vendredi 28 février 2014

La bonne fusion du cousin Koby

Koby Israelite "King Papaya" (2009)
ou "Le roi de la Papaye, c'est Koby!"


     J'avais découvert Koby Israelite à l'occasion d'un Book of Angels, fameuse série d'albums où John Zorn invite d'autres à jouer, ré-imaginer sa musique, composée pour l'occasion. Il s'y était illustré avec un volume (Orobas, le 4) où il faisait déjà le multi-instrumentiste fou, tout comme sur les deux albums qu'il avait déjà sorti sur Tzadik, le label de Zorn, tous des acquisitions recommandées. Koby a donc les "credentials", tant de compositeur que d'instrumentiste, pour entreprendre des projets ambitieux... Comme ce King Papaya.

     Présentement, dans une nouvelle crèmerie (Circus Mayhem) avant de vite retourner chez Tzadik après ce "one shot", et simplement joint de trois invités pour une apparition chacun et par Yaron Stavi à la basse (instrument dont il doit pourtant pouvoir jouer, c'est pas sorcier ! Un petit coup de mou ou le bassiste est un pote ?), Koby contrôle tout, jusque la production. Et il s'en donne à cœur joie !
     De fait, pour Mr. Israelite, la définition de la fusion est simple : tout ce qui me passe par la tête, tout ce que j'aime, tout ce que je sais faire, je le fais ! On y retrouve donc, pêlemêles comme imbriqués, jazz, klezmer, funk, rock, metal, tango, musique de film, des Balkans, etc., parce que la limite, ici, est clairement l'imagination du concepteur de l'œuvre et qu'icelle est particulièrement étendue. Le résultat en est tourbillonnant, mélodique toujours, plan-plan jamais ! Bien sûr, quelques mauvais esprits iront dire que ça part dans tous les sens, manque de cohérence... Vraiment ? Pourtant les enchainement ne crissent jamais, les retournements surprennent mais toujours dans le bon sens du terme et, surtout !, cette musique chamarrée et multiple ne manque ni d'humour ni d'esprit ! Et puis, vous en connaissez beaucoup des mecs qui passent avec une aise aussi déconcertante d'Astor Piazzolla à Ennio Morricone, de Metallica à John Zorn, et parfois mixe le tout en un improbable et vibrante fusion qui n'appartien qu'à lui? Pas moi, enfin, pas beaucoup, et je veux bien les noms, au fait.

     Foutraque, rigolo, spirituel, émouvant, King Papaya a toutes ces qualités et quelques autres encore. Et vous hésitez ? Mécréants ! Foncez, vous dis-je, foncez !, Koby vous remboursera au centuple. Le roi de la Papaye ? C'est Mister Israelite, bien sûr !(...)


1. Overture 2:42
2. The King's Laughter 4:37
3. Peardition Girls 4:22
4. Word Travels Fast 2:26
5. The Moroser 4:07
6. Still Laughing 0:27
7. Circus Mayhem 4:27
8. Bald Patch 2:41
9. A Band of Gypsies 4:16
10. Hell's Kitchen 1:26
11. Arrival of the Telepather 2:15
12. Into the Subconscious 1:43
13. Meeting an Angel 3:57
14. Jacky Jones 1:24
15. Last Laugh 0:52
16. Molly's Sacrifice 4:06
17. The Saddest Joke Ever 5:23


Koby Israelite: accordion, drums, piano, keyboards, guitar, bouzouki, clarinet, duduk, indian banjo, vocals
Yaron Stavi : acoustic and electric bass
&
Lucy Randell: vocals (14)
Charlotte Burke: vocals (3)
John Telfer: baritone saxophone (15)

jeudi 27 février 2014

Sherlocked!

David Arnold and Michael Price "Sherlock Original TV Soundtrack - Music from Series Three" (2014)
ou "Le son de l'image"


     Vous ne connaissez pas encore la série ? Vous vivez dans une grotte, peut-être... Parce que Sherlock, relecture moderne mais fidèle du mythe Sherlock Holmes par la BBC, sous la bienveillante et maniaque supervision de Steven Moffatt et Mark Gatiss (qui y joue également Mycroft Holmes, le frère du fameux détective), est ce qu'il est convenu d'appeler un énorme succès, et un succès énormément mérité qui plus est, parce que la série est intelligente, nerveuse, magnifiquement filmée, montée, et jouée (Benedict Cumberbatch, dans le rôle titre, y est parfait, Tim Freeman , en Docteur Watson, encore un peu plus que ça !), merveilleusement scénarisée. Même que la concurrence (les films avec Robert Downey Jr., Elementary qui s'essaye au même sport sans y réussir) fait grise mine, jalouse cette maestria de tous les instants.

     Et donc la musique, de la toute nouvelle saison diffusée en début d'année par la BBC, la troisième, composée par David Arnold, Michael Price et Rael Jones (ce dernier crédité des musiques additionnelles mais également instrumentiste) ? La musique est à la hauteur de l'image et arrive même, ce n'est pas si courant, à se suffire à elle-même.
     Comme la série, elle est fermement ancrée dans le présent sans pourtant cracher sur la tradition. Orchestrale, oui, mais avec des élans de modernité, des ajouts bienvenus, une vraie dynamique aussi, elle colle à l'image, (à la vision de la série) sait se faire discrète mais, donc, ne perd pas toute substance privée de son support visuel.
     Pour la situer stylistiquement, on citera volontiers Hans Zimmer dont les climats de héroïques sont souvent évoqués ici, John Barry pour les mélodies accrocheuses de thèmes (et en filiation logique, David Arnold s'étant souvent adonné à composer pour 007John s'était déjà aventuré avec succès) et Trent Reznor (de Nine Inch Nails pour ceux qui devraient vraiment sortir de leur grotte !) pour des penchants techno-rockants bienvenus qui s'imbriquent excellemment à l'ensemble. Evidemment, série oblige, le thème principal y reparait de temps en temps, décliné à l'envie et à l'illustration audiovisuelle voulue, vu la qualité d'icelui, on ne s'en plaindra pas et accueillera comme il se doit ces savoureuses virgules mélodiques.

     On savait la série du calibre de celle dont on fait les légendes. Trop pris par les effets d'une réalisation virtuose, les scenarii diaboliques et les performances d'acteurs au diapason, on se doutait seulement de la qualité de sa bande-son. A l'écoute isolée de l'image, on est épaté par un score tout à fait de son temps tout en restant traditionnel, une update aussi réussie musicalement que Sherlock-la série l'est filmiquement, ce n'est pas peu dire ! Que les amateurs de BO de qualité n'hésitent pas, ceci en est une.



The Empty Hearse (23:55)
1. How It Was Done 2:44
2. God Rest His Soul 1:43
3. Floating Dust 3:28
4. #SherlockLives 2:49
5. Back to Work 2:57
6. Vanishing Underground 2:28
7. John is Quite a Guy 4:06
8. Lazarus 3:36
The Sign of Three (17:49)
9. Lestrade - The Movie 3:07
10. To Battle 4:02
11. Stag Night 2:15
12. Mayfly Man 4:17
13. Major Sholto 2:58
14. Waltz for John and Mary 1:07
His Last Vow (31:34)
15. Magnussen 3:33
16. Forwards or Backwards 4:42
17. Redbeard 2:11
18. The Lie in Leinster Gardens 3:14
19. Addicted to a Certain Lifestyle 3:50
20. The Problems of Your Future 5:32
21. Appledore 3:38
22. The East Wind 4:00
23. End Titles 0:50


David Arnold, Michael Price - composition, production
Rael Jones - additional music, guitars, mandolins, percussion
Anthony Weeden - orchestration
The London Session Orchestra, direction Michael Price
Thomas Bowes - orchestra leader
Caroline Tate, Tim Gill - solo cello
Peter Gregson - electric cello
Janet Mooney - vocals

Le trailer de la Saison 3 :

mercredi 26 février 2014

Les Immanquables (1) : Elémentaire, mon cher Nelson !

