lundi 29 décembre 2014

2004 par 12 (10 ans déjà !)

Flemmingite de fin d'année oblige, c'est par les mots d'autres que je vous présente ma sélection 2004. Et donc 12 albums couvrant, plus ou moins, tout le spectre musical qui intéresse votre serviteur. Pour tous les gouts, toujours de qualité, c'est 2004... 10 ans déjà !

JaNVieR
Air "Talkie Walkie"
ou "Fraiche Touch en Janvier"

Pas mal de commentaires, à l’époque de leur premier album Moon Safari, faisaient rimer Air avec éphémère, promettant aux nouveaux Rois-Soleil de Versailles un destin à la Icare, une combustion aussi fulgurante que leur ascension. Personne de toute façon n’aurait pu prédire le tracé tentaculaire et pourtant sans fausse route du duo depuis cinq ans : de l’inoubliable bande originale du Virgin Suicides de Sofia Coppola à la musique du ballet d’Angelin Preljocaj, Near Life Experience, de l’association avec Baricco à ce troisième album officiel, Talkie Walkie, incontestablement superbe.
Rien sur Talkie Walkie ne saurait être confondu avec la production passée de Air. On y retrouve bien, dès les premières mesures alanguies de Venus, le son inimitable du duo, cette alchimie électro-acoustique comme nimbée de poussière atmosphérique. Mais quelque chose de diffus rend cet Air-là inhabituel. Il faut dire que, pour la première fois, le groupe n’a fait appel à aucun chanteur invité, à l’exception de quelques sirènes anonymes, et qu’il assure lui-même toutes les parties vocales. Talkie Walkie instaure ainsi un dialogue presque sans parasites entre Jean-Benoît et Nicolas, que l’on perçoit comme repliés à l’intérieur d’une bulle réparatrice, dans le studio f tal dont ils sont plus que jamais les faux jumeaux surdoués. Sur le lumineux Cherry Blossom Girl, il y a bien la flûte de Malik Mezzadri ? alias Magic Malik ? qui s’intercale, ailleurs ce sont les cordes spatiales de Michel Colombier qui soulignent sans jamais forcer le trait l’élégante courbure des chansons. Même si quelques chansons, où subsiste la patine rétrofuturiste des aventures passées, évoquent encore l’appel d’une forme d’évasion cosmique, traditionnelle de leur vocabulaire ? Surfing on a Rocket ?, ou encore cet obsessionnel trait d’union entre science et fiction ? Biological ?, il est souvent question, à demi-mots, d’affaires émotionnelles bien terrestres.
Parmi les expériences ludiques que le duo a testées en studio, entre deux moments de recueillement, il y a ces chœurs irréels qui traversent Run, inspirés du I’m Not in Love de 10cc, dont Nigel Godrich, coproducteur de l’album, leur a livré le secret. Mais la plupart des prouesses du groupe sont moins tape-à-l’œil, tels ces arpèges de guitares et de banjo qui encerclent les chansons comme pour les protéger, ou ces brèves séquences répétitives, hypnotiques, qui brouillent la perception pendant que les mélodies ne suggèrent que la calme volupté du folk et de la pop.
(Christophe Conte in Les Inrockupibles)
 
1. Venus 4:04
2. Cherry Blossom Girl 3:39
3. Run 4:12
4. Universal Traveler 4:22
5. Mike Mills 4:26
6. Surfing on a Rocket 3:43
7. Another Day 3:20
8. Alpha Beta Gaga 4:39
9. Biological 6:04
10. Alone in Kyoto 4:51

AIR
Nicolas Godin
Jean-Benoît Dunckel

&
Magic Malik : Flûte sur Cherry Blossom Girl
Jessica Banks : Voix sur Cherry Blossom Girl
Brian Reitzell : batterie sur Surfing on a Rocket
Jason Falkner : Basse sur Surfing on a Rocket
Lisa Papineau : voix sur Surfing on a Rocket et Biological
Joey Waronker : Percussions sur Surfing on a Rocket et Biological

AIR
(french band)

FéVRieR
Scissor Sisters "Scissor Sisters"
ou "Club Février"

Remarqués grâce à  la reprise formidablement décalée du Comfortably Numb de Pink Floyd, quelque part entre Eye Of The Tiger et Staying Alive, les Scissor Sisters publient enfin leur premier album, après une tentative initiale avortée. Entre-temps, la rumeur avait enflé au sujet de ce gang newyorkais auteur de prestations scéniques capables de décoiffer Fischerspooner et son cabaret electroclash de pacotille. À l'avant-garde de la hype, ce disque tant attendu divise et intrigue. Le glam rock et la pop FM des années 70 et 80 semblent avoir longuement bercé l'adolescence des membres du groupe et considérablement marqué leurs compositions. L'influence des Bee Gees se ressent particulièrement dans le falsetto hystérique du jeune chanteur Jake Shears. Les ficelles les plus grossières (solos de saxophone à  la Careless Whisper, riffs de guitare pompiers, envolées lyriques), qui susciteraient habituellement la consternation de tout lecteur de cette revue, sont recyclées avec un réel savoir-faire et une ironie manifeste. Outre Laura et Tits On The Radio, certaines chansons évoquent l'Elton John de la grande époque et l'entraînent dans un univers décadent et exubérant. En bout de course, deux morceaux plus personnels semblent indiquer l'orientation future de nos nouveaux venus. À l'heure où la musique mainstreamest pillée pour le meilleur (Sébastien Tellier, Phoenix) et pour le pire (The Darkness, Yann Destal), les Scissors Sisters accouchent d'un disque aussi cohérent que stimulant.
(Alexandre Cognard in Magic RPM)
 
1. Laura 3:36
2. Take Your Mama 4:31
3. Comfortably Numb 4:25
4. Mary 4:43
5. Lovers in the Backseat 3:15
6. Tits on the Radio 3:16
7. Filthy/Gorgeous 3:46
8. Music Is the Victim 2:57
9. Better Luck 3:08
10. It Can't Come Quickly Enough 4:42
11. Return to Oz 4:34

Jake Shears – lead vocals, piano on "Laura"
Babydaddy – bass guitar, keyboards, guitar, backing vocals
Ana Matronic – lead vocals
Del Marquis – guitar, bass guitar
Paddy Boom – drums, percussion

Scissor Sisters

MaRS
Joanna Newsom "The Milk-Eyed Mender"
ou "Madam Comes from Mars"

Joanna Newsom ne rencontre pas le succès qu'elle mérite. Pourtant, les quelques chroniques que j'ai lu en disent beaucoup de bien. Elle a déjà son petit lot de fans, dont je fais partie... mais bon, elle mérite de faire la couverture de toutes les revues spécialisées.
 Il suffit d'écouté le titre "Peach, Plum, Pear" et ses choeurs qui sonnent comme des choeurs d'enfants dans une cour de récréation pour avoir immédiatement le poil qui se dresse... et c'est un signe que la musique touche au plus profond, au plus sensible. Pourtant, il s'agit d'une sorte de comptine au clavecin au thème enjoué. Une comptine plutôt sautillante, avec un refrain en na-nana-nana-na entêtant. Mais a l'arrivée des choeurs enfantins, ca ne loupe pas: je suis à chaque fois pris de frissons soudains. Emu par des souvenirs d'enfance ? Par cette voix ?
Comment décrire sa musique sans être réducteur ? C'est une forme de chanson, plutôt folk, plutôt aventurière, avec une voix qui fait des hauts et des bas. Une voix particulière, acide, gamine parfois, en opposition avec des paroles plutôt matures. Un accent de la campagne qui peut la rapprocher de la country, mais Joanna reste résolument personnelle. On la compare souvent a Björk, mais ce serait une Björk mise a nu. Madame Newsom est unique en son genre.
Joanna Newsom s'accompagne essentiellement a la harpe, instrument qui revient en cette année 2004 (cf. le duo Cocorosie). Cette harpe classique, instrument d'orchestre, lui permet de jouer des arpèges simples ou des basses profondes. C'est l'instrument du dénuement, de l'économie de moyens. L'efficacité suivant le principe que "moins c'est plus". Un instrument rarement entendu, et parfaitement maitrise.
The Milk Eyed Mender... Ce disque tourne en boucle depuis cet été: je l'ai déjà écouté une centaine de fois. Une centaine de fois a être surpris de l'efficace beauté de ses étrange chansons. Une centaine de fois: c'est tout le mal que je vous souhaite.
(David F. in XSilence.net)
 
1. Bridges and Balloons 3:42
2. Sprout and the Bean 4:32
3. The Book of Right-On 4:29
4. Sadie 6:02
5. Inflammatory Writ 2:50
6. This Side of the Blue 5:21
7. 'En Gallop' 5:07
8. Cassiopeia 3:20
9. Peach, Plum, Pear 3:34
10. Swansea 5:05
11. Three Little Babes 3:42
12. Clam, Crab, Cockle, Cowrie 4:21

Joanna Newsom - vocals, harp, Wurlitzer, harpsichord, piano
&
Noah Georgeson
- vocals (11), guitar (6)

Joanna Newsom

aVRiL
Franz Ferdinand "Franz Ferdinand"
ou "Scotland rocks April"

Un quatuor écossais au nom improbable sacré meilleur nouveau groupe britannique depuis... Oui, trois fois oui, tant le pays tout entier semblait s'enfoncer dans les ténèbres (The Darkness, beurk...) de la médiocrité. Heureusement, après un premier single, Darts Of Pleasure, mal accueilli dans ces colonnes mais qui gagne à  la réécoute au-delà  d'un arrière-goût de Pixies, l'arme fatale Take Me Out (The Strokes rencontre The Rapture) annonçait un album de haute volée. Belle promesse tenue par ces Écossais franchement pas radins, qui réconcilient esthètes trentenaires amateurs de leurs compatriotes Josef K et fans forcenés de Hot Hot Heat, à  la fois capables de faire danser les filles (Auf Acshe, à  la Duran Duran) et se pâmer les critiques (ah cette Matinee, très Orange Juice). Certes, leurs références sont bien dans l'air du temps, tout en mélodies anguleuses, lignes de basse rondes et bondissantes. Mais dans ce registre surencombré du revival post-punk, Franz Ferdinand tire avantage de son jeune âge en se jouant des querelles de chapelles (Wire sonne joyeux sur Tell Her Tonight) et se démarque par des qualités d'écriture (40 Ft tient la dragée haute au meilleur de The Coral) bien au-dessus de la seule copie carbone de Gang Of Four. Dans sa quête des nouveaux Strokes, la maison Rough Trade a choisi de signer à  tout-va ce qui porte guitare, de The Libertines pour les plus évidents à  British Sea Power pour les plus improbables, mais c'est bel et bien Domino, label indé jusque-là  austère, qui a décroché la timbale avec Franz Ferdinand. Plus vifs que The Smiths ou Blur, dont les premiers albums furent à  juste titre éclipsés par leurs successeurs, ces quatre nouveaux jeunes gens dans le vent ont déjà  conquis le trône vacant de la pop britannique. "Wunderbar!"
(Matthieu Grunfeld et Nicolas Plommée in Magic RPM)
 
1. Jacqueline 3:49
2. Tell Her Tonight 2:17
3. Take Me Out 3:57
4. The Dark of the Matinée 4:03
5. Auf Achse 4:19
6. Cheating on You 2:36
7. This Fire 4:14
8. Darts of Pleasure 2:59
9. Michael 3:21
10. Come on Home 3:46
11. 40' 3:24

Alex Kapranos – lead guitar, lead vocals
Nick McCarthy – rhythm guitar, vocals, keyboards
Bob Hardy – bass guitar
Paul Thomson – drums, percussion, backing vocals

Franz Ferdinand

Mai
Feist "Let It Die"
ou "à la Belle de Mai"

Des grands écarts et des rebondissements incessants, l’album de Feist en dévoile autant que sa déjà longue carrière, à moins de 30 ans, compte d’expériences entrecroisées et démultipliées, le plus souvent dans l’ombre des autres : Gonzales, Peaches, Broken Social Scene, récemment Albin De La Simone le temps d’un duo surréaliste, Elle aime. Maintenant, son tour à elle est venu. Feist raconte qu’elle a trouvé l’illustration idéale de sa vie d’artiste la première fois qu’elle a grimpé en haut de l’Arc de triomphe, en remarquant les avenues qui partaient dans toutes les directions possibles depuis la place de l’Etoile. Mais l’étoile, désormais, c’est elle, le triomphe ne devrait d’ailleurs pas tarder à la surprendre dans son anonymat.
Sur Mushaboom, premier single virevoltant, un bouquet d’instruments de nature féerique parfume instantanément la pièce, et chaque note résonne comme une bulle de champagne éclatant sur du cristal Burt Bacharach. Quant à sa voix, joliment ébréchée par moments, elle épouse pour l’occasion le rebondi velouté d’un sirop de pêche et la couleur pain d’épice d’une Dionne Warwick nouvelle vague. A l’autre extrémité de ses talents d’interprète, quelques chansons plus loin, lorsqu’elle s’approprie un chant folk traditionnel tiré du fabuleux fonds d’archives de l’ethnomusicologue Alan Lomax (When I Was a Young Girl), elle semble attisée par la même fièvre griffue d’une Cat Power.
Non seulement elles tiennent debout, les chansons de Feist, mais elles s’aventurent même à jouer les funambules sur un fil de soie, ou à faire des pirouettes, ou encore à glisser d’un pas leste vers la variété la plus suave ? One Evening possède même de faux airs ambrés à la Sade ? sans jamais perdre leur équilibre naturel. Si la métaphore de la place de l’Etoile colle parfaitement à la croissance en mille éclats de la carrière de Feist, on peut avancer sans risque que Let It Die en constitue les Champs-Elysées, son chef-d’œuvre, sa plus belle ligne d’horizon : un disque à la fois majestueux et accessible à tous, impressionnant de prime abord mais très vite familier, un peu tapageur avec ses arrangements en décoration de Noël, mais aucunement vulgaire.
(Christophe Conte in Les Inrockupibles)

