dimanche 28 août 2016

L’Été Mange-Disques - 7 à Trois

On peut partir en virée collective, avec toute une bande de potes, c'est parfait pour faire les zouaves. On peut aussi ne partir qu'avec des gens dont on est sûr, des amis avec qui l'on sait qu'un coup dur deviendra une aventure, qu'une déception deviendra une bonne raison d'encore resserrer les liens. Hé bien en musique c'est exactement pareil !, il y a ceux qui font ça avec une équipe pléthorique, d'autre qui vont à l'essentiel et, pour ça, être à trois est bien suffisant, comme la sélection qui suit  va tenter de le démontrer. Enjoie !

DiMaNCHe
Venom "At War With Satan" (1984)
ou "Messe Noire"

En 1984, tout a changé ! Venom n'est plus le plus méchant de tous, d'autres formations contestent sérieusement le titre qu'elles viennent du reste de l'Europe, des Amériques ou d'ailleurs, ça s'énerve de partout !
A ça, Venom répond avec son ultime, et sans doute plus belle, provocation : commettre toute une face de leur nouvel album à leur pièce la plus ridiculement ambitieuse, At War with Satan et ses 20 minutes rappelant l'heure des dinosaures progressifs des années 70. Démesurée, l'ambition ? Oui, et non. Oui, parce que tout ça est un peu gauche, que les musiciens, qui ont pourtant notablement progressé depuis leurs premiers faits-d'armes, n'ont pas exactement les munitions techniques et compositionnelles pour parvenir à leurs fins. Non, parce que ça pulse encore, que les bestiau, même un peu claudiquant, parvient à passer la ligne d'arrivée avec les honneurs. Non aussi parce que le texte de Conrad Lant (aka Cronos) est plutôt moins idiot que la moyenne des exercices du genre. Non, enfin, parce que cette gaucherie, finalement, contribue au charme un poil naïf de la pièce.
Le reste de l'album, l'autre face du 33t, est d'un classicisme Venomien intégral, mais bien foutu et encore un peu mieux joué que sur leur second, Black Metal, et donc nettement mieux que sur leur premier, le primitif Welcome To Hell.
En remaster, en plus, il y a des incontournables, de l'excellence pour qui aime son Motörhead (l'influence majuscule de Cronos & Co) primaire, barbare et agressif : Warhead, Lady Lust, Seven Gates of Hell, Manitou... stop, la coupe est pleine, énorme !
A choisir ? At War with Satan est devenu mon Venom préféré. De temps en temps, pas tous les jours !, ça fait un bien fou.

1. At War with Satan 19:57
2. Rip Ride 3:09
3. Genocide 2:59
4. Cry Wolf 4:19
5. Stand Up (And Be Counted) 3:32
6. Women, Leather and Hell 3:21
7. Aaaaaarrghh 2:25
Bonus
8. At War with Satan (TV Adverts) 1:04
9. Warhead (12" version) 3:40
10. Lady Lust (12" version) 2.48
11. The Seven Gates of Hell (12" version) 5:28
12. Manitou (12" version) 4:42
13. Woman (12" version) 2:56
14. Dead of the Night (12" version) 4:09
15. Manitou (Abbey Road uncut mix) 4:49

Conrad "Cronos" Lant - bass guitar, vocals
Jeffrey "Mantas" Dunn - guitar
Tony "Abaddon" Bray - drums

VENOM

LuNDi
Therapy? "Troublegum" (1994)
ou "Punky Rocky Irish"

Déjà une figure reconnue de l'underground, Therapy?, formation irlandaise d'indie punk, trouve en 1994 un nouveau public, un plus grand public... En retouchant largement leur formule.
Sur Troublegum, le bordel punk'n'noise des premiers ébats est oublié, les tentations péri-industrielles de Nurse itou, c'est recentré sur un punk lardé de mélodies accrocheuses que le trio, mené par son chanteur/guitariste et compositeur de leader, Andy Cairns à la moustache déjà triomphante, va conquérir les foules qui, jusqu'alors, ne se pressaient pas dans ses raouts électriques.
Pour ce faire, Cairns et ses acolytes ont réuni 14 compositions rentre-dedans qui, souvent délivrées pied au plancher, satisfont les ardeurs juvéniles pogoistiques de jeunes désœuvrés. Nowhere, single implacable et impeccable, est le parfait étendard de cette redéfinition, et une sacrée composition, pleine de fun et d'allant sur des paroles, moins, quoi. Parce qu'il ne faudrait pas croire que ces petits gars comptent fleurette, que nenni, et la présence d'une (bonne) reprise de Joy Division (Isolation) n'est pas un hasard, entre crise, violence et injustice, leur coupe est plus que pleine de griefs personnels ou sociétaux.
Tout ça nous donne un album énergique, loin d'être idiot, d'une redoutable efficacité aussi qui, 20 ans après sa sortie, a très bien vieilli. On a appelle ça un classique, non ? Mineur ou majeur, à vous de voir... Recommandé, en tout cas, si vous ne l'avez pas déjà croisé.

1. Knives 1:55
2. Screamager 2:36
3. Hellbelly 3:21
4. Stop It You're Killing Me 3:50
5. Nowhere 2:26
6. Die Laughing 2:48
7. Unbeliever 3:28
8. Trigger Inside 3:56
9. Lunacy Booth 3:55
10. Isolation 3:10
11. Turn 3:50
12. Femtex 3:14
13. Unrequited 3:03
14. Brainsaw 3:58

Andy Cairns - vocals/guitar
Fyfe Ewing - drums/backing vocals
Michael McKeegan - bass/backing vocals
&
Page Hamilton
- lead guitar on "Unbeliever"
Lesley Rankine - additional vocals on "Lunacy Booth"
Martin McCarrick - cello on "Unrequited"
Eileen Rose - additional vocals on "Femtex"

THERAPY?

MaRDi
Dada "El Subliminoso" (1996)
ou "Calif' à la place du Calif'"

Ce trio-là a quelque chose de magique, une alchimie qui perdure par delà les ans, un son à la fois classique et unique. El Subliminoso est leur troisième album studio (sur 5 seulement) et pas le moins intéressant même si Puzzle, leur tout premier, restera à jamais leur plus connu. Voici Dada.
Musicalement, ils font partie de la ligne claire du rock alternatif étasunien, plus dans la tradition d'un R.E.M. , donc, que dans les excès électriques des petit grungers alors en plein boum. Mais en plus Dada est un trio, un vrai, avec deux de ses membres, le guitariste Michael Gurley et le bassiste Joie Calio, partageant le chant, et un batteur, Phil Leavitt, capable de pleins de petits trucs en plus de soutenir ses deux partenaires aux chœurs. Ha oui, parce que Dada, un peu comme The Police en fait, sont aussi d'excellents musiciens, de ceux qui ne se sentent pas obliger d'en faire sans cesse la démonstration trop occupé qu'ils sont à jouer des CHANSONS. Et il y en a un sacré paquet ici pour démontrer cet état de fait qu'elle penchent du côté roots (l'émouvant A Trip with My Dad), prennent de la hauteur (au moins musicalement sur l'éthéré Bob the Drummer), ou sont simplement d'excellents exemples d'une saine et encore juvénile énergie (le joyeux abattage de Sick in Santorini). Comme en plus le tout est cohérent et idéalement mis en son, Dada s'y approche de son exploit originel (ce qui n'est pas rien, vous pouvez me croire).
Dada n'est pas devenu un grand nom, c'était cependant un impeccable combo, que j'ai eu la chance de voir au Passage du Nord Ouest parisien lors de leur seule venue dans l'hexagone, où ils avaient été flamboyants. Je vous recommande El Subliminoso, album malin et accrocheur d'un trio qui avait tout mais n'aboutit pas à grand chose, l'histoire a beau être connue, rabâchée, elle n'en est pas moins symptomatique des grand gâchis de l'histoire du rock'n'roll.