Oliver Nelson "The Blues and the Abstract Truth" (1961)
ou "Jazz rare"


     La richesse du catalogue du légendaire label de jazz Impulse! n'est plus à démontrer. De Mingus à Pharoah Sanders, d'Archie Shepp aux Coltranes (Alice et John) et à tous ceux que j'oublie, tous ont contribué à faire de ce label une des sources favorites de l'amateur de jazz "qui cherche". Il est cependant un artiste, et un album, qu'on a trop souvent tendance à négliger: The Blues and the Abstract Truth du saxophoniste/arrangeur Oliver Nelson.

     Et pourtant, quelle merveille d'album ! Et quel line-up aussi ! D'ailleurs, je vous laisse vous référer plus bas, les noms parlent d'eux-mêmes. Et donc, The Blues and the Abstract Truth, sorti chez Impulse! en 1961 et mis en son par un des producteurs maison, Creed Taylor est un gargantuesque festin !
     Rien que de très normal vu le prestigieux casting, me direz-vous (ou pas d'ailleurs, vous faites ce que vous voulez, ça ne regarde que vous mais, pour l'exemple, faisons comme si vous me le disiez. Merci et désolé de ce long intermède...). Oui et non parce que, sans Mr. Oliver Nelson à la baguette, nous n'aurions probablement pas eu ce jazz ludique et échevelé qui sait onduler entre classicisme et fine expérimentation tout en restant admirablement mélodique.
     Sachant que ces sessions sont, comme c'était presque toujours le cas à l'époque, du live en studio. On se doute alors que les arrangements, attribués au leader de la formation donc, ont dû être finement calibrés et que les répétitions, en vue de l'enregistrement, n'on pu être que studieuse.
     Et je tire donc mon chapeau à Oliver Nelson, nom trop souvent et injustement confiné dans un semi-oubli ou dans un semi-culte (selon qu'on ait, ou pas déjà entendu son album culte), pour avoir réussi ici une œuvre de très haute tenue tout en demeurant étonnamment accessible.

     C'est donc, à mon humble avis, un de ces albums essentiels à qui à encore du mal à franchir la limite entre ce que le jazz propose de plus mélodique et les répertoires, au hasard, d'Ornette Coleman ou de John Coltrane. Un pont vers un monde meilleur... Un immanquable !


1. Stolen Moments 8:46
2. Hoe-Down 4:43
3. Cascades 5:32
4. Yearnin' 6:24
5. Butch and Butch 4:35
6. Teenie's Blues 6:33


Oliver Nelson – alto saxophone, tenor saxophone
Eric Dolphy – flute, alto saxophone
George Barrow – baritone saxophone
Freddie Hubbard – trumpet
Bill Evans – piano
Paul Chambers – bass
Roy Haynes – drums

.Recyclé de la Caverne d'Ali Baba.

mardi 25 février 2014

Madame Fréhel

Fréhel "Fréhel" (1997)
ou "Drôle de Drame"


     J'aurais pu appeler ça "Mémoire de la Chanson Française", ou bien "Une Grande Dame de la Chanson Réaliste", ou encore "Un Autre Monde" en raccourci inter-générationnel amusant, et puis non. Madame Fréhel, ça lui va bien à Marguerite Boulc'h, titi parisien d'origine finistérienne (d'où son nom de scène), née 9 ans avant la fin du siècle d'avant, une paille !, et décédée 59 ans plus tard, ruinée financièrement tant que physiquement, ayant brûlé la chandelle par les deux bouts, dirait-on. tragique certainement.
 
     Sa vie est un drame, ses chansons, réalistes !, jouant toujours sur la corde des sentiments, savaient aussi être drôles, voire carrément crues, si bien qu'on est régulièrement surpris par la liberté de ton par rapport au politiquement correct d'aujourd'hui (sur l'emblématique La Coco , le Lady Is a Tramp français, pas moins !, mais aussi Maison Louche, par exemple).
     Drôle aussi donc, comme dans les historiettes ou énumérations que sont Tel Qu'Il Est, Ohé ! les Copains, La Môme Catch Catch où la gouaille toute parigote de cette enfant du pavé fait merveille. (Mélo)dramatique aussi quand, grande tragédienne, Fréhel prend des accents désespérés pour chanter les temps qui changent déjà (Où Est-Il Donc ?), un drame familial (Pauvre Grand), l'histoire d'une femme qui a été mais n'est plus (Où Sont Tous Mes Amants), etc.
     Etc., Parce que le catalogue de la Dame est riche et que même ce double cd généreux, 36 titres et plus de 100 minutes, de 1931 à 1939 (sa période de gloire),  ne peut se targuer de faire figure d'anthologie définitive, tout meilleur du marché avec son son bien restauré soit-il, il en manque !
 
     C'est néanmoins, avant d'attaquer Damia, Berthe Silva, voire Aristide Bruant, une excellente introduction à une musique d'une autre époque, une vignette d'un autre temps où la musique qu'on entendait dans la rue provenait d'un orgue de barbarie, d'un accordéon, pas du casque de l'"ipaude" vissé dans nos oreilles. Un autre monde, ni bon ni meilleur, différent. Dépaysant, donc, historique aussi, celui de Fréhel.


CD 1
1. Comme un moineau 3:00
2. Pauvre grand 3:04
3. Sous la blafarde 3:18
4. L'obsédé 2:29
5. La chanson du vieux marin 2:54
6. Comme une fleur 3:20
7. La coco 3:02
8. A la dérive 3:09
9. Quand on a trop de cœur 2:21
10. Musette 2:38
11. Le grand Léon 3:05
12. C'est un mâle 2:58
13. Rien ne vaut l'accordéon 2:25
14. Il encaisse tout 2:33
15. Sous les ponts 3:21
16. La peur (un chat qui miaule) 3:12
17. Où sont tous mes amants 3:23
18. Il est trop tard 3:20

CD 2
1. Le fils de la femme poisson 3:11
2. La valse à tout le monde 2:45
3. Maison louche 3:09
4. Pleure 2:54
5. Tel qu'il est 2:47
6. Sous la flotte 2:43
7. Tout change dans la vie 2:32
8. Où est il donc ? 3:12
9. Et V'là pourquoi 2:33
10. Les filles qui la nuit 3:09
11. La môme catch catch 2:58
12. La chanson des fortifs 3:02
13. L'amour des hommes 2:57
14. Derrière la clique 3:19
15. Sans lendemain 3:17
16. La der des der 2:49
17. Ohé les copains ! 2:23
18. La java bleue 2:45

lundi 24 février 2014

Devoir de Mémoire (8)

Duncan Browne "Give Me Take You" (1968)
ou "Sense and Sensitivity"


     Duncan Browne, ce grand oublié. Bon, j'ai creusé la discographie du monsieur, il y a de la matière mais pas tant que ça, il y a surtout Give Me Take You, premier album d'un jeune homme romantique qui, dans le sillage d'un Nick Drake et de tout le folk revival britannique alors en plein boom, propose ses petites chansons admirablement troussées et précieusement arrangées. Un dans la multitude ? Vu son statut seulement culte, on dirait oui. Musicalement, sur l'intérêt propre de la galette, alors là, certainement pas.