1. Gatekeeper 2:16
2. Mushaboom 3:44
3. Let It Die 2:55
4. One Evening 3:36
5. Leisure Suite 4:07
6.  Lonely Lonely 4:10
7. When I Was a Young Girl 3:08
8. Secret Heart 3:49
9. Inside and Out 4:17
10. Tout Doucement 2:31
11. Now at Last 3:16

Feist – guitar, vocals
Gonzales – piano, various instruments
Julien Chirol – trombone
Frédéric Coudere – saxophone

Feist

JuiN

Gary Moore "Power of the Blues" (2004)
ou "Blue June"

"Power of the blues" est comme sont nom l'indique un album de blues. Alors pourquoi faire la chronique d'un album de blues sur un site dédié au hard rock? Et bien pour plein de bonne raison:
La 1ere, le blues est l'ancêtre du rock, qui est lui même le père du hard rock la 2eme, ne pas parler de blues c'est faire l'impasse sur une grande partie de la superbe discographie de Gary Moore. Et enfin le 3eme, cet album a beau être un album de blues, à son écoute vous ressentirez cette force que l'on ressent quand on écoute du hard rock.
L'irlandais nous prouve encore une fois qu'il est "bourré" de talent et que son maniement de la 6 cordes est tout simplement exceptionnel car combien de guitariste peuvent se vanter de faire passer autant d'émotion au travers de leur instrument.
Les ballades prennent une grande place sur cet album et quand on les écoute on ne peut se dire qu'une chose: 'le blues c'est beau'. Des titres comme "Tell Me Woman", "Evil", "Can't Find My Baby" et surtout "Power of the blues" bouge un peu plus mais même sous cette facette la qualité est au rendez-vous.
Si Gary Moore n'a rien d'un grand chanteur il n'empêche que pour chanter du blues c'est impeccable.
Alors qu'il semblais vouloir revenir vers une musique plus hard rock avec l'album "Scars", Gary Moore réapparaît avec ce "Power of the blues" (il aime brouiller les pistes le Gary!!!) véritable petite bombe à ce style qu'il affectionne particulièrement. A conseiller aux amateurs du genre.
(Pierrick in Hardrock80.com)

1. Power of the Blues 2:30
2. There's a Hole 5:38
3. Tell Me Woman 2:53
4. I Can't Quit You Baby 5:48
5. That's Why I Play the Blues 4:05
6. Evil 2:42
7. Getaway Blues 3:42
8. Memory Pain 4:52
9. Can't Find My Baby 3:34
10. Torn Inside 5:37

Gary Moore - guitar, vocals
Bob Daisley - bass
Darrin Mooney - drums
Jim Watson - keyboards

Gary Moore

JuiLLeT
Turisas "Battle Metal"
ou "Chaude Bataille en Juillet"

En 2004 est né le "Battle Metal" avec l’arrivée de Turisas, nouveau venu dans le paysage Viking Metal, qui va contribuer à diversifier le genre en le rendant plus mélodique et plus symphonique aussi.
Le premier album de Turisas paraît donc en 2004. Et pour un coup d’essai, ce fut un coup de maître !
C'est une grosse intro symphonique qui nous accueille et qui donne le ton finalement à ce qui va suivre. Car si les thèmes des chansons évoquant les combats le rapprochent de groupes comme Finntroll ou Amon Amarth (le nom du groupe provient d’ailleurs de la mythologie nordique et évoque le nom d'un dieu de la guerre), Turisas se démarque de ses camarades par une approche très symphonique. Bal Sagoth en son temps avait un peu lancé le mélange des genres mais Turisas est bien plus facile d'accès, grâce aux mélodies entêtantes et aux refrains riches, souvent portés par des choeurs énormes. Et Bal Sagoth était tout de même bien ancré dans le Black Metal, ce qui n’est pas le cas de Turisas. Mathias Nygård, le leader du groupe, chante aussi bien en voix claire qu'en voix plus agressive. Là, on peut faire un rapprochement avec les albums de Moonsorrow, toujours pour chercher à faire des comparaisons dans le Viking Metal. Mais Turisas, c'est bien plus que ça. Donc, première constatation, Turisas ne s’enferme pas dans un style hermétique et propose une musique qui va piocher ses influences à droite et à gauche pour finalement créer son propre style. Par exemple, Battle Metal, le titre de l'album, du second morceau et qui va devenir la définition de la musique pratiquée par le groupe (au moins sur ses premiers albums) est un titre haut en couleur : épique, entraînant, avec beaucoup de cuivres pour le côté péplum, on se croirait effectivement, porté par la musique, sur un champ de bataille. Et que dire de Among Ancestors ? Si ce n’est pas la définition du Metal épique, ça ! Vous écoutez ce morceau et vous vous sentez partir l'épée à la main à travers les landes sur un fougueux destrier. Pour renforcer ce côté épique, le groupe n’hésite pas à utiliser des parties narrées comme sur As Torches Rise et surtout sur le Prologue For RRR, à la façon d'un film, comme Manowar avait pu le faire sur The Wariors Prayer (mais en moins long dans le cas présent).
L’aspect symphonique de la musique du groupe est bien mis en avant (avec énormément de cuivres, comme précisé plus haut) et apparaît comme étant l'un des éléments principaux de sa musique. Et quand on veut des parties symphoniques et des choeurs qui pètent bien, on se doit d’aller enregistrer aux Sound Suite Studio de Terje Refsnes (ou enregistrent régulièrement Tristania, Sirenia, Trail Of Tears…). On note d’ailleurs la présence, sur le morceau Midnight Sunrise, d’une voix féminine qui est celle de Emmanuelle Zoldan, chanteuse soprano française, habituée du Sound Suite Studio et que l'on retrouve souvent dans les choeurs des albums de Sirenia.
L’autre aspect important de la musique du groupe, c’est le violon. Celui-ci se taille la part du lion, assurant la plupart des solos, traditionnellement laissés aux guitares. Ce violon amène évidemment un côté folk prononcé (As Torches Rise, One More, Rex Regi Rebellis...), ce qui nous donne des choses comme ce Sahti-Waari, titre festif totalement folk avec son accordéon en lead et encore des choeurs énormes partout pour le côté viking. Ces chœurs, très présents sur les refrains de Battle Metal, The Land Of Hope And Glory, The Messenger ou One More sont particulièrement efficaces car ils ne vous quitteront plus une fois écoutés.
L’éventail assez large d’influences et de styles sur ce premier album peut aussi s’expliquer par le fait que les titres qui composent Battle Metal ont été écrits sur une période de six années. Le temps pour le groupe et surtout son compositeur principal, Mathias Nygård, de peaufiner son style.
A la croisée de plusieurs styles musicaux, mélangeant Folk, Metal épique et symphonique et les thèmes du Viking Metal, Turisas propose une musique très variée et riche en ambiances. Avec leur premier album, les Finlandais ont frappé un grand coup. Et pour la plupart de ceux qui ont découvert Turisas avec cet album, ce Battle Metal reste aujourd’hui leur préféré.
(Orion in Les Portes du Metal)
 
1. Victoriae & Triumphi Dominus 1:27
2. As Torches Rise 4:51
3. Battle Metal 4:23
4. The Land of Hope and Glory 6:22
5. The Messenger 4:42
6. One More 6:50
7. Midnight Sunrise 8:15
8. Among Ancestors 5:16
9. Sahti-Waari 2:28
10. Prologue for R.R.R. 3:09
11. Rexi Regi Rebellis 7:10
12. Katuman kaiku 2:22

M.D.G. Nygård - vocals, recorders, programming, percussion 
Tuomas Lehtonen - drums, percussion 
Antti Ventola - keyboards, piano, organs 
Georg Laakso - guitars 
Jussi Wickström - guitars, bass, double bass 
&
Hannu Horma - backing vocals
Emmanuelle Zoldan - female vocals
Olli Vänskä - violin 
Riku Ylitalo - accordion 

Turisas

aoûT
Björk "Medúlla"
ou "Augustes Expérimentations"

Björk, il y a quelques années, fit le tour d’Islande à bicyclette, se recueillant chaque soir dans les petites chapelles que possèdent parfois là-bas les fermes isolées : souvent juste un placard, aux fresques innocentes, avec un petit harmonium et une présence humaine. Loin des mullahs ou de l’Opus Dei, une idée primitive, désorganisée et basique de la foi. C’est l’esprit terrien, candide et gaiement mystique de ce tour d’Islande qui illumine aujourd’hui Medúlla. On est ainsi en pleine redondance quand ? dans un moment rare où Björk se sent obligée de verser dans l’explicite ? on l’entend chanter en fin de parcours : “J’ai besoin d’un refuge où construire un autel pour me protéger de tous les Oussama et Bush“. Car cela, avant même qu’elle l’énonce, son album le hurlait à tue-tête : il était bien évidemment trop question ici de plaisir, de libération et de joie pour que cette religiosité, palpable dans chaque chanson, même celles en islandais auquel on ne comprend pourtant que pouic, relève du dogme, de la doctrine.
Medúlla pour “moelle” : effectivement, Björk est une fille à moelle. Son disque aussi, nettement plus humain, physique, que Vespertine : plus question ici de se laisser amuser par des gadgets informatiques périssables. Quand elle annonçait avoir retiré de ses nouvelles chansons tout ce qui n’était pas strictement humain, on avait craint un exercice de style, un genre de mystère des voix islandaises. Mais hormis le très pénible Piano II, jamais Medúlla ne saurait se réduire au caprice : de Where Is the Line  à Who Is It, ces authentiques tubes, pourtant réduits à de simples (et complexes) entrelacs de voix, rappellent que la diabolique précision mélodique et le chant effronté de Björk peuvent se passer d’astuces de productions et de “gros son”, cette joie strictement mâle de démonstrateur en autoradios. Ce n’est certes pas la parousie, mais Björk, en acceptant sa part animale et ses croyances primitives, est revenue parmi les hommes : par les temps qui courent à reculons, cette religiosité gaie et débraillée servira déjà de refuge ? on verra plus tard pour l’accompagner à l’autel.
(JD Beauvallet in Les Inrockuptibles)
 
1. Pleasure Is All Mine 3:26
2. Show Me Forgiveness 1:23
3. Where Is the Line 4:41
4. Vökuró 3:14
5. Öll Birtan 1:52
6. Who Is It (Carry My Joy on the Left, Carry My Pain on the Right) 3:57
7. Submarine 3:13
8. Desired Constellation 4:55
9. Oceania 3:24
10. Sonnets/Unrealities XI 1:59
11. Ancestors 4:08
12. Mouth's Cradle 4:00
13. Miðvikudags 1:24
14. Triumph of a Heart 4:04

Produced by Björk, except #3, 7 and 9, co-produced by Mark Bell.
Björk - vocals, bass synthesizer (on 1,6)
Additional vocals - Tagaq (1,6,11,12), Mike Patton (1,3), Robert Wyatt (7,9)
Human beatbox - Rahzel (1,3,6,12,14), Shlomo (9), Dokaka (14)
Gregory Purnhagen - human trombone (3,14)
The Icelandic Choir (1,3,4,8,10,11)
The London Choir (9)
Nico Muhly - piano (11)
Mark Bell - bass synthesizer (12)
Peter Van Hooke - gong (1)

Björk

SePTeMBRe
3 Inches of Blood "Advance and Vanquish"
ou "Percée Barbare de Septembre"

