lundi 3 février 2014

Devoir de mémoire (5)

The Band "Stage Fright" (1970)
ou "Le 3ème Classique"


Tout le monde, enfin tous ceux qui s'intéressent de près ou de loin au rock de la fin des années 60 et du début des années 70, connaît Music from the Big Pink et son éponyme successeur (celui où le groupe ressemble à une bande de mauvais garçons du l'ouest sauvage) et les accepte comme les immortels classiques qu'ils sont, indéniablement. Stage Fright, par contre, troisième opus de The Band, n'a que rarement l'honneur de louanges, pourtant fort méritées, d'un classique de plein droit, d'un album quasiment aussi immortel et indispensable que ce qui le précède... Et pourquoi, au fait ?

Peut-être parce qu'il y a ici une franche rupture stylistique, Stage Fright étant nettement plus sombre, nettement plus rock aussi. Peut-être aussi, parce que ses deux prédécesseurs sont si énormes et si inattaquables qu'il projettent une ombre indélébile, envahissante sur leur petit frère. Quel dommage ! Parce que si The Band finira par enregistrer des albums plus douteux, moins impeccablement troussés, dès le Cahoots qui suit en fait, on n'en est clairement pas encore là !
Présentement, audiblement prêts à en découdre, toujours mené par la plume sûre d'un Robbie Robertson en état de grâce et un groupe de multi-instrumentistes et vocalistes roué et talentueux, The Band met de côté ses charmantes harmonies vocales, sa soul campagnarde et défouraille un tout autre arsenal rappelant presque plus Creedence Clearwater Revival que leur précédente incarnation soit un rock terrien, parfois un peu country, franc du collier qui apparaitrait presque simpliste s'il n'était si mélodiquement réussi et si intelligemment enluminé des trouvailles de ses interprètes. Parce que ces chansons, ha ! ces chansons, sont toutes d'absolument première bourre avec des arrangements qui font souvent la différence. Ainsi ne peut-on que louer, par exemple, le crincrin de Rick Danko (Daniel and the Sacred Harp), le piano de Richard Manuel (Time to Kill), l'orgue ou l'accordéon de Garth Hudson (The Shape I'm In, All La Glory), la batterie de Levon Helm (Stage Fright) ou la guitare de Robbie Robertson (Just Another Whistle Stop, The Shape I'm in encore)... Etc. parce que les performances, quelque soit l'instrument, résonnent toutes d'une justesse et d'une maîtrise propre aux grands instrumentistes, toujours au service de l'esprit et de la mélodie de la chanson.
On louera aussi la production chaude et précise, profondément organique cette fois, une première, assurée par le groupe lui-même, et le mixage d'un tout jeune Todd Rundgren qui n'est pas en reste (et bravo de l'avoir choisi en base de ce remaster plutôt que celui de Glyn Johns, trop clinquant pour pareille musique, de l'édition européenne originale).

Pour toutes ces raisons, dont une tracklist d'une totale qualité vous l'aurez compris, Stage Fright est bien le 3ème classique du Band, dont, certes, les bonus du remaster ici présent sont moins essentiels et affolants que sur ses glorieux devanciers, petit bémol sans grande importance en vérité pour un album réussi en tous points et à la pérenne intemporalité. Une tuerie, c'est aussi simple que ça !


1. Strawberry Wine 2:34
2. Sleeping 3:10
3. Time to Kill 3:24
4. Just Another Whistle Stop 3:48
5. All La Glory 3:31
6. The Shape I'm In 3:58
7. The W.S. Walcott Medicine Show 2:58
8. Daniel and the Sacred Harp 4:06
9. Stage Fright 3:40
10. The Rumor 4:13
Bonus
11. Daniel and the Sacred Harp (alternate take) 5:01
12. Time to Kill (alternate mix) 3:26
13. The W.S. Walcott Medicine Show (alternate mix) 3:05
14. Radio Commercial 1:05


Rick Danko – bass, fiddle, vocals
Levon Helm – drums, guitar, percussion, vocals
Garth Hudson – organ, electric piano, accordion, tenor saxophone
Richard Manuel – piano, organ, drums, clavinet, vocals
Robbie Robertson – guitars, autoharp
&
John Simon
– baritone saxophone on "The W.S. Walcott Medicine Show"

Un album dont vous voudriez que les gens se souviennent ? N'hésitez pas à la partager (avec un petit texte d'accompagnement si possible), je me ferai un plaisir de le poster.
zornophage[at]gmail[dot]com

9 commentaires:

  1. Yo.
    En phase avec la foule j'apprécie moins ce disque à qui je trouve tout simplement moins de génie que ses deux précédents. C'est une considération d'ensemble, il y a des morceaux magiques ici et ton raisonnement se tient.

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    1. Un tout petit peu moins de génie, j'en conviens mais un très bel album tout de même.

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    2. En fait non, je rectifie : pas moins de génie, juste un resserrement stylistique.

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  2. Bon, ben l'ignare que je suis se couchera plus érudit ce soir, merci d'avoir parlé de cet album mésestimé ;) C'est une merveilleuse idée que cette rubrique ! Dans la même catégorie, on pourrait citer des disques comme "Taking Tiger Moutains By Strategy" d'Eno, les deux premiers Talking Heads, "Friends", "Surf's Up", "20/20", et "Sunflower" des Beach Boys. "Fullfillingness First Finale" de Stevie Wonder, etc...

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    1. Tous de bons albums mais tous trop connus pour coller à l'esprit de la rubrique. Déjà avec celui-là, je trouve que je suis limite. Bon, le Eno, éventuellement, je te l'accorde. ^_^
      Et donc à la semaine prochaine pour une autre perle rare et à demain et tout le reste de la semaine pour des albums pas forcément plus connus mais, j'espère, également dignes d'intérêt.
      Et merci de ton passage, bien sûr ! ^_^

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  3. Question: vaut il mieux un commentaire après lecture ET écoute du disque chroniqué? Ou bien un commentaire creux - comme celui ci si on y regarde de plus près - qui remercie mais qui n'a pas pu encore écouter?
    Méditons

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    1. Présentement, comme l'album a déjà été évoqué chez toi, après écoute me semble plus approprié. ;-)

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    2. Oui et le mérite t'en reviens.
      Règle N°1 - que je devrai m'appliquer plus souvent - vouloir apprécier un album quand on devine son intérêt: avoir les oreilles fraîches du matin.
      Pas d'autres règles. Ha si
      Règle N°2: Une première écoute d'un bon album ne dévoile pas tout, on a de la chance si déjà on en devine la qualité.
      Voilà
      Et je suis dans ce cas.
      Dès les premières notes de "Time To Kill" j'ai pensé à Costello, pour un titre démarrant avec la même sonorité la suite étant différente, mais de suite j'ai pensé que il y a là un titre que l'Elvis aurait pu reprendre lorsqu'il tente de pénétrer la musique US.
      Le reste m'a bien emballé, je me lance dans une nouvelle écoute.
      ENFIN
      Laissons nous à des comparaisons sans respects des chronologies: j'entends dans cet album les ingrédients qui n'appartiennent qu'à ce bout de continent: Neil Young, Creedence, Lynyrd. En plus lisse les Eagles, oui, en beaucoup plus lisse.
      Ce matin, les changements de chanteurs ne me déroutent pas...
      Je regrette presque - presque!! - devoir m'écouter d'autres artistes pour préparer mon post de la semaine, je me serai bien fait une incursion dans les albums précédents, ou bien le live "Rock Of Ages" et même le "Before the Flood"
      Pour te dire!!

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