samedi 10 août 2013

Pas frippé du tout !

King Crimson "Discipline" (1981)
ou "La réinvention"


Quand, aux naissantes années 80, Fripp décida de réactiver son King Crimson, aucun de ceux qui avaient suivi les aventures de ce fondateur du rock dit progressif n'aurait pu anticiper la musique qui allait leur être proposée.

Complexe, technique, angulaire, glaçante même, ce qu'offrait alors le groupe n'avait plus grand-chose à voir avec ce avec quoi ils nous avaient abandonné sept ans plus tôt, l'extraordinaire Red. Fripp Aura-t-il été motivé par les nouveaux et radicaux développements venu frapper de plein fouet la scène musicale de la prude Albion, ou (plus vraisemblablement) ses travaux berlinois avec Eno et Bowie l'auront-ils amené à repenser sa conception de la musique du groupe, toujours est-il que - sans vraiment essayer de coller au « son du jour » - ce King Crimson évoque forcément l'explosion Post-Punk (on dit aussi New Wave) par le parti-pris sonique revendiqué.

Evidemment, comparé à tous les jeunes excités brandissant fièrement la bannière de cette nouvelle scène musicale (Wire, P.I.L., Magazine, Gang of Four, etc.), King Crimson pourrait apparaître comme un aimable dinosaure tentant de se relancer et quelques élans mélodiques aux remugles de patchouli et d'encens viendraient presque nous en convaincre. Mais il y a de vrais moments de colère froide sur cet album, de musique dangereuse et tendue contrôlée avec maestria par un quartet de virtuoses. Elephant Talk, Indiscipline ou Thela Hun Ginjeet (qui aurait tout à fait eu sa place sur le splendide Remain in Light de Talking Heads) sont, en l'espèce, trois séismes dont les répliques se font sentir jusque dans ce qu'il est désormais convenu d'appeler Math Rock (Battles, Don Caballero, etc.) soit une espèce de punk jazz progressif où l'extrême maîtrise technique est mise au service de bizarreries quasi-robotiques et définitivement paranoïdes. En résumé, King Crimson ne plaisante pas.

Forcément, Discipline, album sans compromis d'une formation retrouvant là un inespéré second (3ème ?) souffle, divisa. La fan-base de King Crimson se fragmenta mais un nouveau monde s'ouvrait à eux et deux albums allaient suivre reprenant peu ou prou la même formule que celle ici appliquée... Avec moins de réussite cependant. Car ici, on frôle la perfection et c'est encore plus évident sur le mix 2011 élaboré conjointement par Robert Fripp et Steven Wilson (Porcupine Tree). Un travail d'orfèvre (quoique relativement avare en outtakes) sur lequel on revient souvent, toujours admiratif devant tant d'audace et de talent.


1. Elephant Talk 4:43
2. Frame by Frame 5:09
3. Matte Kudasai 3:47
4. Indiscipline 4:34
5. Thela Hun Ginjeet 6:25
6. The Sheltering Sky 8:22
7. Discipline 5:10
bonus
8. A Selection of Adrian's Vocal Loops 0:18
9. A Selection of Adrian's Vocal Loops 0:33
10. The Sheltering Sky [Alternate Mix] 8:26
11. Thela Hun Ginjeet [Alternate Mix] 6:31


Adrian Belew: guitare, chant
Bill Bruford: batterie
Robert Fripp: guitare, dispositifs
Tony Levin: stick, basse, chœurs

 CECI EST UN RECYCLAGE DE L'ANNEE DU DRAGON  

8 commentaires:

  1. Je suis sur ce sujet en ce moment et tarde à le publier car la lecture de la bio de b bruford a pas mal apporté à mon moulin.
    Cet album du retour du Roi a été important dans ma vie, je suis même allé faire mon "enterrement de vie de garçon" à Cap D'Agde la veille de mon mariage en allant voir leur concert.
    J'habitais Grenoble...
    Le groupe était extraordinaire et d'une incroyable cohésion. Ils étaient en première partie de Roxy Music et même si je me souviens de la presta de ces derniers, je suis resté marqué et définitivement attaché à cette nouvelle mouture crimsonienne.
    Dans sa bio B Bruford décrit parfaitement cette nouvelle période à l'influence de Village Music.
    C'est captivant et ça a créé un énorme précédent musical que cet album et les deux suivants dont j'écris justement une nouvelle "règle de trois".
    à +

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    1. je serai évidemment intéressé de lire ta prose sur la trilogie. j'avoue ne pas avoir eu le cran de m'y attaquer d'un bloc, trop énorme pour ça, j'ai renoncé. Mais l'idée est bonne !

