jeudi 13 février 2014

L'alchimie, by Zorn

John Zorn "The Alchemist" (2014)
ou "In a classical mood"


Seconde ou troisième livraison de Zorn (voir l'ordre, Psychomagia, à venir bientôt ici, étant sorti à la même date) après le très réussi second volume de son Hermetic Organ, The Alchemist marque le retour de John compositeur contemporain avec un quatuor à cordes déjà entendu sur scène lors des concerts de célébration de son 60ème anniversaire et un trio de voix. Un programme court mais intense.

Court en nombre de pistes, deux seulement, et en durée, 33 minuscules minutes, mais offrant deux trésors ciselés aux multiples écoutes nécessaires pour en saisir la substantifique moelle, donc consistant.
The Alchemist, quatuor à cordes, et ça faisait longtemps que Zorn n'y était pas venu d'ailleurs (2004, Necronomicon sur Magick), n'était donc pas une œuvre qui m'était inconnue. Ceci dit, entre la prendre en pleine tronche en concert et la décortiquer à la maison... Le take-away a parfois du bon ! Pas que je n'avais pas apprécié les prouesses du quatuor, les mêmes que sur scène, juste qu'il m'avait manqué la perspective analytique si essentielle à ce genre de pièce contemporaine certes émotionnelle mais indéniablement complexe. En salon, cette musique inspirée de l'occultiste britannique John Dee (1527-1609), au fur et à mesure des écoutes, délivre toute sa souvent ludique intensité, tout son charme mélodique aussi et s'avère, in fine, tout à fait typique des œuvres de Zorn pour cordes. Quelque part entre Carl Stalling et Béla Bartók, je schématise, entre cartoonisme de chambre et dramatique beauté contemporaine, je précise, The Alchemist ne surprend pas, mais contente largement ceux qui ont déjà gouté à ce versant de l'expression compositionnelle de John. Enchainement de courts mouvements, dynamique de ce fait, c'est une composition rondement menée et, évidemment, expertement interprétée par quatre musiciens roués à l'art de l'homme de Downtown. Une réussite.
Earthspirit, trio de voix, pièce à ma connaissance complètement inédite, et outre Kristen Sollek (une habituée) comprenant deux vocalistes nouvelles venues, est évidemment une toute autre affaire. D'inspiration mystique encore, évoquant à sa façon le site de Newgrange en Irlande, celui-là même où un unique rayon de soleil pénètre chaque année, précisément lors du solstice d'hiver, il développe, en toute logique, des accointances celtiques. C'est aussi un versant plus rêveur du Zorn contemporain qui aime à employer les voix féminines dans leur sensualité parfois, ou dans leur pureté vestale comme ici. Personnellement, ce chœur me parle. Parce qu'il est à la fois demandant et immédiat (cherchez pas l'erreur !), fou (parce que Zorn est fou !) et harmonique. On y apprécie les jeux de voix de trois gorges magnifiquement déployées, sans autre excès que ceux de leur concepteur foldingue. Comme en plus, ces treize minutes de douceur contrebalancent bien la tressautante agitation du quatuor précédent, sans en minorer le moins du monde la substance, on valide !

Ok, il ne s'agit pas du John Zorn le plus abordable, et ceux qui découvriront avec sa face contemporaine en seront probablement quelque peu déstabilisés, c'est un Zorn chercheur, de mélodies, d'ambiances, de structures sinon inédites au moins inhabituelles... Et un Zorn trouveur surtout, dont on est toujours aussi surpris de la versatilité et de l'inspiration pour le moment toujours, semble-t-il, intarissable...
Recommandé ? Oui, da !


1. The Alchemist 20:08
2. Earthspirit 12:56
(le début de chaque pièce en extrait)


John Zorn - compositions, arrangements, production
- The Alchemist
Pauline Kim - violin
Jesse Mills - violin
David Fulmer - viola
Jay Campbell - cello
- Earthspirit
Jane Sheldon, Mellissa Hughes, Kristen Sollek - voices

6 commentaires:

  1. Connaissant très peu voir pas du tout John Zorn, je suis aller voir sur la page Wiki du monsieur, sa productivité rend blême, incroyable.

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    1. Clairement. Déjà 3 albums cette année (deux postés ici).
      Mais bon, remettons en perspective. Bach a été incroyablement productif, idem pour Mozart pendant sa courte vie, Zorn est de ces gens qui ne vivent que par et pour la musique, et le patron de son propre label (dont il est aussi l'évidente locomotive). Donc, pas si incroyable que ça, finalement.

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  2. J'avais adoré Magick, le quatuor à cordes mais aussi le duo de clarinettiste et le merveilleux Sortilège ! Je préfère largement écouter les morceaux en sybarite solitaire, en concert le son n'était pas à mon goût, j'étais restée sur ma faim... Un nouveau Zorn c'est toujours un nouveau monde à visiter... merci pour l'info !!!

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    1. Je t'en prie.
      J'ai été transporté par l'œuvre, ses deux faces. J'espère qu'il en sera de même pour toi.
      Merci de ton passage.

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