1. Time Is Your Friend 5:05
2. Sick In Santorini 3:35
3. Bob The Drummer 5:32
4. I Get High 4:57
5. The Spirit Of 2009 5:54
6. Star You Are 4:18
7. A Trip With My Dad 4:43
8. You Won't Know Me 4:30
9. Rise 4:51
10. No One 3:32
11. The Fleecing Of America 5:08
12. Hollow Man 4:38

Michael Gurley - vocals, guitar
Joie Calio - bass, vocals
Phil Leavitt - drums, vocals

DADA

MeRCReDi
Grand Magus "Grand Magus" (2001)
ou "Doom à Trois"

S'ils deviendront bientôt un groupe de heavy metal "normal", Grand Magus n'en sont pas encore là sur leur long-jeu originel, un éponyme qui doit beaucoup à Black Sabbath mais pas seulement.
Formé par l'alors vocaliste des excellents Spiritual Beggars, JB Christofferson, qui depuis se concentre sur ce seul projet, Grand Magus n'est pas tout à fait un groupe de Doom comme les autres, en tout cas pas sur ce premier album où des influences "hors-cadre" viennent régulièrement poindre et épicer la mixture Black-Sabbatho-compatible de flaveurs bienvenues héritées, en particulier, de formations telles que Soundgarden ou Alice in Chains.
Évidemment, à l'énoncé d'une pareille doublette grunge, les orthodoxes du genre feront grise mine, évoqueront l'absence de pureté de la mixture. Ils ont tort ! Et il y a 10 façons (12 sur la présente réédition) de le prouver, autant que d'excellentes chansons y figurant. Parce que la patte harmonique de Christofferson est bel et bien ce qui fait la différence ici, d'autant plus que c'est lui, JB, qui est en charge de deux composantes mélodiques du groupe (chant et guitare).
Alors, oui, il y a tout ce qui fait un bon album de Doom Metal sur ce Grand Magus originel, de gros riffs qui tuent, une vitesse jamais trop excessive servant la majesté des mélodies, un abattage rythmique de qualité forcément, et même quelques notes de mellotron et quelques décrochages plus psyché-bluesy nous rappelant que, fondamentalement, ce genre appartient aux douces années 70, en un beau rejeton. Avec donc, en bonus, une faconde influencée par le meilleur du Grunge Metal, par la crème d'une scène qui mit Seattle au centre de la carte musicale, un bonus tout à fait compatible avec le style pratiqué, lui donnant un petit côté stoner pas désagréable du tout, addictif même.
Depuis, Grand Magus s'est largement normalisé, jusqu'à devenir une sorte de groupe de Heavy Metal où quelques restes d'un passé désormais révolu sont, parfois, remis en lumière. Plus tout à fait le groupe de ce délicieux premier cri, on le regrette parce que, boudiou !, qu'est-ce que c'était bon !

1. Gauntlet 3:48
2. Legion 3:54
3. Never Learned 4:48
4. Black Hound of Vengeance 5:00
5. Coat of Arms 3:34
6. Generator 5:32
7. Wheel of Time 5:24
8. Lodbrok 4:13
9. Black Hole 5:00
10. Mountain of Power 5:54 

Fox Skinner - bass, backing vocals
JB Christoffersson - lead vocals, guitars
Fredrik Liefvendahl - drums
&
Fred Estby
- mellotron

GRAND MAGUS

JeuDi
NoMeansNo "All Roads Lead to Ausfahrt" (2006)
ou "Canadian Punk... with a brain"

Ils ont trente-cinq ans d'activité et n'étaient déjà pas bien jeunes quand ils ont lancé leur grande aventure de petit trio. Trente-cinq ans, donc, à pousser le punk rock dans ses retranchements, à lui donner des atours tantôt jazzés, tantôt mathématiques et souvent très drôles, aussi. Vraiment, NoMeansNo est un étrange animal.
Sorti en 2006, All Roads Lead to Ausfahrt, pour le moment toujours leur dernier en date, ça commence à dater !, est le 12ème album de ces canadiens pas comme les autres. Toujours mené par les frères Wright, qui ne ressemblent toujours à rien avec leurs tronches d'employés municipaux vieillissants, toujours avec en 3ème larron Tom Holliston, qui n'est pas beaucoup plus jeune ce qui est normal vu que ça dure depuis 1993, NoMeansNo ne dévie pas d'un iota de l'esthétique et du style qui a fait sa "gloire" (son culte, au moins...) depuis l'immense Wrong. C'est la première bonne nouvelle, qu'une formation pourtant ancienne puisse aussi admirablement, et avec une aussi belle consistance, tenir le niveau, tourner autour de son style, de son son, sans l'user jusqu'à la corde, un style qui, il faut le dire, a plus de variables d'ajustements, du progressif à la grosse colère, que, mettons, celui d'AC/DC. On retrouve donc, avec plaisir !, ce punk rock libre, instrumentalement très au point, sachant aussi bien produire de courts assauts que des pièces plus développées et exploratoires (registre d'ailleurs un peu moins fourni que la plupart des références du catalogue NoMeansNo). Un punk rock angulaire et presque progressif (ce n'est pas un gros mot !) souvent taxé d'être une influence majeure dans le développement du math rock et ses déviances, un punk rock de faux primitifs en fait très roués à leur exercice qu'il maîtrisent à la perfection. Pas très original ? Pour NoMeansNo, vous avez raison, dans l'absolu, on reste quelques très franches coudées au-delà de ce qu'il est convenu d'appeler du punk "normal".
All Roads Lead to Ausfahrt ? L'album de trois mabouls qui peuvent traiter de tout avec un certain détachement (faudrait pas croire que leur fantaisie cache une crasse passivité) et une énorme conviction en plus d'un esprit musical sans cesse renouvelé. En un mot ? Un exploit.

1. Wake Up 2:35
2. In Her Eyes 3:28
3. Mr. in Between 3:17
4. I See a Mansion in the Sky 6:31
5. Ashes 3:31
6. So Low 2:17
7. Faith 4:33
8. Heaven Is the Dust Beneath My Shoes 7:18
9. Mondo Nihilissimo 2000 2:41
10. The Hawk Killed the Punk 2:56
11. I'm Dreaming and I Can't Wake Up 3:56
12. 'Til I Die 3:33
13. Slugs Are Burning 3:00
14. The Future Is a Past 3:27

Rob Wright - bass, vocals, guitar
John Wright - drums, vocals, keyboards
Tom Holliston - guitar, vocals

NOMEANSNO

VeNDReDi
DeWolff "Strange Fruits and Undiscovered Plants" (2009)
ou "Sweet Revival"

Trois bataves qui proposent de vous embarquer dans leur machine à remonter le temps psychédélique vers 1967/72, ça vous tente ? C'est, en résumé, ce qu'on pourrait dire du cru 2009 de DeWolff, un album d'un autre temps par trois jeune-gens pourtant bien de leur époque. Étrange...
Parce qu'on y retrouve tout, sur cet album, tout ce qui fit le charme d'une certaine esthétique psyché mâtinée de sueur proto-hardeuse, d'un blues virant vers les substances psychotropes, d'une transe un peu plus cuir que flower power. Et dire que, au moment de l'enregistrement, le plus âgé des trois musiciens à réussir ce régressif tour de force avait tout juste 18 ans ! Aux âmes bien nées, la valeur n'attend pas le nombre des années, c'est certainement vrai pour les rejetons de la famille Van Poel (Pablo et Lucas) et leur copain Robin, petits prodiges capables de faire revivre le plus blues'n'rockant des Doors (avec un bon farfisa, ça aide !), de vous balancer des gros riffs plein de fuzz à faire pâlir de jalousie un Blue Cheer circa 1968, avec un guitariste à donner aux Yardbirds des envies de reformation pour compléter leur galaxie (après Clapton, Page et Beck, Pablo Van Poel ça en jetterait !), ou un beau petit cousin des Amboy Dukes de Ted the Nuge, ça marche aussi !, enfin, avec le concours d'une qualité de songwriting bien au-delà de leur jeunes années.
Parce qu'il y a un côté prodige chez ces (encore) illustres inconnus chez nous. D'un Mountain d'ouverture qui rappelerait presque les jeunes années de Deep Purple (Mark I) accouplé au Crazy World d'Arthur Brown, un rock tout en Hammond rugissant, d'un blues paisible et bien trouvé (Medecine), d'un blues où Morrison veille au grain (Desert Night), d'une belle grosse ballade bien trippante (Birth of the Ninth Sun et ses 8 minutes), à un épique Silver Lovemachine (un peu Doors, un peu Purple, un peu Hawkwind, un peu Quicksilver Messenger Service... mais ça se tient !), ou une "acoustic-Stonerie" en petit final sympathique (Leather God, un peu Strokes aussi), il y a moult ébahissements qui saisiront le primo-auditeur, et qui tiennent la distance preuve que ces chansons, au-delà de la "poudre aux yeux" d'une production bourrée d'effets rétro, ont une vraie résistance à l'usure du temps et d'écoutes répétées.
DeWolff ne sont pas encore des stars, peut-être, leur style n'étant pas si commercialement porteur que ça, ne le deviendront-ils d'ailleurs jamais. Mais ils le méritent et offrent avec Strange Fruits and Undiscovered Plants, leur tout premier album (trois autres suivront, tous recommandables), une jolie galette savamment régressive.