     Et donc, comme en plus Duncan n'aura pas de revival, il est décédé en 1993 à seulement 46 ans des suites (comme on dit) d'une longue maladie, putain de crabe !, il n'est pas inutile de revenir sur la présente sucrerie. Sucrerie parce que pointilleusement conçue comme la création d'un grand pâtissier, douce à l'oreille comme certains mets au palais, c'en est clairement une ! Mais pas lourde ! Toute en finesse, en délicatesse des aromes, en bonheur de la texture, en longueur en bouche, avec forcément un gout de nostalgie, des choses plus simples d'antan, avec des parfums d'enfance... Un penchant pastoral, pas au sens sacerdotal, qui rapproche Mr. Browne de Mr. Drake, aussi.
     Déjà, il y a le kinkso-beatlesien single, l'évidence !, On the Bombsite (généreusement offert ici en pas moins de 4 versions !), dont on se dit qu'un autre grand disparu, l'américain Elliott Smith, en aurait volontiers fait son ordinaire, et même son extraordinaire ! Ensuite il y a le charmant et bucolique Give Me Take You, la folk pop doucement rêveuse de Ninepence Worth of Walking,  la folk gentillement swinguante de Dwarf in a Tree,  les beaux arrangement baroques-pop de The Ghost Walks, et... Non, on ne va pas passer tout l'album en revue quand même !, qui le mérite ceci dit, bien habité qu'il est par la voix brumeuse et les fines compositions de Duncan Browne, avece des cordes, des chœurs, des vents, des guitares en arpège, etc., tout ce qu'il faut pour habiller ce type de chansons quand elles sont bonnes, elles le sont !
     Album unique jusque 1973, une éternité en cette bouillante ère musicale, Give Me Take You sera suivi par un éponyme qui le vaut presque en ne changeant que marginalement la formule, l'album sera d'ailleurs recommandé à ceux ayant apprécié le cru 68. La suite de la carrière de Duncan Browne sera moins intéressante avec un tournant stylistique vers un soft rock assez ennuyeux et trop ancré dans son époque (fin des 70s et 80s). Reste cet album, donc.

     Et cet album ! Si typiquement anglais, si définitivement charmant et pourtant pas sans substance, pas sans une mélancholie doucement résignée si tellement d'Albion... Indéniablement, Give Me Take You est une œuvre qu'on conseillera à tous les amateurs de folk musique raffinée et élégante,.d'autant que remaster est généreusement et qualitativement bonussé, une affaire !


1. Give Me Take You 3:17
2. Ninepence Worth of Walking 3:40
3. Dwarf in a Tree (A Cautionary Tale) 3:40
4. The Ghost Walks 5:39
5. Walking You, Pt. 1 1:50
6. Chloe in the Garden 5:14
7. Walking You, Pt. 2 0:58
8. On the Bombsite 2:44
9. I Was, You Weren't 2:20
10. Gabilan 4:04
11. Alfred Bell 4:35
12. The Death of Neil 4:32
Bonus
13. On the Bombsite (demo) 2:39
14. The Cherry Blossom Fool 3:03
15. Give Me, Take You (rehearsal) 1:48
16. Ninepence Worth of Walking (rehearsal) 3:46
17. On the Bombsite (rehearsal) 2:52
18. I Was, You Weren't (rehearsal) 4:44
19. The Death of Neil (rehearsal) 4:14
20. On the Bombsite (mono single) 2:47
21. Alfred Bell (mono single) 4:34
22. Here and Now (recorded as Lorel) 2:52


Un album dont vous voudriez que les gens se souviennent ? N'hésitez pas à la partager (avec un petit texte d'accompagnement si possible), je me ferai un plaisir de le poster.
zornophage[at]gmail[dot]com

dimanche 23 février 2014

Passé à la hatchet

Molly Hatchet "Flirtin' With Disaster" (1979/2001)
ou "Big guns and big guitars!"


     Molly Hatchet ne sont pas des demi-sels, pas des mauviettes qui édulcorent leur sudiste à la pop vanillée ! Molly Hatchet c'est, en vérité, la plus metallo-compatible des formations de southern rock, les teigneux qui ne lâchent rien (depuis maintenant plus de 35 ans !) !

     Flirtin' with Disaster, second opus qui porte mal son nom, est le retour d'un groupe ayant déjà conquis la "niche" sudiste mais ne s'en contentant pas. Pas un album ambitieux, juste un album plus peaufiné, plus pensé, mieux maîtrisé.
     De la brute énergie d'un éponyme sans tâche, Danny Joe Brown et ses petits gars on tout gardé, Molly Hatchet continue de nous attaquer frontalement de riffs supra-efficaces, de "ravissants" soli baveux, d'une rythmique plombée mais pleine de feeling et, bien sûr des râpeux vocaux du précité, précieux dans l'énergie du sextet. Evidemment, avec trois six-cordistes d'une impeccable habileté, ça dégouline de guitares, faut ce qu'il faut et c'est exactement ce qu'l faut.  A cette suante électricité rock'n'rollesque s'ajoutent une production nettement plus puissante et slick (de Tom Werman, responsable, alors, du décollage de Van Halen, qui sait y faire, donc) et quelques claviers suffisamment discrets pour ne pas alourdir, suffisamment présents pour texturer l'ambiance. Pareil que sur le premier vous me direz, oui mais ça sonne VRAIMENT mieux, allez comprendre pourquoi... Osmose, budget, un remastering miraculeux ? Le mystère reste entier.
     Ces ajustements, en l'occurrence, vont de pair avec une inspiration au moins aussi riche. Parce qu'il y a de l'hymne en puissance ici, du rock de harde de référence ! D'un Whiskey Man emblématique au boogie endiablé final Let the Good Times Roll (qui n'est pas une reprise !) c'est à un déboulé de sudiste first class auquel nous assistons. On citera forcément la puissance soul d'It's All Over Now (une reprise des Valentinos de Bobby Womack déjà revue, dans la foulée, par les Rolling Stones) et l'épique morceau titre, Flirtin' with Disaster, qui demeure un pilier de chaque concert du groupe, une des chansons les plus marquantes de leur carrière aussi, et de très loin la plus utilisée en soundtrack. C'est du lourd, du furieux, et même quand ça s'adoucit un peu (One Man's Pleasure et ses effluves country), ça reste du vrai béton sudiste, inaltérable.

     De tous les groupes de rock sudiste, Molly Hatchet est le plus intègre, le seul (sauf à compter ceux qui étaient en sommeil ou carrément séparés) à ne jamais avoir trahi ses valeurs cardinales pour aller patauger dans la bauge FM voir si les dollars n'y seraient pas plus verts. Leur carrière, qualitativement comme commercialement, a connu des hauts et des bas mais, pourtant, jamais ils n'ont désarmé. En l'occurrence, au sommet de leur art, ils donnent une bonne petite leçon de "sudisme" puissant aux Lynyrd, Allman, et autres Blackfoot, tout simplement, et préfigurent, ce faisant, la vague "Southern Metal" et tout le courant stoner déboulé depuis quelques années. C'est qu'il comptent ces p'tit gars, ils comptent !


1. Whiskey Man 3:38
2. It's All Over Now 3:40
3. One Man's Pleasure 3:24
4. Jukin' City 3:46
5. Boogie No More 6:08
6. Flirtin' with Disaster 5:00
7. Good Rockin' 3:17
8. Gunsmoke 3:11
9. Long Time 3:19
10. Let the Good Times Roll 2:56
Bonus
11. Silver and Sorrow (demo) 3:36
12. Flirtin' with Disaster (live from Jacksonville, FL in 1980) 6:15
13. One Man's Pleasure (live from Jacksonville, FL in 1980) 3:16
14. Cross Road Blues  (live from Jacksonville, FL in 1980) 4:13


Danny Joe Brown – vocals
Bruce Crump – drums
Dave Hlubek – guitar
Steve Holland – guitar
Duane Roland – guitar
Banner Thomas – bass
&
Max Gronenthal
– vocals, background vocals
Tom Werman – percussion, production
Jai Winding – keyboards

 
BONUS! L'ALBUM SOLO DU CHANTEUR DE MOLLY HATCHET.