Originaire de Vancouver, 3 INCHES OF BLOOD se veut un groupe proposant un Metal « vieux, mais nouveau »… oui, mais encore… A la vision de la pochette, on s’attend à un groupe de Heavy pas fin, de True Metal classique, sorte d’HAMMERFALL en plus bourrin. Effectivement, de « Heavy bourrin », il est bien question avec ce « Advance and vanquish », mais tout n’est pas aussi simple. En effet, 3 INCHES OF BLOOD a la particularité de comporter en son sein deux chanteurs. L’un propose des vocaux lorgnant très fortement vers Rob Halford (JUDAS PRIEST), alors que le second préfère hurler dans un registre pratiquement Black. Musicalement, imaginez une sorte de mélange entre le bon vieux JUDAS PRIEST et des cavalcades à la MAIDEN ou RUNNING WILDLord of the storm » en est un bon exemple), mais le tout dépoussiéré, avec une énergie actuelle (d’ailleurs, on retrouve le fameux Colin Richardson au mixage). Pour résumer, je vais effectuer un parallèle un peu risqué : j’ai toujours pensé que CHILDREN OF BODOM était le croisement entre la scène Black et le Speed à la STRATOVARIUS… eh bien, pour moi, 3 INCHES OF BLOOD, c’est la même chose, sauf que vous remplacez STRATOVARIUS par JUDAS PRIEST. Ici, on ne retrouve pas de synthés, pas d’influence HELLOWEEN, alors pas grand chose à voir avec la scène finlandaise. Le résultat est intéressant, même si après plusieurs écoutes, je reste encore un peu dubitatif, ça manque de chansons vraiment percutantes. Ne vous méprenez pas, tous les titres arrachent bien, mais disons que ça manque de refrain marquant, aucun morceau ne se détache vraiment du lot et les 50 minutes me paraissent un peu longues.
Sinon, je signale qu’on retrouve sur l’album 3 chansons qui constituent un mini concept sur les pirates intitulé « Upon the bolling sea » (on retrouve bien là, l’influence de RUNNING WILD)… mais rien ne vous empêche d’écouter « Destroy the Orcs » en jouant à « Warhammer » !
(Shaka in VS-Webzine)
 
1. Fear on the Bridge (Upon the Boiling Sea I) 3:14
2. Deadly Sinners 4:31
3. Revenge Is a Vulture 3:26
4. Dominion of Deceit 4:18
5. Premonition of Pain 4:35
6. Lord of the Storm (Upon the Boiling Sea II) 5:05
7. Wykydtron 3:52
8. Swordmaster 4:24
9. Axes of Evil 4:28
10. Crazy Nights 3:18
11. Destroy the Orcs 2:21
12. The Phantom of the Crimson Cloak 3:11
13. Isle of Eternal Despair (Upon the Boiling Sea III) 3:51

Cam Pipes – clean vocals
Jamie Hooper – screaming vocals
Sunny Dhak – lead guitar
Bobby Froese – rhythm guitar
Brian Redman – bass
Matt Wood – drums

3 Inches of Blood

oCToBRe
Tom Waits "Real Gone"
ou "Waits for October"

Waits, Tom Waits. Vous connaissez ? Ok, je vous le concède, c'est pas le genre de chanteur qu'on voit à la télé ou qu'on entend sur les ondes. C'est bien connu : si vous cherchez des objets de valeur, il faut pas rester le nez collé dans la ... Bon, je ne vais pas critiquer la programmation musicale des radios ou des chaînes TV.
 Revenons-en à Tom Waits, né le 07.12.1949 à Pomona, Californie, USA. On va s'arrêter là pour la partie biographie, parce qu'après tout on est là pour parler musique, et on s'en fout que le petit Tom ait été ... Bref, on s'en fout.
L'année 2004 a vu la sortie du nouveau Tom Waits : Real Gone. Un album entre blues, folk, rock et aarff ! ... Impossible de le classer.
Pour indication, les premiers albums de Waits étaient plus jazzy-blues ; puis il y a eu une déviance dans les années 80, et maintenant nous avons à chaque fois un melting pot de styles musicaux (je vous renvoie à la très bonne chronique de Rain Dogs). Par contre, ce qui est invariable, c'est que les chansons de Waits sentent les volutes de fumées, les gorgées d'alcool et l'Amérique des loosers, des laissés-pour-compte. Bref, pas étonnant de savoir que le bonhomme a fréquenté Charles Bukowski. Real Gone est dans cette veine, tour à tour déstabilisant, intriguant, fascinant.
Pas besoin de comprendre l'anglais pour aimer et trouver tout cela poignant. On oscille toujours entre blues et accès d'hystérie ; on navigue entre rêves et cauchemards d'hommes brisés.
Real Gone est un radeau salvateur dans la mélasse qui nous bouffe les oreilles.
Pour ceux qui aime les voix cassées et les 'gueules'.
Pour ceux qui aiment la musique qui n'envahit pas les bacs.
Pour ceux qui aiment la musique qui ne sent pas le pognon.
(Sir ArielGorius in XSilence.net)
 
1. Top of the Hill 4:55
2. Hoist That Rag 4:20
3. Sins of My Father 10:36
4. Shake It 3:52
5. Don't Go into That Barn 5:22
6. How's It Gonna End 4:51
7. Metropolitan Glide 4:13
8. Dead and Lovely 5:40
9. Circus 3:56
10. Trampled Rose 3:58
11. Green Grass 3:13
12. Baby Gonna Leave Me 4:29
13. Clang Boom Steam 0:46
14. Make It Rain 3:39
15. Day After Tomorrow 6:56
16. Chickaboom 1:17

Tom Waits – vocals, guitar, chamberlin, percussion, shakers
&
Brain – percussion, claps
Les Claypool – bass
Harry Cody – guitar, banjo
Mark Howard – bells, claps
Marc Ribot – guitar, banjo, cigar box banjo
Larry Taylor – bass, guitar
Casey Waits – drums, turntables, percussion, claps
Trisha Wilson – claps

Tom Waits

NoVeMBRe
Kaada/Patton "Romances"
ou "November's Dream"

Rien n'arrête décidément le sieur Mike Patton. Bien loin l'époque où il laissait sa voix à Faith No More, passant alors dans l'ombre son travail au sein de Mr. Bungle. Il multiplie depuis groupes et collaborations. Fantômas, Tomahawk, Lovage avec Dan The Automator ou pour le “Medúlla” de Björk, le voici au côté du norvégien John Erik Kaada pour de bien belles “Romances”.
La voix si caractéristique de Mike Patton, à la fois crooner sincère et dérangé, vient se poser sur les mélodies et arrangements néo-romantiques de Kaada. Parfois un peu cheap comme une animation de bal, volontairement bancal, ce dernier expérimente une musique synthétique pourtant inspirée du classique (Malher, Chopin, Liszt ou Brahms) et qui n'est pas sans rappeler les premières amours de Goldfrapp.
On se sent alors nager dans un drôle de liquide, limpide, un peu froid et parfois un peu inquiétant. Les voix sont multipliées, parfois modifiées ou harmonisées par de tremblants claviers. La palette de sons proposés est riche et originale : harpe, xylosquelette et pas mal de breloques et autres instruments ludiques. Le travail de Kaada pour le cinéma se ressent nettement dans cette collaboration, tant les images se bousculent nos têtes à l'écoute de cet album.
Avec cette aventure, Mike Patton nous présente un nouveau camarade de jeu des plus intéressants. Dans cette rencontre, les deux hommes laissent libre court à leurs imaginations et expérimentations pour une belle histoire. On en resterait presque médusé.
(wqw in Indie Pop Rock)

1. Invocation 2:53
2. Pitié Pour Mes Larmes 5:31
3. Aubade 11:17
4. L'absent 3:04
5. Crépuscule 4:10
6. Viens, Les Gazons Sont Verts 6:59
7. Seule 5:58
8. Pensée des Morts 4:37
9. Nuit Silencieuse 3:19

John Erik Kaada - composer, mixing, various instruments 
Mike Patton - composer, mixing, various instruments, vocals

Gjertrud Pedersen
- bass clarinet
Øyvind Storesund - Bass Guitar
Geir Sundstøl - steel guitar 
Erland Dahlen, Børge Fjordheim - drums

Mike Patton & John Erik Kaada

DéCeMBRe
Manu Chao "Sibérie m'était contéee"
ou "Décembre ah ah gla-gla"

Manu Chao n’écrit pas ses chansons. Il les vit.
Manu Chao ne dort pas, il préfère rêver dans un studio.
Manu Chao n’enregistre pas d’albums, il partage de temps à autre une poignée d’histoires, comme on donne des nouvelles au comptoir de son bistrot préféré.
Une main plaquée sur la porte d’un squat de répétition de banlieue ouest , et Manu devient la Mano, l’essence du groupe dont rêvent tous les mômes. Un voyage en cargo, un continent de rencontres et des milliers de kilomètres sur les routes sud-américaines transforment inexorablement Manu en “clandestin”. De retour en Europe, il vide son sac à dos et se souvient, presque surpris, ému.
Deux albums, un Sound System et des centaines de concerts-fiestas plus tard, Manu se pose dans son studio parisien. Les magnétos n’ont plus d’interrupteur depuis longtemps et les guitares ne refroidissent qu’au changement de cordes. Comme toujours, la porte est ouverte et les amis sont les bienvenus. Parmi eux, le dessinateur Wozniak partage avec le chanteur le goût des improvisations nocturnes. Quelques textes en français accumulés par Manu au fil du temps servent de mèche à une série de nuits blanches pour ces gourmands irrécupérables; Dessins, poèmes et chansons se croisent, se frottent et se confondent peu à peu dans un petit bout de jardin commun.
Manu l’éternel grand frère a eu envie de nous donner de ses nouvelles; Elles sont bonnes. Le jardin est en fleur et productif : cinq chansons illustrent un herbier signé Wozniak et distribué en kiosque pour les flaneurs du dimanche, tandis que le bouquin accompagné de seize chansons sera disponible chez tous les bons libraires quelques semaines plus tard.
Manu Chao n’écrit pas sa vie. Il la chante.
(blah blah promo)

1. Le P'tit Jardin 4:03
2. Petite blonde du boulevard Brune 3:21
3. La Valse à sale temps 3:40
4. Les mille paillettes 4:04
5. Il faut manger 1:46
6. Helno est mort 3:33
7. J'ai besoin de la lune 2:45
8. L'Automne est las 2:57
9. Si loin de toi, je te joue 2:49
10. 100 000 remords 3:29
11. Trop tôt, trop tard 2:36
12. Te tromper 1:12
13. Madame banquise 2:40
14. Les Rues de l'hiver 3:35
15. Sibérie fleuve amour 4:14
16. Les Petites Planètes 4:11
17. Te souviens-tu... 2:33
18. J'ai besoin de la lune 2:27
19. Dans mon jardin 5:33
20. Merci bonsoir... 0:51
21. Je suis fou de toi 2:26
22. Les Yeux turquoises 3:18
23. Sibérie 4:22

Manu Chao

jeudi 25 décembre 2014

Cadeau d'Anges...Noël Zornien

Une rétrospective des 23 volumes déjà parus du Second Livre de Masada, The Book of Angels. Une bonne façon de revenir sur des épisodes que vous auriez manqué ou, pour les débutants, de découvrir John Zorn via sa série la plus médiatiquement exposée. Et ? Une bonne façon de vous rappeler, hé ouais !, que vous êtes ici en Zornophagie !  Mais encore ? Un joyeux Noël à tous bien sûr !

JaZZ TRio
Jamie Saft Trio "Astaroth: Book of Angels Volume 1" (2005)
ou "Saft le fait !"

Au commencement était le Masada Book 1, véhicule musical de la redécouverte par John Zorn de ses racines juives, musicalement et spirituellement. Après avoir tourné autour de la formule de son quatuor acoustique (celui-là même ayant sorti les 10 albums originels de la série) puis décliné le concept en additionnant ou soustrayant certains musiciens, sans doute Zorn a-t-il eu envie d'élargir le spectre, d'inviter de nouveaux univers à s'amalgamer au sien, d'enfin pouvoir assouvir le besoin d'entendre sa musique capturer de nouveaux horizons, explorer de nouvelles alternatives.
Sur le papier, cette première levée peut paraître pépère. Jamie Saft fait depuis longtemps partie de la famille et se voit accompagné du bassiste attitré d'Acoustic Masada, Greg Cohen. C'était sans compter sur le nez de John qui, une fois de plus, ne s'est pas trompé. D'abord parce que Saft est un pianiste inspiré, sachant marier l'élégance et la furie, deux valeurs cardinales de la grammaire zornienne. Ensuite, parce que ses arrangements nuancés sont grandement facilités par la qualité des thèmes offerts par le patron. Le résultat est un album de jazz mélodieux avec quelques tentations « free » qui, sans ses influences klezmer et contemporaines marquées, ne serait que d'un confortable classicisme. Certains, ainsi, regretteront le trop grand respect avec lequel les thèmes de Zorn ont été traités par Saft et il est vrai qu'on sent une profonde révérence envers les travaux du compositeur tout au long des 10 morceaux composants Astaroth. C'est surtout une belle preuve que la forte identité de ces compositions ne s'efface pas si simplement.
L'album est-il le coup d'éclat inaugural auquel on aurait pu s'attendre ? Probablement pas. C'est avant tout un œuvre efficacement troussée et parfaitement interprétée par trois musiciens unis autour de leur compositeur et n'ayant d'autre ambition que d'offrir à sa musique le plus bel écrin possible. En ceci, pas de doute, la mission est accomplie.