1. Mountain 4:40
2. Medicine 4:45
3. Don't You Go Up the Sky 4:28
4. Desert Night 3:00
5. Wicked Moon 3:24
6. Birth of the Ninth Sun 7:59
7. Parloscope 5:09
8. Fire Fills the Sky 4:18
9. Red Sparks of the Morning Dusk 3:35
10. Silver Lovemachine 10:34
11. Leather God 1:55

Pablo van de Poel - vocals, guitar
Luka van de Poel - drums, percussion, siren, backing vocals
Robin Piso - Hammond organ, Fender Rhodes, piano, bass guitar, backing vocals

DEWOLFF

SaMeDi
Myrkur "Myrkur" (2014)
ou "White Lady, Black Noise"

Une petite danoise, un top model en plus !, habituée à l'indie pop qui se lance sous un pseudonyme dans le black metal le plus intéressant du moment ? Les puristes crient à l'arnaque, au gros coup marketing. Ils sont bêtes les puristes.
Pourtant ce sont ces mêmes puristes qui ont fait la naissante réputation du Bergtatt d'Ulver, album dont se rapproche notablement l'EP originel de Myrkur (ténèbre en islandais, un petit goût de Burzum ?). Comme Ulver alors, Myrkur pratique un black metal éthéré, rêveur, contemplatif, un black metal finalement très orthodoxe avec son lot d'obligatoires blast-beats supersoniques, ses riffs "mur du son", ses voix d'outre-tombe, mais un black metal avant tout mélodique, de ceux qui tissent des ambiances, des impressions de forêts de conifères envahies par les neiges, balayées par les blizzards, une beauté froide, distante, elfique dirait-on, qu'on observe d'une respectueuse distance pour ne surtout pas troubler le tableau. A ce petit jeu, un titre s'extrait plus particulièrement du lot, on n'est pas surpris qu'il s'agisse du "teaser" de l'EP, parce que Relapse (le label) n'est pas né de la dernière pluie, Nattens Barn, sommet définitif de l'éponyme de la petite Myrkur (aka Amalie Bruun ? probablement) de son ouverture/fermeture sur des voix vaporeuses à son développement à la froideur désincarné si bien habitée par des riffs finement barbares (ce n'est pas antinomique !) et de voix de souffrance, une magnifique démonstration que la laideur revêt un certain charme, et la douceur sa part d'ombre, d'inquiétude. Ce sommet est d'ailleurs tout à fait représentatif du "modus operandi" compositionnel et donc une parfaite carte de visite d'un EP d'une belle qualité d'ensemble.
On attend maintenant l'album, la confirmation que ce potentiel n'est pas qu'un feu de paille trop vite dispersé par les vents d'une actualité musicale toujours frémissante. Indéniablement, le potentiel est là, une nouvelle voix dans le monde ultra-masculin du Black Metal, une voix crédible, talentueuse, féminine, enfin !

1. Ravnens banner 4:08
2. Frosne vind 1:50
3. Må du brænde i helvede 4:04
4. Latvian fegurð 4:19
5. Dybt i skoven 3:03
6. Nattens barn 5:56
7. Ulvesangen 0:46

Myrkur (Amalie Bruun) - vocals, guitars
Rex Myrnur - drums
Thorleif Storolf - bass

MYRKUR

dimanche 21 août 2016

L’Été Mange-Disques - 7 au Pif

En vacances, il est parfois bon de choisir "au pif" une destination, c'est risqué mais quand ça fonctionne, la surprise est divine. En musique, quand on a un CDthèque qui se respecte, on peut s'amuser au même jeu, promenant le doigt et tirant, au pif !, la sélection de la semaine. Dont acte... Enjoie !

DiMaNCHe
Pigalle "Regards affligés sur la morne et pitoyable existence de Benjamin Tremblay, personnage falot mais ô combien attachant" (1990)
ou "Regards Admiratifs sur la gracieuse et palpitante œuvre de François Hadji-Lazaro, personnage rondelet mais ô combien talentueux"

Le second album de Pigalle. Avec son titre à rallonge, son écriture reliée au quotidien sans perdre un iota de sa qualité littéraire, sa pochette quasi-légendaire (signée Tardi), Regards affligés sur la morne et pitoyable existence de Benjamin Tremblay, personnage falot mais ô combien attachant est le triomphe de François Hadji-Lazaro pourtant également membre/leader des Carayos et des Garçons Bouchers, le triomphe d'une certaine idée de la musique de chez nous, aussi.
Pour qui connaît le parcours de François, un folkeux à l'origine, un amoureux de la chanson réaliste des Mmes Damia, Fréhel et Piaf aussi, ce second album de son Pigalle, parce que s'il y a d'autres musiciens avec lui ils ne sont que de simples exécutants ici, est tout sauf une surprise. Contrairement à ce que son titre pourrait laisser entendre, ce n'est pas d'une histoire, pas d'un concept album dont il s'agit même si une vraie thématique d'ensemble relie toutes les créations en un tout cohérent absolument satisfaisant. Hybride des goûts de son leader, Regards Affligés est donc, avant tout, une fantastique collection de chansons néo-réalistes comme la nouvelle chanson française s'y essaiera quelques années plus tard.
Musicalement, cependant, on est loin de rester uniquement dans ce petit domaine avec de vraies traces du punk du premier album (Dans les Prisons, En bas en haut), de la folk en veux-tu en voilà (Marie la Rouquine, Les Lettres de l'Autoroute, Éternel Salaud, Sophie de Nantes), un vrai bel héritage de la chanson française classique (Dans la Salle du Bar Tabac de la Rue des Martyrs, Chez Rascal et Ronan, Le Chaland, Renaître) et même d'autres choses qu'on n'attendait pas forcément là (l'érotique Une Nuit, le funk camembert d'Angèle, un décrochage "rapoïde" sur Un Petit Paradis) qui viennent agréablement épicer la galette.
Évidemment, sans l'écriture du chef, sans son esprit mélodique, sa voix immédiatement reconnaissable, ses incroyables capacités de multi-instrumentiste, sans les parti-pris de production aussi (pas de batterie, remplacée par une boîte à rythmes qui sévit aussi chez ses Garçons Bouchers), le triomphe n'aurait pas pu être le même. Parce que triomphe il y a dans cette collection de 18 titres où rien n'est à jeter, tout satisfait, entraînant l'auditeur dans une ambiance souvent nostalgique, toujours écorchée vive qui fonctionne au-delà des plus folles espérances d'un Hadji-Lazaro en état de grâce compositionnelle.
Grâce à son emblématique single, Dans la Salle du Bar Tabac de la Rue des Martyrs évidemment, l'album se vendra exceptionnellement bien pour une production indépendante (rappelons que François est encore le boss de son propre label Boucherie Productions), c'est mérité. 25 ans plus tard, déjà !, Regards affligés sur la morne et pitoyable existence de Benjamin Tremblay, personnage falot mais ô combien attachant demeure un incontournable jalon du rock alternatif de chez nous, d'une nouvelle chanson qui n'a plus honte d'assumer son héritage hexagonal. Un triomphe, vous dis-je et une galette éminemment recommandée, tout simplement.

1. Ecris moi 2:53
2. Marie la rouquine 2:17
3. Une nuit 3:01
4. Le tourbillon 2:08
5. Y a l'aventure 1:38
6. Premières fois 1:35
7. Les lettres de l'autoroute 4:37
8. Dans la salle du bar-tabac de la rue des Martyrs 3:02
9. Sophie de Nantes 2:08
10. Éternel salaud 2:56
11. Chez Rascal et Ronan 3:13
12. Dans les prisons 2:03
13. Angèle 1:49
14. En bas, en haut 2:38
15. Le chaland 2:02
16. Un petit paradis 2:28
17. Paris le soir 2:51
18. Renaitre 3:39

François Hadji-Lazaro - accordéon, banjo, basse, claviers, cornemuse, dobro, flûte traversière, guimbarde, guitares, harmonica, mandoline, piccolo, vielle, violon, violoncelle, voix
Riton Mitsouko - basse
Stefff - saxo baryton
Toto - trombone
&
Alain Wampas - contrebasse
Gepetto - saxos soprano, alto et basse, clarinette

PIGALLE (François Hadji-Lazaro)

LuNDi
Kevin Ayers "Bananamour" (1973)
ou "Un amour de fruit"