Danny Joe Brown "Danny Joe Brown and the Danny Joe Brown Band" (1981)
ou "Gone solo, be back soon"


     Parti de Molly Hatchet après le triomphe de Flirtin' with Disaster pour cause de maladie (diplomatique ?), pas de gaîté de cœur, donc, mais se sentant visiblement mieux, Danny Joe Brown revient sur les tablettes en 1981 avec l'unique opus de son Band à lui.
 
     Et que fait un sudiste à la voix délicieusement râpeuse et à la gouaille rock'n'roll de première bourre quand il revient aux affaires ? Du rock sudiste, évidemment ! Avec trois guitaristes, parce qu'il faut ce qu'il faut et que c'est, un peu, devenu une des règles du genre. Et ça sonne ? Ben comme du Molly Hatchet, forcément ! Soit du sudiste qui déménage plus que la moyenne, dégouline autant de soli six-cordés qu'on l'espère, et est bien servi par la gorge chaude du chef de bande.
     On y retrouve le claviériste John Galvin, qui rejoindra Molly Hatchet avec Danny en 1982, le guitariste Bob Ingram, qui rejoindra (devinez !) Molly Hatchet 15 ans plus tard, juste quand son ancien patron quitte, définitivement cette fois, la caravane. Et la mise en son de Glyn Johns - reconnu pour son travail avec le Steve Miller Band, les Who, Humble Pie... Et chez nous avec Téléphone (Un Autre Monde) - tout à fait, claire et nette.
     Bon, ce n'est pas du niveau de son futur ex, ou ex futur ?, groupe, mais ça assure avec quelques vrais morceaux de bravoure (l'efficace midtempo Sundance et son refrain accrocheur, le bon gros blues qu'est Nobody Walks on Me, un The Alamo bien cowboy rock aux guitares remarquables, l'uptempo plein de fougue Run for Your Life, et bien sûr l'épique rock sudiste d'Edge of Sundown rappelant autant Blue Oyster Cult que le futur-ex groupe de Danny, le sommet de l'album) au milieu d'autres chansons pas désagréables mais plus communes.
     Ha oui, et il y a cette affreuse pochette ! On pourra dire ce qu'on veut de l'obsession de l'obsession de qui-vous-savez avec Frank Frazetta, ça en jette tout de même plus que ce rebut de réunion de famille (souris, c'est pour tata !) cadré vite fait, mal fait. Enfin, qu'importe le flacon, etc.

     Clairement, l'unique album du Danny Joe Brown Band n'est pas un chef d'œuvre. Un bon album, certainement, avec un rock sudiste comme il faut, comme on l'aime. Un album qui aura aussi eu le mérite de remettre le pied à l'étrier à un vocaliste talentueux. Un album recommandé, évidemment, à ceux qui aiment le bon rock sudiste "à l'ancienne"... Et Molly Hatchet, bien sûr !


1. Sundance 4:18
2. Nobody Walks On Me 3:08
3. The Alamo 3:06
4. Two Days Home 3:13
5. Edge Of Sundown 6:32
6. Beggar Man 3:45
7. Run For Your Life 3:40
8. Hear My Song 3:14
9. Gambler's Dream 3:32
10. Hit The Road 4:06


Danny Joe Brown - vocals
Bobby Ingram - guitar
Steve Wheeler - guitar
Kenny McVay - guitar
John Galvin - keyboards
Buzzy Meekins - bass
Jimmy Glenn - drums

samedi 22 février 2014

Le Prestige de Mr. Davis

Miles Davis "All Miles: The Prestige Albums" (2010)
ou "Jeune et déjà Cool"


     Quand il débarque sur le label Prestige, Miles Davis a déjà inventé le cool, s'est déjà fait un nom en se démarquant radicalement du frénétique be-bop, alors triomphante tendance de la scène jazz. Parce qu'il ne jouait pas assez vite pour concurrencer les autres trompettistes du marché dirent quelques mauvais esprits, laissons-les parler.

     Arrivé au début des années 50, alors qu'il n'a qu'atteint la vingtaine et demi, Miles est quelqu'un, "séssionne" à gogo avec des grands en devenir (Coltrane) ou de grands tout court (Mingus). Il enregistre beaucoup et son label ne se prive pas, souvent, de délayer une captation particulièrement productive sur plusieurs albums, ou plus tard, quand Miles sera parti sous d'autres cieux, à la Columbia, à racler les fonds de tiroirs, mais quels fonds de tiroirs !, pour profiter de la réputation toujours grandissante de leur ex-poulain. C'est de bonne guerre, et finalement sans conséquence sur le développement de la carrière de Mr. Davis.
     Sur le matériau propre, nous sommes clairement dans la "cool phase" avec quelques subsistances d'influences bop. Personnellement, je ne l'ai pas appréhendé album par album mais en picorant deci delà, en commençant par les apparitions de Charles Mingus, aussi rares que précieuses, en poursuivant sur John Coltrane (parce que Coltrane, quoi !),  en continuant sur Sonny Rollins qui est bien bon aussi, en bifurquant sur Milt Jackson parce que j'aime le vibraphone, etc. Un cheminement intuitif et réjouissant.
     Venu à "bout de la bête", quatorze albums certes assez courts mais quatorze albums quand même !, on reste béat d'admiration. Devant Miles, sa versatilité, sa douceur velouté, ses poussées de fièvre, sa roublardise aussi, mais aussi en se rendant compte de l'ère dorée que vivait alors le jazz, la quantité d'instrumentistes brillants souvent aussi compositeurs et arrangeurs, et le bouillonnement créatif qui, logiquement, en découle. C'est criant sur ce "tout Prestige", parce que Miles, malgré un égo bien développé, a toujours été suffisamment intelligent pour reconnaître le talent d'un de ses "sidemen" et le bénéfice qu'il pourrait en tirer, artistiquement comme commercialement.
     C'est donc, très souvent, de jazz d'excellence dont il s'agit, d'une époque charnière avec un Free Jazz qui se prépare avec le "lieutenant" Coltrane, les ambitions de Miles qui ne cesseront de gonfler (pour l'exceptionnel résultat que l'on sait), de muer (au moins deux fois encore), le jazz est vivant ! A mentionner, les enregistrements ont tous été joliment remasterisés aussi, ça n'amoindrit pas l'expérience.

     Alors, certes, la présentation du coffret est un peu "cheap". Pas de livret, une simple pochette carton pour chaque album, ceci dit, en ces temps d'internet triomphants où chaque information souhaitée se trouve sans trop de difficultés sur la toile (surtout quand il s'agit d'un artiste majeur comme Miles), ce n'est qu'un petit défaut vitre rattrapé par la qualité et la quantité de musique qu'on y trouve et le coût de l'objet. Du coup, parce que c'est déjà du très bon Miles, on ne peut que recommander cette collection à ceux qui en veulent toujours plus, aux curieux des débuts en leader d'une légende, et à tous les amateurs de Miles qui n'auraient pas encore plongé dans cette ère Prestig(ieus)eMiles est certes jeune mais, indéniablement, déjà cool et top.


