mardi 29 septembre 2015

From the Heart... En Plein Coeur ! (Volume 2: 1993-1964)

Retour au cœur avec une collection d'albums hétéroclite de qualité. De la France à l'Angleterre en passant par les Etats-Unis et l'Allemagne, du psyché, au soul, à la chanson bien de chez nous, au metal qui arrache, au jazz de film et à la pop de référence, il y en aura pour tous les goûts alors... Enjoie !

PSyCœuR
The Flaming Lips "Transmissions from the Satellite Heart" (1993)
ou "Reçu 5 sur 5"

Pour commencer, je cède la parole à N°6 de chez Guts of Darkness qui parle avec passion et intelligence de ce sixième album des revivalistes psychédéliques de l'Oklahoma, les Flaming Lips, bien-sûr !, ce Transmissions from the Satellite Heart d'une immense importance dans leur évolution :
"Changement de personnel chez les Flaming Lips, et l'air de rien cela va pas mal changer de choses. Exit Jonathan Donahue, retourné faire saigner les amplis exclusivement chez Mercury Rev, enter Ronald Jones avec qui les Lips gagnent une autre espèce de guitariste, du genre surdoué, aucune texture floue et abrasive ne lui fait peur mais il sait aussi faire péter des riffs gargantuesques, imiter tout un tas de cris d'animaux, endosser le rôle du bruiteur attitré et doit probablement être capable de décoller les papiers peints avec une seule note bien choisie.
Comme si un cador ne suffisait pas, le batteur sortant se voit remplacé par Steven Drozd, qui va bientôt prendre une importance considérable dans le groupe au point de devenir le deuxième cerveau créatif et cramé officiel. Multi-instrumentiste touche à tout, junkie à ses heures et batteur phénoménal, l'arrivée de Drozd coïncide avec un goût de plus en plus prononcé pour les belles mélodies affleurantes sous les strates de bruits gargouillants, pour une écriture plus soignée quoiqu'en rien moins dégénérée qu'avant, laissant un peu en amont les jams psychédéliques indéchiffrables. Autre détail notable, l'absence à la production de Dave Fridmann (sans doute occupé à empêcher les membres de Mercury Rev de s'entretuer), même si à l'écoute ce n'est pas évident tellement le son des Lips est en soi totalement submergé par la démesure défoncée propre au petit David. Ce premier album de la formation historique, du moins le trio de tête Coyne/Ivins/Drozd, sent bon le rock des sixties après consommation excessive de cachets mélangé au gros envoyage de bois millésimé Angleterre début des seventies passé au filtre du DIY abreuvé de bibine tiède du hardcore californien des eighties le tout cautérisé au noise-rock mélodique des meilleurs pourvoyeurs de décibels dissonants du début de la décennie en cours. De la musique intemporelle donc, parce que de toutes les époques et d'aucune à la fois. Avec quand même un ancrage bien de son temps qui feront des Flaming Lips des candidats très sérieux au hit interlope le plus bizarre de cette jeunesse américaine là. Explication : le merveilleusement absurde "She Don't Use Jelly" avec ses considérations intimement surréalistes, sa dynamique stop-start de folk-rock psyché dopé aux amphètes noise-pop va se retrouver, de la façon la plus improbable qui soit, intégré à la série très wasp, sexy et friquée Beverly Hills 90210. Avec le groupe, en vrai, qui joue le morceau incriminé dans une scène rétrospectivement à la fois parfaitement hallucinante et tout à fait en raccord avec ce que le groupe projette de décalage entre avant-garde et bubblegum, entre apparente niaiserie et profondeur bouleversante, entre son idiosyncrasie farouche et sa faculté de toucher un large public. Mais quand même, entendre un des minets de 90210 déclarer le fameux "I usually don't like alternative music but these guys rocked the house !" reviendrait sous nos auspices moins audacieux à ce que José d'Hélène et les Garçons déclare d'une façon emphatique (et mal jouée) "Whaou, d'habitude je n'aime pas le rock indépendant, mais ces types sonnent du tonnerre !" après une prestation où Kat Onoma feraient bruisser "La Chambre" à la cafét de la fac. Les Lips, en attendant, héros d'un jour devant un public mainstream médusé, étaient encore loin de leurs triomphes à venir. A l'heure qu'il était, Drozd envoyait les vumètres au-delà de leur limite à chaque frappe, Jones tintinnabulait et crissait à qui mieux-mieux, Ivins troussait imperturbablement ses lignes de basses gouleyantes, et Wayne Coyne, la voix plus à côté que jamais, la ferveur au cœur, poussait la chansonnette interdite de contrôle technique, avec toujours ces fulgurances sentimentales en refrain de barbapapas illicites, "Be my head and I'll be yours" disait-il. Et ça produit une série de tueries pop erratiques comme ce "Turn It On" liminaire qui annonce un programme auquel le groupe se tiendra jusqu'au bout, aux auditeurs le soin de monter le volume à donf et faire tourner le produit de leur choix. Avec au passage comme de coutume, une façon de prière, en écho peut-être au "Shine On Sweet Jesus" et "You Have to Be Joking" des albums précédents, cette fois une vieille ballade folk jadis entonnée par Paul Newman dans Cool Hand Luke, écrite comme un gag mais interprétée avec une sincérité bluffante par Coyne, sa voix brisée en rappelant une autre, de Loner canadien. En germination aussi, une première tentative vers l'épique qui ne tardera pas à devenir florissant dans la musique des Lips, en seulement quatre minutes et quelque, un "Moth In The Incubator" fabuleux se développe de ritournelle folk à un brouet de rock noisy qui éclate en orgasme psyché au crescendo flingué par la batterie frénétique de Drozd. Des perspectives alléchantes s'ouvrent alors devant les quatre mousquetaires du rock déglingué."
C'est exactement ça et c'est, évidemment, chaudement recommandé !

1. Turn It On 4:39
2. Pilot Can at the Queer of God 4:16
3. Oh My Pregnant Head (Labia in the Sunlight) 4:06
4. She Don't Use Jelly 3:40
5. Chewin the Apple of Your Eye 3:52
6. Superhumans 3:13
7. Be My Head 3:15
8. Moth in the Incubator 4:12
9. Plastic Jesus 2:18
10. When Yer Twenty Two 3:34
11. Slow•Nerve•Action 5:55

Wayne Coyne - Guitar, Vocals
Steven Drozd - Drums, Guitar, Keyboards, Vocals
Michael Ivins - Bass, Vocals
Ronald Jones - Guitar, Vocals

THE FLAMING LIPS

HeaRT oF THe SoNG
Rachel des Bois "Au Cœur des Foyers" (1993)
ou "Chansons des Bois"

Si vous ne connaissez pas encore Rachel des Bois, ne vous inquiétez pas, ils sont nombreux dans ce cas et, même si c'est extrêmement dommage parce que ce petit bout de femme à l'univers riche et chamarré a de quoi attirer le chaland comme sur cet Au Cœur des Foyers débutant, ce n'est hélas pas un exemple isolé dans un paysage musical français où le culte de la différence est trop souvent une vue de l'esprit.
Parce qu'avec ses petites histoires à la marge, son sacré sens de l'humour aussi, avec sa musique dynamique et fraiche aux influences folk européennes (de l'est sur Mon P'tit Monde, portugaise pour Le Fado des Bras Cassés), funk (Qui c'est, Une Pizza), blues (Moi, les Garçons), latines (Laisse-moi partir), jamaïcaines (un Italian Lover en mode reggae/dub revisité), orientales (Simone et Paul), jazz (Nicky), trip-hop (La Mégère), pop rock 60s (Ca tue l'amour) ou carrément dans une sorte de musique de foire/cirque dont la folie lui va bien au teint (L'Enfant du Placard), c'est un sacré kaléidoscope qu'a concocté Rachel. Peut-être trop "dans tous les sens" d'ailleurs parce qu'on finit par se demander où la demoiselle veut bien en venir, si elle se rêve en nouvelle Piaf/Fréhel, en Lio nouveau modèle (Ca tue l'amour le fait !) ou en artiste mâtinant world music et chanson (ce qui lui va d'ailleurs le mieux). Ceci dit, comme la Dame réussit tout, un peu moins le jazz avec un Nicky un peu toc, on aurait mauvaise grâce à faire les difficiles, disons simplement qu'une ligne directrice aurait donné à l'album un cohérence ici absente.
Mais si l'album est si réussi, que même cet éparpillement stylistique ne réussit pas à le minorer, pourquoi Rachel des Bois n'a-t-elle pas rencontré le succès qu'elle méritait ? Peut-être parce qu'avec un allant qui fait un peu tâche dans le petit monde de la nouvelle chanson française d'alors qui préfère se regarder la pointe des chaussures en pensant à son nombril, Rachel des Bois était définitivement trop à part et ne fut donc considérée comme difficile à promouvoir pour un label, Barclay, qui avait souvent de plus évidentes priorités qu'une fille qui chante un funk en honneur de la pizza. Reste que ce petit monde, toujours disponible si on se donne la peine de chercher un peu, possède un vrai charme qui saura vous coller un bon gros et durable sourire au visage... Que demander de plus ?

1. Mon P'tit Monde 3:01
2. Qui C'Est 3:30
3. Moi, Les Garçons 3:35
4. Laisse Moi Partir 3:40
5. Le Fado Des Bras Cassés 3:40
6. Italian Lover 2:53
7. Simone Et Paul 4:23
8. Nicky 3:17
9. La Mégère (Ca Fait Mal) 3:55
10. Une Pizza 4:11
11. L'Enfant Du Placard 2:45
12. Ca Tue L'Amour 4:07

Rachel des Bois - chant, chœurs, fouet, paroles
François Marillier - percussions, programmations, batterie, orgue, composition
Emmanuel Claude - programmations, chœurs, composition
&
Franckie Kutner - guitares
Steve Lewinson - basses
Sfezzy Wan Kenz'oby - sifflets
Vince Delico - accordéon
Peter Lewinson - batterie
Henry Teryne - trombone
Dédé Sicam - violon
...et pleins de choristes invités pour la Pizza !

RACHEL DES BOIS

CœuR De SouL
Aaron Neville "Warm Your Heart" (1991)
ou "Warm Collection"

Une voix qui fait vibrer les cœurs depuis les années soixante, avec ou sans une fratrie presque aussi recommandable, un label qui a dans l'idée d'imposer ledit organe auprès d'un grand public toujours sensible à l'or soul, une impressionnante collection d'intervenants, dont certains particulièrement prestigieux, réunis pour la circonstance, c'est le programme du cru de 1991 d'Aaron Neville, Warm Your Heart.
Dès les premières caresses des cordes sur la reprise du Lousiania 1927 de Randy Newman, on comprend que la soul moite ne sera pas au programme de l'exercice mais, même alourdie de cordes mélodramatiques, de chœurs doucereux, la mélodie est belle et, forcément, admirablement servie par la voix chaude et sensuelle d'Aaron. Un petit machin de soul pop dansante plus loin (le sympathique si anecdotique Everybody Plays the Fool), c'est à Robert Hiatt que Neville s'attaque via un It Feels Like Rain où, tempo de sénateur pour un soul blues bien troussé, quelques jolies guitares (Ry Cooder est dans les parages !) viennent rehausser le bouillon, épatant ! On aime moins quand Aaron s'essaye à la grande variété américaine via le Don't Go, Please Stay de Burt Bacharach ici mollasson et ampoulé, on aime beaucoup, par contre quand, sur un original typique de son répertoire, Angola Bound, il convoque une partie de la fratrie pour une funk soul rythmée et entrainante ou quand, sur la chanson qui donne son titre à l'opus, il jazze/bluese tout doux avec ce bon Dr. John et même quand, se rappelant sans doute de son jeune temps, il détourne le doo-wop dans un acoustique et la très réussie adaptation du traditionnel I Bid You Goodnight ou ose l'ultime crossover avec une reprise gorgée de soul (dans sa voix !) de l'Ave Maria de Schubert. Le reste ? Beaucoup de ballades plus ou moins réussies, quelques tentatives de soul-pop souvent outrageusement saccharosées... On s'y ennuie pas mal, en fait.
Parce qu'il faut bien se l'avouer, si Warm Your Heart a ses vrais bons et beaux moments (voyez plus haut, il y a de quoi faire !), il n'est pas exempt de quelques fautes de goût qu'il est, ceci dit, facile de zapper pour ne garder que la substantifique moelle, 8 à 10 morceaux selon vos préférences et votre exigence, un petit effort pour le gain de quelques excellentes vocalises d'Aaron Neville sur de la bonne musique facile d'accès dans le bon sens du terme, le sacrifice n'est pas trop grand.