Toujours un peu poète maudit, toujours un peu l'outsider de service, bien entouré par un line-up "all-star" Kevin Ayers sort en 1973 son 4ème album studio, le très réussi Bananamour. Pas de surprise, Ayers ne faiblit pas et délivre, sans en avoir l'air, un vrai petit classique du rock 70s.
Ici, l'ex-Soft Machine, qui ne contribuât que sur quelques chansons de leur premier album et ne doit donc pas faire peur du fait de ses origines communes avec le chantre du prog-jazz que nous connaissons, livre sa galette la plus accessible jusqu'alors. Aussi, qu'il combine psychédélisme et rhythm 'n' blues (Don't Let It Get You Down), produise un blues acoustique un peu désuet mais délicieusement troussé (Shouting in a Bucket Blues), semble pasticher la soul en version éprise de boisson (When Your Parents Go to Sleep), donne dans un bon gros délire bien réjouissant (Interview), ironise le flower power (la courte chorale d'Internotional Anthem), aille flirter avec de distants territoires (l'Inde sur Decadence), offre une sucrerie acoustique idiote et ravissante (Oh! Wot a Dream), s'engage dans un divin dialogue éthéré (Hymn, avec Robert Wyatt), ou pose sa digne voix sur de belles constructions cuivrées pour un final, de l'album originel, en beau crescendo (Beware of the Dog), Ayers vise toujours juste et atteint, en toute logique, le cœur de l'auditeur. Rajoutez à ça un reggae/ska chelou (Connie on a Rubber Band), un bon rock bien solide mais pas sans finesse ou fantaisie (Take Me to Tahiti) et une amusante chanson d'inspiration caribéenne (Caribbean Moon) en jolis bonus et vous obtiendrez un album varié à l'extrême et pourtant cohérent, un petit chef d'œuvre d'un songwriter trop souvent oublié quand on réfléchit aux grands faiseurs du format chanson dont Kevin Ayers est, définitivement.
Et dire que Bananamour n'est même pas son meilleur, juste le premier qu'on conseillerait parce qu'il fonctionne immédiatement quand d'autres, le super-classique Joy of a Toy en particulier, demande plus d'investissement, plus d'attention. Recommandé comme premier Ayers et à tous ceux qui connaissent Kevin mais l'auraient, irraisonnablement, oublié.

1. Don't Let It Get You Down 4:04
2. Shouting In A Bucket Blues 3:45
3. When Your Parents Go To Sleep 5:47
4. Interview 4:43
5. Internotional Anthem 0:43
6. Decadence 8:05
7. Oh! Wot A Dream 2:48
8. Hymn 4:35
9. Beware Of The Dog 1:27
Bonus
10. Connie On A Rubber Band 2:56
11. Decadence (Early Mix) 6:57
12. Take Me To Tahiti 3:37
13. Caribbean Moon 3:02

Kevin Ayers - Guitar, Vocals
Archie Legget - Bass, harmony vocals, lead vocal on track 3
Eddie Sparrow - Drums
&
Steve Hillage - Lead Guitar on track 2
Mike Ratledge - Organ on track 4
Robert Wyatt - Harmony Vocal on track 8
David Bedford - Orchestral Arrangement on track 9
Howie Casey - Tenor Saxophone
Dave Caswell - Trumpet
Tristan Fry - Cymbal
Lyle Jenkins - Baritone Saxophone
Ronnie Price - Piano
Barry St. John - Vocals
Liza Strike - Vocals
Doris Troy - Vocals

KEVIN AYERS

MaRDi
Marisa Monte "Mais" (1991)
ou "Brasileira in New York"

Une brésilienne à New York, avec moult musiciens du cru à commencer par l'excellent Arto Lindsay, producteur de l'objet et de pas mal d'autres albums de Marisa, c'est ce que propose Mais, la cuvée 1991 de Marisa Monte.
La musique de Marisa ? Brésilienne bien sûr mais pas seulement, sans doute sous l'influence de son producteur, des musiciens présentement impliqués et de l'environnement urbain new yorkais, elle est infusée de flaveurs funk et rock relevant joliment la faconde samba pop naturelle de la dame.
Des moult guests qui peuplent l'album - un casting impressionnant, ceci dit en passant, allant de Ryuichi Sakamoto à Melvin Gibbs en passant par Bernie Worrell ou John Zorn (sage sauf sur quelques dérapages contrôlés sur Volte para o Seu Lar) - on retient surtout la dévotion à ne pas chambouler l'équilibre fomentée par le producteur/arrangeur Arto sur un album avant tout grand public dans le sens noble du terme, qui veut toucher le plus grand monde sans abandonner sa quintessentielle qualité instrumentale et compositionnelle. Ce qui sied admirablement à la voix de Marisa, douce mais énergique, fondamentalement brésilienne mais ô combien compatible à cette fusion moderniste, en un mot comme en mille, une réussite.
Et un album qu'on recommande évidemment à tous ceux qui apprécient la musique brésilienne "progressive", fusionnante mais, ultimement, abordable.

1. Beija Eu 3:13
2. Volte para o Seu Lar 4:44
3. Ainda Lembro 4:10
4. De Noite Na Cama 4:28
5. Rosa 2:45
6. Borboleta 2:02
7. Ensaboa 4:20
8. Eu Não Sou Da Sua Rua 1:32
9. Diariamente 4:12
10. Eu Sei (Na Mira) 2:41
11. Tudo Pela Metade 4:13
12. Mustapha 2:26

Marisa Monte - vocals
John Zorn - alto saxophone (tracks 2 & 7)
Marty Ehrlich - tenor saxophone (tracks 2 & 7)
Arto Lindsay - guitar, vocals (tracks 2, 4, 10 & 11)
Robertinho do Recife (tracks 3, 6, 10 & 12), Romero Lubambo (tracks 8 & 9), Marc Ribot (tracks 1, 2, 4 & 11) - guitar
Carol Emanuel - harp (track 9)
Ryuichi Sakamoto (tracks 3, 5, 7, 10 & 12), Bernie Worrell (tracks 1, 2, 4 & 11) - keyboards
Ricardo Feijão (tracks 7, 10 & 12), Melvin Gibbs (tracks 1, 2, 4 & 11) - bass
Dougie Bowne (tracks 1, 2, 4 & 11), Gigante Brazil (tracks 7, 10 & 12) - drums
Cyro Baptista (track 9), Prince Vasconcelos de Bois (track 6), Armando Marçal (tracks 3, 4, 5, 7, 10 & 12), Naná Vasconcelos (tracks 2, 4, 8 & 11) - percussion
Criançada - backing vocals (track 11)

MARISA MONTE

MeRCReDi
Ancestors "Neptune with Fire" (2008)
ou "Lame de Fond"

S'il ne contient que deux titres, le premier album des spatiaux stoner/doomistes d'Ancestors s'approche tout de même des 40 minutes, et ça ne doit pas faire peur parce que tout ça, à l'opposé des prétentions, démonstrations progtessivo-techniques cliniques et onanistes d'un Dream Theater, par exemple, est tout à fait digeste.
Parce que cette musique, totalement bercée d'influences 70s, d'Hawkwind à Black Sabbath, si elle n'est pas tout à fait dénuée de compétence instrumentale, il en faut pour mener pareille entreprise à bien, est avant tout le véhicule des trippantes ambitions de ses compositeurs/concepteurs.
Si on sent déjà, sous la furie des explosions électriques de guitares en fusion ou de vocaux possédés, de tentations progressives, le propos est tout de même, ici, largement orienté vers un auditoire metallo-compatible enfumé de volutes cannabiques, stoner metal, quoi ! Et du meilleur du genre avec des climats, mes aïeux, des montées de sève, mamma mia, et des accalmies, plus rares mais servant leur but à merveille, rendant l'exercice aussi attractif qu'il est réussi. C'est bien simple, dans le genre, hélas pas aussi répandu qu'on le souhaiterait, Neptune with Fire tient sans problème le haut du panier.
Et c'est donc un opus tout à fait recommandé à la condition évidente de pouvoir apprécier son relatif extrémisme, parce que ça reste de la musique d'hommes, indéniablement.