CD 1
Dig (1951)

1. Dig 7:33
2. It's Only A Paper Moon 5:23
3. Denial 5:39
4. Bluing 9:55
5. Out of the Blue 6:15
6. Conception 4:01
7. My Old Flame 6:34

Miles Davis – trumpet
Jackie McLean – alto saxophone (on Davis originals only)
Sonny Rollins – tenor saxophone
Walter Bishop, Jr. – piano
Tommy Potter – double bass
Charles Mingus – double bass (on "Conception" only)
Art Blakey – drums


CD 2
Blue Haze (1954)

1. I'll Remember April 7:55
2. Four 4:03
3. Old Devil Moon 3:24
4. Smooch 3:06
5. Blue Haze 6:12
6. When Lights are Low 3:29
7. Tune Up 3:56
8. Miles Ahead 4:28

Track #1 (April 3, 1954):
Miles Davis - trumpet
David Schildkraut - alto saxophone
Horace Silver - piano
Percy Heath - bass
Kenny Clarke - drums
Track #2, 3 and 5 (March 15, 1954):
Miles Davis - trumpet
Horace Silver - piano
Percy Heath - bass
Art Blakey - drums
Track #4, 6, 7 and 8 (May 19, 1953):
Miles Davis - trumpet
John Lewis - piano (not on "Smooch")
Charles Mingus - piano ("Smooch" only)
Percy Heath - bass
Max Roach - drums


CD 3
Walkin' (1954)

1. Walkin' 13:26
2. Blue 'n' Boogie 8:16
3. Solar 4:44
4. You Don't Know What Love Is 4:23
5. Love Me or Leave Me 6:54

Miles Davis – Trumpet
Lucky Thompson – Tenor saxophone (tracks 1, 2)
J. J. Johnson – Trombone (tracks 1, 2)
David Schildkraut – Alto saxophone (tracks 3-5)
Horace Silver – Piano
Percy Heath – Bass
Kenny Clarke – drums


CD 4
Miles Davis and Horns (1956)

1. Tasty Pudding 3:20
2. Floppy 6:00
3. Willie The Wailer 4:26
4. For Adults Only 5:33
5. Morpheus 2:21
6. Down 2:51
7. Blue Room (Take 2) 3:00
8. Blue Room (Take 1) 2:51
9. Whispering 3:03

Miles Davis – Trumpet
John Lewis – Piano
Bennie Green – Trombone (Tracks 1–4; 9)
Sonny Rollins – Tenor Saxophone (Tracks 1–4; 9)
Percy Heath – Bass (Tracks 1–4; 9)
Roy Haynes – Drums (Tracks 1–4; 9
Zoot Sims – Tenor Saxophone (Tracks 5–8)
Leonard Gaskin – Bass (Tracks 5–8)
Kenny Clarke – Drums (Tracks 5–8)
Sonny Truitt – Trombone (Tracks 5–8)
Al Cohn – Tenor Saxophone (Tracks 5–8)


CD 5
Musings of Miles (1955) 


1. Will You Still Be Mine? 6:23
2. I See Your Face Before Me 4:46
3. I Didn't 6:06
4. A Gal in Calico 5:18
5. A Night in Tunisia 7:23
6. Green Haze 5:50

Miles Davis – trumpet
Red Garland – piano
Oscar Pettiford – bass
Philly Joe Jones – drums


CD 6
Quintet/Sextet (1956)

1. Dr. Jackle 8:55
2. Bitty Ditty 6:37
3. Minor March 8:18
4. Changes 7:11

Miles Davis – trumpet
Milt Jackson – vibraphone
Jackie McLean – alto saxophone
Ray Bryant – piano
Percy Heath – bass
Arthur Taylor – drums


CD 7
Miles: The New Miles Davis Quintet (1956)

1. Just Squeeze Me 7:27
2. There Is No Greater Love 5:19
3. How Am I to Know? 4:39
4. S'posin' 5:15
5. The Theme 5:49
6. Stablemates 5:18

Miles Davis — trumpet
John Coltrane — tenor saxophone
Red Garland — piano
Paul Chambers — bass
Philly Joe Jones — drums


CD 8
Collectors' Items (1956)

1. Serpent's Tooth [Take 1] 7:08
2. Serpent's Tooth [Take 2] 6:24
3. 'Round Midnight 7:12
4. Compulsion 5:53
5. No Line 5:48
6. Vierd Blues 7:00
7. In Your Own Sweet Way 4:40

January 30, 1953 session
Miles Davis – Trumpet
Sonny Rollins – Tenor Saxophone
Charlie Parker – Tenor Saxophone
Walter Bishop – Piano
Percy Heath – Bass
Philly Joe Jones – Drums
March 16, 1956 session
Miles Davis – Trumpet
Sonny Rollins – Tenor Saxophone
Tommy Flanagan – Piano
Paul Chambers – Bass
Art Taylor – Drums


CD 9
Bags' Groove (1957)

1. Bags' Groove [Take 1] 11:16
2. Bags' Groove [Take 2] 9:24
3. Airegin 5:01
4. Oleo 5:14
5. But Not for Me [Take 2] 5:45
6. Doxy 4:55
7. But Not for Me [Take 1] 4:36

Miles Davis – trumpet
Sonny Rollins – tenor saxophone
Horace Silver – piano
Percy Heath – bass
Kenny Clarke – drums
On "Bags' Groove":
Miles Davis – trumpet
Milt Jackson – vibraphone
Thelonious Monk – piano
Percy Heath – double bass
Kenny Clarke – drums


CD 10
Cookin' with the Miles Davis Quintet (1957)

1. My Funny Valentine 6:04
2. Blues by Five 10:23
3. Airegin 4:26
4. Tune Up/When Lights Are Low 13:09

Miles Davis – trumpet, bandleader
Paul Chambers – double bass
John Coltrane – tenor saxophone
Red Garland – piano
Philly Joe Jones – drums


CD 11
Relaxin' with The Miles Davis Quintet (1958)

1. If I Were a Bell 8:15
2. You're My Everything 5:18
3. I Could Write a Book 5:09
4. Oleo 6:18
5. It Could Happen to You 6:37
6. Woody 'n' You 5:02

Miles Davis - trumpet
John Coltrane - tenor saxophone
Red Garland - piano
Paul Chambers - bass
Philly Joe Jones - drums


CD 12
Miles Davis and the Modern Jazz Giants (1959)

1. The Man I Love [Take 2] 7:59
2. Swing Spring 10:46
3. 'Round Midnight 5:25
4. Bemsha Swing 9:33
5. The Man I Love [Take 1] 8:29

Miles Davis – trumpet
Milt Jackson – vibraphone
Thelonious Monk – piano
Percy Heath – bass
Kenny Clarke – drums
On "'Round Midnight":
Miles Davis – trumpet
John Coltrane – tenor saxophone
Red Garland – piano
Paul Chambers – bass
Philly Joe Jones – drums


CD 13
Workin' with The Miles Davis Quintet (1959)

1. It Never Entered My Mind 5:26
2. Four 7:15
3. In Your Own Sweet Way 5:45
4. The Theme [take 1] 2:01
5. Trane's Blues 8:35
6. Ahmad's Blues 7:26
7. Half Nelson 4:48
8. The Theme [take 2] 1:03

Miles Davis – trumpet
John Coltrane – tenor saxophone
Red Garland – piano
Paul Chambers – bass, cello
Philly Joe Jones – drums


CD 14
Steamin' with The Miles Davis Quintet (1961)

1. Surrey with the Fringe on Top 9:05
2. Salt Peanuts 6:09
3. Something I Dreamed Last Night 6:15
4. Diane 7:49
5. Well, You Needn't 6:19
6. When I Fall in Love 4:23

Miles Davis – trumpet
John Coltrane – tenor saxophone
Red Garland – piano
Paul Chambers – bass
Philly Joe Jones – drums

vendredi 21 février 2014

Young Dub vs. le Vieux Marin

Celui dont j'avais initialement décidé de vous parler aujourd'hui s'avérant trop décevant (mais à vous de juger sur pièce), j'improvise une "battle" avec un ontarien du passé qui chante la mer. Pour qui votez-vous ?

YOUNG DUB

Gentleman's Dub Club "FourtyFour" (2013)
ou "le novo dub des djeuns d'Uk"


     Derrière cette porte blanche, on s'attend à une invitation, une fiesta enfumée de tous les diables avec d'excellent grooves, la pesanteur de la basse, les échos, mélodicas, etc. Du bub quoi. Surprise !, l'intérieur n'a pas les "roots atours" qu'on espérait, un coup pour rien ? Mais qui sont ces zozos et qu'en est-il de la qualité intrinsèque de leur 44 inaugural ?