1. Shalmiel 5:25
2. Ygal 3:09
3. Astaroth 6:11
4. Ezeqeel 4:21
5. Ariel 6:28
6. Sturiel 5:05
7. Baal-Peor 7:10
8. Pursan 2:23
9. Lelahel 9:02
10. Beleth 5:59

Jamie Saft: Piano
Greg Cohen: Basse
Ben Perowsky: Batterie
John Zorn: composition, production

Jamie Saft

CoRDeS SeNSiBLeS
Masada String Trio "Azazel: Book of Angels Volume 2" (2005)
ou "Jazz de Chambre"

Pour le second volume de son Livre des Anges, John Zorn choisit le Masada String Trio qu'on avait déjà eu le plaisir d'entendre en diverses circonstances reprenant le répertoire du Masada Book One (celui-là même créé par Acoustic Masada, formation fondatrice de cet impressionnant pan de la discographie zornienne) ou dans des créations originales.
Evidemment, nous savions la rare grâce de cette formation que, faute de mieux, on étiquettera comme klezmer/jazz de chambre. Pour l'occasion, Zorn (également arrangeur et coordinateur ici) y évoque avec une infinie volubilité toute l'étendue de son savoir faire. Tour à tour entraînante, dissonante, gaie, triste, violente, douce, cette musique d'un autre monde est aussi captivante qu'elle est belle. Les mélodies, ciselées avec expertise, y sont évidemment pour beaucoup mais il ne faudrait pas pour autant en réduire le mérite d'une formation certes minimaliste mais capable de tout avec un égal bonheur. Il suffit, pour s'en convaincre d'examiner les trois premières compositions. Tufiel, en mode jazz-la-joie est simplement parfaite, Mibi, courte, intense, osée est l'uppercut dont nos neurones avaient rêvé et, enfin, Tabaet, sublime pièce toute en nostalgie contrôlée, un témoignage de passion en glissandi et pizzicatti.
Et comme le reste est à l'avenant, que jamais ô grand jamais l'inspiration ne faiblit, on ne peut que célébrer cette heure d'intelligence musicale à l'état pur et en remercier mille fois le compositeur et ses instruments (experts) de joie.

1. Tufiel 6:22
2. Mibi 1:53
3. Tabaet 6:46
4. Symnay 5:23
5. Mastema 6:39
6. Bethor 5:25
7. Uriel 4:37
8. Gurid 1:52
9. Gazziel 4:04
10. Azazel 5:26
11. Rssasiel 2:36
12. Garzanal 5:22
13. Abiel 3:47

Mark Feldman: Violon
Erik Friedlander: Violoncelle
Greg Cohen: Basse
John Zorn: composition, production, arrangements

Masada String Trio

MiNiMaL MaXiMaL
Mark Feldman & Sylvie Courvoisier "Malphas: Book of Angels Volume 3" (2006)
ou "Duo Contemporain"

On savait Courvoisier et Feldman familier du répertoire Zornien pour avoir participé à des enregistrements de musique contemporaine (les deux) ou à la « sphère Masada » plus globalement pour Feldman également membre du Masada String Trio et de Bar Kokhba. Ici, arrangeurs en plus d'être interprètes, ils créent un album dont la multiplicité égale la beauté. De l'entraînant introductif Azriel (klezmer de chambre) on passe à une variation libre, avant-gardiste et radicale (chaotique ?) sur Rasus à un Rigal tout en tendresse et nostalgie...Et le reste est à l'avenant ! Dire qu'il ne faut qu'un piano expertement martelé et un violon (doux, dur et dingue) pour réussir ce tour de force est tout bonnement ahurissant !
Malphas est riche, varié, intelligent, pas si minimaliste qu'on aurait pu le penser, aussi, ni vraiment difficile comme certains pourraient le craindre. Il est de ces albums qui vous remuent du sol au plafond, du bas ventre au cerveau, alors, autant le dire, pour ce 3ème volume, la série du Livre des Anges s'offre un nouveau sommet, tout simplement.

1. Azriel 4:12
2. Basus 3:27
3. Rigal 4:15
4. Kafziel 4:23
5. Labariel 6:20
6. Zethar 1:44
7. Paschal 5:21
8. Boel 4:35
9. Sammael 3:05
10. Padiel 6:27
11. Sretil 2:49

Sylvie Courvoisier: piano, arrangements
Mark Feldman: violon, arrangements
John Zorn: composition, production

Mark Feldman et Sylvie Courvoisier

L'ouVeRTuRe
Koby Israelite "Orobas: Book of Angels Volume 4" (2006)
ou "Pétillant !"

Quand il se vit proposer par John Zorn de participer à la série des Book of Angels (une série où Zorn, sous couvert des titres portant le nom d'anges de la Torah, continue de musicalement explorer ses racines juives), le multi-instrumentiste Koby Israelite avait déjà sorti deux albums chez Tzadik où il avait démontré son sens de l'humour, de la composition, des arrangements ainsi que sa capacité à fusionner les genres et les sons avec une vraie belle maîtrise.
Zorn savait donc parfaitement ce qu'il faisait en choisissant Koby et, le moins que l'on puisse dire, c'est que le résultat ne déçoit pas. Si les compositions sont clairement marquées du sceau Zornien, ce sont bien les arrangements de Koby qui font la différence. Ainsi tire-t-il cette musique vers le dub, le funk, le rock progressif et plein d'autres choses sans jamais trahir la base new-klezmer si profondément ancrée dans leur création. Tribale (séculaire même), la musique de Zorn revue et corrigée par Koby l'est, mais avec un humour, une fantaisie, une intelligence et un rétro-modernisme rarement aussi bien employés pour les mettre en valeur.
Cela va sans dire, cet album est une totale réussite et un (voir le) des tout meilleurs volumes de cette longue et productive série, ce qui n'est pas peu dire. Un cadeau divin sur lequel vous reviendrez souvent avec toujours le même ravissement et le même appétit. Enorme, quoi.

1. Rampel 6:31
2. Zafiel 4:40
3. Ezgadi 5:16
4. Nisroc 4:56
5. Negef 5:54
6. Khabiel 6:26
7. Chayo 6:27
8. Rachmiel 8:08

Koby Israelite: batterie, percussions, accordéon, claviers, guitare, bouzouki, banjo indien , chant, flute, basse, cajón
Sid Gauld: trompette
Yaron Stavi: basse, chant
Stewart Curtis: flute à bec, piccolo, clarinette
John Zorn: composition

Koby Israelite

NeW KLeZMeR
The Cracow Klezmer Band "Balan: Book of Angels Volume 5" (2006)
ou "Belle surprise"

Comme sur le précédent volume, l'excellent Orobas de Koby Israelite, Zorn abandonne consciemment les commandes, sur Balan, à une formation déjà établie mais pas forcément aussi respectueuse de son écriture que le furent les "familiers", interprètes des trois premiers chapitres de la série des Books of Angels.
Et voici donc le Cracow Klezmer Band (futur Bester Quartet) : quatre polonais dynamiteurs du genre Klezmer déjà « utilisés » par Zorn sur l'étourdissant Sanatorium Under the Sign of the Hourglass (un album tribute à l'écrivain polonais Bruno Schultz) et sur la compilation Voices in the Wilderness (célébrant les 10 ans du Masada Songbook), dont on savait donc l'univers compatible avec celui du fameux compositeur de la scène avant-gardiste new yorkaise dite de Downtown. Cette fois-ci, ils ont additionné leur formation d'un quatuor à cordes, d'un vocaliste et d'un bidouilleur de machines pour un résultat... Ebouriffant.
Evidemment, on reconnait l'écriture, le style mélodique de Zorn, il eût été dommage qu'il en soit autrement, mais si habilement et imaginativement transposé que c'est vraiment un nouveau « paysage sonore » qui nous est offert. Jaroslaw Bester, leader de la formation et accordéoniste, brille ici particulièrement mais n'est, au final, que la cerise sur le gargantuesque gâteau, tout comme l'est d'ailleurs l'autre soliste, le violoniste Jaroslaw Tyrala. Non, la force de ces quarante minutes tient dans les arrangements inventifs et inspirés donnant aux mélodies de Zorn une théâtralité jusqu'alors rarement mise en avant dans la série. Forcément, avec une base Klezmer, l'ambiance navigue souvent entre nostalgie millénaire et transe de la danse, rien de vraiment surprenant en l'occurrence (sauf peut-être l'absence quasi-totale des dissonances si courantes dans le répertoire Zornien) et de fait, c'est par leur art de la nuance, leur capacité à jouer sur les forces des mélodies en accommodant différemment, leur expertise instrumentale, aussi, que le Cracow Klezmer Band fait la différence et contribue à la pleine et entière réussite de l'entreprise.
Finalement, en éloignant sa musique du cercle habituel de ses collaborateurs, Zorn lui permet de se voir insufflée une nouvelle vie, une nouvelle inspiration. C'était déjà particulièrement évident sur le volume de Koby Israelite, ça l'est encore plus ici. En toute logique, Balan est très chaudement recommandé même s'il risque de surprendre les suiveurs de Zorn qui n'y auraient pas encore posé l'oreille.

1. Zuriel 4:17
2. Suria 7:54
3. Dirael 6:05
4. Kadosh 2:41
5. Haniel 5:01
6. Jehoel 5:15
7. Asbeel 5:03
8. Aniel 3:48

The Crawow Klezmer Band
Jaroslaw Bester: accordéon
Oleg Dyyak: percussion
Wojciech Front: contrebasse
Jaroslaw Tyrala: violon
&
Jorgos Skolias
: voix
Ireneusz Socha: instruments informatiques
DAFO String Quartet
Anna Armatys: violoncelle
Danuta Augustyn: violon
Justyna Duda: violon
Aneta Dumanowska: alto
John Zorn: composition

The Cracow Klezmer Band

CaiNe CaN!
Uri Caine "Moloch: Book of Angels Volume 6" (2006)
ou "Solo Piano"

Dans ce genre d'exercice - l'album en solitaire - il n'est pas rare qu'une certaine aridité se fasse jour. Fatalement, ce Moloch - 6ème levée du deuxième livre de MasadaJohn Zorn explore ses racines juives - n'échappe pas à l'exception. Il faut cependant compter sur les qualités de mélodiste de Zorn et l'excellence des arrangements et interprétations d'Uri Caine pour faire de cet album, sur le papier un peu rebutant, une vraie, belle et complète réussite.
Un peu rebutant parce que, si l'excellence n'avait pas été au rendez-vous, ces 77 minutes de piano auraient paru extrêmement fastidieuses voire carrément endormissantes. Or, il y a les compositions de John Zorn mariant klezmer, jazz, classique et avant-garde comme nul autre ne sait le faire. Un Zorn inspiré, qui plus est dont les dissonances si couramment aperçues dans le catalogue sont ici gardées dans les limites de l'acceptable même pour les oreilles les plus sensibles. Et puis il y a les interprétations (et arrangements) d'Uri. On sait le garçon virtuose de son instrument et arrangeur malin et versatile (son Primal Light, version personnelle de certaines pièces de Mahler paru chez Winter & Winter, fait encore référence) et le moins que l'on puisse dire c'est qu'il ne nous déçoit pas ici. Que ce soit dans les pièces à la douce-amère saveur nostalgique, celles plus emportées ou celles plus complexes, il brille de tous ses feux.
Moloch n'est pas une œuvre aisée, ce n'est pas non plus un album où il est difficile de rentrer. Comme souvent chez Zorn c'est - à l'image de son créateur - un assemblage précieux et délicat qui, s'il peut s'écouter distraitement, ne livrera sa substantifique moelle qu'à ceux prêts à y donner toute leur attention. On y découvre alors moult détails et nuances qui en font tout l'attrait.

1. Rimmon 4:46
2. Domiel 3:55
3. Mehriel 4:30
4. Savliel 2:24
5. Tufrial 4:03
6. Jerazol 3:39 
7. Harshiel 3:34
8. Dumah 3:12
9. Harviel 5:00
10. Segef 1:57
11. Sahriel 4:59
12. Shokad 2:56
13. Zophiel 5:01   
14. Hayyoth 2:29
15. Nuriel 5:51
16. Ubaviel 5:17
17. Hadrial 4:41
18. Cassiel 2:37
19. Rimmon 6:14

Uri Caine: piano
John Zorn: composition, production

Uri Caine

FuRieuX MaSaDa
Marc Ribot "Asmodeus: Book of Angels Volume 7" (2007)
ou "In Your Face!"