1. Orcus Avarice 16:46
2. Neptune with Fire 21:38

Nick Long - Bass, Vocals
Justin Maranga - Guitars, Vocals
Jason Watkins - Organ, Piano, Vocals
Brandon Pierce - Drums, Gong
Chico Foley - Electronics, Keyboards, Vocals
&
McKenna Mitchell - Additional Vocals (2)

ANCESTORS

JeuDi
Graham Parker "Squeezing Out Sparks" (1979)
ou "Graham fait des étincelles"

Dans la catégorie des rockers britanniques qui eurent si peu froid aux oreilles qu'ils relevèrent sans coup férir le gant d'une punk rock finissante et d'un Two-Tone ska à l'éclat ô combien éphémère - je parle évidemment de cette caste de classe dont les noms les plus évidemment cités sont Elvis Costello, Joe Jackson ou Paul Weller et son Jam - je demande Graham Parker et son chef d’œuvre de la période, Squeezing Out Sparks.
Rien de bien compliqué en fait, du rock classique, franc, mélodiquement réussi, doté de paroles intelligentes et sarcastiques... Pour réussir l'affaire, cependant, c'est une autre paires de mitaines... Alors il y a les chansons, 10 excellents exemples d'icelles (dont Protection en must absolu de votre serviteur) présentement supplémentées de deux très savoureux bonus bourrés de soul, un style qui hérite du punk sa sécheresse de ton, son dépouillement sonique, et du rock originel un esprit mélodique fun et primesautier qui fait un bien fou après les exactions excitées des crêtés précités, le tout évidemment délicatement remis au goût du jour d'une Angleterre en crise (ça ne fait que commencer avec Maggie "De Fer" arrivée au pouvoir)...
Ce rock, qui se permet même d'aller dans la ballade acoustique sans "clicheter" le moins du monde (You Can't Be Too Strong), c'est celui de Graham Parker & the Rumour (qu'on n'oublie pas tant ils forment une fine équipe secondant parfaitement son leader naturel), un secret encore trop bien gardé qui n'a jamais vraiment franchi les côtes de son Royaume Uni natal, que c'en est un mystère parce que, quelle fête quoi ! Et mis en son, bien, forcément !, par le regretté Jack Nitzsche (qui fut le bras droit de Phil Spector, excusez du peu), cerise sur le gâteau, etc.
Squeezing Out Sparks est un triomphe de rock nerveux, énergique, profondément honnête et admirablement troussé. Pas le seul album de Graham à réussir le tour de force, le plus réussi cependant. Ecoutez !

1. Discovering Japan 3:32
2. Local Girls 3:44
3. Nobody Hurts You 3:42
4. You Can't Be Too Strong 3:21
5. Passion Is No Ordinary Word 4:26
6. Saturday Nite Is Dead 3:18
7. Love Gets You Twisted 3:02
8. Protection 3:54
9. Waiting for the UFO's 3:08
10. Don't Get Excited 3:04
Bonus
11. Mercury Poisoning 3:09
12. I Want You Back 3:26

Graham Parker - lead vocals, rhythm guitar
Brinsley Schwarz - guitar, backing vocals
Martin Belmont - rhythm guitar, backing vocals
Bob Andrews - keyboards, backing vocals
Steve Goulding - drums, backing vocals
Andrew Bodnar - bass

GRAHAM PARKER

VeNDReDi
Elvis Costello and the Roots "Wise Up Ghost" (2013)
ou "Des racines et des ailes"

Le mariage de la carpe et du lapin ? Vraiment ? Il est vrai que, sur le papier, rien ne rapprocherait, à priori, ce vieux pub rocker anglo-irlandais reconverti aux sources de la musique nord-américaine et une des formations les plus respectées du hip-hop étasunien.
Pourtant, à y réfléchir, il y a un sacré tronc commun qui les unit à commencer par une adoration d'une certaine soul 60s que chacun, à sa manière, recycla. A l'énergie électrique de ses Attractions pour Elvis Costello, au (re)traitement moderne digitalo-acoustique pour The Roots. Deux conceptions pour un même amour, deux conceptions désormais fusionnées en un album : Wise Up Ghost (and other songs).
Composé et produit par le trio Costello, Questlove (ou ?uestlove ou Ahmir Thompson) et Steven Mandel, Wise Up Ghost est une formidable réussite, une merveille d'album où modernité et tradition s'accouplent pour le meilleur, à savoir une galette au charme si intemporel qu'on se dit sans coup férir qu'on l'aimera encore dans 10 ans, 20 ans, 30 ans... Parce que dès Walk Us Uptown, funk millésimé à la lourde basse dubbesque et au melodica joué par Elvis himself, on est pris dans l'esprit "rétromoderniste" de l'affaire. La suite ne fait que confirmer l'impression initiale avec le Motownisant Sugar Won't Work, son groove languissant, ses cordes tire-larmes et son refrain référencé. Ou quand Elvis s'essaie à un rap sur fond funkadelicisant sur l'infectieux Refuse to be Saved, un P-Funk-style convaincant par le petit gars de Londres et ses ponctuels compagnons de jeu... Et dire que ce ne sont que les trois premiers titres !!! Trois tueries qui nous font bénir l'admirable rencontre des Racineux hip-hopers et du Declan au talk show de Jimmy Fallon, là justement où naquit l'idée même de cette divine collaboration. La bénir avec d'autant plus d'enthousiasme que le reste de la sélection est à l'avenant de cet admirable trio introductif et déroule avec rouerie et intelligence tout le catalogue de la black music américaine des années 60 et 70... Et même un peu au delà mais, chut !, on ne va quand même pas tout dire !
Afin d'aussi combler les amateurs de quadri-capilo-découpage, on mentionnera que, pour arriver à leurs fins, Elvis et ses Roots utilisèrent moult cuivres et cordes sans que jamais, ô grand jamais, l'avalanche ne vienne ruiner la précieuse pièce-montée de quelque lourdeur que ce soit. Arrangé avec un goût divin, les 12 compositions coulent absolument de source.
Wise Up Ghost, vous l'aurez compris, est un triomphe... c'est aussi simple que ça. On peut, d'ores et déjà le classer dans les plus belles réussites de l'an et sérieusement le considérer comme une des plus belles galettes de ces dernières années. Parole de musicophage, une bonne dizaine d'écoutes n'ont pas réussi à démentir mon enthousiasme, ce n'est pas si souvent que ça m'arrive alors, tenez-le vous pour dit, c'est de grande classe qu'il s'agit ici et, évidemment !, d'un album totalement, définitivement, absolument recommandé.

1. Walk Us Uptown 3:22
2. Sugar Won't Work 3:31
3. Refuse To Be Saved 4:23
4. Wake Me Up 5:52
5. Tripwire 4:28
6. Stick Out Your Tongue 5:28
7. Come The Meantimes 3:53
8. (She Might Be A) Grenade 4:36
9. Cinco Minutos Con Vos 5:01
10. Viceroy's Row 5:01
11. Wise Up Ghost 6:27
12. If I Could Believe 3:58
Bonus
13. My New Haunt 4:39
14. Can You Hear Me? 6:27
15. The Puppet Has Cut His String 4:57

Elvis Costello - vocals, organ, piano, melodica, baritone guitar, wurlitzer, delay guitar, ampeg bass, wah wah baritone guitar
?uestlove - drums
Kirk Douglas - electric & acoustic guitars, backing vocals (1-4, 7-11, 13, 14)
Mark Kelley - bass (1, 3, 5, 7, 9-11, 13, 14))
Frank Knuckles - tambourine, chimes, percussion, bells (5, 7, 9-11)
Ray Angry - clavinet, farfisa, bells, keys (2, 3, 5, 9, 10, 12, 13, 15)
James Poyser - keys, piano (9, 10)
Kamal Gray - keys (13)
Pino Palladino - bass (2, 12, 15)
Korey Riker - tenor & barritone saxophone (1, 4-6, 8, 9, 11, 14)
Matt Cappy - trumpet, flugelhorn (1, 3-6, 8-11, 14)
Chris Farr - saxophone, flute (3, 10)
Damon Bryson - sousaphone (1, 3, 4, 10)
La Marisoul - vocals (9)
Hedi Mandel - screams (13)
Diane Birch - backing vocals (5)
&
The Brent Fischer Orchestra (3, 4, 8, 9, 12)
orchestrated and conducted by Brent Fischer
Assa Drori - concertmaster/contractor
Robert Berg, Roland Kato, Kazi Pitelka - viola
Sally Berman, Mark Cargill, Mike Ferrill, Sam Fischer, Alex Gorlovsky, Anna Kostyuchek, Elizabeth Wilson - violin
Miguel Martinez, Kevan Torfeh, Cecilia Tsan - cello
Drew Dembowski, Ken Wild - bass
Alex Budman - bass clarinet
Bob Carr - bassoon, contrabassoon
Steve Hughes - euphonium
Bill Reichenbach - contrabass trombone, euphonium, tuba

ELVIS COSTELLO

SaMeDi
Van der Graaf Generator "Live in Concert at Metropolis Studios, London" (2012)
ou "VdGG is Alive!"