1. Louisiana 1927 3:04
2. Everybody Plays the Fool 4:25
3. It Feels Like Rain 4:56
4. Somewhere, Somebody 3:01
5. Don't Go, Please Stay 2:40
6. With You in Mind 3:32
7. That's The Way She Loves 4:45
8. Angola Bound 4:32
9. Close Your Eyes 3:10
10. La Vie Dansante 3:21
11. Warm Your Heart 3:49
12. I Bid You Goodnight 4:00
13. Ave Maria 4:41

Aaron Neville - cowbell, drums, vocals 
Cyril Neville - congas 
Jason Neville - rap 
Russ Kunkel - drums, programming
Robbie Buchanan - organ 
Larry Carlton, David Lindley - guitar
Bob Glaub - bass, percussion
Willie Green, Jim Keltner - drums
Don Grolnick - keyboards, piano 
Tony Hall, Larry Klein, Darryl Johnson, Jimmy Johnson - bass
Dean Parks - guitar, mandolin 
Brian Stoltz - guitar, percussion, backing vocals
Carlos Vega - drums, percussion 
Ry Cooder - guitar, slide guitar 
Dr. John - noise, percussion, piano, backing vocals
Bob Seger - percussion,backing vocals
Linda Ronstadt - backing vocals, whistle
John Fenstermaker - choir master 
Stephen Ferrand, Kevin Ames, Renee Armand, Robert "Kool" Bell, Rosemary Butler, Scott Campbell, Valerie Carter, Rita Coolidge, Donny Gerrard , William "Bill" Greene, Bobby King, Arnold McCuller, Aiden Miles - backing vocals
Greg Adams - horn arrangements, trumpet
Emilio Castillo, Plas Johnson - tenor sax
Steve Grove - alto sax
Stephen Kupka - baritone sax
Glen Fischthal, Lee Thornburg - trumpet 
Mark Lawrence - trombone
Dave Krehbiel - french horn
Angela Koregelos - flute
Pavel Farkas - concert master, violin 
Jeremy Cohen, Jeremy Constant, Gail Cruz, Ronald Erickson, Stephen Gehl, Daniel Kobialka, Roy Malan, Patrice May, Nathan Rubin, James Shallenberger, Dan Smiley - violin
Don Ehrlich, Susan Bates, Ruth Freeman, Jim Hurley, Roxanna JacobsonBecky Sebring, Nanci Severance, Basil Vendryes - viola
Larry Epstein, Shinji Eshima, Jeff Neighbor, Bill Ritchen - contrabass
Allen Gove, Judiyaba, David Kadarauch, Dennis Karmazyn, Thalia Moore - cello

AARON NEVILLE

à CœuR GeRMaiN...
Accept "Metal Heart (remaster)" (1985)
ou "Teutons terribles !"

C'est l'âge d'or du metal. Alors même les vilains petits canards, ces teutons menés par un gnome au timbre abrasif par exemple, semblent tout oser, et tout réussir. Pour Accept, dont les deux précédents opus avaient fait sérieusement grimper la réputation (Restless And Wild et Balls to the Wall), l'oeuvre est venue de récolter les lauriers de leur dur labeur avec ce qui est, sûrement, le début de la fin de leur période de gloire, Metal Heart.
Evidemment, il y a l'énorme classique d'ouverture et son ambiance quasi-opératique, son solo, du six-cordiste en chef, Wolf Hoffmann, empruntant la Lettre à Elise de Beethoven, celui-là est rigoureusement inattaquable jusque dans le chant possédé d'un Udo Dirkschneider qui a, certes, beaucoup à voir avec Brian Johnson (d'AC/DC, évidemment) mais sait user de son organe éraillé dans un tout autre registre avec un vrai savoir-faire. Parce qu'Accept est un vrai groupe de heavy metal, de ceux qui frappent fort, riffent dru, balancent du solo épique à gogo, bref, remplissent précautionneusement chaque case du cahier des charges du bon metal d'alors. Mais Accept a aussi sa propre identité, son propre son avec, notamment, outre cet Udo tellement atypique dans un domaine souvent réservé aux vocalistes techniques et lyriques (sur le modèle d'un Rob Halford ou d'un Bruce Dickinson), une propension à pondre du refrain à reprendre en chœur par des voix mâles et fières (un peu fête de la bière à Munich mais effet baeuf garanti, particulièrement en concert), un habitude qui perdurera chez pas mal de leur compatriotes dont, le plus fameux, chez Helloween. Cependant, c'est quand ils surprennent, osent s'éloigner du pré-carré qu'on leur connaît, qu'Accept nous prennent de court par leur talent, ici sur un Teach Us to Survive aux relents rockabilly aussi inattendus que satisfaisants. Le reste est d'une impeccable efficacité à défaut d'offrir quelque nouveauté que ce soit dans le répertoire de la formation, il y aurait même, ces fichus refrains encore, un petit côté radiophonique... Enfin, si la personnalité vocale du gnome précité n'était pas si peu compatible avec ce genre de choses, mais, tout de même, reconnaissons que Midnight Mover, Screaming for a Love-Bite ou Living for Tonite ne sont pas exempts de ces tentations. Ailleurs, Accept sait "envoyer du bois" comme sur les costauds et bien troussés Wrong Is Right ou Bound to Fail, mais parfois aussi s'approcher d'AC/DC sur un Too High to Get It Right où ils rockent comme si leur vie en dépendait.
Hélas, ce sera le dernier coup d'éclat d'Accept dans cette formation et dans les années 80, dès le successeur d'icelui, Russian Roulette, la mayonnaise prendra moins. Mais, présentement, tout ceci nous donne un album supra-efficace, un authentique classique aussi où les cinq teutons ne révolutionnent rien mais font avec talent, assurance et énergie. Comme c'était exactement ce qu'on attendait d'eux, on recommande ce Metal Heart justement passé à la postérité.

1. Metal Heart 5:19
2. Midnight Mover 3:05
3. Up to the Limit 3:47
4. Wrong Is Right 3:08
5. Screaming for a Love-Bite 4:06
6. Too High to Get It Right 3:47
7. Dogs on Leads 4:23
8. Teach Us to Survive 3:32
9. Living for Tonite 3:33
10. Bound to Fail 4:58
Bonus
11. Love Child (live) 4:49
12. Living for Tonite (live) 3:50

Udo Dirkschneider – lead vocals, harmony vocals (4, 9, 10), backing vocals (1, 8), finger snapping (8)
Wolf Hoffmann – lead & rhythm guitars (all except 9), rhythm guitar (9), acoustic guitar (1, 10), backing vocals (1, 6, 7, 10), sitar (1)
Jörg Fischer – rhythm guitar (all except 4, 9), lead & rhythm guitars (4, 9), 8-string bass (3), backing vocals (1, 6, 7, 10), finger snapping (8)
Peter Baltes – bass, Moog Taurus (1, 5, 7, 10), 8-string bass (1, 8, 10), backing vocals (1, 6, 7, 10), harmony vocals (2, 5), acoustic bass guitar (8)
Stefan Kaufmann – drums, backing vocals (1, 6, 7, 10), timpani (1, 8, 10), cymbals and gongs (1), drum effects and gang vocals (3)

ACCEPT

au CœuR De La Nuit
Tom Waits and Crystal Gayle "One from the Heart" (1982)
ou "Duo gagnant pour FFC"

Une impeccable bande-son pour une comédie romantique musicale de Francis Ford-Coppola qui n'a pas trouvé son public, c'est le programme de la rencontre entre le déjà culte Tom Waits et la chanteuse de country recyclée Crystal Gayle, une petite merveille, ceci dit en passant.
A plusieurs titres, c'est un album important pour Tom. Important parce que ça permet à l'animal de s'essayer à un exercice encore inédit pour lui, et pas pour n'importe qui, en plus, et pour un film musical, où sa musique est donc l'une des authentiques stars de l'affiche. Important, ensuite, parce qu'il y fait la rencontre de celle qui deviendra non seulement sa compagne dans la vie mais aussi dans ses création, Kathleen Brennan qui travaille au studio où il enregistre son album. C'est aussi une vraie belle rencontre, celle avec la voix chaude et parfaitement complémentaire de l'organe cassé de Waits, Crystal Gayle qui "remplace" Bette Midler, qui avait interprété un duo avec Tom sur son album de 1977, Broken Blossom, qui avait été un temps envisagée mais n'était pas disponible. Et c'est heureux parce qu'on imagine pas une autre voix que celle de Miss Gayle sur le cocktail jazzy concocté par Mister Waits. Et quel cocktail parce que Tom était particulièrement en verve en cette occurrence et que, d'une introduction de piano vite rejointe par l'échange vocal de Tom et Crystal, avant la rencontre, d'un jazz qu'on croirait issu des années 40 ou 50, de toutes ces belles ballades, ces charmants swings, jusqu'à une petite boîte à musique de clôture, c'est un festin de tous les instants, jusque dans les transitions instrumentales, c'est dire !, qui permettent même à Tom d'élargir le spectre et de, sans doute, satisfaire son envie de recréation d'un temps dont on le sait nostalgique. De fait, comme tout y est bon, très bon même, que l'ensemble est varié en restant toujours jazz et ne perdant donc nullement en cohérence, que les performances instrumentales sont au diapason de la partition, on n'en attendait pas moins du chef Bob Alcivar, c'est à un réel triomphe que nous assistons mais aussi, comme la suite de la carrière de Tom le démontrera, à un au-revoir de Waits à ces jazz et musicals qui hantèrent tant sa première partie de carrière.
Pour la petite histoire, on précisera que Waits reçut une nomination pour l'Oscar de la meilleure chanson pour un film, qu'il n'obtint pas, sans doute du fait du retentissant fiasco au Box Office de son support image. Ca ne retire évidemment rien à une soundtrack d'une absolue beauté qu'on n'a de cesse de recommander à tous ceux, sans doute pas fans de Tom, qui seraient jusqu'à présent passés à côté, il est plus que temps de s'y mettre !

