lundi 23 septembre 2013

De la Cave au Ciel

Nick Cave and the Bad Seeds "Push the Sky Away" (2013)
ou "Beau ténébreux"


Le consensus est général et, en vérité, tout à fait mérité : Nick Cave avant ou après, avec ou sans ses Mauvaises Graines est un grand artiste. Il aura fallu ramer longtemps et enchaîner moult albums prodigieux pour que l'australien en arrive là.

En 2013, un nouvel album des Bad Seeds et de leur ténébreux leader est un évènement, d'autant plus qu'on attend ça depuis quasiment cinq ans. Certes, Grinderman, versant rock déjanté de la formation, est passé par là mais, c'est entendu, si le line-up en était similaire, le propos était tout autre. On peut d'ailleurs attribuer à l'existence même de cette formation alternative l'assagissement notable d'un Push the Sky Away pas exactement serein mais audiblement moins tendu que ne le furent les précédentes livraisons du combo.

Musicalement, on peut, donc, facilement assimiler l'album à un recueil de ballades. Il y a bien quelques montées de sève (Water's Edge, We Real Cool), plus dans la tension que dans l'électricité d'ailleurs, et quelques bizarreries (We Real Cool Tom Waits n'est pas très loin et Finishing Jubilee Street et son ambiance à la Scott Walker), tout ceci de fort belle tenue, précisons-le, mais l'ensemble, indéniablement, tend au calme et à l'épure... Pas à la facilité, cependant. Parce qu'il y a les arrangements et là, vavavoom !, c'est du velours, de la soierie fine... Pour un résultat qui tutoie souvent la perfection auquel il faut évidemment associer Warren Elis, directeur musical/arrangeur à l'emprunte bien marquée.

Des exemples ? Le Gainsbarrien et cotonneux We No Who U R déjà, tout en délicatesse et en détachement. Le rock retenu et presque gospelisant de Wide Lovely Eyes, ensuite. Le folko-classisant Jubilee Street où l'arrangement roots'n'rock est glorieusement pondéré par des cordes évocatrices. Mermaids, éthéré, ambien à l'implaccable mélodie où la belle voix basse de Nick fait vraiment un effet bœuf. Higgs Boson Blues où on a presque l'impression de croiser Neil Young et son Cheval Fou dans un de leurs exercices de rock faussement calme, sous tension. Et encore la chanson éponyme pas si éloignée (ne fuyez pas !) des ambiances parfois tressées par un Peter Gabriel... Un vraie belle collection qui ne souffre aucunement des tempi généralement ralenti, sa dynamique est dans la grâce, pas dans l'excès.

Il y en aura, forcément, qui regretteront que ça ne s'énerve pas plus souvent... On leur conseillera les deux Grinderman. Les autres peuvent y aller les yeux fermés (et les oreilles grandes ouvertes) parce que, définitivement, Nick Cave est un grand artiste et qu'ici particulièrement, il donne le meilleur de lui même, un peu comme sur les cultes Murder Ballads, ceci dit pour situer l'exquise qualité de l'objet Push the Sky Away. La grande classe, quoi !


1. We No Who U R 4:04
2. Wide Lovely Eyes 3:40
3. Water's Edge 3:49
4. Jubilee Street 6:35
5. Mermaids 3:49
6. We Real Cool 4:18
7. Finishing Jubilee Street 4:28
8. Higgs Boson Blues 7:50
9. Push the Sky Away 4:07


Nick Cave: vocals, piano, electric piano,
Warren Ellis: violin, viola, tenor guitar, flute, synthesizer, electric piano, loops, backing vocals,
Martyn P. Casey: bass (1–6, 8), backing vocals
Barry Adamson: bass (7, 9), backing vocals
Conway Savage: vocals, backing vocals
Thomas Wydler: drums, backing vocals
Jim Sclavunos: percussion, backing vocals
&
George Vjestica: twelve-string guitar (4, 5), backing vocals (5, 8)
Chris Dauray: saxophone (8)
Jessica Neilson: bass clarinet (8)
Ryan Porter: trombone (8)
Antonio Beliveau: backing vocals (1, 3, 7, 9)
Aya Peard: backing vocals (1, 3, 7, 9)
Jason Evigan: backing vocals (1, 3, 7, 9)
Natalie Wilde: backing vocals (1, 3, 7, 9)
Martha Skye Murphy: backing vocals (1, 3, 7)
Children Of Ecole Saint Martin: backing vocals (4, 8, 9)

10 commentaires:

  1. Très beau disque que j'ai écouté maintes fois durant l'été. Incontournable!

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    1. Tout à fait.
      Je le trouve cependant plus approprié à l'automne qui approche.