Il est de ces groupes qui se soucient si peu du commerce qu'ils finissent par avoir une réputation très en deçà de celle qu'ils auraient justement méritée. Van der Graaf Generator, chevalier imputrescible d'un rock progressif libre et (donc) changeant, est de ceux-ci. Longtemps rare en lives enregistrés, le désormais trio toujours mené par l'habité Peter Hammill, y est devenu plus présent, signe de temps où il est plus simple d'obtenir une captation professionnelle à moindre coût et où, en toute logique, les misfits en tous genres (dont les trois papys surpuissants ici présents font définitivement partie), saisissent l'aubaine avec l'appétit créatif qu'on leur connait habituellement.
Evidemment, comme sur les précédentes aventures live du trio (Live At The Paradiso, 2009), les chagrins iront regretter l'absence d'un David Jackson (saxophone) devenu si ingérable pour Hammill & Co qu'ils durent s'en débarrasser pour vital fut-il à leur son. Décidant, courageusement, de continuer sans cet élément décisif, les trois membres restants s'en sortent, ici comme précédemment, merveilleusement bien. On s'en doute, le répertoire conçu pour cette formation resserrée fonctionne parfaitement, on est plus surpris de constater que les classiques inoxydables du groupe (de Lemmings à Childlike Faith en passant par Man-Erg) y résistent si bien à l'amputation d'une partie à priori si soniquement indispensable. C'était sans compter sur la rouerie et l'expérience accumulée au cours de leur chaotique carrière par Hammill, Banton et Evans qui n'y font décidément pas leur soixantaine et donnent, l'air de rien, quelque cours d'énergie et d'intensité dramatique à la jeune concurrence.
Enregistré devant un petit nombre d'heureux privilégiés au Metropolis Studios de Londres, comme son titre on ne peut plus explicite l'indique, le présent live nous offre non seulement une prestation hantée comme seuls VdGG en ont le secret mais aussi une captation parfaite qui permettra de saisir et d'apprécier toutes les nuances d'interprétations perfectibles mais passionnées... et donc passionnantes. Un petit (et réel) bonheur présentement agréablement complété d'une captation vidéo de belle tenue pour un lot, vous l'aurez compris, indispensable à tout amateur du groupe.

CD 1
1. Interference Patterns 4:22
2. Nutter Alert 5:35
3. Your Time Starts Now 4:25
4. Lemmings 14:26
5. Lifetime 5:24
6. Bunsho 5:38
7. Childlike Faith 12:14

CD 2
1. Mr. Sands 5:22
2. Over The Hill 12:21
3. We Are Not Here 4:54
4. Man-Erg 11:50

Peter Hammill: chant, claviers, guitare
Hugh Banton: orgue, basses pédales
Guy Evans: batterie

VAN DER GRAAF GENERATOR

dimanche 14 août 2016

L’Été Mange-Disques - 7 de France

Pour les vacances, il y en a qui cherchent le dépaysement à tout prix, l'exotisme sinon rien ! Et puis il y a ceux qui creusent les petits coins de France et y découvrent, bonheur !, moult merveilles parmi les monts. En musique, c'est exactement pareil, certains rejettent en bloc tout ce qui est francophone/phile ou d'origine nationale au profit d'imports plus clinquants. La sélection qui suit s'adresse à eux, pour leur démontrer que, chez nous aussi, la qualité existe, et que ça ne date pas d'hier ! Et on leur dit quoi ? Enjoie, évidemment !

DiMaNCHe
Jean-Luc Ponty "Electric Connection / King Kong" (1969/70)
ou "Violon Dingue"

Ladies and gentlemen, le nouveau Ponty est arrivé ! C'est en substance ainsi que pourrait se résumer la période charnière dans la carrière du violoniste de jazz français qui glisse alors vers le jazz électrique, dit fusion, ou "rock" chez nous (sans qu'on sache exactement pourquoi).
C'est aussi la période d'une relocalisation outre-Atlantique et de line-ups qui font venir l'eau à la bouche : Bud Shank, George Duke, Ernie Watts, Ian Underwood, Art Tripp, Frank Zappa... Ha oui, parce que moitié de ce couplage discographique est dédié à Mr. Zappa, repris, adapté et même composant pour Jean-Luc et ses musiciens (dont quelques collaborateurs habituels de Frankie Moustache).
Deux albums, donc. 1969, Electric Connection ou l'apprentissage accéléré et réussi d'un nouveau vocabulaire, d'un nouvel univers sonore où Ponty, violoniste caméléon s'il en fut, se glisse sans effort et, même !, avec une grâce certaine. On n'est pas encore tout à fait dans le jazz fusion, alors tout juste commençant, mais on s'en approche. D'ailleurs, on crédite même l'album d'une véritable influence stylistique de part sa façon de "vulgariser" le jazz pour une nouvelle génération amatrice du secouage de tête au son de la guitare électrique psychédélique qui trouve ici quelques bienvenus ponts vers ses préoccupations tout en restant, fondamentalement, un album de jazz avec une guitare encore timide mais il faut dire que le violon de Ponty prend, logiquement puisque il est le leader, beaucoup de place. Et puis il y a moult cuivres (des sections tour à tour proto-funkées ou big-bandisantes) qui, rythmant, enjolivant la musique méritaient aussi d'être mis en valeur par le mix.
1970, King Kong, c'est tout autre chose ! Déjà parce que le matériau de base (4 reprises du répertoire de Frank Zappa, et un original pour chaque star du disque), en majorité du Zappa donc, s'écarte notablement des canons du jazz classique qu'Electric Connection choyait encore. Ici les amarres sont définitivement larguées ce que Ponty et son violon dingue, et son seul compagnon sur tous les titres qu'il faudrait voir à ne pas oublier d'autant qu'il s'agit du regretté George Duke, ont l'air de particulièrement apprécier. Tout comme les fans du divin moustachu apprécieront la lecture surjazzée et ludique des standards de leur idole ainsi que le solo de Frank, sa seule apparition instrumentale de l'album... Sur la seule composition qu'il ne signe pas ! On mentionnera évidemment la grosse pièce de l'album, Music for Electric Violin and Low-Budget Orchestra et ses presque 20 minutes, où, entre improvisation jazz et classique contemporain prouve la versatilité exceptionnelle tant du compositeur que de son interprète de l'occasion.
Phase exploratoire et démarrage d'une carrière américaine riche qui le verra aussi frayer avec un John McLaughlin et son Mahavishnu Orchestra, la présente doublette, si un peu artificiellement accolée vu l'écart de style, est une réussite à conseiller à tous ceux que le violon jazz meut.

Electric Connection (1969)
1. Summit Soul 4:55
2. Hypomode del Sol 6:27
3. Scarborough Fair/Canticle 3:02
4. The Name of the Game 5:27
5. The Loner 4:29
6. Waltz for Clara 5:09
7. Forget 4:25
8. Eighty-One 6:35

Jean-Luc Ponty - violin
Bud Shank - alto saxophone
Richard Aplan - baritone saxophone
Bob West - bass
Paul Humphrey - drums
Tony Ortega - flute
Wilbert Longmire - guitar
George Duke - piano
Frank Strong, Thurman Green - trombone
Mike Wimberly - bass trombone
William Peterson, Tony Rusch, Larry McGuire, Paul Hubinon - trumpet

King Kong: Plays the Music of Frank Zappa (1970)
9. King Kong 4:54
10. Idiot Bastard Son 4:00
11. Twenty Small Cigars 5:35
12. How Would You Like to Have a Head Like That 7:14
13. Music for Electric Violin and Low-Budget Orchestra 19:20
14. America Drinks and Goes Home 2:39

Jean-Luc Ponty - electric violin, baritone violectra
Frank Zappa - guitar
George Duke - piano, electric piano
Ernie Watts - alto and tenor sax
Ian Underwood - tenor sax
Buell Neidlinger - bass
Wilton Felder - Fender bass
Gene Estes - vibraphone, percussion
John Guerin - drums
Art Tripp - drums
Donald Christlieb - bassoon
Gene Cipriano - oboe, English horn
Vincent DeRosa - French horn, descant
Arthur Maebe - French horn, tuben
Jonathan Meyer - flute
Harold Bemko - cello
Milton Thomas - viola

JEAN-LUC PONTY (et Frank Zappa)

LuNDi
Jean-Claude Vannier "L'enfant assassin des mouches" (1972)
ou "Trésor Caché"

Qu'une telle merveille ait attendu plus de 30 ans pour se voir publiée, de découvrir que dormaient dans les tiroirs de Jean-Claude Vannier de si fines mélodies dépasse l'entendement. Que cette œuvre (osons !) magistrale soit enfin disponible pour que le monde s'en délecte n'est, donc, que justice.
Composé, ciselé et finalement enregistré, début 1972, au Studio des Dames avec la crème des musiciens de studio d'alors (dont Claude Angel ou Marcel Azzola, excusez du peu !), L'Enfant Assassin des Mouches prouve aux oublieux l'excellence du compositeur et son importance dans une aeuvre essentielle du répertoire se Serge Gainsbourg : l'Histoire de Melody Nelson (dont Vannier co-composa certaines pistes et arrangea la totalité avec l'auteur). Pas étonnant qu'on retrouve la même « patte » ici et c'est, de fait, presque un prolongement, un univers cousin même si d'autres parfums (jazz et classique contemporain, principalement) y imposent une résolue différence.
Comme Melody Nelson, L'Enfant Assassin des Mouches est un trip psyché-ochestralo-progressivo-pop totalement de son époque et pourtant d'une étonnante fraicheur où, à renfort de chorales, de cordes, de cuivres, de percussion, d'un sens mélodique hors du commun et d'une qualité d'arrangeur qui laisse pantois, Jean-Claude Vannier déroule une musique qui doit autant à Ravel et Strauss qu'à Pierre Henry et Michel Colombier, Burt Bacharach, King Crimson ou les Beatles... Violence et douceur, kitsch et avant-garde s'y côtoient dans un chaotique et pourtant évident « tout » qui ne peut que satisfaire l'amateur de musique exigeante et prospective.
Une réussite cet Enfant Assassin des Mouches (au concept/allégorie pondu par un Gainsbourg inspiré par ce qu'il entendait) ? Indéniablement. Et un peu plus que ça même, une pépite sauvée des eaux qu'on se réjouit d'avoir le loisir d'apprécier et qu'on ne peut que recommander, chaudement.