1. Opening Montage (Tom's Piano Intro/Once Upon a Town/The Wages of Love) 5:16
2. Is There Any Way Out of This Dream? 2:13
3. Picking up After You 3:54
4. Old Boyfriends 5:53
5. Broken Bicycles 2:53
6. I Beg Your Pardon 4:26
7. Little Boy Blue 3:43
8. Instrumental Montage (The Tango/Circus Girl) 3:00
9. You Can't Unring a Bell 2:20
10. This One's from the Heart 5:45
11. Take Me Home 1:37
12. Presents 1:00

Crystal Gayle – vocals
Tom Waits – vocals, piano, orchestral arrangement
Bob Alcivar – piano, orchestral arrangement, conductor
Ronnie Barron – organ on "Little Boy Blue"
Dennis Budimir – guitar on "Opening Montage" & "Old Boyfriends"
Larry Bunker – drums on "The Tango"
Gene Cipriano – tenor saxophone on "The Tango"
Greg Cohen – bass
Teddy Edwards – tenor saxophone
Victor Feldman – timpani on "You Can't Unring a Bell"
Chuck Findley – trumpet on "Circus Girl"
Dick Hyde – trombone on "Circus Girl"
Pete Jolly – piano, accordion, celeste
Gayle Levant – harp
John Lowe – woodwind on "Circus Girl"
Shelly Manne – drums on "Opening Montage", "Is There Any Way Out of This Dream?" & "Old Boyfriends"
Lonny Morgan – woodwind
Joe Porcaro – glockenspiel on "Presents"
Emil Richards – vibes on "I Beg Your Pardon"
Jack Sheldon – trumpet
John Thomassie – percussion on "Little Boy Blue"
Leslie Thompson – harmonica on "Circus Girl"
Don Waldrop – tuba on "Instrumental Montage"

CRYSTAL GAYLE / TOM WAITS

LiVe au CœuR
Whitesnake "Live...in the Heart of the City (remaster)" (1980)
ou "the Best Snake is a Live Snake"

Un groupe au sommet de son art hard'n'blues dans un live historique, c'est le programme de l'excellent Live...in the Heart of the City du Whitesnake de l'ex-vocaliste de Deep Purple, David Coverdale.
La première chose qui saute à l'oreille à l'écoute de la double galette en général et de la performance de son vocaliste en particulier est cette volonté fermement chevillée  au corps de présenter un hard rock gorgé de blues et de soul ce qui, pour ceux qui suivirent le bref parcours de Coverdale au sein de Deep Purple, ce si sous-estimé Come Taste the Band précisément mais pas seulement, est tout sauf une surprise. Alors, ici, entourée d'une équipe qu'il a lui-même construite, et où deux de ses anciens partenaires de jeu l'ont rejoint (Ian Paice l'année précédente, qui du coup n'est pas du second disque, antérieur à son arrivée et Jon Lord un an plus tôt encore, sur Trouble en 1978), vous vous doutez bien que le chevelu ne s'est pas privé. D'ailleurs, ce qui était déjà évident en studio (sur les albums "solo" de David bien-sûr, mais sur ceux du groupe également) ne l'est que plus dans un format live permettant des développements supplémentaires, et une ambiance encore plus chaude aussi.
Et donc, en deux CDs, pour une captation lors de trois concerts, le premier de 1980, le second de 1978, tous les deux à l'Hammersmith Odeon de Londres, le sextet démontre que ses préoccupations dépassent largement le cadre du riff lourd et des vocalises perce-oreilles. Il faut dire qu'avec une paire de guitaristes aussi complémentaire et bluesy que celle formée par Micky Moody et Bernie Mardsen, le groupe est bien servi et peu, sans risque, s'adonner à l'art de la jam "bleu à l'âme" comme sur un quelques pistes particulièrement étirées, sans qu'on trouve quoique ce soit à y redire, comme Love Hunter, de Take Me With You et de la reprise de Deep Purple, Mistreated. Et même sur le reste de la galette, qui sonne comme un vrai live, pas un de ceux lourdement retouchés en studio, quand l'interprétation est plus resserrée, il est évident que Coverdale & Cie n'ont d'autre envie que de nous blueser jusqu'au bout de la nuit.
Alors, évidemment, il serait aisé de moquer le groupe pour ses paroles un poil machistes et pas toujours très maline, parfait relais du jeu d'un jeu de scène où David prend souvent son pied de micro pour un irréaliste substitut pénien, mais quand la musique est si bonne, jouée avec autant de fougue et de passion, on aurait mauvaise grâce de faire la fine bouche parce que ce Live...in the Heart of the City, chaud et moite comme il se doit, est avant tout un excellent moment de hard rock où blues et soul sont les remarquables épices. Ca en en fait, logiquement, le vrai sommet de la carrière d'un Serpent Blanc qui n'a pas encore été ensorcelé par les sirènes des charts étatsuniens, un petit goût de paradis perdu...

CD 1
Live in the Heart of the City (23/24 June 1980)
1. Come On 3:38
2. Sweet Talker 4:16
3. Walking in the Shadow of the Blues 5:00
4. Love Hunter 10:41
6. Fool for Your Loving 4:58
7. Ain't Gonna Cry No More 6:21
8. Ready an' Willing 4:46
9. Take Me with You 6:28

CD 2
Live at Hammersmith (23 November 1978)
1. Come On 3:22
2. Might Just Take Your Life 5:35
3. Lie Down 4:41
4. Ain't No Love in the Heart of the City 6:03
5. Trouble 4:51
6. Mistreated 10:49

David Coverdale – vocals
Micky Moody – guitar
Bernie Marsden – guitar
Jon Lord – keyboards
Neil Murray – bass guitar
Ian Paice – drums on disc 1 recordings from 1980
Dave Dowle – drums on disc 2 recordings from 1978

WHITESNAKE

FReNCH aT HeaRT
Téléphone "Au Cœur de la Nuit" (1980)
ou "Ca sonne !"

Après deux premiers albums les ayant vu passer de groupuscule de club à stars absolues d'un rock français en pleine renaissance, c'est confiant mais avec une certaine pression, celle de faire aussi bien, que Téléphone a préparé son troisième opus, Au Cœur de la Nuit.
Faire aussi bien mais pas forcément en faisant exactement la même chose parce que, clairement, Aubert, Bertignac, Kolinka et Marienneau ont des envies d'élargissement du spectre de leur musique qui s'était contentée, jusqu'ici, à suivre pas à pas les modèles anglo-saxons. Ainsi, si on retrouve bel et bien le style, la patte du quatuor, on entend aussi de vraies nouveautés dans leur répertoire telles qu'un couplet aux atours rythmiques inhabituellement groovy (Seul), une ballade aux inclinaisons soul discrètes mais évidentes (Laisse Tomber), un tribalisme étonnant qu'on aurait plus imaginé sur un album d'Higelin que chez ces jeunes-gens (Un Homme + Un Homme), un petit coup de funk rock aussi (Les Ils et les Ons) voire des allures rhythm'n'blues directement héritées des modèles britanniques du genre (La Laisse) ou un blues acoustique rondement mené (Le Silence) tout ceci avec un goût et une maîtrise qu'on n'attendait pas mais qui, franchement, fait un bien fou à entendre amenant un vrai beau courant d'air frais dans un style qui, sinon, risquait fortement de se scléroser. Mais que les fans des deux premiers albums se rassurent, Téléphone n'a pas totalement abandonné ce rock franc et post-adolescent qui avait fait leur gloire. Ainsi se plait-on à retrouver le trademark sound désormais familier de Téléphone sur quelques brûlots bien servis. Des exemples ? Le morceau titre déjà où des feulements de Jean-Louis, des petits soli malins de Louis, de l'abattage rythmique "moonsien" de Richard on réside définitivement en territoire connu, qualité comprise. Quelques morceaux aux tempi bien appuyés aussi (Ploum Ploum, Ordinaire), juste ce qu'il faut pour mettre à rude épreuve les nuques suivant tant bien que mal le rythme effréné. Quelques singles potentiels extrêmement accrocheurs évidemment (Argent Trop Cher, dont vous vous souvenez forcément de l'excellent clip, Fleur de Ma Ville, power-ballad de grande classe) parce que les gars et la fille ont ça dans le sang pour compléter une fort belle sélection de chansons, peut-être même leur meilleure.
Album d'une maturité musicale évidente, Au Cœur de la Nuit rencontrera évidemment un énorme succès, totalement mérité ceci dit, contribuera encore un peu à affirmer la place de Téléphone comme leader naturel du rock de chez nous de ces débutantes 80s, une place ô combien méritée pour quatre parisiens dont on n'a pas fini de vanter les mérites aux nouvelles générations qui ont encore eu la chance de pouvoir les découvrir, les chanceux !

1. Au cœur de la nuit 3:28
2. Ploum ploum 1:54
3. Pourquoi n'essaies-tu pas ? 3:26
4. Seul 3:02
5. Laisse tomber 4:26
6. Un Homme + un Homme 1:56
7. Les Ils et les Ons 2:56
8. Argent trop cher 4:10
9. Ordinaire 2:37
10. 2000 Nuits 2:57
11. Fleur de ma ville 3:14
12. La Laisse 3:24
13. Le Silence 4:36

Jean-Louis Aubert : chant, guitare rythmique
Louis Bertignac : guitare solo, chœurs
Corine Marienneau : basse, chœurs
Richard Kolinka : batterie, percussions
&
Dominique "Cow-Boy" Forestier : saxophone (Argent Trop Cher)

TELEPHONE

CœuR De RoCKeuR
Queen "Sheer Heart Attack (remaster)" (1974)
ou "La Reine Change"

Queen III, le premier à avoir son propre titre, Sheer Heart Attack. Album transitoire s'il en fut, inégal mais passionnant de bout en bout.
Déjà Brighton Rock, furieux rappel des épisodes précédents, ouvre le bal avec un May simplement au sommet et un groupe au diapason. Ca défouraille sévère ! Killer Queen suit et c'est une autre affaire et, sans aucun doute, le morceau fondateur du versant pop du son que le groupe peaufinera dès son album suivant, grande classe et chanson imparable. Ensuite, Taylor fait du bon boulot sur Tenement Funster mais on se dit que Mercury eût fait bien mieux et, du coup, on reste un peu sur sa faim... D'autant que la triplette qu'il aurait pu former (les trois morceaux s'enchainant) avec l'efficace art/hard rock Flick of the Wrist et sa conclusion aérienne (Lily of the Valley) eût pu être légendaire, dommage. Ce qui suit s'inscrit directement dans la légende, un autre futur grand classique (versant rock cette fois) habite la fin de cette face A, c'est du lourd, du Queen emblématique, celui-là même qui trônera longtemps en tête des charts avec son pomp rock parfois presque pop, parfois franchement hard. Oui, Now I'm Here est une grande chanson, de celles qui redéfinissent le son d'un groupe qui, présentement, réussit à être chatoyant tout en riffant dru, du bel ouvrage, vraiment... Que ne vient pas contredire le grandiloquent In the Lap of the Gods que les petits gars de Muse ont dû user jusqu'à la corde avant de commettre leurs hommages de Resistance. Las, ce qui fait merveille pour certains n'est qu'accessoire pour les maîtres et on passera donc vite sur cet aimable mais secondaire intermède pour plonger dans le furieux et presque punkoïde Stone Cold Crazy, un rocker court et d'une rare efficacité, parfait jusque dans les feulements félins d'un Mercury toutes griffes dehors. On s'arrêterait bien là, tiens, en fanfare, mais nous n'en sommes qu'au second morceau de la face B et les gars nous ont réservé quelques douceurs dont ils ont le secret : une berceuse avec Dear Friend (jolie), un petit rock presque latino avec un Misfire un peu kitsch mais sympathique ou une faux-swinguerie rigolote avec Bring Back That Leroy Brown. Pas bien sérieux tout ça mais tellement bon ! Mais il est temps, Fin des intermèdes et arrivée du morceau de Brian, autre étape incontournable de tout album de Queen. En l'occurrence Brian fera mieux que ce She Makes Me (Stormtrooper in Stilletos), probablement le morceau le plus faible de tout l'album d'autant qu'il a tendance à s'éterniser (ou à en donner l'impression) malgré une durée de seulement 4 minutes. Heureusement, Freddie relève le niveau avec son In the Lap of the Gods... Revisited, sorte de power ballad typiquement Queenesque (théâtrale à souhait donc) où le piano et la voix de Mercury font la différence. Une conclusion au niveau d'un bel album (presque) sans temps mort.
Les bonus du présent deluxe sont quasi exclusivement live et pas que d'époque... On se dit qu'EMI n'avait probablement pas beaucoup de matériel pour nous proposer un enregistrement venant d'un live officiel, en l'occurrence le Wembley de 86. Et ce n'est pas un acappella mix de Leroy Brown (oui, bon, rigolo mais fondamentalement sans intérêt) qui relèvera le niveau. Heureusement qu'il y a les BBC sessions et - surtout ! - le remaster tip top de l'album qui font de l'objet un investissement valable, indéniablement.