     Gentleman's Dub Club nous viennent du nord de l'Angleterre, de Leeds précisément. Ils ont sorti deux EPs, en 2009 et 2012, pas mal traîné leurs guêtres sur les scènes de la perfide Albion y acquérant une jolie réputation.
     Musicalement, donc, il ne s'agit pas vraiment de dub, enfin pas que de dub. C'est trop jeune, trop moderne, trop sautillant, trop digital pour prétendre vraiment suivre les pas d'un Lee "Scratch" Perry, de The Aggrovators ou de King Tubby. On n'y sent pas la chaleur, et que trop rarement la spatialité qui définissait le son et le style dans son acceptation originelle. Au lieu de ça, on se retrouve avec un machin où se rencontrent reggae digital, ragamuffin moderne, electro et, oui, du dub (néo-millénariste) en base rythmique et mélodique pour justifier, au moins, l'appellation du combo, Gentleman's Dub Club. C'est un peu ce que Stromae est à Brel, une bâtardisation pour une nouvelle génération. C'est donc à un public jeune et relativement méconnaissant (quoique les jeunes en savent de plus en plus de plus en plutôt avec la multitude cybernétique disponible) que s'adresse FourtyFour. Méconnaissant ou se foutant royalement de la pureté musicale, de l'intégrité stylistique, uniquement en recherche d'un album fun et bien troussé (qu'en l'occurrence ils auront) à passer en soirée pour se trémousser sans penser à grand chose d'autre qu'à ce qu'il y a caché sous cette robe, ce jean, etc.
     Pas que le dub fut/est un genre musical si substantiel que ça, en petit cousin du reggae (étant d'abord sa version remixée) il a tout de même une profondeur de ton, une spiritualité bien réelle, bien présente, nécessaire... Qu'on ne se retrouve que trop épisodiquement dans des chansons, la faute à cette production si froide, si technologiquement parfaite qu'elle en fait perdre l'âme à la musique. Il y a tout de même de bons moments tels que Give It Away (qu'on imagine revue et corrigée par le Primal Scream de Vanishing Point, c'eût été autre chose mais c'est déjà pas mal),  le lover's reggae Feels Like (plus UB40 ou Finlay Quaye que Gregory Isaacs mais fort bien troussé),  le sympathique ska Too Little Too Late qu'un Madness en petite forme ne renierait pas, l'électro nerveux Riot (un highlight de la galette, ceci dit en passant, avec ses ambiances à la Massive Attack), vraiment bien fichues. Ha ! S'il n'y avait ce son et ces agacements causés par des effets souvent téléphonés, et trop de titres qui n'arrivent pas à se graver dans la case mémorielle prévue à cet effet...

     Au final, selon sa génération et ses inclinaisons, on pourra trouver l'album absolument frais et fun et vraiment dub ou plutôt insubstantiel et prévisible. Personnellement, à tout prendre, je préfère la relecture énervée de l'également britannique banghra ragga-dub d'Asian Dub Foundation, la génération d'avant, que cette déviation rétro-moderniste un peu trop "easy on the ear" d'un genre qui m'est cher. Mais bon, à vous de voir, quoi... parce qu'il y a un potentiel mais qu'à mon humble avis, une redéfinition du son s'impose pour vraiment l'entendre se réaliser, le potentiel. Un premier pas donc, le second sera décisif.


1 Give It Away 3:40
2 Feels Like 3:45
3 London Sunshine 4:10
4 Slave 3:06
5 Too Little Too Late 3:25
6 Play This 4:59
7 More Than Words 4:28
8 Forward 4:39
9 Riot 5:25
10 Please Don't Wait 4:35
11 Enough 4:20
12 Too Little Too Late (Live) 3:30
13 Riot (Live) 5:29


Jonathan Scratchley - vocals
Toby Davies - bass guitar, keyboards,vocals
Kola Bello - keyboards, vocals
Matt Roberts - trumpet
Kieren Gallager - alto sax
Nick Tyson - guitar
Niall Lavell - percussion, samples
Tommy Evans - drums
Harry Devenish - engineer


vs.
LE VIEUX MARIN

Stan Rogers "Fogarty's Cove" (1976)
ou "le Marin d'Hamilton"


     Au nord de l'Ontario, sur la baie d'Hudson, il y a des marins. Il y a même des marins qui chantent et des coquins pour leur souffler de nouveaux airs. Introducing Stan Rogers.

     Fogarty's Cove est son premier album et le seul, pour l'instant, que je connaisse. Le monsieur, disparu en 1983, n'a pas, il faut dire, laissé l'empreinte qu'il méritait, et trop peu d'albums facilement trouvables pour faciliter un quelconque buzz webbique, dommage .
Parce que Fogarty's Cove est un fichu bon album. Un album de Sea Shanties, de chansons de marins, originales (sauf un traditionnel, The Maid on the Shore). Des sea shanties des marins de l'Ontario menées par la voix grave et franche d'un vocaliste pas exceptionnel mais faisant exactement ce qu'il faut, avec le ton qu'il faut, et bien soutenu par des choristes compétents, pour pleinement satisfaire (comme exemplifié sur l'impeccable exercice a capella Barrett's Privateers).
     Les chansons, tantôt entraînantes (Watching the Apples Grow, Fogarty's Cove, Plenty of Hornpipe), tantôt douces ou douces-amères (Fisherman's Wharf, The Rawdon Hills), naviguent entre country/folk nord-américaine et musique celtique, tendance dans laquelle le groupe semble plus à son aise quoique l'autre penchant ne soit pas mal réalisé pour autant. Parce qu'on tient là un groupe de bons musiciens et une palette d'instruments (guitares bien sûr mais aussi banjo, violon, mandoline, flute, etc.) idéale pour habiter les compositions de Stan Rogers.
     La production, oldschool, n'est pas exceptionnelle, juste propre et permettant d'apprécier les nuances d'une musique n'en manquant pas, un peu plus que de la pub musique, quoi, mais en conservant l'esprit.

     Fogarty's Cove est une vraie belle, bonne surprise. Une de celles où l'on se dit que, finalement, la course à l'actualité continuelle est un peu vaine et que la beauté est depuis longtemps là... Pour peu qu'on se donne la peine. Ecoutez Stan Rogers !


1. Watching The Apples Grow 1:52
2. Forty-Five Years 3:32
3. Fogarty's Cove 2:14
4. The Maid On The Shore 3:44
5. Barrett's Privateers 4:18
6. Fisherman's Wharf 4:01
7. Giant 3:35
8. The Rawdon Hills 3:38
9. Plenty Of Hornpipe 1:55
10. The Wreck Of The Athens Queen 3:01
11. Make And Break Harbour 4:27
12. Finch's Complaint/Giant Reprise 3:07
(un streaming complet de l'album est disponible sur YouTube)


Stan Rogers - guitar, mandolin, vocals 
Ken Whiteley - mandolin, piano, vocals
John Allan Cameron - 12 strings guitar, violin  
Garnet Rogers - flute, violin, vocals
Dave Woodhead - bass, guitar, lap steel guitar, vocals 
Curly Stubbs - guitar
&
Bernie Jaffe
- violin 
Jerome Jarvis - drums, percussion, step dancing 
The Masked Luthier of Dupont Street - banjo, concertina, dulcimer, long-necked mandolin
 

Barrett's Privateers

jeudi 20 février 2014

African fusion

Osibisa "Heads" (1972)
ou "From Ghana, with heart"


     Osibisa n'est pas Fela, Osibisa n'est pas Santana, Osibisa est la chaude africanité de Fela avec la faconde pop du Santana band.

