vendredi 21 février 2014

Young Dub vs. le Vieux Marin

Celui dont j'avais initialement décidé de vous parler aujourd'hui s'avérant trop décevant (mais à vous de juger sur pièce), j'improvise une "battle" avec un ontarien du passé qui chante la mer. Pour qui votez-vous ?

YOUNG DUB

Gentleman's Dub Club "FourtyFour" (2013)
ou "le novo dub des djeuns d'Uk"


     Derrière cette porte blanche, on s'attend à une invitation, une fiesta enfumée de tous les diables avec d'excellent grooves, la pesanteur de la basse, les échos, mélodicas, etc. Du bub quoi. Surprise !, l'intérieur n'a pas les "roots atours" qu'on espérait, un coup pour rien ? Mais qui sont ces zozos et qu'en est-il de la qualité intrinsèque de leur 44 inaugural ?

     Gentleman's Dub Club nous viennent du nord de l'Angleterre, de Leeds précisément. Ils ont sorti deux EPs, en 2009 et 2012, pas mal traîné leurs guêtres sur les scènes de la perfide Albion y acquérant une jolie réputation.
     Musicalement, donc, il ne s'agit pas vraiment de dub, enfin pas que de dub. C'est trop jeune, trop moderne, trop sautillant, trop digital pour prétendre vraiment suivre les pas d'un Lee "Scratch" Perry, de The Aggrovators ou de King Tubby. On n'y sent pas la chaleur, et que trop rarement la spatialité qui définissait le son et le style dans son acceptation originelle. Au lieu de ça, on se retrouve avec un machin où se rencontrent reggae digital, ragamuffin moderne, electro et, oui, du dub (néo-millénariste) en base rythmique et mélodique pour justifier, au moins, l'appellation du combo, Gentleman's Dub Club. C'est un peu ce que Stromae est à Brel, une bâtardisation pour une nouvelle génération. C'est donc à un public jeune et relativement méconnaissant (quoique les jeunes en savent de plus en plus de plus en plutôt avec la multitude cybernétique disponible) que s'adresse FourtyFour. Méconnaissant ou se foutant royalement de la pureté musicale, de l'intégrité stylistique, uniquement en recherche d'un album fun et bien troussé (qu'en l'occurrence ils auront) à passer en soirée pour se trémousser sans penser à grand chose d'autre qu'à ce qu'il y a caché sous cette robe, ce jean, etc.
     Pas que le dub fut/est un genre musical si substantiel que ça, en petit cousin du reggae (étant d'abord sa version remixée) il a tout de même une profondeur de ton, une spiritualité bien réelle, bien présente, nécessaire... Qu'on ne se retrouve que trop épisodiquement dans des chansons, la faute à cette production si froide, si technologiquement parfaite qu'elle en fait perdre l'âme à la musique. Il y a tout de même de bons moments tels que Give It Away (qu'on imagine revue et corrigée par le Primal Scream de Vanishing Point, c'eût été autre chose mais c'est déjà pas mal),  le lover's reggae Feels Like (plus UB40 ou Finlay Quaye que Gregory Isaacs mais fort bien troussé),  le sympathique ska Too Little Too Late qu'un Madness en petite forme ne renierait pas, l'électro nerveux Riot (un highlight de la galette, ceci dit en passant, avec ses ambiances à la Massive Attack), vraiment bien fichues. Ha ! S'il n'y avait ce son et ces agacements causés par des effets souvent téléphonés, et trop de titres qui n'arrivent pas à se graver dans la case mémorielle prévue à cet effet...

     Au final, selon sa génération et ses inclinaisons, on pourra trouver l'album absolument frais et fun et vraiment dub ou plutôt insubstantiel et prévisible. Personnellement, à tout prendre, je préfère la relecture énervée de l'également britannique banghra ragga-dub d'Asian Dub Foundation, la génération d'avant, que cette déviation rétro-moderniste un peu trop "easy on the ear" d'un genre qui m'est cher. Mais bon, à vous de voir, quoi... parce qu'il y a un potentiel mais qu'à mon humble avis, une redéfinition du son s'impose pour vraiment l'entendre se réaliser, le potentiel. Un premier pas donc, le second sera décisif.


1 Give It Away 3:40
2 Feels Like 3:45
3 London Sunshine 4:10
4 Slave 3:06
5 Too Little Too Late 3:25
6 Play This 4:59
7 More Than Words 4:28
8 Forward 4:39
9 Riot 5:25
10 Please Don't Wait 4:35
11 Enough 4:20
12 Too Little Too Late (Live) 3:30
13 Riot (Live) 5:29


Jonathan Scratchley - vocals
Toby Davies - bass guitar, keyboards,vocals
Kola Bello - keyboards, vocals
Matt Roberts - trumpet
Kieren Gallager - alto sax
Nick Tyson - guitar
Niall Lavell - percussion, samples
Tommy Evans - drums
Harry Devenish - engineer


vs.
LE VIEUX MARIN

Stan Rogers "Fogarty's Cove" (1976)
ou "le Marin d'Hamilton"


     Au nord de l'Ontario, sur la baie d'Hudson, il y a des marins. Il y a même des marins qui chantent et des coquins pour leur souffler de nouveaux airs. Introducing Stan Rogers.