1. Brighton Rock 5:08
2. Killer Queen 3:01
3. Tenement Funster 2:48
4. Flick of the Wrist 3:19
5. Lily of the Valley 1:43
6. Now I'm Here 4:10
7. In the Lap of the Gods 3:20
8. Stone Cold Crazy 2:12
9. Dear Friends 1:07
10. Misfire 1:50
11. Bring Back That Leroy Brown 2:13
12. She Makes Me (Stormtrooper in Stilettos) 4:08
13. In the Lap of the Gods... Revisited 3:42

Bonus
1. Now I'm Here (live at Hammersmith Odeon, December 1975) 4:25
2. Flick of the Wrist (BBC session, October 1974) 3:24
3. Tenement Funster (BBC session, October 1974) 2:58
4. Bring Back That Leroy Brown (a cappella mix 2011) 2:17
5. In the Lap of the Gods... Revisited (live at Wembley Stadium, July 1986) 2:35

Freddie Mercury: lead and backing vocals, piano, jangle piano on "Killer Queen" and "Bring Back That Leroy Brown"
Brian May: guitars, backing vocals, piano on "Dear Friends", banjo ukelele on "Bring Back That Leroy Brown", lead vocals on "She Makes Me (Stormtrooper in Stilettos)"
Roger Taylor: drums, percussion, backing vocals, lead vocals on "Tenement Funster", screams on "In the Lap of the Gods"
John Deacon: bass guitars, acoustic guitar, rhythm and lead guitar on "Misfire", double bass on "Bring Back That Leroy Brown"

QUEEN

CœuR PLaNeuR
Pink Floyd "Atom Heart Mother (remaster)" (1970)
ou "Psychétrip"

Dès sa remarquable pochette, pas qu'elle soit belle mais avouez qu'elle est immédiatement identifiable, Atom Heart Mother, 5ème album des psyché-progueux de Pink Floyd, s'impose comme un album différent de tout ce qui le précède (et de ce qui le suit comme nous le savons désormais).
Dans les faits, succédant au bâtard Ummagumma (mi-live, mi-studio), Atom Heart Mother pourrait apparaître comme un retour à la normalité pour une formation qui n'a plus fait d'album "normal" depuis 1968 et A Saucerful of Secrets (More étant un soundtrack), où Barrett trainait encore dans les parages, une paille pour l'époque ! En apparence seulement parce que les membres du Floyd ont d'autres idées en tête à commencer par la création de ce qui deviendra l'épique pièce centrale d'un opus auquel elle donne d'ailleurs son nom, et dont elle occupe toute la première face de la cire noire originelle, Atom Heart Mother, composition collective pour une fois (avec même Ron Geesin, qui sortira un mois plus tard la bande-son de Music from the Body fomentée avec Roger Waters) où le quatuor s'essaye à l'exercice symphonique. Et pour le coup, l'essai est transformé par une construction aussi périlleuse qu'elle est belle qui, d'une intro de cuivres à un premier développement plus classique, de l'entrée de cordes à une chorale post-apocalyptique, d'allures blues à  de gros délires psychédéliques est un immense trip qui, bien servi par un bel esprit mélodique et de précieux arrangements voit passer ses presque 24 minutes comme dans un rêve. Après ça, évidemment, la petite folk caressante de Waters (If) a du mal à faire autant d'effet, même si elle est mignonne tout plein. Idem pour le Summer '68 de Wright qui, tout de même doté d'un décollage bienvenu et d'agréables allures pop convoquant Beatles et Beach Boys au festin, fonctionne admirablement bien. Et pas mieux pour le Fat Old Sun de Gilmour, belle ballade qui sans sa montée de sève finale, et le solo de David qui va avec, prendrait presque des airs de remplissage, mais presque seulement, ouf ! Et que dire du collage collectif final, Alan's Psychedelic Breakfast qui, d'une première partie rêveuse à sa modérée explosion de jam finale, occupe le temps plus qu'il n'affole les émotions, mais c'est agréable alors on ne fait pas trop la fine bouche même si on n'en pense pas moins... D'autant que la mise en son du groupe en personne, permet de goûter à tous les détails d'un opus qui n'en manque pas (c'est encore mieux sur le présent remaster d'ailleurs).
Alors, non, ce n'est pas le Pink Floyd qu'on conseillerait à un nouveau venu dans leur monde, Dark Side of the Moon, Wish You Were Here ou The Wall feront parfaitement l'affaire. Cependant, album à part dans la discographie de Waters, Gilmour & Cie, c'est une œuvre qui, sur sa Face A, est aussi magistrale qu'attachante et qui, jusque dans ses défauts et ses maladresses, une Face B tout de même nettement moins enthousiasmante, sait emporter l'auditeur dans un trip à nul autre pareil. Atom Heart Mother n'en demeure pas moins un vrai classique ne serait-ce que pour son impressionnant mastodonte d'ouverture mais, ça, vous le saviez sûrement déjà...

1. Atom Heart Mother 23:44
I. Father's Shout
II. Breast Milky
III. Mother Fore
IV. Funky Dung
V. Mind Your Throats Please
VI. Remergence
2. If 4:31
3. Summer '68 5:29
4. Fat Old Sun 5:22
5. Alan's Psychedelic Breakfast 13:00
I. Rise and Shine
II. Sunny Side Up
III. Morning Glory


Roger Waters – bass guitar, acoustic guitar and vocals on "If", tape effects, tape collages
David Gilmour – guitars, vocals, bass and drums on "Fat Old Sun"
Rick Wright – keyboards, vocals on "Summer '68"
Nick Mason – drums, percussion, tape editing, tape collage, additional engineering on "Alan's Psychedelic Breakfast"
&
EMI Pops Orchestra – brass and orchestral sections (uncredited)
Haflidi Hallgrimsson – cello (uncredited)
John Alldis Choir – vocals
Alan Styles – voice and sound effects on "Alan's Psychedelic Breakfast" (uncredited)

PINK FLOYD

4 aS De CœuR
The Beatles "Sgt. Pepper's Lonely Heart Club Band (mono remaster)" (1967)
ou "Psychédélice"

Que dire du monument Sgt. Pepper's qui n'ait déjà été écrit ?
Que s'il est régulièrement à la tête des listes des meilleurs albums de tous les temps il doit bien y avoir une raison, non ? Qu'il constitue un véritable tournant dans l'histoire de la pop/rock music non seulement stylistiquement mais aussi, surtout ?, par son ambition artistique alors quasi-unique (Pet Sounds, on ne t'oublie pas !) et ses méthodes d'enregistrements révolutionnaires, merci Mr George Martin ? Que même dans ses moments "faibles" (on "guillemette" avant de citer Fixing a Hole, Being for the Benefit of Mr. Kite, Within You Without You, Lovely Rita parce que c'est tout de même extra, Achille avec un talon renforcé), il surpasse la concurrence de la tête et des épaules ? Oui tout ça et sans doute mille autres "fun facts", anecdotes et records.
Pas de doute, si le Sergent Poivre et son groupe eut un cœur solitaire, il s'est depuis fait beaucoup d'amis. Et sa étendard si immédiatement reconnaissable n'a pas dû nuire, en l'occurrence. Si j'osais, j'ose !, je dirais que c'est ce qu'on appelle un album de légende... Que dis-je ?, L'ALBUM DE LEGENDE ! Indéniablement, après le cru 1967 des Beatles, un grand cru qui vieillit admirablement bien, rien ne sera plus jamais pareil. Obligatoire.

1. Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band 2:02
2. With a Little Help from My Friends 2:44
3. Lucy in the Sky with Diamonds 3:28
4. Getting Better 2:48
5. Fixing a Hole 2:36
6. She's Leaving Home 3:35
7. Being for the Benefit of Mr. Kite! 2:37
8. Within You Without You 5:04
9. When I'm Sixty-Four 2:37
10. Lovely Rita 2:42
11. Good Morning Good Morning 2:41
12. Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band (Reprise) 1:19
13. A Day in the Life 5:39

John Lennon – lead, harmony and background vocals; rhythm, acoustic and lead guitars; Hammond organ and final piano E chord; harmonica, tape loops, sound effects, and comb and tissue paper; handclaps, tambourine and maracas
Paul McCartney – lead, harmony and background vocals; bass and lead guitars; electric and acoustic pianos, Lowrey and Hammond organs; handclaps; vocalisations, tape loops, sound effects, and comb and tissue paper
George Harrison – harmony and background vocals; lead, rhythm and acoustic guitars; sitar; tamboura; harmonica and kazoo; handclaps and maracas; lead vocals on "Within You Without You"
Ringo Starr – drums, congas, tambourine, maracas, handclaps and tubular bells; lead vocals on "With a Little Help from My Friends"; harmonica; final piano E chord
Additional musicians and production
Sounds Incorporated – the saxophone sextet on "Good Morning, Good Morning"
Neil Aspinall – tamboura and harmonica
Geoff Emerick – audio engineering; tape loops and sound effects
Mal Evans – counting, harmonica, alarm clock and final piano E chord
George Martin – producer and mixer; tape loops and sound effects; harpsichord on "Fixing a Hole", harmonium, Lowrey organ and glockenspiel on "Being for the Benefit of Mr. Kite!", Hammond organ on "With a Little Help from My Friends", and piano on "Getting Better" and the piano solo in "Lovely Rita"; final harmonium chord.
Session musicians – four French horns on "Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band": Neill Sanders, James W. Buck, John Burden, Tony Randall, arranged and conducted by Martin and McCartney; string section and harp on "She's Leaving Home", arranged by Mike Leander and conducted by Martin; tabla, dilrubas, tamboura and swarmandal on "Within You Without You", played by members of the Asian Music Circle, with eight violins and four cellos arranged and conducted by Harrison and Martin; clarinet trio on "When I'm Sixty-Four": Robert Burns, Henry MacKenzie, Frank Reidy, arranged and conducted by Martin and McCartney; saxophones on "Good Morning, Good Morning", arranged and conducted by Martin and Lennon; and forty-piece orchestra, including strings, brass, woodwinds and percussion on "A Day in the Life", arranged by Martin, Lennon and McCartney and conducted by Martin and McCartney.