Confié à Marc Ribot qui a décidé d'une formule en power trio, Asmodeus est indéniablement la plus brutale des levées du Livre des Anges de John Zorn. Tant et si bien qu'elle risque de s'aliéner quelques « fans » de la série. Pourtant, pour les familiers du compositeur et de son interprète de l'occasion, il n'est pas exactement surprenant d'entendre cette approche « intello-punk/rock/metal » que les deux olibrius ont usité par le passé, plus souvent qu'à leur tour (voir Naked City pour Zorn et, entres autres, Shrek pour Ribot).
Il n'est pas à dire que ces petites quarante minutes ne sont qu'un déboulé bruitiste et bordélique. Certes, c'est souvent l'impression qu'on en a (surtout à la première écoute) mais Ribot est un instrumentiste trop fin et roué, et trop respectueux des compositions de Zorn, pour ne pas y glisser quelques lumineuses douceurs contrebalançant salutairement la furie globale. Et c'est bien là tout le sel de cet album qui, alternativement, vous défonce les tympans à coups de cric ou les cajole... toujours avec style !
Alors, certes, on déconseillera Asmodeus aux âmes (trop) sensibles, les autres - ceux qui ont les oreilles comme les antennes du S.E.T.I. - y trouveront leur compte.

1. Kalmiya 4:41
2. Yezriel 7:26
3. Kezef 2:32
4. Mufgar 2:58
5. Armaros 4:52
6. Cabriel 2:00
7. Zakun 3:39
8. Raziel 2:24
9. Dagiel 3:22
10. Sensenya 4:37

Marc Ribot: guitare
Trevor Dunn: basse
Calvin Weston: batterie
John Zorn: composition, production

Marc Ribot

GRâCe SoLiTaiRe
Erik Friedlander "Volac: Book of Angels Volume 8" (2007)
ou "My Cello is rich!"

Pour ceux qui ne le connaitraient pas encore, Erik Friedlander est un violoncelliste fréquemment employé par John Zorn que ce soit dans ses filmworks, en musique contemporaine ou dans diverses formations de la galaxie Masada (Bar Kokhba, Masada String Trio). Cette fois, seul maître à bord, il a eu l'honneur de se voir confier un volume du livre des Anges (Masada Book Two), soit des compositions de Zorn ici arrangées et interprétées par Erik, seul.
Sur le papier, l'exercice pourrait faire peur - Pensez ! Un violoncelle et rien d'autre ! - le fait est que comme pour l'album d'Uri Caine dans la même série (Moloch, Book of Angels Volume 6), et ce malgré un instrument mélodiquement plus limité que le piano, le résultat, pour ascétique qu'il soit, est bourré d'un charme contagieux. Les arrangements de Friedlander y sont pour beaucoup, toujours respectueux des mélodies de Zorn, mais sans flagornerie, ils sont le parfait pendant de sa gigantesque maîtrise instrumentale (qu'il joue à l'archet ou aux doigts), et ce n'est pas peu dire. De fait, pas une fois on ne regrette l'absence d'autres instruments, le violoncelle de Friedlander se suffit ici amplement à lui seul, prend tout l'espace (sans l'envahir, un silence est une note, rappelons-le) et sert, avec une immense profondeur d'âme, une musique riche où se côtoient classique contemporain (parfois chaotique et cartoonesque, un aspect décisif de la grammaire zornienne) et « mélodisme » klezmer.
Pour avoir vu Friedlander jouer ces compositions sur scène (de la Salle Pleyel au Teatro Manzoni de Milan), je peux vous assurer que pas la moindre tricherie de studio ne se glisse dans cette extraordinaire performance, Erik est un cador, voilà tout, et Volac un indispensable que vous aimiez John Zorn, le violoncelle ou tout simplement la musique quand elle s'approche d'aussi près du divin.

1. Harhazial 4:36
2. Rachsiel 2:39
3. Zumiel 1:39
4. Yeruel 3:24
5. Sannul 1:18
6. Haseha 4:35
7. Kadal 3:51
8. Ahaniel 5:45
9. Ylrng 1:36
10. Anahel 4:18
11. Sidriel 3:01
12. Zawar 4:38

Erik Friedlander : violoncelle, arrangements
John Zorn: composition, production

Erik Friedlander

L'iMMaNQuaBLe (1)
Secret Chiefs 3 "Xaphan: Book of Angels Volume 9" (2008)
ou  "Un Sommet !"

Quasi-universellement acclamé comme le chef d'oeuvre de la série du Livre des Anges de John Zorn (ce qui n'est pas peu dire !), le Xaphan de Secret Chiefs 3 est avant tout la rencontre de deux univers absolument compatibles.
Agitateur depuis les années 70, Zorn est un touche à tout capable de passer du hardcore jazz le plus extrême à d'intimes mélopées. Issus de la "sphère" Mr. Bungle, Secret Chiefs 3 jouent du rock progressif épicé de metal, de world, de jazz et d'un solide sens de l'humour. Comme en plus Zorn et ses interprètes de l'occasion partagent un amour égal pour le klezmer et un anticonformisme de bon aloi, le mariage est naturel débouchant sur une sélection festive et gigotante qui vrille les neurones, actionne les zygomatiques et vous laisse pantois... Et béat d'admiration.
Oui, Xaphan - parfait de bout en bout - est bien l'Himalaya de ce second livre de Masada. Par ses délicieuses compositions, par ses arrangements imaginatifs et ludiques, il est de ces albums qui ne s'usent pas et sur lesquels on revient, souvent, avec le même dévorant appétit.

1. Sheburiel 5:43
2. Akramachamarei 5:46
3. Shoel 6:19
4. Barakiel 5:49
5. Bezriel 4:36
6. Kemuel 4:23
7. Labbiel 4:22  
8. Asron 3:32
9. Balberith 6:31
10. Omael 3:59
11. Hamaya 4:20

Anonymous 13: voix, alto
Rich Doucette: sarangi
Shahzad Ismaily: basse
Jai Young Kim: hammond b3
Jason Schimmel: guitare
Ches Smith: batterie, congas
Trey Spruance: guitare baryton, guitare électrique, orgue, percussion, synthétiseur, autoharpe, piano, basse
Timb Harris: violon, trompette
&
Monica Schley
: harpe
Adam Stacey: clavinet
Tim Smolens: violoncelle, contrebasse
John Zorn: composition

Secret Chiefs 3

L'iMMaNQuaBLe (2)
Bar Kokhba "Lucifer: Book of Angels Volume 10" (2008)
ou "Diablement bon !"

Dans la série des Book of Angels de John Zorn, beaucoup s'accordent à dire que le Lucifer de Bar Kokhba est un des sommets... Voire LE sommet.
Il est vrai que Bar Kokhba, composé du Masada String Trio (Cohen, Feldman et Friedlander) additionné de quelques brillants pensionnaires de la maison Zorn, offre un équilibre et une grâce rarement atteints ailleurs dans le catalogue de l'hyperactif compositeur de Downtown. Cet exquis nectar jamais ne vrille oreille mais jamais, non plus, cède-il à trop de facilité. A vrai dire, cette musique, à la fois moderne et traditionnelle semble avoir été touchée par les Dieux. Des pizzicati et glissandi divins des cordes, des chaloupes rythmiques renversantes, de l'experte surf-guitar... Tout ici appelle à l'harmonie, à l'amour !
Il faut dire que John Zorn a, pour la circonstance, offert quelques unes de ses plus belles pièces et le fait est que jamais la déception ne pointe le bout de son vilain nez. C'est d'ailleurs aussi l'occasion de se rappeler le compositeur inspiré et mélodieux que Zorn peut (et sait !) être, lui à qui on accole plus facilement les qualificatifs de difficile, élitiste, abscons... Ce qui est preuve d'une méconnaissance crasse de sa discographie riche de mille facettes et dont le côté profondément mélodique n'est pas le moindre. Mais rien de tout ça ici. Le Bar Kokhba (enregistré en live en studio) est admirable de mélodie jusque dans ses emportements, qui sont nombreux et toujours bienvenus.
A ceux qui n'auraient pas encore goûté cet album exemplaire je dis « Veinards que vous êtes ! Comme j'aimerais moi aussi connaître de nouveaux les frissons qui me prirent à sa découverte ! ». Bien sûr, je l'aime encore énormément, comme on aime un charmant petit coin de campagne qu'on connait comme le dos de sa main et qu'on aime visiter régulièrement mais, la première fois... Ha ! La première fois !

1. Sother 5:58
2. Dalquiel 6:07
3. Zazel 3:22
4. Gediel 6:12
5. Rahal 3:49
6. Zechriel 7:53
7. Azbugah 3:02
8. Mehalalel 9:54
9. Quelamia 4:57
10. Abdiel 3:24

Cyro Baptista: percussions
Joey Baron: batterie
Greg Cohen: basse
Mark Feldman: violon
Erik Friedlander: violoncelle
Marc Ribot: guitare
John Zorn: composition, arrangements, production

Bar Kokhba

ReNCoNTRe au SoMMeT (1)
Medeski, Martin and Wood "Zaebos: Book of Angels Volume 11" (2008)
ou "Réussite paradoxale"

Sur le papier, l'adjonction de Medeski Martin & Wood à la série des Book of Angels de John Zorn fait sens. John Medeski, leader du trio, a souvent croisé la route de Zorn et l'univers fusionno-funko-avant-gardiste de son groupe est forcément compatible avec l'imagination du compositeur de Downtown. Autant dire qu'on se pourléchait les babines à l'idée de déguster cette rencontre au sommet, et puis...
Et puis, Zaebos. Pas un mauvais album, loin s'en faut. Juste un peu moins touché par la grâce que les précédentes offrandes de la série. Il faut dire que succéder aux deux volumes les plus réussis - le Xaphan des Secret Chiefs 3 et le Lucifer de Bar Kokhba - n'est pas une tâche aisée... La mayonnaise prend tout de même souvent, majoritairement sur les pièces les plus contemplatives et douces-amères où l'orgue magnifiquement plaintif de Medeski fait merveille (Sefrial ou Chafriel en sont les parfaits exemples). Pas que les compositions plus rythmées ratent toutes leur but, le fait est que les plus chaotiques (heureusement peu nombreuses) manquent sévèrement de l'habituelle combinaison d'humour et de mélodie caractéristique du répertoire Zornien « extrêmiste ». Toutefois, quand le trio s'applique à conserver la mélodie à cœur (Agmatia, Vianuel), le message est reçu... Loud and clear. Evidemment, série du livre des anges oblige, une forte connotation klezmer possède ces 11 titres, c'est un peu moins évident vu les instruments employés et l'évidente liberté que prend le trio avec les partitions, c'est néanmoins un élément décisif dans la coloration de chaque pièce.
Globalement satisfaisant, Zaebos est un album paradoxal. La liberté prise par MM&W est une bonne nouvelle en soit et le serait sûrement concrètement si les trois musiciens avaient totalement pris possession du répertoire offert par Zorn. En restant entre deux eaux (un peu MM&W mais pas trop... par respect ?) l'album déçoit parce que fondamentalement, il ne nous surprend pas. L'aeuvre, en soit, reste hautement recommandable et plaira sûrement à tous ceux épris de jazz libre (et pas free jazz, hein !) mais on ne peut s'empêcher de ressentir comme une frustration, un sentiment d'inachevé...

1. Zagzagel 5:24
2. Sefrial 4:47
3. Agmatia 5:22
4. Rifion 4:26
5. Chafriel 7:21
6. Ahaij 3:40
7. Asaliah 4:43
8. Vianuel 3:33
9. Jeduthun 3:03
10. Malach Ha-Sopher 6:50
11. Tutrusa'I 5:09

John Medeski: orgue, piano, synthétiseurs
Billy Martin: batterie, percussion
Chris Wood: basse, contrebasse
John Zorn: composition

Medeski, Martin and Wood

JaZZaDa (1)
Masada Quintet featuring Joe Lovano "Stolas: Book of Angels Volume 12" (2009)
ou "Le faux retour d'Acoustic Masada"

Prenez le quatuor d'Acoustic Masada, retranchez-en le boss, ajoutez le pianiste Uri Caine et le saxophoniste ténor Joe Lovano et vous obtenez le line-up de Stolas, 12ème livre des Anges. Un line-up classique donc, avec moult musiciens roués à l'interprétation de l'écriture Zornienne. Pas étonnant, à partir de là, que l'affaire roule si bien.
Roule si bien mais n'évoque pas forcément un Acoustic Masada souvent épris de Free Jazz et dont on ne retrouve le « signature sound » qu'épisodiquement ici (sur Sartael, par exemple). Est-ce le piano d'Uri, le sax de Joe ou simplement des compositions plus apaisées et mélodiques, toujours est-il que, s'il couvre bien les thèmes et gammes habituelles de la série, Stolas est aussi un album surprenamment accessible. En fait, s'il n'y avait les inclinaisons klezmer des mélodies, c'est à un album de jazz extrêmement classique auquel nous aurions affaire. En l'occurrence, l'emprunte moyenne-orientale s'avère un plus décisif et une caractéristique déterminante de la musique déroulée sur l'album. Comme l'est l'adjonction de Joe Lovano choisi personnellement par Zorn, qui fait tout de même une apparition sur Rahtiel, pour le remplacer. Saxophoniste croisé chez Paul Motian, McCoy Tyner ou Charlie Haden (en plus d'une florissante carrière en tant que leader), Lovano est un disciple du Coltrane pré-free. Mélodique, puissant, agile et rapide, il complète parfaitement la formation et la pousse dans un post-bop orientalisant tout à fait réjouissant.
Bien sûr, les chagrins iront reprocher à cet album son côté relativement pépère en comparaison des autres Book of Angels. Ce n'est pas totalement faux mais constitue aussi une des plus belles forces d'une collection qui réussit plus par sa capacité à délivrer des mélodies (et à tourner autour comme c'est de coutume dans le genre) que sa volonté de faire absolument avancer le schmilblick. Ca en fait une porte d'entrée idéale vers le répertoire plus ardu, moins identifiable mais également passionnant, du reste de la série.
Une réussite.

