de Sonic Youth pour ceux qui ne suivraient pas) n'est pas Frith, de deux, Zorn n'a visiblement pas imaginé la rencontre de deux piliers de deux scènes New Yorkaises importantes (Downtown Scene et No Wave) de cette manière.

Enregistré le 12 février 2013, et rapidement mixé un mois plus tard (11 mars), "@" est un ensemble d'improvisations réunissant deux musiciens et compositeurs dont on sait que les seules limites sont celles de leurs imaginations et de leurs maîtrises instrumentales, deux créateurs libres capables de tout. C'est aussi la rencontre de deux mondes qui se sont souvent croisés (voir les Golden Palominos, par exemple) parce qu'une communion d'esprit existe, en plus d'une similitude géographique, dans une volonté de déstructurer, déconstruire, reconstruire le schmilblick. Evidemment, le bruit et la fureur sont souvent au rendez-vous mais pas seulement, le duo sachant ponctuellement flirter avec des mélodies plus accessibles et des ambiances plus éthérées rendant, de fait, les expérimentations bruitistes auxquelles s'adonnent les deux sbires encore plus puissantes et l'attrait d'entendre les deux hommes torturer leurs instruments respectifs plus satisfaisant. Il faut d'ailleurs noter que ces vignettes de douceur (relative) proviennent le plus souvent du saxophone quand la guitare texture la performance.

A déconseiller fermement aux âmes sensibles, ce mariage free jazz/no wave fonctionne tel la bande son d'un décor industriel et post-apocalyptique : dissonant, radical, inharmonique... Sans compromis ! On n'attendait, en vérité, pas autre chose d'une rencontre aussi improbable que bienvenue démontrant, s'il le fallait encore, la versatilité et l'intelligence de Thurston Moore et de John Zorn.


1. 6th Floor Walk-Up, Wariting 12:25
2. Jazz Laundromat 4:58
3. Dawn Escape 9:39
4. Her Sheets 4:19
5. Soiled Luscious 6:12
6. Strange Neighbor 9:45
7. For Derek and Evan 7:54


John Zorn - sax
Thurston Moore - guitar

13 commentaires:

  1. Wow, en exlusivité!!! Un grand merci!!!

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  2. Oui, un grand merci également. Avant de l'écouter, je le pensais très dispensable, en terme d'acquisition, sachant ce qui arrive juste après (In Lambeth). Après écoute, je suis assez mitigé. Zorn s'en sort mieux que je ne l'imaginais mais Moore reste assez égale à lui-même et même un peu en dessous de ce que j'espérais l'ayant vu en concert en solo (et en duo avec Andy Moor). Dommage que ce ne soit pas plus groovy rythmiquement à la Sonic Youth, ce qui lui arrive parfois en solo. Reste le côté noisy, qui est quand même souvent très beau. Strange Neighbor est fantastique. Zorn est fabuleux. Alors dispensable? j'en doute, à la première écoute.

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    1. C'est vrai que, sur le papier, le 3ème volume du Gnostic Trio fait plus envie mais, comme toi visiblement, j'ai été très agréablement surpris par "@". Je n'ai pas les mêmes réserves concernant Thurston Moore qui fait exactement ce que j'attendais de lui : des soundscapes. J'ai adoré la performance saxophonique de Zorn, fou et doux, jazz et noise, impeccable de bout en bout et, donc, bien soutenu par les climats "mooriens". Plus de groove ? Dans un volume 2 peut-être... ^_^

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  3. Allez! Celui-ci, je me le tente! Merci du partage.

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  4. Yep voilà un mariage qui m'intéresse. Et avant écoute, cette collaboration me donne peut-être un nouvel éclairage sur les albums solos de Thurston Moore qui m'avaient laissé un peu de marbre (en fait surtout le dernier Demolished Thoughts, pas réussi à rentrer dedans).

    A suivre...

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  5. J'ai aimé la façon qu'ils ont de s'écouter, de prendre la main à tour de rôle, de passer du calme à la tempête. (On entend bien l'influence d'Albert Ayler (une de mes grosses idoles) sur le deuxième titre.)

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    1. Forcément, du sax free à un moment ou à un autre, on va croiser Ayler. S'écouter en impro, c'est obligatoire et c'est vrai que ça s'entend, une bonne chose.

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  6. C'est bon, ca pourrait l'etre encore plus, mais c'est quand meme vraiment bien. Et ca vaut largement bon nombre de machins post-rock qui repetent les memes sons "atmospheriques" pendant des heures!

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    1. Il faut garder à l'esprit que ce fut enregistré en une journée. ;-)

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  7. Merci! Comme ça, ça peut paraître un peu improbable comme réunion ou un peu mondain, comme l'opus avec Laurie Anderson et Lou Reed (Stone Issue) que je n'ai pas encore écouté. Après, malgré tout, il faut bien voir que Thurston Moore, à priori un peu plus porté sur l’ambiant ici, a une grosse culture free-jazz et qu'il a commis, quelques disques, notamment avec William Hooker dans cette veine... Très curieux de découvrir cet opus.

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    1. Et très curieux d'avoir ton retour dessus.
      En fait, je trouve que la rencontre fait sens d'autant que Zorn a déjà frayé avec des éminences de la scène No-Wave dont Sonic Youth faisait parti à ses débuts. Je trouve même le résultat prévisible si très agréable.

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