THE BEATLES

SouL au CœuR
Otis Redding "Pain in My Heart" (1964)
ou "Otis première"

Ha, Otis ! Dès les débuts, il a quelque chose de plus, quelque chose dont va vous parler Maniac Blues du webzine Forces Parallèles :
"La genèse du premier album d’Otis Redding retrace tout un pan passionnant de l’histoire de la musique soul et du label Stax. Tout commence réellement en octobre 1962 : Otis Redding, illustre inconnu, fait le chauffeur pour Johnny Jenkins & The Pinetoppers, le groupe d’un ami qui se rend à une séance d’enregistrement organisée à Memphis dans les studios de Stax. Au cours de cette session, Johnny Jenkins ne produit rien de très convaincant ; Otis Redding propose alors en dernier recours d’interpréter une de ses compositions. Personne n’y voit d’inconvénient ; on laisse alors au jeune Otis Redding une opportunité en or d’exprimer son talent. Et quel talent ! Sa voix intense et renversante laisse béat toutes les personnes réunies dans le studio. Sa performance est immédiatement immortalisée. Accompagnés des musiciens maisons de Stax, à savoir le batteur Al Jackson, Steve Cropper au piano, Lewis Steinberg à la basse, auxquels s’est joint Johnny Jenkins à la guitare, Otis Redding signe son premier grand hit : « These Arms of Mine ».
Ainsi naissent les légendes : après des années de galère, un petit coup de pouce du destin finit tôt ou tard par les propulser sur le devant de la scène. La suite de l’histoire est classique : Otis Redding grimpe peu à peu dans les classements pop & R&B, au fur et à mesure que se succèdent les 45 tours. Il se produit même à l’Apollo Theater en novembre 1963, ce qui est synonyme de succès triomphal.
Paru au début de l’année 1964, Pain In My Heart réunit l’ensemble des titres enregistrés en 1962 et 1963. Cet album est un mélange de reprises soul et R&B agrémentées de compositions personnelles. Le chanteur fougueux joue alors en compagnie de la section rythmique des Booker T. & The MGs et de la section de cuivres des Bar-Key’s, les deux groupes incontournable du Memphis Sound du début des années soixante. Otis Redding se frotte aux classiques de ses idoles avec « You Send Me » de Sam Cooke et « Lucille » de Little Richard. Redding idolâtre ces deux artistes pourtant antagonistes. Son style si singulier est né en quelque sorte de la fusion de la rage électrique de Little Richard et de la douceur de Sam Cooke.
Il reprend avec entrain des hits de la soul et du R&B comme l’indémodable « Stand By Me » de Ben E. King, l’excellent « Louie, Louie » de Richard Berry ou encore l’incendiaire « The Dog » de Rufus Thomas, artiste pionnier du label Stax. Sur certaines chansons, la voix de Redding n’est pas encore arrivée tout à fait à maturité : la composition assez convenue « Hey, Hey, Baby » montre qu’il ne s’est pas encore tout à fait libéré de son passé d’imitateur de Little Richard.
En revanche, « These Arms Of Mine », « Pain in My Heart » et « That's What My Heart Needs » s’imposent comme de véritables archétypes de la soul de Redding : sa voix chaude, profonde et mélancolique, nous émeut et préfigure déjà ses futurs chefs-d’œuvre. A l’exception du dépouillé « These Arms of Mine », les cuivres contribuent à embraser l’interprétation fougueuse du prince de la soul. Ils sont utilisés à merveille sur l’étonnant « Security », l'une des meilleures compositions originales de cet album.
Avec Pain In My Heart, Otis Redding exprime déjà avec force son talent. On se laisse facilement charmer par cette succession de ballades profondes et de hits R&B chauffés à blanc. Ce disque met en branle une révolution musicale qui va à terme bouleverser non seulement la face de la musique noire mais aussi celle de la musique populaire américaine.
"
Voilà, c'est comme ça que commencent les légendes... En beauté !

1. Pain in My Heart 2:22
2. The Dog 2:30
3. Stand by Me 2:45
4. Hey Hey Baby 2:15
5. You Send Me 3:10
6. I Need Your Lovin' 2:45
7. These Arms of Mine 2:30
8. Louie Louie 2:05
9. Something is Worrying Me 2:25
10. Security 2:30
11. That's What My Heart Needs 2:35
12. Lucille 2:25

Otis Redding - vocals
Booker T. Jones - keyboards, organ, piano
Isaac Hayes - keyboards, piano
Steve Cropper - guitar, piano
Donald Dunn- bass
Al Jackson, Jr. - drums
Johnny Jenkins - guitar
Lewis Steinberg - bass
Charles Axton - tenor sax
Floyd Newman - baritone sax
Wayne Jackson - trumpet

OTIS REDDING

samedi 26 septembre 2015

70s Progressive Rock (10 ans, 10 albums, Liste D)

Comment ça y a pas que du rock progressif ? Allez, j'avoue, j'élargis un peu le spectre pour cette 4ème liste, pas parce que je manquais de référence (on peut encore aisément cocher chaque année d'un album authentiquement prog rock) mais parce que, dans ces bouillantes 70s, il n'y a pas que le rock qui progresse, cherche de nouvelles pistes pour le bonheur des auditeurs d'alors comme d'aujourd'hui. Ca nous fait une jolie liste qui s'ouvre même à un nouveau territoire, l'italie. Autre chose ? Ha, oui... Enjoie !

1970
Miles Davis "Bitches Brew (remaster)"
ou "Quand Miles progresse... à pas de Géant"

Pour Miles Davis, Bitches Brew est l'accomplissement d'une mue entamée deux petites années plus tôt avec Miles in the Sky, celle d'un homme qui, non content d'avoir déjà participé à l'accouchement du be-bop, d'être le principal géniteur du cool jazz et un de ceux du post-bop, ajoute une référence de plus à sa déjà impressionnante carte de visite avec l'invention d'un mix des possibles compatibles avec sa vision, le jazz rock ou jazz fusion. En gros vous avez affaire au jazzman du siècle en liberté, non plus entouré uniquement de musiciens servant son esthétique mais d'une équipe pluriethnique le poussant dans ses retranchements.
En l'occurrence, c'est du quasiment du même groupe que celui qui a commis le divinement réussi In a Silent Way (pas de côté proto-ambient dans la progression de Miles) que le trompettiste s'entoure puisqu'outre les retraits d'Herbie Hancock et de Tony Williams (le batteur remplacé, par Lenny White et Jack DeJohnette, le pianiste par Larry Young mais seulement sur deux pistes) et que quelques nouveaux noms ont été rajoutés à l'équipe (le clarinettiste Bennie Maupin, les percussionnistes Don Alias et Juma Santos, et même un second bassiste en la personne d'Harvey Brooks), c'est de la même ossature qu'il s'agit. Avec dont une équipe bien rodée, une farouche volonté de tout faire péter aussi, d'exposer son jazz à l'électricité d'un rock qui l'attire de plus en plus, Miles met tous les atouts de son côté et se lance dans les sessions les plus complexes de sa déjà longue carrière. Complexes déjà parce qu'en trois petites journées, du 19 au 21 août 1969, il fallut gérer ce furieux big band, réaliser les compositions qu'elles soient siennes (deux tiers) ou d'autres (le mastodonte Pharaoh's Dance de Zawinul et ses 20 minutes et le solaire Sanctuary de Shorter à seulement 11) dans un cadre où les bœufantes improvisations furent légion. Complexes parce qu'une fois les enregistrements captés, il fallut faire le montage, un collage de petits morceaux pris deci delà avec par exemple, fameux exemple !, un Pharoah's Dance comprenant 19 edits et même de pures montages de studio via des manipulations de bandes, un boulot énorme pour organiser de fous enregistrements en un tout le plus cohérent possible sans, évidemment, perdre la substantifique moelle, ce gracieux oubli de soi de musiciens en plein trip qui est une grande partie du sel de la galette. Le résultat ? Un double opus de bruit et de fureur, dangereusement beau, périlleusement exploratoire où ça joue, de dieu qu'est-ce que ça joue !, souvent de façon débridée, toujours avec âme et passion. Evidemment, il faut s'accrocher, se laisser emporter par ce trip (alors) hors du commun, suivre les instrumentistes dans leurs labyrinthiques déconstructions d'un jazz qui est toujours bel et bien présent mais dans une nouvelle forme où le chaos le conteste à l'harmonie, où l'auditeur est entraîne dans une sorte de grand-huit sonique dont on ne ressort jamais tout à fait indemne.
Bien-sûr, certains ne se priveront pas de faire remarquer qu'en ces finissantes 60s, en ces débutantes septantes, Miles n'était pas seul à explorer dans une direction qui faisait sens avec son époque, que Soft Machine, que Zappa ou ChicagoBlood Sweat & Tears et quelques autres, que même un Grateful Dead ou un Cream en était un peu là dans leur jammesques préoccupations scéniques, étaient même passés avant. Peut-être, mais Bitches Brew va tellement plus loin, est le premier du genre pas un grand du jazz aussi, qu'on lui accordera bien volontiers la primauté.
Album important, excellent opus aussi ne l'oublions pas, Bitches Brew a, 45 ans après sa sortie, pris les belles rides, l'inimitable patine d'un vrai grand classique que tout un chacun se doit de posséder, ce n'est pas plus compliqué que ça et ça fait, l'air de rien, de Miles Davis une figure encore plus imposante et qui n'a pas encore, bonheur !, fini de nous surprendre même s'il a indéniablement abattu la dernière carte majeure de son magistral jeu.

CD 1
1. Pharaoh's Dance 20:04
2. Bitches Brew 26:58
3. Spanish Key 17:31
4. John McLaughlin 4:22

CD 2
1. Miles Runs the Voodoo Down 14:01
2. Sanctuary 10:57
Bonus
3. Spanish Key (alternate take) 10:20
4. John McLaughlin (alternate take) 6:39
5. Miles Runs the Voodoo Down (single edit) 2:49
6. Spanish Key (single edit) 2:49
7. Great Expectations (single edit) 2:41
8. Little Blue Frog (single edit) 2:36

"Bitches Brew", "John McLaughlin", "Sanctuary"
Recorded Columbia Studio B, New York City August 19, 1969
Miles Davis – trumpet
Wayne Shorter – soprano saxophone
Bennie Maupin – bass clarinet
Joe Zawinul – electric piano – Left
Chick Corea – electric piano – Right
John McLaughlin – electric guitar
Dave Holland – bass
Harvey Brooks – electric bass
Lenny White – drum set – Left
Jack DeJohnette – drum set – Right
Don Alias – congas
Juma Santos – shaker, congas

"Miles Runs the Voodoo Down"
Recorded Columbia Studio B, New York City August 20, 1969

Miles Davis – trumpet
Wayne Shorter – soprano saxophone
Bennie Maupin – bass clarinet
Joe Zawinul – electric piano – Left
Chick Corea – electric piano – Right
John McLaughlin – electric guitar
Dave Holland – electric bass
Harvey Brooks – electric bass
Don Alias – drum set – Left
Jack DeJohnette – drum set – Right
Juma Santos – congas

"Spanish Key", "Pharaoh's Dance"
Recorded Columbia Studio B, New York City August 21, 1969

Miles Davis – trumpet
Wayne Shorter – soprano saxophone
Bennie Maupin – bass clarinet
Joe Zawinul – electric piano – Left
Larry Young – electric piano – Center
Chick Corea – electric piano – Right
John McLaughlin – electric guitar
Dave Holland – bass
Harvey Brooks – electric bass
Lenny White – drum set – Left
Jack DeJohnette – drum set – Right
Don Alias – congas
Juma Santos – shaker

MILES DAVIS

1971
Faust "Faust (remaster)"
ou "Première folie"

L'austérité de la pochette ne le laisse sûrement pas deviner, Faust est le plus fou de tous les groupes Kraut. Oui, plus que Can (qui se posent pourtant bien là) ou que Neu! (pas des amateurs dans le domaine), et compagnie (ça pousse au portillon !)...
A croire que Faust a vendu son âme à un Diable rigolard et facétieux qui leur a promis une éternelle fontaine d'inspiration en omettant, le coquin, de leur préciser qu'ils ne trouveraient la beauté que dans le chaos. Et donc dans un succès éternellement confidentiel (culte). Dès ce premier album, dont l'écoute n'est en aucun cas facile, le fol humour de la formation franco-germanique explose sur trois longues plages psychédélico-bizarro-jammesque du plus bel (et vrillant) effet. Alors, certes, ce genre de musique n'est sans doute pas à mettre entre toutes les oreilles. Ceux qui apprécieront y verront un départ en trombe d'une rare créativité et d'une attirante folie.
40 ans plus tard (et depuis leur retour au affaires du milieu des années 90), Faust continue de sortir de bons albums qui contentent une fanbase certes clairsemée mais dévouée à l'extrême.
Sur ce... Bon trip à tous !

