Dernier album "normal" avec Peter Gabriel, si tant est que Genesis ait jamais fait de la musique normale dans cette divine formation, Selling England by the Pound est un cadeau du ciel que je partage présentement avec un délicieux inédit en bonus. Enjoie.
Genesis "Selling England by the Pound" (1973)
ou "Malice in Wonderland"
Relever le gant d'un Foxtrot triomphant et de son Himalaya compositionnel, Supper's Ready, tenait de la gageure. Pas pour ces cinq lascars qui, décidément, boxent dans une toute autre catégorie que tous leurs petits copains progressifs d'alors.
Au début, on se dit que rien n'a vraiment changé. La voix de Gabriel nous accueille, familière, le groupe le rejoint, la mélodie est belle, le texte fait sens, c'est de classique et efficace dont il s'agit. Mais Genesis n'est pas de ceux qui restent figés, se reposent sur leurs lauriers. Et donc tout vole en éclat. C'est toujours Genesis mais un élément est venu s'ajouter à la mixture, désormais Genesis fusionne aussi, pousse encore un peu plus sa musique dans des retranchements inattendus. Parce que Genesis progresse, encore ! Dancing with the Moonlit Knight décolle et nous avec. La batterie de Collins, la guitare d'Hackett, la basse de Rutherford n'ont jamais aussi bien été mises en valeur par une composition toujours aussi mélodique, aussi épique que ses plus belles devancières et, pourtant, instrumentalement encore plus osée avec un ambianceur en chef, Banks évidemment, en trait d'union essentiel. Quel accueil !
Un "petit" single pour suivre, l'efficace I Know What I Like, premier tube du groupe dans son Angleterre natale. Une mélodie accrocheuse, un refrain entêtant, un esthétisme pop qui ne minore aucunement le progressisme du combo... Et c'est une des moins bonnes chansons de l'album, diantre ! Parce qu'il y a ensuite Firth of Fifth avec son intro de piano où on se dit que Bach n'est pas si loin, avec une mélodie de chant imparable avec, surtout !, une longue section solo centrale à couper le souffle où Steve nous offre ce qui reste, plus de quarante ans après, son plus beau solo : mélodique, technique, stratosphérique. Si énorme qu'on a bien besoin de reprendre ses esprits ce que, justement, propose la petite chanson acoustique chantée par Phil, More Fool Me, une réussite encore. Fin de la face A, on en reste pantois.
The Battle of Epping Forest en fait trop ? Probablement. Mais il le fait bien avec un Gabriel plus théâtral que jamais. Alors oui, c'est bavard, chargé jusqu'à la garde des mots du chanteur mais les mélodies sont là. Du bavardage comme ça, on en redemande ! Pas de suite..., il faut se reconcentrer, prendre une pause avec un instrumental tout en harmonie où Hackett, qui en est l'artisan principal, excelle aussi bien à l'acoustique qu'à l'électrique. Mineur After the Ordeal ? Pas si. Et puis The Cinema Show, quatrième baobab de l'opus, une symphonie de prog, un prog en symphonie, parfait tout simplement, n'en disons pas plus, la musique parle d'elle-même. Une petite reprise du Moonlit Knight en conclusion, pour dûment refermer la grande maison, c'est Aisle of Plenty qui le fait et le fait bien. Et c'est déjà fini, snif. Et dire qu'ils ont mis Twilight Alehouse, petit chef d'œuvre planqué en face B d'I Know What I Like, de côté, fallait oser !
La mise en son de John Burns, qui a déjà mixé le très réussi Genesis Live et produira The Lamb dans la foulée, était déjà très réussie, le remaster définitif enfonce encore le clou. Tout y est plus clair, tous les détails d'un album qui n'en manque pas explosent de tous leurs feux, y sont encore mieux révélés. Splendide.
Selling England by the Pound, un classique inusable. Essentiel, c'est le mot.
1. Dancing with the Moonlit Knight 8:03
2. I Know What I Like (In Your Wardrobe) 4:10
3. Firth of Fifth 9:34
4. More Fool Me 3:10
5. The Battle of Epping Forest 11:43
6. After the Ordeal 4:15
7. The Cinema Show 10:41
8. Aisle of Plenty 1:58
Bonus
9. Twilight Alehouse 7:47
Tony Banks - acoustic & electric pianos, organ, mellotron, synthesizers, twelve-string guitar
Phil Collins – drums, percussion, backing vocals, lead vocals on "More Fool Me"
Peter Gabriel – lead vocals, flute, oboe, percussion, additional backing vocals on "More Fool Me"
Steve Hackett – electric guitar, nylon guitar
Mike Rutherford – twelve-string guitar, bass guitar, electric sitar
me suis jamais expliqué pourquoi ce disk est pour moi THE disk de Genesis..peut être pour "firth of fifth".. l'envolée, la grace, le romantisme..le un poil moins "bordeleux" que les autres..plus cohérent dans l'approche prog ??
RépondreSupprimerJe sais toujours pas.
En tout cas, c'est le seul que je peux me fredonner par coeur dans le ciboulot.. en entier .
RépondreSupprimerJe peux tout me fredonner de Trespass à Wind & Wuthering... Sauf les passages zarbis de The Lamb (Waiting Room par exemple) mais il faut dire que ça fait un moment que je suis obsédé par Genesis.
Supprimer"Selling..." est une réussite de bout en bout. Je suis d'accord
RépondreSupprimerAvec le recul, je me demande si on n'a pas exagéré la relation Gabriel et "The Lamb..." Il a pu imposer (?) une construction plus pop standard, mais cela aurait pu aussi être des mélodies entrelacées pour donner de longues plages comme ici.
Je me suis laissé impressionner par les interview des autres Genesis qui lui donne paternité en grande partie, certes... et une pochette radicalement opposée à ce qu'ils faisaient, mais la musique?
Sur que The Lamb reste, fondamentalement, du Genesis pur sucre. Sauf qu'au lieu de construire de longues suites, tout est découpé en petits bouts. En plus sombre aussi et, là, c'est clairement l'influence du concept pondu par Peter qui s'exprime.
SupprimerL'ombre de New-York & Reed bouge un peu le repère habituel de comptine anglaise inspiré des absurdités vénéneuses de l'Angleterre verte et souriante chère à nos Kinks...
SupprimerJ'aurais plutôt dit que Burroughs amenait un autre imaginaire, plus glauque forcément, que les Monty Python... Mais ça marche aussi comme ça. :-)
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