     Fogarty's Cove est son premier album et le seul, pour l'instant, que je connaisse. Le monsieur, disparu en 1983, n'a pas, il faut dire, laissé l'empreinte qu'il méritait, et trop peu d'albums facilement trouvables pour faciliter un quelconque buzz webbique, dommage .
Parce que Fogarty's Cove est un fichu bon album. Un album de Sea Shanties, de chansons de marins, originales (sauf un traditionnel, The Maid on the Shore). Des sea shanties des marins de l'Ontario menées par la voix grave et franche d'un vocaliste pas exceptionnel mais faisant exactement ce qu'il faut, avec le ton qu'il faut, et bien soutenu par des choristes compétents, pour pleinement satisfaire (comme exemplifié sur l'impeccable exercice a capella Barrett's Privateers).
     Les chansons, tantôt entraînantes (Watching the Apples Grow, Fogarty's Cove, Plenty of Hornpipe), tantôt douces ou douces-amères (Fisherman's Wharf, The Rawdon Hills), naviguent entre country/folk nord-américaine et musique celtique, tendance dans laquelle le groupe semble plus à son aise quoique l'autre penchant ne soit pas mal réalisé pour autant. Parce qu'on tient là un groupe de bons musiciens et une palette d'instruments (guitares bien sûr mais aussi banjo, violon, mandoline, flute, etc.) idéale pour habiter les compositions de Stan Rogers.
     La production, oldschool, n'est pas exceptionnelle, juste propre et permettant d'apprécier les nuances d'une musique n'en manquant pas, un peu plus que de la pub musique, quoi, mais en conservant l'esprit.

     Fogarty's Cove est une vraie belle, bonne surprise. Une de celles où l'on se dit que, finalement, la course à l'actualité continuelle est un peu vaine et que la beauté est depuis longtemps là... Pour peu qu'on se donne la peine. Ecoutez Stan Rogers !


1. Watching The Apples Grow 1:52
2. Forty-Five Years 3:32
3. Fogarty's Cove 2:14
4. The Maid On The Shore 3:44
5. Barrett's Privateers 4:18
6. Fisherman's Wharf 4:01
7. Giant 3:35
8. The Rawdon Hills 3:38
9. Plenty Of Hornpipe 1:55
10. The Wreck Of The Athens Queen 3:01
11. Make And Break Harbour 4:27
12. Finch's Complaint/Giant Reprise 3:07
(un streaming complet de l'album est disponible sur YouTube)


Stan Rogers - guitar, mandolin, vocals 
Ken Whiteley - mandolin, piano, vocals
John Allan Cameron - 12 strings guitar, violin  
Garnet Rogers - flute, violin, vocals
Dave Woodhead - bass, guitar, lap steel guitar, vocals 
Curly Stubbs - guitar
&
Bernie Jaffe
- violin 
Jerome Jarvis - drums, percussion, step dancing 
The Masked Luthier of Dupont Street - banjo, concertina, dulcimer, long-necked mandolin
 

Barrett's Privateers

4 commentaires:

  1. Heya ! En lisant la partie consacrée au Genlemen's Dub Club, je me suis surpris à penser un truc du genre : Mince, notre ami Stefan est passé en mode "c'était mieux avant / les jeunes ne respectent plus rien". J'ai pas encore écouté ce GDC mais j'y vais quand même avec un a priori plutôt favorable parce que j'aime bien les évolutions du dub qui s'adapte aux musiques de son temps. En clair, j'aime beaucoup le dub roots - tu avais fait un post énorme là-dessus si je me souviens bien - mais j'aime aussi beaucoup l'évolution électro-dub qu'on a eu dans les années 90 et 2000. Et puis les Blancs-becs qui dubbent ça donne parfois des trucs vraiment réussis, cf le CD de dub qui accompagnait le premier album des Dead 60's. Ou les albums dub-punk des Burning Heads bien plus enthousiasmants que leurs disques de skate-punk qui me saoulent assez vite.

    Un mot rapide sur le vieux marin : je ne connais pas mais des chants de marins qui oscillent entre country/folk et musique celtique ça a tout pour me plaire. J'écoute ça très vite.

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    1. Et bien, tu me diras ce que tu as pensé de ce Gentleman's Dub Club. A la première écoute j'étais assez atterré, la seconde m'a un peu plus convaincu, etc. jusqu'à penser que c'est un album correct avec les défauts mentionnés.
      J'aime aussi l'évolution du dub (j'y reviendrai bientôt) mais pas tout dans l'évolution du dub.

      Le marin, je veux bien ton avis aussi ! ^_^

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    2. Pas de surprise finalement avec le marin, c'est ce à quoi je m'attendais et c'est bien comme ça. Le genre de disque que j'aime avoir quand il faut refaire le point en visant les étoiles.

      Et je te rejoins sur le Gentleman's Dub Club, pas si dub que ça et un peu "esay listening" dans son reggae. La prod, le son, les mélodies, c'est pas vraiment désagréable mais ça manque clairement d'un truc que les vieux cons appellent l'âme ou le feeling. Merde, je suis un vieux con. La première partie de l'album me parait un peu trop légère pour la prendre au sérieux. Ça va mieux par la suite avec, quand même, quelques bons titres. Mais en matière de dub on a vu bien mieux en Angleterre.

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    3. Nous sommes bien d'accord sur le GDC. D'ailleurs, j'y viendrai bientôt.
      Pour le marin, comme tu dis, on a exactement ce qu'on attendait, qualité comprise. Pas si courant finalement, non ?

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