1. Haamiah 4:20
2. Rikbiel 5:47
3. Psisya 8:26
4. Sartael 4:50
5. Tashriel 4:03
6. Rahtiel 7:56
7. Tagriel 13:30
8. Serakel 5:06
9. Rigal 8:59

Joey Baron: batterie
Uri Caine: piano
Greg Cohen: basse
Dave Douglas: trompette
Joe Lovano: saxophone ténor
John Zorn: saxophone alto (6), composition, production, arrangements

Joe Lovano

CHoRaLe aNGéLiQue
Mycale "Mycale: Book of Angels Volume 13" (2010)
ou "13 en Voix"

Clairement un OVNI dans une série où le chant a rarement voix au chapitre, Mycale, 12ème Livre des Anges, est une beauté fragile, éphémère...
Interprété par un choeur de quatre chanteuses, dont Basya Schechter souvent croisée dans la série Radical Jewish Culture de Tzadik où elle publie notamment ses oeuvres solitaires, Mycale est un One Shot, un projet rêvé par l'ami Zorn sans doute en quête "d'autre chose"... Si l'idée est fameuse, sa concrétisation ne l'est pas moins. Certes, il faut un temps d'adaptation - on n'a pas l'habitude d'entendre Zorn ainsi interprété - mais le bonheur est indéniablement au bout du chemin. Ces quatre voix s'harmonisent à la perfection retranscrivant la douleur, la joie, la nostalgie de l'âme humaine sur des mélodies d'inspiration moyenne-orientales et est-européennes classiques du répertoire zornien et présentement arrangées par les quatre dames qui fourbissent même quelques armes de leur cru comme sur l'apaisant Ahaha ou d'andalouses tentations apparaissent. Et ce n'est qu'un exemple d'une lecture très libre des compositions du maître. Le parti-pris a capella, qui ne doit pas faire fuir !, donne une atmosphère rêveuse, sensuelle qui, si elle ne correspondra pas à des ambiances agitées, appellera au recueillement, à la contemplation quand on l'écoutera dans les bonnes circonstances... Qui sont nombreuses.
Essentiel ce Mycale si particulier ? Sans doute pas le premier Book of Angels qu'on conseillera (le Lucifer de Bar Kokhba ou le Xaphan de Secret Chiefs 3 auront la préférence) mais une addition intéressante et créative à une série où la médiocrité n'a pas court et, par conséquent, recommandable et (très) recommandé.

1. Uzziel 3:07
2. Ahaha 2:51
3. El El 2:18
4. Tehom 2:25
5. Moloch 2:28
6. Balam 3:11
7. Melech 2:46
8. Tarshish 4:00
9. Asaph 3:17
10. Rumiel 2:53
11. Natiel 4:11

Ayelet Rose Gottlieb: chant, arrangements
Basya Schechter: chant, arrangements
Malika Zarra: chant, arrangements
Sofia Rei Koutsovitis: chant, arrangements
John Zorn: composition, production

(un bout de) Mycale

i HaD a DReaM
The Dreamers "Ipos: Book of Angels Volume 14" (2010)
ou "le Rêve des Anges"

Pour ceux qui ne seraient pas familiers avec la formation, The Dreamers est, pour imager, le domptage de furieux instrumentistes par un furieux compositeur pour une musique mariant exotica, surf rock, mellow jazz et easy listening. Surprenant, et réussi comme le prouvent les trois autres galettes sorties par le line-up, en particulier l'essentiel O'O.
Ceci dit, les retrouver dans la série des Book of Angels est une vraie surprise. Parce que le Klezmer, référence stylistique de base de la série, n'est que rarement (et furtivement) effleuré en leur répertoire habituel. Parce qu'on n'imaginait pas un Book of Angels "sage" aussi et que c'est ce que ce mariage nous laisse à penser... Est-ce que Zorn, alors dans la préparation d'une colossale année 2010 où il sortit un album par mois, se laissa, en l'occurrence, aller à une quelque facilité, caractéristique qu'on ne lui connait pourtant habituellement pas ? Que nenni ! Certes, on ne niera pas qu'il y a un côté pépère rarement entrevu dans les autres albums du Second Livre de Masada, mais, des compositions béton, des interprétations qui ne le sont pas moins et une prise de son experte sont trop de facteurs concordant pour qu'on ne salue pas la réussite. Et puis, pépère pour Zorn, ce sont tout de même quelques furieux soli de Marc Ribot (qui envoie quand même le bois, comme dirait l'autre), quelques jonglages experts du percussif Cyro Baptista (etc.). On pourrait même dire qu'en mettant la pédale douce sur la folie, qu'en se concentrant plus que coutume sur un flow harmonieux, Zorn trouve des trésors de profondeur et cerise sur le gâteau, offre une porte d'entrée idéale, étant donné l'exemplaire accessibilité du présent opus, à un public potentiellement plus grand que celui que les habituelles (et passionnantes) circonvolutions du stakhanoviste new yorkais attire.
Ipos est donc une merveille de petit album précieux, doux mais jamais mièvre, qu'on écoute volontiers quand on a un peu de "bleu à l'âme"... Il réchauffe !
Epatant.

1. Chachmiel 3:55
2. Hashul 3:51
3. Galizur 7:33
4. Oriel 5:28
5. Zavebe 4:40
6. Qalbam 8:02
7. Hagai 4:15
8. Zortek 5:35
9. Ezriel 7:26
10. Kutiel 3:36

Cyro Baptista: percussion
Joey Baron: batterie
Trevor Dunn: basse
Marc Ribot: guitare
Jamie Saft: claviers
Kenny Wollesen: vibraphone
John Zorn: compositions, arrangements, direction

The Dreamers

JaZZaDa (2)
Ben Goldberg "Baal: Book of Angels Volume 15" (2010)
ou "Comfort Zone"

En réunissant des habitués de la série du Livre des Anges - le batteur Joey Baron, le pianiste Jamie Saft et le batteur Kenny Wollesen - autour du clarinettiste jazz/avant-garde Ben Goldberg (issu comme Zorn de la scène dite de Downtown et leader de l'excellent New Klezmer Trio en plus d'une prolifique carrière solitaire), Zorn ne prend pas franchement de risque collant au plus près à la grammaire originelle du projet Masada.
Il est vrai qu'au regard du récent et explosif Pruflas de David Krakauer, Baal a des allures d'enfant (trop ?) sage. Et de fait, là où Krakauer éparpille façon puzzle, Golberg charme... tout en douceur. Evidemment, sans diminuer la performance de chaque instrumentiste, le mérite revient majoritairement à un John Zorn qui, en plus de composer, dirige la formation et est l'auteur des arrangements. Cela va sans dire, cette musique, évocatrice du klezmer originel aussi bien que du free jazz, a ses dissonances et bizarreries, du type de celles dont les fervents de Zorn ont l'habitude. Ainsi a-t-on droit tant à de courtes et chaotiques saillies (Lahash) qu'à des pièces nettement plus contemplatives (Asimor ou Uzza, ce dernier joué par la seule clarinette de Goldberg) ou à de passionnants explorations aux confins du free jazz et du klezmer (l'introductif et explosif Chachmiel ou le dispersé Irin).
Rien que de très classique, en somme, et c'est sans doute ce qui empêche de considérer un album, autrement d'une fort belle tenue, comme une des œuvres les plus essentielles de ce second livre de Masada. Baal est cependant recommandé, plus qu'aux complétistes de la chose Zornienne, et plaira à tous ceux qui aiment leur jazz exploratoire mais néanmoins mélodique et accessible.

1. Chachmiel 7:21
2. Asimor 4:27
3. Irin 4:32
4. Pharzuph 7:18
5. Lahash 2:52
6. Reqel 7:17
7. 'ifafi 5:09
8. Uzza 3:10
9. Poteh 5:55

Ben Goldberg: clarinette
Jamie Saft: piano
Greg Cohen: contrebasse
Kenny Wollesen: batterie
John Zorn: composition, arrangements, direction

Ben Goldberg

ReTouR eN GRâCe
Masada String Trio "Haborym: Book of Angels Volume 16" (2010)
ou "Jazz de Chambre, Volume 2"

Une première dans la série des Book of Angels ! Une formation, le Masada String Trio, remet le couvert et nous propose une nouvelle exploration klezmero-contemporaine de quelques pièces sélectionnées dans le second livre de Masada.
Tout de suite, on se demande quelle mouche à piqué ce bon John Zorn ? Lui si habitué au changement convoque de nouveau le violoniste Mark Feldman, le contrebassiste Greg Cohen et le violoncelliste Erik Friedlander (tous des réguliers de la maison Zorn en plus d'appartenir à la présente formation) à tenter d'égaler la magie d'Azazel, second album de la série et une de ses plus belles plages, accessoirement.
Forcément, avec pareil devancier, le challenge est de taille. Et si le Masada String Trio tutoie parfois les ses sommets passés, force est de constater qu'Haborym ne supporte que difficilement la comparaison. On y retrouve évidemment des musiciens hors-pair dans un univers qu'ils possèdent totalement. Oui mais, des mélodies un tout petit peu moins inspirées que pour le premier tour, un effet de surprise forcément écorné sont des facteurs objectifs qui handicapent une galette empiriquement tout à fait recommandable. De fait, deux choix s'imposent à nous : rejeter la création purement et simplement en ne la voyant que comme un exercice de facilité pour le mastodonte projet de l'album par mois que s'imposa Zorn en 2010 (ce qui serait se priver de quelques exquises pièces), ou le considérer comme un volume complémentaire d'une formation qui avait si bien réussi son premier que reprendre ainsi l'ouvrage tombait sous le sens.
Clairement, j'ai choisi le second camp, trop de grâce, d'intelligence et de virtuosité pour que je boude mon bonheur.

1. Turel 6:20
2. Tychagara 3:39
3. Carniel 4:42
4. Bat Qol 2:56
5. Gamrial 6:40
6. Elimiel 3:04
7. Techial 2:05
8. Umikol 2:31
9. Malkiel 4:24
10. Raamiel 6:24
11. Gergot 3:48

Greg Cohen: basse
Mark Feldman: violon
Erik Friedlander: violoncelle
John Zorn: composition, arrangements, direction

Masada String Trio

à TaBLe !
Banquet of the Spirits "Caym: Book of Angels Volume 17" (2011)
ou "Voyage en Terres Inconnues"

Si on n'est pas vraiment surpris de retrouver le Banquet of the Spirits de Cyro Baptista (30 ans de collaborations avec John Zorn !) pour une participation au Masada Book Two (The Book of Angels), on ne s'attendait pas à ce que la fusion brasiliana-worldo-foutraque de sa formation colle aussi bien à l'avant-gardisme klezmero-jazzo-contemporain de Zorn...
On aurait cependant du se souvenir que Cyro avait participé à deux des plus beaux volumes du Livre des Anges (le Lucifer de Bar Kokhba et le Ipos des Dreamers) et prendre ces "credentials" pour argent comptant. Encore plus en tenant compte que, dans le groupe, figure un autre vétéran de la galaxie Zornienne (et producteur de moult albums de la Radical Jewish Culture du Label Tzadik) en la personne de Shanir Ezra Blumenkranz responsable ici des arrangements et qui fit un si bon boulot que Zorn l'a reconvoqué (sous son nom cette fois) pour un prochain volume: Abraxas, 19ème du second livre de Masada.
Pour totalement prendre possession du répertoire, Cyro, Shanir et leurs deux compagnons (Tim Keiper et Brian Marsella) l'ont rôdé sur scène avant d'entrer en studio pour son enregistrement, et ça se sent. Le catalogue mélodique n'est pas plus exceptionnel que sur un (très) bon Book of Angels, c'est donc forcément l'interprétation qui fait la différence. Le tour de force, en l'occurrence, réside dans la capacité de la formation de ne pas renier ses racines tout en embrassant totalement celles de son auguste compositeur. Sur Matafiel par exemple, l'interpénétration des sources séfarades et de la coloration carioca qu'y accole le quatuor contribuent à créer un « autre-chose » aussi passionnant que déroutant, qui était la visée originelle de Zorn quand il décida de confier ses compositions à une large palette d'interprètes. Tout n'est pas aussi radical cependant. Souvent, le groove tropical de Cyro est l'épice dépaysante d'une musique clairement orientée klezmer. Même en cette instance Banquet of the Spirits trouve toujours le truc - en ajoutant des chants latino-tribaux ou des instruments nord-africains tel le guembri ou l'oud, tous deux tenus par le multi-talentueux Shanir - pour se démarquer de ce qui nous avait jusqu'alors été proposé dans la série.
Voyage en terres inconnues, Caym nous ballade de Rio à Java en passant par Jerusalem, Alexandrie ou Cracovie (et j'en passe !) sans jamais se départir de son esprit frondeur, de son modernisme fusionnant ou de sa salutaire liberté de ton. Ca en fait, vous l'aurez compris, une pleine et entière réussite et (encore !) une nouvelle richissime page d'un Livre des Anges décidément incontournable.