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    2. Pour être énorme c'est énorme, fait partie de deux gros articles en chantier, dont floyd...
      le temps, toujours le temps... je cours après.

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  2. KC c'est Robert Fripp, un intellectuel branché musique comme on en rencontre guère. il est l'âme du groupe, qu'elle qu'en soit la version. Et peu importe le style abordé, il est progressif jusqu'au bout des ongles, et si je ne le vénère pas (c'est pas mon genre), je lui rends grâce de n'avoir pas changé tout au long de sa carrière. Et si british! Il est dans mon top five en tant que musicien/créateur, à concevoir des schémas musicaux qui vous surprennent à chaque virage entrepris par sa musique. Il est au-dessus du lot, définitivement, quoiqu'il fasse.

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    1. Constance dans la recherche, technique impeccable, talent de compositeur hors du commun... Tu as bien raison, Fripp est un grand !

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  3. Bonjour les amis! Je ne sais plus par quel album j'ai découvert KC : discipline, red, ou Thrak? En tout cas, c'était sur le tard et un peu à rebours. Ca va vous sembler une hérésie, surtout pour les fans de la première heure, mais du coup, je n'ai jamais vraiment adhéré au premier album mais en revanche, quand je suis tombé sur le vinyle de "Larks'tongues...", je me le suis passé en boucle un nombre incalculable de fois. Cela reste vraiment pour moi une pierre angulaire et un moment indépassable dans la belle disco du groupe. Pour autant, même s'il faut rendre Fripp à César, je dirais que KC a toujours été non pas le groupe d'un seul homme, mais une alchimie assez fluctuante de très fortes personnalités créatives. Réduire KC à Fripp, c'est ne pas rendre tout à fait justice à Adrian Belew dont l'empreinte est quand même très importante dans cette version du groupe. Bien évidemment, cela donnait à cette mouture du cramoisi une certaine parenté avec les talking heads bien que la musique y soit beaucoup plus intriquée et complexe. Je pense que Fripp a toujours eu besoin de se mesurer à des alter égos créatifs our faire rebondir sa musique, KC n'étant en quelque sorte qu'une licence (je sais que ça va horripiler certains)pour pouvoir exister auprès des maisons de disques et une sorte d'enseigne, qui permettait d'expérimenter différents collectifs. Je crois bien que Fripp voulait appeler ce groupe Discipline mais qu'il a du se rétracter pour des raisons de reconnaissance commerciale ou tout simplement pour pouvoir tourner plus facilement sous son ancien nom. Quoi qu'il en soit, c'est un fabuleux album. En revanche, j'ai moins adhéré aux deux suivants que j'écoute peu. Peut-être que je devrais persévérer... Vais essayer de me procurer la bio de BB pour y ire le passage sur KC.

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    1. Looping et toi avez raison en fait... King Crimson est le groupe de Robert Fripp (Looping) et une alchimie fluctuante selon les formation (Robert). L'un n'empêche pas l'autre à mon avis parce que cette alchimie a un chef d'orchestre incontesté : Fripp ! C'est d'ailleurs ce qui a permis que toutes les déclinaisons du son KC (des sons, plutôt) gardent une visée artistique globale : faire avancer le schmilblick.

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  4. Oui, en ce sens Robert Fripp est un cas d'école à contrario de tous ceux qui sabordent leurs groupes, se pensant seule force créative à bord, pour se lancer, égocentrisme aidant, dans des carrières solos parfois médiocres. Fripp a opéré souvent à contrario, toujours tapi derrière une identité collective ou cherchant son bonheur musical dans des projets collaboratifs. C'est ce qui fait à mon sens sa grande intelligence, surtout dans le milieu rock où la boursouflure est souvent de mise. En ce sens, il a davantage une attitude de musicien jazz, cherchant ou provocant la rencontre, qu'une pose de rock star. Sa signature est toujours présente sans qu'il cherche à affirmer systématiquement son nom ou une mainmise sur le songwriting...

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