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  2. Entièrement d'accord avec toi sauf sur le consensus général cf: "en résumé : cet album est terriblement mauvais" ici: http://666rpm.blogspot.fr/2013/02/nick-cave-bad-seeds-push-sky-away.html

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    1. Ah ah ah, je n'avais pas lu la chronique de 666rpm. Ou comment trouver a posteriori les arguments pour descendre un disque qu'on avait décidé a priori de descendre. Bref moi j'aime énormément ce Push the sky away qui tourne régulièrement sur ma platine. J'aimais aussi - dans un degré moindre - Dig Lazarus Dig et le premier Grinderman était un bon retour aux sources de Nick Cave. Pas la sauvagerie de Birthday Party mais pas très loin.

      Que Push the sky away ne déborde pas de rage et d'énervement c'est une évidence, il suffit de l'avoir écouter une fois. Ce qui est moins évident et demande d'autres écoutes c'est la tension sous-jacente souvent présente au long du disque, la rage contenue, maîtrisée, canalisée. Water's Edge et We Real Cool ont cette noirceur typique des grands morceaux de NC, et Higgs Boson Blues est probablement l'un de ses plus grands titres.

      Quant à 666rpm, je lui conseillerait d'aller voir les Bad Seeds sur scène pour se faire une idée du vieillissement effectif de Nick Cave. Personnellement j'en ai encore des frissons deux mois après. Même ce hippie de Warren Ellis en remontrerait à beaucoup sur l'énergie dépensée. Je souhaite à 666rpm de vieillir aussi bien.

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    2. @ Sb,
      Il en faut toujours un pour faire son intéressant. L'exception qui confirme la règle, en quelque sorte.

      @ Till,
      Voir ci dessus et tout à fait d'accord pour le côté tendu de quelques plages... Comme quoi on n'a pas besoin de faire parler l'électricité pour créer des ambiances noires.

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    3. En ce qui concerne 666rpm / Heavy Mental, je lis parfois ses chroniques. Il est intransigeant (trop ?) mais argumente et écrit bien. Malheureusement je trouve sa chronique sur le dernier NC trop partiale et sombrant facilement dans la mauvaise foi. Genre le disque que j'ai aimé détesté. A sa décharge je suis sensible sur ce sujet.

      Ça intéressera sûrement Sb, s'il ne l'avait pas encore lue, de parcourir sa chronique concernant le dernier album de The Ex (And The Brass Unbound) qui a droit au même traitement que Nick Cave.

      On devine à travers ses chroniques de concerts que 666rpm est lyonnais comme moi, ce qui fait qu'il peut nous arriver d'assister aux mêmes concerts. Malheureusement son blog n'est pas ouvert aux commentaires, impossible d'échanger.

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    4. J'avais été étonné par l'absence de consensus à sa sortie (j'aurais plutôt parié qu'il y en aurait un) Pleins d'exemples du genre :

      "Non, il n’est pas si mauvais que la première impression peut le laisser croire.
      Mais arrêtons de crier au génie ! Cet album est pénible, voire agaçant. Je suis assez sensible aux cordes, aux voix et aux choeurs. Ces 3 éléments me font souvent sombrer ce Push the sky away du côté obscur de la force léonardocohenienne de ces 20 dernières années, dégoulinant et baveux."

      ici : http://lamusiqueasontop.com/?p=6993

      Pour moi cet album est un chef d'oeuvre et ça m'étonne toujours quand les gens passent à côté

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    5. Pour info, le consensus ne visait pas l'album (même s'il fut généralement très bien reçu) mais l'Artiste Nick Cave désormais au panthéon des singer/songwriters toutes catégories confondues.

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  3. Le genre d'album que j'écoute sur le net puis que j'achète pour me l'écouter encore plus souvent. Une perle.

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    1. Tout à fait. D'ailleurs, j'en suis à me demander si ce ne serait pas l'album de Nick Cave qui m'ait fait le plus d'effet à sa découverte et aux écoutes suivantes... Du mal à l'user aussi, excellent signe ça !

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