     Bon, c'est un peu une caricature mais ça exprime bien la musique des anglo-ghanéens, une musique roots et jazzy, africaine forcément, mais moins jammy, plus concise et accrocheuse que celle du fameux nigérian.
     C'est particulièrement évident avec ce Heads, troisième album de la formation qui, s'il réussira moins bien dans les charts que ses devanciers, synthétise tout ce qu'Osibisa sait faire de mieux, avec un petit surplus d'efficacité pop, une légèreté nouvellement trouvée pas désagréables.
     Sur le papier, Heads, l'album n'est pourtant pas aidé, devant relever le gant de deux opus fondateurs et louangés, et supporter une pochette d'une rare hideur (défaut dont ne souffrait pas les galettes devancières). Mais avec une équipe conservée (qui sera en partie renouvelée dès l'opus suivant), des chansons accrocheuses à la tenue mystique certes amoindrie, une production d'excellente facture (on entend tout, on l'entend bien !) réalisée par le groupe lui-même, il n'y a pas à mégoter, Heads est d'une impeccable efficacité.
     Côté chansons, les highlights sont indubitablement le funk psychédélique de Kokorokoo, Ye Tie Wo et son festin de percussions et de chœurs tribaux, le festif et presque arabique Che Che Kule (un tube pour Osibisa), et la ballade tire-larmes aux influences caribéennes qu'est Do You Know. Le reste est un tout petit peu moins marquant, et souvent plus commercial, mais s'écoute extrêmement bien tout de même.

     Aux néophytes, on conseillerait plus volontiers l'éponyme introductif ou son Woyaya de successeur. Sauf que non, en étant plus occidentalisé, plus ramassé, Heads est, justement, la plus immédiate porte d'entrée dans l'univers d'un groupe toujours actif aujourd'hui. Une bonne occasion aussi de secouer du popotin, ça n'est jamais désagréable.


1. Kokorokoo 4:55
2. Wango Wango 4:31
3. So So Mi La So 3:13
4. Sweet America 4:22
5. Ye Tie Wo 4:12
6. Che Che Kule 6:32
7. Mentumi 3:40
8. Sweet Sound 5:06
9. Do You Know 4:45


Teddy Osei – tenor saxophone, flute, African drums, vocals
Sol Amarfio – African drums, bells, bongos, cowbells, drums, percussion, vocals
Mac Tontoh – trumpet, flugelhorn, cornet, kabasa, percussion, vocals
Spartacus R (Roy Bedeau) – bass guitar, percussion
Wendell Richardson – lead guitar, acoustic guitar, vocals
Robert Bailey – congas, flute, acoustic guitar, Moog bass, organ, piano, electric piano, clavinet, timbales, percussion, vocals
Loughty Lasisi Amao – tenor saxophone, baritone saxophone, flute, congas
Robert Bailey, Jr. – bass, acoustic guitar, Moog synthesizer, organ, piano, electric piano, timbales, vocal

mercredi 19 février 2014

Grand Jeu : Le Grand 8 !

Grand Jeu Sans Frontières
Des Blogueurs Mangeurs De Disques
8ème Edition

C'est Jimmy qui le dit !

Les thèmes de cette huitième édition ont été fomentés par nos amis du blog La Pop d'Alexandre Et Etienne - et ils vont vous régaler... Si vous souhaitez les découvrir en participant à cette nouvelle quinzaine de folie, vous pouvez vous inscrire dès à présent à l'adresse du Club : mangeur.de.disques@gmail.com

Voici la règle du jeu pour d'éventuels nouveaux venus : poster un album, un jour sur deux, selon un thème défini. Y'a pas plus simple et y'a pas mieux non plus ! Je vous attends nombreux...


Et donc, ainsi que le disait BB :
 


Jouez donc aussi !
VENEZ NOMBREUX !

Nouvelles folk

Phil Ochs "All the News That's Fit to Sing" (1964)
ou "The Protesting Menestrel"


     All the News that's Fit to Sing est le premier album de  Phil Ochs, et porte bien son nom. Parce que Phil Ochs n'est pas Dylan mais plus un ménestrel de la protest song, il décline les faits divers, les évènements politiques de son temps (le Vietnam, la crise de Cuba, etc.) de sa voix franche d'honnête homme.

     Ca ne fait hélas pas toujours de très grandes chansons, d'autant que l'instrumentation minimaliste, Phil à la guitare et au chant et Danny Kalb à la seconde guitare, ne supporte parfois que très difficilement le maniérisme mélodique Ochsien qui a une fâcheuse tendance de tout niveler.
     C'est donc un homme pas encore tout à fait au point, mais déjà prometteur, qui chante avec tout son cœur et tout son juvénile enthousiasme et, quelquefois, touche au but. C'est le cas sur les folk parlés Talkin' Vietnam et Talking Cuba Crisis, le tubesque Power and the Glory, la jolie ballade Celia, l'entrainant Automation Song, le dramatique Knock on the Door, le cowboy doux de Bound for Glory avec John Sebastian de Lovin' Spoonful à l'harmo qui va bien, ou le presque-marachien Bullets of Mexico.
     Evidemment, tous ceux-ci, et les autres !, auraient bénéficié d'une instrumentation plus luxuriante pour réellement prendre leur envol. D'ailleurs, on les entend presque ces arrangements, on les imagine plus proches de Scott Walker et de ses frères que du gros de la vague revival folk new yorkaise dont Ochs fait pourtant parti. Et d'ailleurs Ochs finira par glisser vers la pop, pas avec d'aussi bonnes chansons, hélas.

     Ca ne fait pas un grand album, on ne le niera pas, mais tout de même un bon album et la genèse d'une nouvelle pousse ne demandant qu'à s'épanouir. Et puis, les premières fois sont tellement émouvantes...


1. One More Parade 3:00
2. The Thresher 2:50
3. Talkin' Vietnam 3:38
4. Lou Marsh 4:04
5. Power and the Glory 2:15
6. Celia 3:08
7. The Bells 3:00
8. Automation Song 2:08
9. Ballad of William Worthy 2:15
10. Knock on the Door 2:47
11. Talkin' Cuban Crisis 2:40
12. Bound for Glory 3:15
13. Too Many Martyrs 2:46
14. What's That I Hear 2:00
Bonus
15. Bullets of Mexico 2:34


Phil Ochs – first guitar, vocals
Danny Kalb – second guitar
&
John Sebastian
– harmonica on "Bound For Glory"

mardi 18 février 2014

Abraxadabra, this is Psycho Zorn!

John Zorn / Abraxas Quartet "Psychomagia" (2014)
ou "Rock my Zorn!"


     Vous les connaissez peut-être déjà. Ils étaient les auteurs, sur un volume qui leur donne d'ailleurs leur nom, de la lecture la plus radicalement rock du second livre de Masada, les Book of Angels (avec celui de Marc Ribot en power trio, le bouillant Asmodeus qu'on n'oubliera pas !). Ils reviennent, toujours sur des compositions de John Zorn, pour un album au moins aussi furieux mais moins radicalement jewish (mais jewish quand même, on ne se refait pas !). Re-voici donc, bonheur !, l'Abraxas Quartet dans ce Psychomagia tout nouveau, tou beau, tout chaud... ¡Muy caliente señor!