1. Why Don't You Eat Carrots? 9:31
2. Meadow Meal 8:02
3. Miss Fortune 16:35

Werner "Zappi" Diermaier - drums
Hans Joachim Irmler - organ
Arnulf Meifert - drums
Jean-Hervé Péron - bass guitar
Rudolf Sosna - guitar, keyboards
Gunter Wüsthoff - synthesiser, saxophone

FAUST

1972
Il Balletto Di Bronzo "Ys"
ou "A l'italienne (1ère partie)"

Ils font, avec PFM, Banco del Mutuo Soccorso, New Trolls, Le Orme, Museo Rosenbach ou Alphataurus, partie de l'explosion progressive italienne initiée par l'énorme succès rencontré par Pawn Hearts de Van der Graaf Generator de l'autre côté des Alpes, virtuoses d'un genre auquel ils se sont récemment initiés (leur cru 70, Sirio 2222 ne l'est que périphériquement), voici Il Balletto di Bronzo et leur chef d'oeuvre, Ys.
Factuellement, c'est d'un concept album dont il s'agit décrivant l'incroyable voyage et disparition du dernier homme sur terre, pourquoi pas. Le sel, évidemment, se trouve ailleurs, plus précisément dans la musique des napolitains qui, ayant abandonné le hard rock psychédélique de leur premier opus, se lance corps et âme, avec l'addition d'un claviériste virtuose à la Keith Emerson (Gianni Leone) et l'arrivée d'un nouveau batteur (Gianchi Stringa) dans un symphonic prog échevelé du plus bel effet. Si tout y commence par une voix féminine rêveuse (Daina Dini) enchainant sur un thème d'orgue assez simple servant d'écrin à une mélodie de chant (par Leone cette fois) assez classique, c'est quand un vent de folie souffle sur le quintet et en particulier sur son virtuose claviériste que l'intérêt s'éveille vraiment. Bonheur !, c'est le cas de la quasi-entièreté de la galette où les musiciens accompagnant l'instrumentiste star (Manzani à la basse, Ajello à la guitare et le précité Stringa à la batterie) un peu, si musicalement dans un tout autre contexte, à la manière de la section rythmique de l'Experience accompagnant les délires de son Jimi Hendrix de vedette. L'effet, particulièrement sur les deux mastodontes de l'album, Introduzione et Epilogo, est celui d'une grosse jam plus ou moins organisée mais totalement jouissive où piano, mellotron, moog, celesta et Hammond, Leone quoi !, ne laissent que miettes au reste de l'équipe. Et ça fonctionne ! Parce que tout ça est extrêmement maîtrisé, glorieusement épique et absolument trippant. Plus incroyable encore, Ys résiste au choc d'écoutes répétées et y gagne même en une cohérence qui, honnêtement, peut vous échapper à la primo-écoute  d'un machin qui, finalement, se tient tout à fait bien et qui, d'éruptions furieuses en calmes angoissés, sait emporter l'auditeur.
Reste à regretter la trop courte carrière de la formation, qui pliera les gaules après ce monumental effort, et à démettre une reformation en trio avec le seul Gianni Leone en membre originel qui, de toute manière, ne débouchera que sur un live (Trys) pas franchement affolant. Or donc, Il Balletto di Bronzo est un authentique "one album Wonder" mais, vu (ou entendu) l'album, quel album !, on aurait mauvaise grâce de se plaindre parce qu'Ys est tout simplement incontournable.

1. Introduzione 15:11
2. Primo incontro 3:27
3. Secondo incontro 3:06
4. Terzo incontro 4:33
5. Epilogo 11:30
Bonus
6. La tua casa comoda 3:46

Gianni Leone - voice, organ, piano, mellotron, moog synth, celesta
Vito Manzari - bass
Gianchi Stringa - drums
Lino Ajello - guitar
Daina Dini - voice

IL BALLETTO DI BRONZO

1973
Premiata Forneria Marconi "Photos of Ghosts (remaster)"
ou "A l'italienne (2nde partie)"

Dans sa version italienne, l'album est de 1972 et s'appelle Per Un Amico, dans sa version anglaise, avec des paroles de Pete Sinfield, parolier chez King Crimson et Emerson Lake & Palmer (par le label desquels l'album est édité) et une sélection légèrement augmentée et retouchée (mix compris), il ne sort qu'en 1973, tentative réussie d'ouvrir PFM à un marché que sa langue maternelle limite, et chef d'œuvre quelque soit sa version, c'est Photos of Ghosts pour celle qui nous intéresse.
Dans les faits, le progressisme symphonico-mélodique de PFM s'apparente à Genesis et plus particulièrement à Camel avec qui ils partagent une qualité à créer des pièces complexes mais abordables où des solistes plus que capables savent ne jamais dépasser la mesure et gardent à l'esprit que c'est avant tout de chansons dont il s'agit. Ainsi dès River of Live (Appena un Po en V.O.) où guitares acoustiques, flûtes, mellotron monumental chœurs raffinés viennent créer une atmosphère à la fois rêveuse et joueuse, le groupe établit-il on style, du Rock Progressif minutieusement arrangé aux effluves patchouli encore bien présentes. Et si, parfois, PFM rocke dur (le début et la fin de Celebration, E Festa en italien, icelui adapté d'une poste de Storia di un Minuto ou, plus loin, Mr. 9 'till 5, adaptation de Generale!, dotée d'une hendrixienne guitare du plus bel effet), riff hard-rockant compris, ce n'est que pour mieux se replier sur de fragiles constructions où, fugitivement, un violon dingue vient nous emporter en une folle ronde (Photos of Ghosts, Per un Amico dans sa version originale) ou dans une de ces pièces "à tiroirs" où chaque partie, arpèges précieux, duo moog/flute, piano classique, s'enchainent avec une fluidité soulignant le talent de composition de cette bande de bouffeurs de spaghettis (Il Blanchetto, seule pièce présentée dans la langue de Dante et l'excellent Promenade the Puzzle, connu comme Geranio sur l'album premier et possédant, seul dans son cas, de sympathiques relents du Yes de la même époque). Excellente sélection, vraiment.
Alors, évidemment, certains viendront reprocher le fort accent italien des voix, petit défaut mineur qui ne m'a, personnellement, jamais dérangé, d'autant que c'est le seul défaut qu'on puisse trouver à une œuvre taquinant salement ses contemporains (il y avait pourtant une belle concurrence en 1973 entre le Selling England by the Pound de Genesis, le Brain Salad Surgery d'ELP ou le Larks' Tongues in Aspic de King Crimson, pour ne citer qu'eux...) c'est dire l'insensé réussite d'un Photos of Ghosts justement passé à la postérité et qu'on s'échange désormais comme la belle trouvaille qu'il demeure pour celles et ceux qui n'ont pas encore eu la chance d'y poser l'oreille, les veinards !

1. River of Life 7:00
2. Celebration 3:53
3. Photos of Ghosts 5:23
4. Old Rain 3:41
5. Il Banchetto 8:36
6. Mr. 9 'till 5 4:11
7. Promenade the Puzzle 7:29

Franco Mussida – vocals, electric & acoustic guitar, 12 string guitar, theorbo, mandocello
Flavio Premoli – spinet, keyboards, Hammond organ, Minimoog, Mellotron, tubular bells, harpsichord, piano, vocals
Mauro Pagani – flute, piccolo, violin, vocals
Giorgio Piazza – bass, vocals
Franz Di Cioccio – drums, percussion, vocals

PREMIATA FORNERIA MARCONI

1974
Renaissance "Turn of the Cards (remaster)"
ou "Symphowoman"

Un peu de douceur dans un monde de brutes, ça a toujours été le programme du Renaissance d'Annie Haslam, formation de rock progressif symphonique d'autant plus mélodique qu'il a le rare avantage d'être une des seules formations des septantes à posséder une vocaliste féminine en lieu et place de l'hurluberlu de service habituel de la formule (qu'on apprécie mais ça fait du bien de changer, parfois).
Il n'en est pas autrement sur Turn of the Cards, leur cinquième album qui, sur les talons d'un Ashes Are Burning déjà glorieusement réussi, creuse le sillon d'une musique ayant la beauté comme valeur cardinale. Il faut dire qu'avec dans leur arsenal la voix angélique d'Annie, ils auraient eu tort de se priver, les londoniens. Dans les faits, c'est avec une formation enfin stabilisée, avec le retour du guitariste Michael Dunford en temps que membre à part entière quand il n'en était plus que le compositeur et un instrumentiste à temps partiel (drôle de formule...), que Renaissance aborde la création d'un opus qui comptera dans leur histoire. Et donc, toujours avec les paroles de Betty Thatcher (ça date depuis Prologue et le groupe en est ravi), on retrouve ces précieux et délicats arpèges, ces pianos d'obédience classique si imposants, ces claviers orchestraux tissant d'excellents climats, ces rythmes qui, contrairement à ceux de leurs condisciples (de Yes à Genesis en passant par Camel), n'heurtent pas le flow des mélodies, et évidemment la voix de la dame Haslam, cerise de choix sur la pâtisserie fine. En chansons, six d'icelles, ça va de l'épique progressif symphonique de Running Hard, Things I Don't Understand et Mother Russia qui, toutes d'excellentes pièces, démontrent qu'on a pas besoin de faire crier les guitares pour pondre une pièce complexe, multiple et dynamique, et encore moins trois ! Ajoutez trois jolies ballades, l'une aux accents folk (I Think of You), les autres orchestrales (Black Flame et Cold Is Being) qui, toutes réussies, offrent de bienvenus pauses dans le déluge néo-classique de leurs voisines complètant ainsi à merveille ce qu'il est convenu de considérer une collection sans la moindre faille.
Certains vous conseillerons Ashes Are Burning, d'autres Scheherazade and Other Stories, tous deux d'excellents albums, ne le nions pas, mon choix d'introduction à l'excellent Renaissance et son rock progressif symphonique d'exception restera ce Turn of the Cards si bien équilibré, si totalement abouti qu'il sera difficile de lui résister.

1. Running Hard 9:36
2. I Think of You 3:08
3. Things I Don't Understand 9:28
4. Black Flame 6:25
5. Cold Is Being 3:02
6. Mother Russia 9:18

Annie Haslam – lead and backing vocals
Michael Dunford – acoustic guitar, backing vocals
Jon Camp – bass, backing vocals
John Tout – keyboards, backing vocals
Terence Sullivan – drums, backing vocals, percussion
&
Jimmy Horowitz
– orchestral arrangements

RENAISSANCE

1975
Maneige "Les Porches (remaster)"
ou "Symphusion"

Leur première réalisation éponyme avait déjà impressionné, audacieux et diablement bien réalisé mélange de jazz fusion et de progressisme symphonique, Les Porches enfoncent le clou de l'immense talent des québécois de Maneige.
Ici, on commence par la pièce de résistance, Les Porches de Notre-Dame composition d'Alain Bergeron, 19 minutes s'articulant en 5 parties où le sextet et son invité (le tromboniste et vocaliste Raoul Duguay) fouraillent une pièce de fusion symphonique pas piquée des vers aux développements aussi passionnant que la virtuosité de chacun des membres de la formation (ce qui n'est pas peu dire). In fine, entre musique de chambre d'aujourd'hui et influences jazz finement immiscées, avec même un court passage chanté ce qui est très inhabituel chez Maneige, Les Porches de Notre-Dame est un extraordinaire titre à l'ambition justifiée par son indubitable réussite. Du coup, ça ne laisse que peu de temps sur la Face A de la cire noire originelle et donc La Grosse Torche, petite virgule orchestrale de moins de deux minutes qui, sans vraiment décevoir, est très loin de valoir le haut-fait qui la précède. Heureusement, viennent Les Aventures de Saxinette et Clarophone, autre mastodonte de la galette avec les quinze grosses minutes où un Maneige particulièrement joueur, nettement plus fusionnant et développant un sens de l'humour musical bienvenu aussi, nous entraine dans une foutraque suite où on ne s'ennuie pas une seule seconde. Last but not least, Chromo et ses quatre courtes minutes conclut la galette dans une ambiance festive qui évoquerait presque Santana si la personnalité si forte du sextet de la Belle Province ne reprenait pas systématiquement le dessus avec ses joutes cuivrées du meilleur effet.
Et voilà, c'est déjà fini ! 40 minutes et puis s'en va, Maneige a accompli l'impossible, faire long sans lasser, amuser sans paroles, être varié sans jamais se perdre, jouer au moins aussi bien que ses équivalents anglais, italiens, allemands ou étatsuniens sans jamais les évoquer trop grossièrement, le tout avec un son d'une clarté et d'une précision qui ferait presque oublier les quarante ans d'âge des Porches... Sont forts ces québécois !