1. Chamiel 4:27
2. Matafiel 5:22
3. Briel 4:19
4. Zaphaniah 3:53
5. Tzar Tak 3:45
6. Flaef 2:05
7. Hutriel 4:27
8. Yeqon 4:55
9. Yahel 2:26
10. Tahariel 4:47
11. Natiel 4:00
12. Phaleg 4:07

Cyro Baptista: percussions, voix
Shanir Ezra Blumenkranz: oud, basse, guembri, voix
Tim Keiper: batterie, percussions, xalam, voix
Brian Marsella: piano, clavecin, orgue, accordéon, voix
John Zorn: composition

Cyro Baptista

ReNCoNTRe au SoMMeT (2)
David Krakauer "Pruflas: Book of Angels Volume 18" (2012)
ou "Hot Klezmer"

Il aura fallu attendre plus d'un an pour que le Book of Angels de Cyro Baptista et son Banquet of the Spirits arrive dans les bacs. C'est inhabituellement long mais le jeu en valait la chandelle, particulièrement quand le présent volume nous propose la rencontre au sommet de deux légendes. Un programme si alléchant qu'on le savoure avant d'en avoir entendu la moindre note !
La rencontre de deux légendes donc. Dans le coin gauche, l'hyperactif et révéré compositeur / arrangeur / multi-instrumentiste / patron de label / producteur (n'en jetez plus !) : John Zorn. Dans le coin droit, le clarinettiste / compositeur (et arrangeur pour la circonstance) qui a fait exploser le cadre traditionnel du klezmer (musique juive ashkénaze) la revitalisant en la fusionnant avec des influences nouvelles (du hip-hop, au rock en passant par le jazz et le funk) : David Krakauer, dont ce n'est que le 8ème long jeu depuis 1995.
Autant le dire, musicalement, cet album n'est pas franchement surprenant et couvre, comme c'était attendu, les compositions de Zorn des atours habituels de Krakauer. Ainsi, si le hip-hop est cette fois aux abonnés absents, les autres inflexions de David sont-elles au rendez-vous. Etant entendu que ce cocktail est absolument compatible avec l'écriture zornienne, l'essentiel reposait donc sur la qualité des compositions et des arrangements. Le fait est qu'il n'y a pas ici de thème aussi immédiatement porteur (quoique Vual et Tandal n'en soient vraiment pas loin) que sur, par exemple, le Lucifer de Bar Kokhba, un Himalaya de la série du Livre des Anges. Ceci dit, il faut entendre Krakauer souffler furieusement dans sa clarinette, la guitariste Sheryl Baile descendre expertement son manche, quel trip ! Et comme les musiciens excellent également, on ne peut dignement pas bouder son plaisir face à cette bacchanale judéo-jazzante. Côté arrangements, Krakauer a plutôt joué la sécurité et l'efficacité, à l'écoute de l'album, on se dit que c'était sans doute la bonne solution.
Particulièrement addictif et révélant à chaque écoute de nouvelles nuances (c'est toujours bon signe), Pruflas est indéniablement une réussite, donc, et un retour en fanfare d'une série des Book of Angels déjà riche de nombreux trésors dont celui-ci n'est pas le moindre.
Chaudement recommandé !

1. Ebuhuel 3:52
2. Kasbeel 4:18
3. Vual 4:59
4. Parzial-Oranir 11:11
5. Egion 5:44
6. Neriah-Mahariel 7:03
7. Tandal 3:36
8. Monadel 5:52

David Krakauer: clarinette, clarinette basse
Michael Sarin: batterie
Sheryl Baile: guitare
Jerome Harris: basse, voix
Keepalive: Laptop
John Zorn: composition

David Krakauer

oRieNTaL RoCKiN'
Shanir Ezra Blumenkranz "Abraxas: Book of Angels Volume 19" (2012)
ou "The Devil's Wonders"

Il n'est pas vraiment surprenant de voir Shanir Ezra Blumenkranz apparaître dans la série des Book of Angels. Vieux compagnon de route de John Zorn (alors qu'il n'a que 37 ans !) et collaborateur régulier du label Tzadik, il était écrit qu'il poserait un jour ses mains et son inspiration sur les compositions du maître sous son seul nom quand, avec le Banquet of the Spirits de Cyro Baptista ou le Rashanim de Jon Madof, il l'a déjà fait collectivement.
Musicalement, c'est une furieuse session dont nous sommes les témoins. Accompagné de deux guitaristes (Eyal Maoz et Aram Bajakian, tous deux publiant leurs travaux de leaders chez Tzadik) et d'un batteur (Kenny Grohowski, furieux et versatile), il nous propose une musique où se télescopent violemment jazz, klezmer et metal. Stylistiquement, il serait aisé de rapprocher cet Abraxas de l'Asmodeus de Marc Ribot dont il partage la centralité guitaristique et les emportements bruitifs et puissants, Abraxas n'en a pourtant ni l'approche minimaliste ni la froideur agressive. Si les guitares dépotent, que la batterie ne plaisante jamais et que Shanir himself envoie sérieusement le bois (qu'il soit à la basse ou au guembri), les chaloupements ne sont jamais bien éloigné d'une musique qui garde toujours un petit rayon de soleil dans son cœur. Ponctuellement, sur Yaasriel par exemple, le tempo se ralentit, le mood se fait plus pensif, plus rêveur... C'est une parfaite pause avant de réattaquer « dans le dur » avec un Muriel aux furieuses dissonances. Ces respirations, peu nombreuses mais ô combien salutaires !, permettent de jouir de leurs voisins excès avec un enthousiasme encore plus béat devant tant de maîtrise et de fougue. En bref, on en reste baba.
Abraxas, musiques de John Zorn et arrangements de Shanir Ezra Blumenkranz, est donc une réussite de plus dans la longue et glorieuse série du Livre des Anges dont on ne saurait trop recommander les précédents volumes. Un album sans compromis qui fera fuir les plus sensibles des tympans (tant pis pour eux !) et enchantera les autres devant les galipettes osées et rétablissements de chats noirs de ces quatre talentueux trublions.

1. Domos 4:00
2. Tse'An 4:09
3. Nachmiel 3:35
4. Yaasriel 5:22
5. Muriel 3:27
6. Maspiel 5:51
7. Aupiel 3:44
8. Nahuriel 4:57
9. Biztha 3:37
10. Zaphiel 5:21

Shanir Ezra Blumenkranz: guembri, arrangements
Aram Bajakian: guitare
Kenny Grohowski: batterie
Eyal Maoz: guitare
John Zorn: composition

Shanir Ezra Blumenkranz

ReNCoNTRe au SoMMeT (3)
Pat Metheny "Tap: Book of Angels Volume 20" (2013)
ou "Two Masters"

Ca faisait des mois qu'on l'attendait, depuis que la rumeur que Pat Metheny interviendrait dans la série des Book of Angels (pour l'ultime volume disait-elle, vilaine !). Voila, c'est fait, elle est là la rencontre au sommet d'un guitariste ô combien révéré et d'un compositeur toujours avide de nouvelles expériences, d'entendre sa musique triturée, réinterprétée par d'autres mains, d'autres cerveaux.
En l'occurrence, il n'y a pas pléthore, que ce soit pour la tracklist ou le line-up (6 et 2) mais les émotions sont bien au rendez-vous et la rencontre de deux univers à priori pas exactement compatibles porte magnifiquement ses fruits. Pas qu'on n'en attendait quoique ce soit d'autre, notez, quand deux géants se croisent, ça fait forcément quelques étincelles... Et si peu de musiciens interviennent ici, c'est tout bonnement parce que Metheny bouffe toute la place faisant montre, comme il l'a souvent fait sur ses récentes livraisons, de ses qualités de producteur/arrangeur/multi-instrumentiste. De fait, il n'a recours qu'au seul Antonio Sanchez, frappeur de peau de service, pour s'inviter sur les plates bandes d'un Zorn ô combien consentant.
Musicalement, la surprise est, finalement, de ne jamais en rencontrer vraiment. Je m'explique... Si, en effet, le traitement que se voient infligées les compositions de John Zorn est unique (tout en étant multiple, j'y viens), il est totalement dans les valeurs et inclinaisons stylistiques de Metheny qui s'est, en la circonstance, totalement réapproprié les notes de son compositeur. En introduction, ça donne un Mastema au "klezmerisme" discret occulté qu'il est par la folie fusion à bruitages électroniques que commet Metheny... Et ça fonctionne du feu de Dieu (ou des Anges, c'est bienvenu pour la série !). Suit Albim qui, plus respectueux des cannons du compositeur Zorn, est une charmante ballade nous emmenant presque jusqu'à Buenos Aires avec sa guitare acoustique, son discret bandonéon, son doux chaloupement et sa fin dramatique, parfait, et parfaitement maîtrisé, ça va sans dire ! Tharsis, piste 3, plus électrique et rapide n'est pas bien différent, comme si les deux thèmes qui le précédent se retrouvaient... Si l'empreinte Zorn y est impossible à rater, ça ne signifie pas que Metheny se soit laisser aller à la facilité, pièce à la fois rythmée et ambiante, elle bénéficie de son exceptionnelle qualité de guitariste en plus de ses capacités d'arrangeur/metteur en son, devenant "autre chose" au contact d'un imaginaire riche, "autre chose" de particulièrement prenant en son magnifique crescendo.
J'arrête là menu non sans préciser que la seconde moitié des titres propose d'au moins aussi fortes émotions, d'au moins aussi belles révélations musicales pour une satisfaction finale évidemment acquise.
Formellement, les petits plats ont été mis dans les grands et, grande première dans la série sans doute motivée par quelques obligations contractuelles, ce Tap bénéficie d'une double sortie, chez Nonesuch (label attitré de Metheny) et chez Tzadik (la maison de qui vous savez). C'est finalement, sauf pour Tzadik peut-être, une bonne nouvelle qui, espérons-le, permettra à un compositeur toujours trop méconnu de récolter quelques suiveurs fanatiques supplémentaires dans l'opération, Zorn le mérite, Metheny le lui offre... Elle est pas belle la vie ?
Reste que cette rencontre (un sommet au sommet !) donne extrêmement envie d'en entendre plus, que John Zorn fasse plus de nouvelles rencontrent qui élargiront encore le spectre d'une série et d'un monde pourtant déjà si riche parce que, si vous ne l'aviez pas compris, ce Tap, 20ème Book of Angels, c'est de l'or en barre... Tout simplement !

1. Mastema 7:20
2. Albim 9:07
3. Tharsis 5:54
4. Sariel 11:09
5. Phanuel 10:55
6. Hurmiz 6:12

John Zorn: composition
Pat Metheny: production, arrangements, electric & acoustic guitars, baritone guitar, sitar guitar,
tiples, bass, piano, keyboards, marimba, bells, bandoneon, percussion, electronics, flugelhorn
Antonio Sanchez: drums

Pat Metheny

uN auTRe MoNDe
Eyvind Kang "Alastor: Book of Angels Volume 21" (2014)
ou "un 21 sur son 31"

Après l'évenementiel, Pat Metheny dans le Livre des Anges, diable !, on serait presque amené à pensé que le présent volume n'est finalement qu'un retour à la normale pour le second livre de Masada. Sauf qu'Eyvind Kang, compositeur, (présentement) arrangeur et poly-instrumentiste accompli a qui a été confié ce volume, ne l'entend pas de cette oreille et appose toute son imagination et son savoir-faire aux compositions de John Zorn, il n'en faut pas plus pour créer un album d'exception et donc un authentique évènement musical, un des plus forts de l'an en cours pas moins.
Il faut dire qu'avec un capitaine si roué et inventif à la barre, auteur d'une vingtaine d'album en son nom depuis la seconde moitié des années 90 mais aussi session man ou invité par de nombreux autres artistes d'Animal Collective à Laura Veirs en passant par Sun O))) ou Blonde Redhead (pour ne citer que les plus connus), un faisceau d'indices s'accumulait. Un petit coup d'œil à l'équipe réunie, déjà, révélait un volonté à la fois orchestrale, exotique et radicale de s'approprier le matériau mis à disposition par un Zorn toujours aussi prolifique et inspiré.
Le résultat est d'autant plus surprenant qu'on tient là un album très arrangé, précieux même dans une galaxie Zorn où l'improvisation est, le plus souvent, de mise. Et enregistré loin des bases du compositeur (Seattle) qui n'y a, du coup, plus tout à fait le même poids tout en restant, c'est heureux, immédiatement identifiable comme la source du matériel. Et quel matériel ! Des flaveurs orientales d'un Hakem d'ouverture quelque part entre Marrakech et l'espace intersidéral, de l'oriental jazz soyeux et baladeur de Samchia, des atours percussifs et tribaux asiatico-orientaux de Hakha, du "contemporarisme" dramatique de Jetrel et ses cordes émouvantes, la délicieuse exotica rumba de Variel qu'on danserait bien une corbeille de fruits en équilibre sur le chef, etc. parce qu'on ne va quand même pas tout dire !, on admire l'expertise et l'immense versatilité de Kang arrangeur et performer, de son travail de transformation, de reconstruction, et le potentiel cinématique non négligeable qu'in fine possède son Livre des Anges.
Parce que, on l'a déjà dit mais on ne perd rien à rebattre le fer, Kang a mis les petits plats dans les grands pour servir Zorn, convoqué un casting aussi luxueux que surprenant, intégrant moult instruments (coréens particulièrement) qui n'avaient pas encore eu l'honneur et l'avantage de "fouler" la musique de Master John, et confectionné l'écrin idéal, avec Randall Dunn qu'il avait croisé lors de ses gigs chez d'autres, via une production chaude, claire et précise, permettant d'apprécier toute la finesse du bon coup qu'il a si malicieusement et magistralement fomenté.
Comme c'est le cas dans la plupart des albums les plus réussis de la série, dont il est, donc, Alastor est une créature ultimement bicéphale. La chose d'un compositeur, bien sûr !, mais aussi de son arrangeur/interprète de l'occasion, Eyvind Kang, qui l'a suffisamment accommodé pour le rendre sien sans le priver de sa place de choix dans le Masada Book Two. Un tour de force remarquable, un album exceptionnel de grâce et d'invention avec même un certain sens de l'humour... Bref, à ne rater sous aucun prétexte.