     Première constatation, avant d'attaquer le fond, après son second Hermetic Organ, et les sorties conjointes de son Alchemist et du présent volume, John Zorn a déjà sorti trois albums cette année, et attaqué l'orgue d'église en solo, le quatuor à cordes, le trio vocal et maintenant le quatuor rock. Diable !, l'homme ne se calme pas, ne restreint pas sa palette non plus et continue, ce faisant, d'épater un auditoire captif de ses incessantes offrandes discographiques. Un auditoire sans cesse grandissant, me souffle-t-on. Bref, ce qu'il avait accompli précédemment en 2014, une certaine cohérence dans le style contemporain, se voit soufflé par l'explosion Psychomagia. Oui, explosion, même que, si on avait pas envie de perdre quelques brebis au troupeau, on évoquerait presque, du bout des lèvres, un jewish metal à péter les rotules. Mais, chut !, on parlera de rock étant entendu que le précité est une composante du tout. Vous me suivez ?
     Donc ça dépote bien, ça gratouille avec furie et précision, ça tambourine avec lourd frénétisme et fine technicité, ça groove plutôt est-européen et moyen-oriental que blanc de blanc "made in Birmimgham" (la terre d'origine de... Bla... Ju... même une moitié de Led... de qui vous savez, si vous savez !), variable d'ajustement stylistique décisive. Les mélodies de Zorn, la patte du maître ou son maniérisme ?, y sont évidemment très identifiables, on est d'ailleurs souvent proche de l'Abraxas qui donne désormais son nom au quatuor. Parce du rock zornien reste avant tout zornien, ce qui est aussi évident sur quelques douceurs presque sucrées (Sacred Emblems et The Nameless Gods, pas très éloignés des Dreamers finalement) que sur de plus exploratoires et drus tirs de barrage aux effluves seventies omniprésentes (Metapsychomagia, Circe, Evocation of the Triumphant Beast). Le tout, sans cassure marquante, roule aux à-coups d'un chemin cahoteux désormais connu mais toujours surprenant.
     Parce que pour mener à bien pareille mission, il faut d'excellent musiciens qui soient en plus compatibles, Zorn, en l'occurrence, n'a pas eu loin où chercher ayant participé avec, ou accueilli sur son label, TzadikEyal Maoz (et son Edom, pour 2 albums de radical jewish guitar), Shanir Ezra Blumenkranz (sur moult de ses albums mais aussi en tant que membre du Rashanim de Jon Madof ou du Banquet of Spirits de Cyro Baptista), Aram Bajakian (et son furieux fusionneur groupe Kef dans la série Spotlight), de fait, seul le batteur, Kenny Grohowski  (croisé uniquement sur le Book of Angels précité, mais également aperçu chez les amis et excellents Secret Chiefs 3) fait figure de petit nouveau. Avec un line-up pareil, l'osmose ne fut pas dure à trouver, et se concrétise encore un peu plus sur ce second opus. Ces gars jouent bien ensemble (bien et ensemble !), y prennent un plaisir audiblement communicatif sur un matériau leur correspondant à merveille... Et que ça finesse jazzé ou "worldé" comme pas deux, et que ça "envoie le bois" où faut, quand il faut, comme il faut ! En un mot comme en mille : impeccable.

     Faut il vraiment le dire, louanger encore et toujours l'imagination, la créativité et la générosité d'un compositeur hors du commun ? Oui ! Parce que Psychomagia est une nouvelle très belle réussite d'un John Zorn décidément inusable, un homme-musique qui, à plus de 60 balais, continue de créer comme un vigoureux jouvenceau. Et donc ? Vite, la suite !


1. Metapsychomagia 7:31
2. Sacred Emblems 3:02
3. Circe 6:02
4. Squaring the Circle 5:51
5. Celestrial Mechanism 2:32 
6. Evocation of the Triumphant Beast 6:24
7. Four Rivers 3:54
8. The Nameless God 4:35
9. Anima Mundi 4:14


Aram Bajakian - guitar
Eyal Maoz - guitar
Shanir Ezra Blumenkranz - bass
Kenny Grohowski - drums
&
John Zorn - compositions, production


Un PS hors sujet. La rumeur avait couru que le second Book of Angels se conclurait, en beauté, par le volume de Pat Metheny, il n'en est rien. Voilà ce qui est annoncé sur le site de Tzadik :

"Eyvind Kang: Alastor: The Book of Angels vol. 21 [#8316]
World traveler, nomad, mystic and violist, Eyvind Kang has created several of the most wildly creative CDs on Tzadik. Here he turns his hand to 10 tunes from Zorn’s remarkable Book of Angels. Featuring spectacular orchestral arrangements and brilliant studio techniques, Eyvind has put together a CD unlike anything on the Angels series, highlighting the spiritual side of the Angels project, the singular lyricism of Zorn’s compositions and his own richly inventive musical imagination. One of the most personal and gorgeous installments in the Masada series, Alastor is a modern orchestral reading of the mystical charts from the Book of Angels.
(Release date: April 2014)"

Blablas promotionnels mis à part, bonne nouvelle, ça continue !

lundi 17 février 2014

Devoir de Mémoire (7)

Louis Sclavis "Napoli's Walls" (2003)
ou "Murs, mûrs"


     Du jazz de France (enfin presque, Hasse Poulsen est danois) chez ECM ! Produit par le patron, Manfred Eicher ! Oui, m'sieurs dames, ils l'ont fait, et bien fait !

     Surtout bien, très bien fait, d'ailleurs. Parce que Louis Sclavis, clarinettiste par habitude, étendu aux saxophones soprano et baryton ici, est excellemment secondé. Par le bassiste et ici violoncelliste et "électronicien" de circonstance Vincent Courtois, par le furibard bugliste et vocaliste et percussionniste et coriste (joueur de cor, quoi !), etc. le garçon a de la ressource, Médéric Collignon. Sans oublier le viking précité, bien sûr, six-cordiste expert se fondant admirablement dans le collectif gaulois. Et bien secondé par la production slick & chaude de Master Eicher, grand manitou de la mise en son jazz moderne sophistiquée, parfois un peu clinique mais pas présentement. C'est donc une équipe gagnante, production et line-up, et ? Et les compositions !
     Parce que sans les compositions, sans le matériau brut suintant de pépites mélodiques et d'ambiances en devenir, Napoli's Walls ne serait qu'un vain exercice de style de jazz texturé sans support, beau sur la forme, "substantifiquement" vide. Il n'en est rien. Parce que les partitions distillées ici, entre jazz Milesien et contemporanéité de bon aloi, entre urbano-funko-jazzisme et accents folkloriques bienvenus, valent aussi, surtout !, par ses mélodies... Et ce qu'un excellent quatuor en fait, repoussant les lignes, les formes et les à-priori pour développer un vrai jazz moderne, écriture et interprétation ne tient pas du miracle mais de l'inspiration des auteurs, 9/10èmes pour Sclavis, un titre pour Courtois
     Moderne dans son approche "sans frontière" du genre, accueillant avec un égal bonheur les élans traditionnels que les ouvertures, nombreuses, se présentant, ce jazz est un animal libre. Formellement, il faut avouer qu'on est particulièrement bluffé par les apports (notamment vocaux) d'un Médéric Collignon, inventif et malin, agitateur patenté du jazz de chez nous alors à l'aube de sa carrière, mais ce n'est finalement qu'un point de détail d'un ensemble cohérent et varié.

     Napoli's Walls ? C'est avant tout un trip, un trip qu'il fortement recommandé d'entreprendre. Parce que la beauté mariée à l'intelligence et le talent, ça n'arrive pas si souvent.


1. Colleur de nuit 10:36
2. Napoli's Walls 7:21
3. Mercè 3:07
4. Kennedy in Napoli 6:25
5. Divinazione moderna I 3:38
6. Divinazione moderna II 3:30
7. Guetteur d'inaperçu 8:23
8. Les apparences 4:44
9. Porta segreta 5:03
10. II disegno smangiato d'un uomo 7:16


Louis Sclavis : clarinette, clarinette basse, saxophone soprano, saxophone baryton
Vincent Courtois : violoncelle, électronique
Médéric Collignon : trompette de poche, voix, cor, percussions, électronique
Hasse Poulsen : guitare