1. Les porches de Notre-Dame 19:15
a) Ouverture, b) Suite I, c) Suite II, d) Suite III, e) Désouverture
2. La grosse torche 1:27
3. Les aventures de Saxinette et Clarophone  15:41
a) Chapitre I, épisode 1, b) Chapitre I, épisode 2, c) Chapitre II, épisode 1, d) Chapitre II, épisode 2, e) Chapitre III
4. Chromo 4:15
a) Chromo part I, b) Chromo part II

Alain Bergeron - keyboards, flute, saxophone
Jérome Langlois - keyboards, guitar, clarinet
Vincent Langlois - keyboards, percussion
Denis Lapierre - acoustic & electric guitars
Yves Léonard - acoustic & electric basses
Paul Picard - percussion, bongos, xylophone
Gilles Schetagne - drums, percussion
&
Raoul Duguay
- vocals, trombone

MANEIGE

1976
Tangerine Dream "Stratosfear (remaster)"
ou "Planants Germains"

Je n'aurais pas fait mieux, aussi, je cède la parole à Dark Panda de chez Nightfall (le webzine) qui va vous introduire une des pièces de résistance de la discographie d'un trio teuton qui aura marqué l'histoire de la musique de trip, Statosfear de Tangerine Dream :
"Plantons immédiatement le décor. Stratosfear est un album saisissant, au vrai sens du terme : il porte en lui, c'est-à-dire dans ses sonorités, une époque particulièrement riche - les années 70 - et un caractère qui en est inhérent - l'expérimentation. Par cet état de fait, l'opus, sorti en 1976, pourrait être devenu caduque compte tenu de son âge. Je vous rassure tout de suite, il n'en est rien. Oui, l'album "sent" à plein nez cette époque où naissent véritablement les synthétiseurs et où le psychédélisme, avec son cortège de drogues et d'onirisme, a envahi l'essentiel de la musique alternative. Mais il résiste au passage du temps, à l'image d'un PINK FLOYD, grâce à un talent unique qui lui permet de s'approprier un public aussi large qu'hétéroclite. La preuve en est son succès, Stratosfear étant à ce jour l'album le plus vendu de TANGERINE DREAM. A l'observation de cette remarque s'agite pourtant le spectre de l'aspect "commercial"... que je balaye d'un revers, reprenant mon exemple de PINK FLOYD : on peut réaliser de très bonnes ventes non pas parce que l'on met de l'eau dans sa musique, mais parce que l'on est irrésistible ! Et je pense personnellement que Stratosfear s'inscrit en droite ligne dans cette seconde catégorie. On retrouve à la barre de cette galette, et ce pour la dernière fois, la première équipe la plus marquante et influente du groupe - qui a connu de nombreux bouleversements de line-up jusqu'à aujourd'hui -, à savoir Edgar Froese, Christoph Franke et Peter Baumann. Le premier, fondateur et encore actuel leader du groupe, a "rythmé" l'album, tandis que le second, Christoph Franke, s'est penché sur sa partie mélodique. Le dernier, Peter Baumann a quant à lui parsemé le travail de ses deux acolytes de ses diverses idées et bruitages. Le tout, hanté et puissant de symbolisme, attire l'attention par ses longues pièces millimétrées et l'univers stellaire qui s'en dégage.
L'album en lui-même, composé de quatre titres, séduit au premier abord par un paradoxe, qui dégage deux de ses principales qualités : il est très court - à peine trente-cinq minutes - mais jouit d'une profondeur musicale immense, rendant éternelles ses possibilités d'écoute. En un minimum de temps, TANGERINE DREAM arrive donc à nous transporter au-delà des frontières terrestres, au sein d'un univers langoureux, sombre, souvent glacé et toujours pénétrant. Il faut dire que les quatre pièces de la galette se partagent de manière à peu près équitable la demi-heure d'écoute, ce qui leur laisse largement le temps de se déployer chacune dans leur thème respectif.
Le premier morceau, éponyme, invite immédiatement au voyage : s'ouvrant sur un délicieux arpège de guitare électrique, elle bascule très vite - mais délicatement - sur un thème électronique au rythme répétitif. Celui-ci insuffle à la musique un caractère frénétique, cependant atténué durant les dix minutes du morceau par le lyrisme de mélancoliques notes synthétiques. Un véritable rêve où d'improbables astres semblent entrer en collision dans une douceur extatique. Le second morceau, « The Big Sleep in Search of Adhes », est le plus court de l'album avec ses quatre minutes standard. Ce qui ne l'empêche pas de transporter l'auditeur, qui pourra apprécier la virtuosité et la pertinence des instruments utilisés : un clavecin vaporeux et inspiré, une basse appuyée teintée d'obscurité, ainsi que les traditionnelles nappes de synthétiseurs, perforées au milieu du morceau par une ligne de clavier dissonante et un éphémère cortège de voix fantomatiques, elles aussi exécutées au piano électronique. L'atmosphère y est plus nuageuse que sur « Stratosfear », renvoyant à un imaginaire aérien cotonneux et bleuté.
"3 am At the Border of the Marsh From Okefenokee", troisième œuvre de Stratosfear, constitue peut-être la pièce la plus intrigante de l'album. Angoissante et névrosée, elle s'inspire d'un paysage de forêt et de tourbe visibles au sein des marais d'Okefenokee, vastes de 1600 kilomètres carrés et s'étendant sur les deux États nord-américains de Géorgie et de Floride. On peut imaginer à quel point cet espace, peuplé de marécages d'eau noire et d'arbres spectraux, a pu animer les trois allemands à l'heure tardive où ils l'ont visiblement arpenté. Dans ce morceau ambiant par définition, les instruments semblent vouloir recréer les sons nocturnes que l'on peut y entendre : en introduction, un clapotis de synthé métronimique pour l'eau vaseuse qui s'égoutte silencieusement, rattrapé par un air fuyant d'harmonica pour les cris des rares habitants du lieu. Le décor ainsi planté, aussi fourmillant que funeste, bascule soudain vers le churrigueresque au travers d'une nappe de brouillard paroxysmique, un brasier de synthétiseur qui pourrait rappeler un lever de soleil mais qui, à trois heures du matin, s'apparenterait plus à la découverte fantasmagorique d'une étendue marécageuse particulièrement obscure et désenchantée. Les notes qui se dégagent de cette vague assourdissante constituent sûrement l'un des thèmes les plus perforants de l'album, voir de toute l'œuvre de TANGERINE DREAM : mélange d'effroi et de tristesse, elles se diffusent aussi nettement que lourdement dans l'atmosphère oppressante du morceau et possèdent cette rare capacité de projeter à l'inconscient de véritables images, à la fois fortes et sensibles. Quatrième et dernier morceau de Stratosfear, "Invisible Limits" a l'avantage d'ouvrir l'album et non de le refermer, ce que sous-entend d'ailleurs son titre : plusieurs instruments font leur (ré)apparition, comme la guitare électrique, la batterie et le piano traditionnel, montrant à l'auditeur la diversité de registres de TANGERINE DREAM et, par là, l'inachèvement de sa quête musicale. Tout est dit par cette pléthore d'instruments, desquels TANGERINE DREAM sort les tripes avec fureur ou volupté durant tout le morceau.
Stratosfear apparait ainsi comme l'un des albums les plus aboutis du trio allemand, du moins jusqu'à Cyclone et l'apparition éphémère du chant - salvateur et d'une rare justesse, contrairement à ce que beaucoup pensent - dans leur musique. De la première à la dernière note, TANGERINE DREAM est comme d'habitude hanté par le désir précieux et précis de faire voyager son auditeur, au-delà du ciel et de la terre, dans un magma de sonorités toutes plus fines et gracieuses les unes que les autres. Leur musique se vit comme une odyssée, un voyage long et déstructurant aux confins de la musique électronique et alternative. On vibre au moindre bruissement des instruments (cette note de guitare électrique divinement saturée à 7m44s, sur "Stratosfear") on s'émerveille des ambiances souvent épiques tissées grâce aux synthétiseurs (le thème transpirant de solennité au milieu de "3 am At the Border of the Marsh From Okefenokee") et on frémit de curiosité à chaque changement de rythme (les trois constructions musicales distinctes mais parfaitement orchestrées d'"Invisible Limits"). Nul doute, la beauté triste a depuis 1976 un nom et un symbole : Stratosfear de TANGERINE DREAM. "
C'est dit et bien dit !

1. Stratosfear 10:04
2. The Big Sleep in Search of Hades 4:45
3. 3 A.M. at the Border of the Marsh From Okefenokee 8:10
4. Invisible Limits 11:40

Edgar Froese – Moog synthesizer, Mellotron, guitars, 12-string guitar, grand piano, bass guitar, mouth organ
Peter Baumann – Moog synthesizer, Mellotron, Project Electronic Rhythm Computer, Fender electric piano
Christopher Franke – Moog synthesizer, Birotron, organ, percussion, harpsichord

TANGERINE DREAM

1977
Kraftwerk "Trans-Europe Express (remaster)"
ou "Electroprogression"

A mater les gueules de premiers communiants des 4 teutons on pourrait croire qu'on a affaire à de la pop chrétienne ou autre ringarderie crétine du genre... Si on ne connait pas Kraftwerk, qui n'en sont plus alors à leurs premiers coups d'éclat, bien sûr. Coup de bol parce qu'un visuel pareil pour un premier album, c'eût été la cata assurée.
Au lieu de ça, Trans-Europe Express, sixième album des quatre de Düsseldorf, loin des explorations art-rock des trois premiers albums du début des années 70, est l'archétypale réussite d'une approche toute électronique entamée avec Autobahn (1974), qui tiendra le monde en haleine jusqu'au début des années 80 (Computer World, 1981) avant de se voir rattrapé par l'actualité et d'y perdre son particularisme, son unicité. Présentement, tout va encore très bien et Kraftwerk, fermement mené par la paire Ralf Hütter/Florian Schneider, produit une musique électronique jamais aussi abordable et mélodique qu'ici. Et tubesque avec un Showroom Dummies, un Trans-Europe Express ou un Metal on Metal/Abzug (ici séparés) et leur irrésistibles hooks dont les échos s'entendent jusque dans l'électro-pop et la dance music d'aujourd'hui, et un petit tour de force avec l'hommage à Franz Schubert, etc.
Etc. parce que tout l'album est un tour de force de mélodie et de minimalisme et, osons !, le sommet de l'aeuvre de Kraftwerk qui n'en manque pourtant pas. Alors, évidemment, il y a la pochette repoussoir (heureusement masquée dans l'édition remasterisée de 2009 ici commentée), c'est bien le seul défaut d'un album sans faille d'une formation alors au sommet de son art.

