dimanche 27 avril 2014

France Dimanche (4)

Nicolas Repac "La Vile" (1997)
ou "Chanson Industrielle"


     Tout premier album solitaire du sideman préféré d'Arthur H, La Vile voit Nicolas Repac, guitariste et chanteur mais tellement plus encore, se tracer un improbable chemin...
 
     Parce que la collision de la chanson rock et du rock industriel n'était pas vraiment un pari gagné d'avance. Un peu de Gainsbourg épicé au Nine Inch Nails ? Y a de quoi avoir peur, avouez.
     De Gainsbourg, Repac retient un chant presque pas chanté mais surtout un goût des mots avec lesquels il joue avec une audible délectation si un maniérisme un peu systématique et parfois maladroit (comparé à son modèle), mais finalement charmant et tellement au-dessus de la mêlée qu'on aurait mauvaise grâce à faire la fine bouche.
     De Nine Inch Nails, Repac reprend (ou cousine) un art de texturer la musique d'électricité et d'électronique, de concasser les sons jusqu'à les rendre méconnaissables et pourtant étrangement organiques, on notera aussi ce qui le différencie fondamentalement de la formation de Trent Reznor à savoir que musicalement, c'est tout de même nettement moins agressif, et beaucoup plus musical empruntant à de nombreux folklores sans en avoir jamais vraiment l'air, signe indéniable d'un vrai beau talent d'arrangeur et d'explorateur musical débridé. D'ailleurs, ce goût des mariages improbables se retrouvera dans ses deux excellents opus pour No Format, Swing Swing et Black Box mais déjà, ici, on pouvait entrevoir le potentiel d'assembleur malin même si le contexte est éminemment différent. On y retrouve même la source africaine (via l'usage du balafon ou du sanza) mais aussi des approches rythmiques tribales qui lui seront si utiles dans sa double collaboration avec Mamani Keita.
     Parce que c'est de chansons dont il s'agit ici, de bonnes chansons. Où la voix souffreteuse de Repac fait merveille, des chansons sales, urbaines, souvent désespérées, hantées. Clairement, il n'y a pas beaucoup de lumière dans ce brouet inhabituel et attirant non dénuée d'une certaine sensualité trip-hoppante. Globalement, la collection est très belle et forme un tout quasi-indissociable dont on ne retirerait rien si tout n'y est pas d'une égale réussite mais où les grands hauts (le ludique Madame Desastre, la beauté ambient blues de Le Ciel Aigri, le talking jazz indus de Le Fric, le tribalisme délicat et discret de Prier, etc.) compensent largement les petits bas (le passage difficile de deux titres mélodiquement mineurs que sont Le Moribond et Bordel à Queue avant le redémarrage gothique du Grand Corbeau Noir en final réussi). 
 
     Après un si beau succès, artistique parce que commercialement..., il fallut attendre 10 ans pour retrouver Repac chanteur sur le recommandé La Grande Roue. C'est long mais, évidemment, moult autres projets occupèrent le lascar dans l'intervalle. Et depuis ? Plus rien et c'est bien dommage parce que Repac compositeur et interprète de ses propres chansons est presque aussi savoureux que Repac monteur sonore de génie ou Repac accompagnateur et co-créateur de grande classe (voir L'Or Noir avec Arthur H). La Vile est, vous l'aurez compris, un album qu'il est chaudement conseillé d'écouter... Si vous parvenez à mettre la main (l'oreille) dessus !


1. Madame Desastre 4:30
2. Ego 5:02
3. Dans Le Ghetto 3:39
4. Le Ciel Aigri 4:48
5. Le Fric 4:34
6. Metropolis 5:22
7. La Vile 4:48
8. Prier 3:53
9. Le Moribond 4:10
10. Bordel à Queue 3:34
11. Le Grand Corbeau Noir 3:34


Nicolas Repac - voix, guitares, flûte, balafon, sanza, programmation, samples, arrangements
Pierre Fruchard - guitares, illustrations, arrangements
Laurent Robin - batterie
David Coulter - violon, mandoline, didjeridoo
&
Najette - prières (8)
Stéphane Hervé - samples additionnels, prières (8), photos, coproduction artistique
Philippe Teissier du Cros - zen cymbales (11), production, enregistrement, mixage
Pierre Guinot - samples additionnels

5 commentaires:

  1. Ce mec là est un génie méconnu de par ici.. j'adore ses créations...
    Quelle injustice son invisibilité, quand je pense qu'on nous bassine avec Nicolas Peyrac :D

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je me bats suffisamment pour que ça se sache, n'hésite pas à relayer, Repac le mérite !

      Supprimer
  2. Bonjour, euh... un re-up serait-il possible ? Merci.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Pas immédiatement mais, ayant prévu un "parcours Nicolas Repac" pour bientôt, je peux te confirmer qu'il en sera. Patience, donc, mais pas si longtemps...

      Supprimer