1. Hakem 5:36
2. Samchia 3:49
3. Hakha 3:18
4. Jetrel 5:31
5. Variel 4:12
6. Loquel 3:15
7. Rachiel 3:48
8. Barael 3:22
9. Sakriel 7:08
10. Uriron 4:41

John Zorn - composition
Eyvid Kang - electric bass, guitars, janngu, kacapi, kemancheh, korg synth, moog synth, oud, percussion, piano, setar, sitar, viola, violin, voice
&
Dave Abramson
- drums, percussion
Josiah Boothby - french horn
Maya Dunietz, Jessica Kenney - voice
Hidayat Honari - tar
Taina Kar - english horn, oboe
Hyeonhee Park - janngu, kkwaenggwari
William Smith, Maria Sherer Wilson - cello
Emma Ashbrook - bassoon
Tor Dietrichson - bongo, conga, clave, guiro, tabla, triangle
Shahzad Ismaily, Moriah Neils, Jacob Yakshaw - bass
Soyeon Park - geomungo
JungAh Song - gayageum

Eyvind Kang

aFRiCa MaSaDa!
Zion80 "Adramelech: Book of Angels Volume 22" (2014)
ou "Masada on the (afro)Beat"

Quelques mois seulement après un exceptionnel volume 21 de son Livre des Anges, John Zorn confie à une bande de têtes connues le numéro 22, et c'est une excellente nouvelle !
Pour ceux qui ont l'occasion d'écouter l'opus inaugural de Zion80, paru chez Tzadik en décembre 2012, Andramelech ne sera pas une surprise. On y retrouve en effet la fusion d'Afrobeat et de klezmer qui avait si bien fonctionnée la fois précédente. Forcément, les compositions de John Zorn en sont toutes chamboulées, c'est une bonne chose et le sel d'une série où chaque interprète/arrangeur amène sa sauce, sa vision à ce qui commence sérieusement à ressembler à un impressionnant édifice. On y retrouve forcément la patte compositionnelle du maître mais aussi l'influence ô combien bienvenue d'un autre immense artiste : Fela Anikulapo Kuti. A la différence près et fort compréhensible que, le chef de bande, qui n'est pas le neveu du bandit de la finance du même patronyme, étant un guitariste (qui plus est secondé par un autre six-cordiste radically jewish, Yoshie Fruchter), on y retrouve aussi moult rifferies et soli lui permettant de s'exprimer, ce qu'il fait excellemment bien. Rajoutez à ça un groove qui n'en finit pas de nous faire nous trémousser, des cuivres qui pulsent une énergie à peine croyable et vous obtiendrez, bien sûr !, un brillant opus plutôt très abordable si vous appréciez les tendances et styles précités.
Andramelech, Book of Angels Volume 22... Et toujours la même envie d'entendre la suite, qui arrive bientôt (septembre !) et s'annonce passionnante (Roberto Rodriguez promettant de cubo-latiniser furieusement le joujou Zornien) tout en goutant au tour de force présentement proposé. Tout simplement.

1. Araziel 7:14
2. Sheviel 5:48
3. Metatron 9:05
4. Shamdan 7:16
5. Kenunit 10:37
6. Caila 4:21
7. Lelahiah 6:00
8. Nehinah 5:55

John Zorn - composition, executive producer
Jon Madof - guitar, producer
Matt Darriau - alto sax, kaval, clarinet
Greg Wall - tenor sax
Frank London - trumpet
Jessica Lurie - baritone sax, flute
Zach Mayer - baritone sax
Yoshie Fruchter - guitar
Shanir Ezra Blumenkranz - bass
Brian Marsella - keyboard
Marlon Sobol - percussion
Yuval Lion - drums
&
Mauro Refosco
- percussion (7)

Jon Madof

CuBaNa MaSaDa!
Roberto Rodriguez "Aguares: Book of Angels Volume 23" (2014)
ou "Los angeles de Zorn"

Savoir à quelle nouvelle sauce seront mangées les compositions de John Zorn, quelle nouvelle folie viendra habiter une série déjà bien pourvue dans le registre, c'est tout l'attrait du Livre des Anges. Alors, quand le déjà 23ème volume promet un lecture afro-cubanisée, on boue d'impatience, on a raison.
Confié à Roberto Rodriguez (rien à voir avec le réal' du même nom), compositeur déjà publié chez Tzadik, arrangeur maniant aussi bien les ambiances tropicales que les dérivations est-européennes, la partition est joyeusement bringuebalée sous des climats qui ne lui sont pas forcément familiers.
L'élément latin, cette salsa forte, lui est évidemment inné, l'élan klezmerien lui vient d'une époque où, récemment débarqué de l'île de Fidel, Roberto joue dans des bar-mitzvahs y acquérant, pour le coup, un goût pour une autre syncope, une autre approche mélodique finalement compatible avec celle qui l'habite depuis toujours. Si vous ne me croyez pas, écoutez voir The First Basket !
Parce qu'il est temps d'en venir à cet Aguares qui a la lourde tâche de succéder aux deux exquises réussites qui l'ont, en plus, précédé de peu (respectivement le Eyvind Kang en avril et le Zion 80 de Jon Madof en juillet). Et donc, dévoilons le pot aux roses, c'est... Gagné ! Parce qu'au rêve de Kang, qu'à l'afro-klezmer-beat de Jon, Roberto répond par la joie, la pulsation, l'entrain d'un cocktail délicieusement épicé, au goût de fruits exotiques et au déhanché révélateur de jeunes femmes à la peau cuivrée aux formes exubérantes. Charnel l'Aguares ?, sensuel ?, définitivement. Mais pas seulement...
Parce qu'il faut y ajouter la gravité, l'accord tragique de mélodies qui, même explosives, même pétantes de rire, gardent en leur sein le souvenir d'une souffrance. C'est dans l'équilibre de ces tendances, complémentaires pas contradictoires, que réside la force de l'arrangement de Rodriguez, également batteur, son poste de prédilection, lui, homme de rythmes. Un équilibre nullement contraint par quelques salves contemporano-cartoonesques, comme chaque Livre des Anges en comprend usuellement mais qui, présentement, répondent aux abonnés abstents. Un équilibre qui n'est jamais aussi parfait que quand la pièce pleure des larmes de joie (les courts et graves Orifiel et Naamah, le faussement léger Nelchael et ses soli trippés, le recueilli Egrumiel), ou qu'un groove et qu'une mélodie se rencontrent pour le meilleur (l'introductif Ananel, le jammy Ophaniel, le cinématique Psachar et son irrésistible vernis kitsch, le joyeux Zahabriel). Tout ça servi, comme de bien entendu, par une équipe de musiciens virtuoses, se trouvant avec aisance et grâce habitués qu'ils sont de jouer ensembles, une formation entièrement dévouée à la tâche de bien maltraiter le matériau à disposition qui n'attendait de toute façon que ça, et nous avec !
Et de 23, donc. En vérité, il n'y a pas le moindre Book of Angels qu'on démettrait... Il y a les ++ (Lucifer, le Secret Chiefs 3, le David Krakauer...) et tous les autres qui ne suivent pas loin derrière selon la préférence et l'inclinaison de chaque auditeur. L'usage seul dira, le temps et les écoutes passant, si cet enthousiasmant Aguares prendra le large ou rentrera dans le rang. Une chose est sûre cependant, c'est au moins un (très) bon album qui, déjà, engendre une réelle allégresse auditive, un plaisir, une addiction immédiate à ce klezmer cubano qu'on se doit de ne pas refuser.

1. Ananel 5:59
2. Orifiel 2:29
3. Ophaniel 9:42
4. Kidumiel 5:10
5. Nelchael 9:54
6. Psachar 6:51
7. Egrumiel 9:21
8. Zahabriel 5:27
9. Naamah 1:47


Gilad Harel - clarinet
Jonathan Keren - violin, viola
Yaron Ouzana - trombone
Salit Lahav - accordion, flute
Itay Abramovitz, Omri Mor - piano
Assaf Hakimi - upright/electric bass
Chen "Pepe" Meir - congas, chekere
Amit Sharon - dohola, doumbek, darbuka, frame drum
Roberto Rodriguez - drums, percussion, arrangements
John Zorn - composition

Roberto Rodriguez

BoNuS De CiRCoNSTaNCe
John Zorn/The Dreamers "John Zorn's A Dreamer's Christmas" (2011)
ou "Petit Papa Zornel"

Quand la nouvelle qu'un nouvel album des Dreamers (la formation la plus easy-listening de toute la galaxie Zornienne) consacré à des chants de Noël s'était faite jour, c'est avant tout à de la confusion qu'on avait été confronté. Il faut dire que l'univers (judaïquement influencé) de John Zorn ne nous préparait pas à ca. La surprise de voir un chantre de l'avant-garde s'adonner à tel exercice n'est toutefois totale qu'à l'écoute d'un l'album où, si vous vous attendez à de l'irrévérencieux ou du bizarre, vous allez être déçus !
Rien de tout ça dans les 48 minutes offertes par une formation dont la visée est nettement plus de nous câliner l'oreille qu'autre chose. En l'occurrence, ce jazz chantant et mélodique tirant parfois sur le surf rock n'a pas pour but de vous vriller les neurones, ça n'empêche pas les musiciens de briller ou la performance d'être de qualité. Il est à noter que chaque instrumentiste, dévotion au projet et vigilance de l'arrangeur/patron oblige, s'exprime ici avec une retenue et une économie tout à fait louables quand on connait les prodiges et déviances dont chacun est capable. Du coup, la mélodie est largement privilégiée ce qui pourra en décevoir certains mais s'applique parfaitement à l'exercice ici pratiqué. C'est dire, même ce diable de Mike Patton (Faith No More, Mr. Bungle, Fantômas, Tomahawk, etc.) a été dompté pour l'occasion et nous offre une performance croonesque sur l'ultime piste de l'album, la délicieuse Christmas Song.
Evidemment, sauf à vouloir s'attaquer par la Face Nord à quelque indécrottable persuadé que Zorn n'est qu'un apôtre du bruit abscons, ce n'est pas l'album introductif qu'on conseillera à celui désirant s'aventurer dans les méandres de l'himalayesque discographie du maître. C'est toutefois une preuve supplémentaire de son extraordinaire versatilité et, puisque c'est ce qui importe ici, un album charmant et parfaitement à sa place au pied du sapin. Une réussite, donc.

1. Winter Wonderland 4:13
2. Snowfall 5:10
3. Christmastime Is Here 4:38
4. Santa's Workshop 5:22
5. Have Yourself A Merry Little Christmas 5:16
6. Let It Snow! Let It Snow! Let It Snow! 4:04
7. Santa Claus Is Coming To Town 6:30
8. Magical Sleigh Ride 6:24
9. The Christmas Song 6:34

Marc Ribot: guitare
Jamie Saft: claviers
Kenny Wollesen: vibes, chimes, glockenspiel
Joey Baron: batterie
Trevor Dunn: contrebasse, basse
Cyro Baptista: percussions
Mike Patton: vocals (9)
John Zorn: arrangements, direction, production

(illustration de J.R.R. Tolkien)