1. Europe Endless 9:40
2. The Hall of Mirrors 7:56
3. Showroom Dummies 6:15
4. Trans-Europe Express 6:52
5. Metal on Metal 2:11
6. Abzug 4:54
7. Franz Schubert 4:26
8. Endless Endless 0:55

Ralf Hütter - voice, synthesizer, orchestron, synthanorma-sequenzer, electronics, producer
Florian Schneider - voice, vocoder, votrax, synthesizer, electronics, producer
Karl Bartos - electronic percussion
Wolfgang Flür - electronic percussion

KRAFTWERK

1978
U.K. "U.K."
ou "Supergroupe"

Quelle drôle d'idée est passée par la tête des deux ex-King Crimson John Wetton et Bill Bruford quand il décidèrent  de choisir chacun un musicien pour enfin compléter un vieux projet commun remontant à 1976, Bruford convoquant son partenaire de Bruford (le groupe), le guitariste Allan Holdsworth, qui avait auparavant frayé avec Soft Machine, Tony Williams et Gong, excusez du peu !, tandis Wetton misait sur Eddie Jobson, connu pour ses exactions avec Roxy Music et, présentement, "volé" au groupe de Frank Zappa, que pensaient-ils obtenir d'une formation aussi artificiellement assemblée ? Une sacré galette de progressisme fusionnant et modernisé, enfin !
Mais avec de vraies chansons alors parce que, déjà, les prémices de ce que Wetton tentera d'accomplir ensuite, une parfaite fusion de progressisme et de rock FM (avec Asia) sont déjà bien présents dès un In the Dead of Night au refrain d'une radiophonique efficacité. Mas comme il y a les rythmes particuliers de Bruford, la guitare admirablement contenue et émotionnelle d'Holdsworth, et les gris gris d'un Jobson aux multiples talents, ça passe comme une lettre à la poste. Ca passe encore mieux quand, semblant vouloir faire une de ces ballades "à la King Crimson" qui fonctionnenent tellement mieux, les compères font dans le nuancé et la finesse sur un beau By the Light of Day, parfait pendant planant à son explosif devancier permettant, qui plus est, à Jobson de sortir son doux violon pour un solo dont il a le secret. Et que dire de la pièce de conclusion de la trilogie d'ouverture, Presto Vivace and Reprise, si ce n'est que cette sorte de Gentle-Gianterie, clavier psychotique, polyrythmies passionnantes,  cassure harmonieuses (oui !) et évidemment rappel mélodique de l'ouverture pour un final tonitruant sinon qu'elle vous laisse avec un de ces petits sourires idiots fiché sur la face parce que c'est tout de même très bon, tout ça. La suite est à l'avenant de ce spectaculaire début avec un beau et long Thirty Years, 8 minutes tout de même, où un Holdsworth déchainé et inspiré s'en donne à cœur joie, un Alaska en deux parties dont on préfère nettement le dynamisme d'une deuxième partie ébouriffante transitant vers le costaud Time to Kill (encore du pré-Asia qui gagne à l'énergie et à une belle section solo, cette fois) qu'une première nappée de synthétiseurs seuls où, franchement, on peine à garder son intérêt. Puis vient Nevermore, une intro de guitare acoustique de haute volée (ha ! Allan !), quelques nappes de synthés en lien vers le développement d'une composition évoquant fortement ce qu'on image que King Crimson aurait commis avec une équivalente formation, et c'est bon, qu'Est-ce que c'est bon !, parce qu'évidemment, la comparaison avec le navire amiral de l'éminence grise Fripp était un compliment. Après ça, Mental Medication parait presque normal parce que, mélodiquement plus direct, et reprenant certains des "tours" dont le groupe a auparavant fait montre (comme ces petites explosions fusionnantes), il étonne moins. Mais, bien-sûr, avec de pareils musiciens, dans un contexte créatif aussi favorable, il y a de nombreuses raisons de ce contenter d'un final pas exactement en fanfare mais d'une fort belle qualité tout de même notamment dans les interventions solistes d'Holdworth guitariste électrique d'exception et de Jobson qui le taquine sérieusement avec son électro-violon.
Bon, côté obscur de la force, on admettra que certains sons de synthétiseurs (les 80s ne sont plus loin !) n'ont pas exactement bien vieilli (l'intro de Thirty Years m'en est témoin) et que certains "trucs" de productions, des effets inutiles sur la belle voix de Wetton, un côté un peu clinique dans une mise en son manquant un peu de chaleur viennent un tout petit peu tâcher la belle copie sinon sans faute de musiciens qui modernisent un rock progressif qu'ils ont participé à enfanter sur un album efficace, gracieux où virtuosité et mélodie ne se séparent jamais, une vraie belle réussite, quoi !
Ceci dit, il était écrit que ça ne pouvait pas durer, qu'un aussi beau miracle ne pouvait pas se répéter, et si un deuxième album d'U.K. il y eut, Danger Money un an plus tard, c'est sans Bruford et Holdsworth que l'affaire se fit avec un résultat, comment dire ?, pas exactement indigne parce que Jobson et Wetton y font de l'excellent travail et que le batteur choisi, Terry Bozzio (de chez Zappa si vous ne le saviez pas) est un vraie pointure du badaboum technique, mais loin, très loin des sommets atteints par l'impeccable éponyme, un album que j'ai récemment redécouvert, après l'avoir un peu hâtivement démis dans ma jeunesse, et qui, croyez-moi, mérite qu'on s'y (re)penche et examine en détail les moult merveilles qui y figurent.

1. In the Dead of Night 5:38
2. By the Light of Day 4:32
3. Presto Vivace and Reprise 2:58
4. Thirty Years 8:05
5. Alaska 4:45
6. Time to Kill 4:55
7. Nevermore 8:09
8. Mental Medication 7:26

Allan Holdsworth – guitar
Eddie Jobson – keyboards, electric violin, electronics
John Wetton – bass, lead and backing vocals
Bill Bruford – drums, percussion

U.K.

1979
Frank Zappa "Joe's Garage (remaster)"
ou "Rions un peu en attendant la mort..."

Pour conclure en beauté avec un artiste jusqu'alors cruellement absent de la série, sans doute parce que j'ai toujours eu beaucoup de mal à appréhender en mots la folie de son oeuvre, je vous propose le dernier chef d'œuvre de la carrière de Frank Zappa, l'énorme Joe's Garage présentement introduit par Simon P. sur XSilence.net :
"Écouter du Zappa, c'est regarder la montagne après être arrivé crevé en haut de la colline. Joe's Garage en est une belle représentation : comment un homme, qu'il s'appelle Zappa ou non, a-t-il pu nous pondre un tel opéra, mélangeant toute la subtilité et la rigueur de ses compositions à un humour gras, absurde, malin, en un mot énorme?
Zappa nous donne la réponse dans "Packard Goose" : "Music is the best". Music is the best, évidemment. Ce n'est ni nouveau ni étonnant, c'est ce que se sont probablement dit Bach, Mozart, Beethoven, Chopin ou Dvorak : la musique est le plus vieux des arts, le plus fascinant et le plus immortel. Le plus grand apport de Zappa à la musique est, selon moi, d'avoir transposé le talent, la passion et le travail acharné des compositeurs du passé dans la musique populaire du XXè siècle. Ca vous fait rêver non? Moi aussi ça me faisait rêver, jusqu'à ce que je découvre Frank Zappa.
Il est temps de parler de l'œuvre, Joe's Garage. Rock opéra certes, mais pas de ces Tommy ou Wall qui nous content tous les malheurs de la société de leur époque : Joe's Garage c'est avant tout l'histoire comique de Joe, personnage comique qui tente de jouer de la musique (comique?) dans un monde absurde peuplé de "Catholic Girls" et de concours de tee-shirt mouillés. Rock opéra divisé en trois Actes : le premier raconte comment Joe est progressivement contrôlé par le Central Scrutinizer (Big Brother ridicule) après avoir tenté de monter un groupe de rock avec Warren (membre du line-up du vrai groupe) et Larry. Le deuxième nous montre comment il tente de draguer un robot et pourquoi il finit en prison avec des hommes du monde de la musique... Je vous laisse la surprise pour le troisième. De toute façon, tous ont le mérite de comporter plusieurs histoires à la fois, pour la plupart totalement loufoques. L'album pourrait également être décrit comme une source inépuisable de phrases musicales inoubliables (Why Does it Hurt When I Pee?), un remake zappaïen d'une grande quantité de genre musicaux (gospel sur "Dong Work For Yuda", disco sur "Stick it Out"...)... Mais comment raconter avec des mots le bonheur éprouvé en compagnie de Joe, Mary, et le Central Scrutinizer ? Comment vous convaincre que Packard Goose a l'un des meilleurs refrains de tous les temps, tout comme sa fin proprement géniale qui s'enchaîne avec le merveilleux Watermelon In Easter Hay? Pourquoi tenter de démontrer qu'on ne peut s'empêcher de claquer des doigts sur "Dong Work For Yuda", avoir des pensées peu catholiques sur "Fembot In A Wet T-Shirt" ou "Catholic girls" ou imaginer ce qui se passe dans le génial "Stick It Out" ?
Pour reprendre la comparaison du début, disons que Zappa est désormais une chaîne de montagne grimpant à des hauteurs spatiales, que Joe's Garage en est l'un de plus hauts monts, et qu'il n'est pas près de s'effondrer tant que de fidèles fans continueront à danser follement et à chanter faux tout autour du pied du mont.
"

CD 1
Act I
1. The Central Scrutinizer 3:28
2. Joe's Garage 6:10
3. Catholic Girls 4:26
4. Crew Slut 6:31
5. Fembot in a Wet T-Shirt 4:45
6. On the Bus 4:19
7. Why Does It Hurt When I Pee? 2:36
8. Lucille Has Messed My Mind Up 7:17
9. Scrutinizer Postlude 1:34
Act II
10. A Token of My Extreme 5:30
11. Stick It Out 4:34
12. Sy Borg 8:56

CD 2
1. Dong Work for Yuda 5:03
2. Keep It Greasey 8:22
3. Outside Now 5:50
Act III
4. He Used to Cut the Grass 8:35
5. Packard Goose 11:34
6. Watermelon in Easter Hay 9:09
7. A Little Green Rosetta 8:15

The Musicians
Frank Zappa – lead guitar, vocals
Warren Cuccurullo – rhythm guitar, vocals
Denny Walley – slide guitar, vocals
Ike Willis – lead vocals
Peter Wolf – keyboards
Tommy Mars – keyboards
Arthur Barrow – bass, guitar (on "Joe's Garage"), vocals
Patrick O'Hearn – bass on "Outside Now" and "He Used to Cut the Grass"
Ed Mann – percussion, vocals
Vinnie Colaiuta – drums, combustible vapors, optometric abandon
Jeff Hollie – tenor sax
Earle Dumler – baritone sax
Bill Nugent – bass sax
Dale Bozzio – vocals
Al Malkin – vocals
Craig Steward – harmonica

The Cast
Frank Zappa – Central Scrutinizer, Larry, L. Ron Hoover, Father Riley & Buddy Jones
Ike Willis – Joe
Dale Bozzio – Mary
Denny Walley – Mrs. Borg
Al Malkin – Officer Butzis
Warren Cuccurullo & Ed Mann – Sy Borg
Terry Bozzio – Bald-Headed John
The Utility Muffin Research Kitchen ChorusAl Malkin, Warren Cucurullo, Dale Bozzio, Geordie Hormel, Barbara Issak & most of the people who work at Village Recorders

FRANK ZAPPA