1. L'Enfant La Mouche Et Les Allumettes 4:22
2. L'Enfant Au Royaume Des Mouches 3:57
3. Danse Des Mouches Noires Gardes Du Roi 3:20
4. Danse De L'Enfant Et Du Roi Des Mouches 2:52
5. Le Roi Des Mouches Et La Confiture De Rose 6:28
6. L'Enfant Assassin Des Mouches 1:52
7. Les Gardes Volent Au Secours Du Roi 6:55
8. Mort Du Roi Des Mouches 3:29
9. Pattes De Mouches 0:51
10. Le Papier Tue-Enfant 2:44
11. Petite Agonie De L'Enfant Assassin 0:31

Jean-Claude Vannier: piano, clavecin, toy piano, bombarde, flûtes, direction
Claude Angel, Denys Lable, Raymond Gimenez: guitare
Tonio Rubio: basse
Pierre-Alain Dahan: batterie
Jean-Pierre Sabar: piano
Marc Chantereau: percussions
Philippe Mathé: percussions, saxophone soprano
Jean-Louis Chatemps: saxophone soprano
Marc Steckar: trombone, tuba
Marcel Azzola: accordéon
Pierre Llinares: bugle, cordes
Jean Gaunet, Ginette Gaunet, Hubert Varon: cordes
Chorale des Jeuneses Musicales de France: choeurs
Louis Martini: direction chorale

JEAN-CLAUDE VANNIER

MaRDi
Maurice Benin "Je Vis" (1974)
ou "Chanson Hippie"

Il n'est pas inutile de rappeler que, pendant que quelques singes savants surmédiatisés s'agitaient convulsivement dans des exhibitions signées Maritie et Gilbert Carpentier, une autre musique (ou d'autres musiques pour être plus précis) vivotaient dans un underground pas exactement injuste, il y avait chez ces doux-dingues suffisamment de désaxés pour désarçonner la ménagère vagissante, mais à l'impact nettement minoré par un système médiatique n'offrant que trop peu de place à un off-mainstream hexagonal pourtant passionnant.
Oui, dans ces seventies giscardisantes, l'ex-bande Saravah (Higelin, Fontaine et Areski en tête de pont), les progueux plus ou moins déviants (Magma, Ange, Etron Fou Le Loup Blanc, la multinationale Gong, etc.), les folkeux sans peurs et sans reproches (Gwendal, Malicorne et tous les autres), etc., vivaient une aventure au moins aussi passionnante que celles de leurs équivalents transfrontaliers. Et ce n'est que la partie immergée d'un l'impressionnant iceberg qu'il serait fastidieux d'énumérer ici...
Parce que, ici, c'est de Maurice (Morice) Bénin dont il s'agit, un zouzou digne représentant d'une chanson à la marge, agitatrice et militante sans jamais perdre d'un humour pothead franchouillard (voir Sollicitation, pour l'exemple). Musicalement, le terreau est folk, et francophile du fait de textes évoquant plus Léo Ferré que Bob Dylan (pour situer)... La voix est juste, bien posée, capable de quelques performances, de quelques déviances, mais toujours au service de la mélodie, de l'émotion. On peut, à partir de là, se demander pourquoi cette musique n'a trouvé qu'un public si extrêmement réduit et s'en voit, conséquemment, reléguée aujourd'hui à un statut micro-culte, un secret trop bien gardé qu'il est bon de dévoiler, d'essayer de partager.
1974, il vit Morice. Il vibre aussi, post-soixante-huitard luttant contre ses moulins à vent avec autant de conviction qu'un Don de la Mancha avec, en lieu et place d'un Sancho P. désabusé mais fidèle, un trio de musiciens tissant un background approprié à son bel-canto en opposition. Bien sûr, tout ceci sonne un peu daté 40 ans après, daté mais pas obsolète... Cette voix baladeuse et polyethnique, ces flutes, ces guitares, ces dérapages psychédéliques, et l'absolue conviction de l'auteur, aussi, surtout sont autant de vibrantes preuves d'un artiste (en effet) vivant, vif même. Bien sûr, comme souvent chez les français de l'époque, c'est verbeux à l'excès mais on ne le voudrait pas autrement.
Je Vis... Il faudra bien écouter les paroles, se laisser porter par les trips musicaux les accompagnant pour trouver le sésame d'un album pas exactement difficile à aborder mais suffisamment référencé et barjotant pour laisser quelques jeunes-âmes sur le bord du chemin. C'est comme ça... De la musique sans compromis, de l'art quoi...
Recommandé.

1. Je vis 11:46
2. Les comptes sont bons 3:45
3. Où tu es passé 7:12
4. Plus tu es heureux 4:36
5. Toute petite vie 2:55
6. Solicitation 4:19
7. L'églantine dans mon jardin 4:45
8. Une fois... 4:39

MAURICE (ou Morice) BENIN

MeRCReDi
La Foule "La Foule" (1996)
ou "Emporté par La Foule"

Ha le rock en français, le rock français en français même... Souvent un sujet d'embarras quand on parle avec un anglais ou un américain et qu'on n'a qu'un "maigre" Jojo lalalidé , un Trust qui porte beau sur quelques albums avec ses diatribes péri-syndicalistes mais est de toute façon plus hard que rock, un Téléphone dont on bénit que son interlocuteur ne comprenne pas les paroles douloureusement adolescentes (ce à quoi vous me répliquerez que les Beatles, les Beatles !, en leur temps, etc. Oui mais en anglais ça sonne !). Bref, si notre langue est riche elle se prête assez mal à l'adaptation rythmée et vocalisée de la musique de danse de jeunes originaires des fifties finissantes étasuniennes.
A chaque règle, évidemment, il y a des exceptions et, justement, avec La Foule, groupe mené par l'excellent toulousain Antoine Essertier, nous en tenons une belle, à défaut d'une qui fit florès mais tout ce qui est bon n'a pas forcément la chance de rencontrer le succès comme vous ne le savez que trop bien...
Et donc, en 1996 parait le premier, et hélas unique, d'une formation de rock française, s'exprimant en français sans que jamais la moindre gêne, le moindre décalage culturel, ne se fasse jour. La recette du miracle ? Une forte personnalité déjà parce que j'ai eu beau chercher à quel luminaire anglophone les petits français me faisaient penser, et rien. Il y a bien des influences, des effluves de quelques grands anciens comme Led Zeppelin (et les orientalismes bienvenus de Robert Johnson et d'autres), des rapprochements avec le meilleur de quelques "collègues" (Bertignac sur Ecoutez-moi, Daran, un grand pote d'Essertier avec lequel il a justement collaboré ceci dit en passant, sur la Folie) mais rien qui ne soit criant ou particulièrement envahissant. La Foule sont avant tout eux-mêmes, on ne les voudrait pas autrement.
Parce qu'on a là une fine équipe de musiciens, un groupe resserré, un quatuor au line-up assez inhabituel pour le genre de musique pratiqué puisqu'au classique de chez classique guitare, basse et batterie se voient ajoutées des percussions. Une fine équipe donc, possiblement des virtuoses mais la démonstration technique n'étant pas l'objet on ne pourra parler que d'une absolue maîtrise instrumentale en la circonstance. Quoiqu'il en soit, on ne peut que remarquer une basse particulièrement riche ici (L'âge du capitaine), des riffs si bien trouvés qu'on a parfois l'impression de les avoir entendu ailleurs sans vraiment pouvoir définir d'où ou de qui, des chœurs riches supportant la voix médium d'Antoine et ses "pétages de plombs" énervés bienvenus, une batterie à la lourdeur proverbialement Bonhamienne, et des percus qui sont définitivement un élément décisif offrant un supplément d'allant, d'énergie autant que de finesse au son de la formation. Et de foutues bonnes compositions surtout ! Des refrains qu'on retient instantanément et ne lassent pourtant pas (Demain c'est dimanche, Ecoutez moi, La chanson préférée). Des paroles bien troussées, poétiques et pas connes qu'on n'en entend pas tous les jours en rock francophone (évoquant même des sujets parfois difficiles, voir Constance Lerouge). Des idées musicales comme s'il en pleuvait dans un cadre rock pourtant toujours respecté stricto sensu. En un mot comme en mille, une formation DOUÉE. Et bien mise en son avec la voix bien dans le mix comme il se doit pour le rock'n'roll, et une clarté d'ensemble d'autant plus appréciable que la performance est, je me répète, pas grave, belle.
Hélas, mille fois hélas le succès ne fut pas au rendez-vous et de suite à La Foule il n'y eut point. Antoine Essertier disparut d'ailleurs de la sphère exposée de la musique française même si je ne doute pas que, quelque part, il ronge son frein et prépare son retour (vivement !). Reste cet album, quasi-introuvable aujourd'hui (sauf d'occasion), une vraie belle réussite prouvant que rock et français peuvent fonctionner ensemble quand ils sont confiés à d'habiles artisans comme c'est clairement le cas ici.

1. Robert Johnson 3:43
2. Demain c'est Dimanche 5:13
3. Ecoutez-moi 4:18
4. La Folie 3:19
5. L'âge du Capitaine 4:20
6. Au Sexe Moderne 3:00
7. Les Fantômes 3:49
8. Je reste au lit 4:12
9. Viens voir ailleurs 5:04
10. La chanson préférée 3:06
11. Constance Lerouge 3:57
12. Terence Hill 3:43

Skiz - basse, chœurs
Syl East - batterie, chœurs
Fab "Koala" Drigues - percussions, chœurs
Antoine Essertier - chant, guitares

LA FOULE (Antoine Essertier)

JeuDi
Frandol "Double Fond" (2003)
ou "Des tours et des tours"

Frandol a plus d'un tour sous son chapeau mais on ne changera pas Frandol. Sur ce second opus solo, après le très réussi Oulipop, l'ex-Roadrunner continue de distiller mélodies entêtantes et textes malins où sa plume fait merveille.
Pour Double Fond l'équipe a quelque peu changé mais l'objectif, fondamentalement, reste le même : offrir une chanson rock de qualité tant musicale que littéraire. Parce qu'il faut le dire, si la mélodie ne fait pas peur à Frandol, les mots l'enchantent et c'est un délice que de goûter aux précieuses constructions que sont ses textes, tout en chausse-trappes, faux-semblants, ludisme verbal... Une patte particulièrement adaptée au thème que s'est présentement imposé le havrais, la magie et le cirque. Musicalement, Frandol revient à des choses plus classiques se débarrassant quasi-intégralement de tentations électrophiles moins compatibles avec le présent concept. La base est donc rock à l'ancienne, d'inspiration souvent 60s, pas tout à fait comme avec les Roadrunners mais pas si loin, un territoire qu'on considèrerait presque comme pépère comparé à l' azimuté Oulipop si ce n'était que tout ceci tourne comme une horloge suisse et épate comme une évasion à la Houdini. Original ? Sans doute pas (mais pas moins qu'un Dionysos ici largement distancé sur un terrain plus ou moins commun), mais assurément diablement efficace.
Hélas, encore une fois, une sale malédiction sembler planer sur les meilleurs normands (de Little Bob aux Dogs et à l'intéressé), ce Double Fond pourtant si réussi se retrouvera en voie de garage n'attirant que de trop rares curieux. On en attend d'ailleurs toujours l'hypothétique suite, d'autant plus hypothétique que Frandol est aujourd'hui occupé à revivaliser avec les Kitchenmen... Ce qu'il fait très bien aussi.

1. La Boîte A Double-Fond 4:10
2. État Second 3:22
3. Sept Ans 3:16
4. Contorsions 3:59
5. Lévitation 3:56
6. Cléo Et L'Homme Tronc 1:14
7. Détours 3:04
8. Ventriloque 1:16
9. Léon Mandrake 3:19
10. Le Sultan Du Close Up 4:01
11. A La Masse 2:39
12. Leninska 3:41
13. L'Escamoteur 2:02
14. Fortune Teller 1:57
15. La Parade De L'Illusion 4:25

Frandol: chant, guitare, percussions, claviers, ornitophone électronique
Matt R1: guitare, basse, choeurs, batterie (6), piano
Monsieur Ced: programmations, claviers, basse (13)
Luc Durand: batterie, percussions
Thomas Schaettel: orgue, piano
Steve Brush: saxophone alto (14, 15)
Erich Weiss: saxophone ténor (14, 15)
Dal Vernon: saxophone bariton (14, 15)
Claude Conlin, David Kotkn: trompette (14, 15)
William Robison, Garcijax: violon (12)
Jean-Eugène Robert: alto (12)
Gaiffe: violoncelle (5, 12)

FRANDOL

VeNDReDi
Artaud "Music From Early Times" (2010)
ou "Chapitre Trois"

Tel le bon paysan labourant obstinément son précieux lopin de terre, tel l'horloger affairé à concocter un fragile mécanisme à l'impeccable précision, Artaud continue de tracer sa route sur ce 3ème long-jeu en tant que leader. Et sa troisième réussite, il faut le préciser.
Ceux qui ont eu la chance d'écouter les deux précédentes galettes du compositeur/arrangeur/multi-instrumentiste le savent bien, Vincent Artaud est un garçon bourré de talent et détenteur d'un savoir-faire, d'un trademark sound désormais bien installé. L'addition de Daniel Yvinec (précédemment directeur de l'Orchestre National de Jazz et présentement directeur artistique et réalisateur), pour précieuse qu'elle soit, ne vient pas tout chambouler, et c'est tant mieux. Car enfin, il eut été dommage que ce jazz convoquant des influences aussi diverses que Mingus, Coltrane, Schifrin, Glass, Morricone ou François de Roubaix (un résumé, parce que c'est bien sûr infiniment plus compliqué que ça) ne soit pas reconduit, si ce n'est à l'identique au moins essentiellement. Les différences ? Pas d'orchestre de cordes, et donc une musique plus aérée et jammeuse cette fois mais une contribution également cinématique grâce aux textures sonores amenés par les programmations d'Artaud (et de Vincent Lafont au passage seul co-compositeur, sur Rule of Beeline) et l'expertise du reste du line-up trié sur le volet, on s'en doute.
Comme à l'habitude, on a beau se dire que l'affaire a été millimétrée, profondément pensée et "tenue" par deux "co-chefs" qu'on sait aussi pointilleux l'un que l'autre, on est emporté par la fluidité, le naturel de l'entreprise qui recèle, in fine, rien de plus que des sons pour "bouger" l'âme. Si l'on détaille "l'assemblage", c'est évident, c'est à un travail d'orfèvre auquel on a affaire, chaque place a sa note et chaque note à sa place en quelque sorte. Ce rigorisme créatif, cet extrême souci du détail, une constante dans les œuvres d'Artaud, est un nécessaire carburant au moteur qu'est la délicieuse partition par laquelle Vincent nous entraîne, 55 minutes durant, dans un film sans image (plus nouvelle vague, la où La Tour Invisible se parait d'atours hollywoodiens), un trip "jazzosphérique" comme il en a le secret.
Et ça, ça ne se refuse pas !

1. People Of The Black 3:18
2. Kingdom & History 5:05
3. Rule Of Circle 7:43
4. The Crowning 5:57
5. Wisdom & Wonderment 1:49
6. Victoire! 4:50
7. Rule Of Beeline 3:33
8. Rule Of Diameter 0:51
9. People Of The White 6:45
10. Die Folgerung 5:27
11. Seed 4:44
12. Kunst 1:57
13. People Of The Red 4:37

Vincent Artaud: basse, guitare, claviers, programmation
Frédéric Couderc: clarinette, saxophone, coudophone, cor anglais
Vincent Lafont: piano, synthétiseur, électronique
Fabrice Moreau: batterie
Daniel Yvinec: direction artistique, réalisation

VINCENT ARTAUD

SaMeDi
EZ3kiel et le Naphtaline Orchestra "Live au Théâtre de Tours " (2012)
ou "ElectrOrchestre"

S'il y a une formation française qui ne manque jamais ni de souffle, ni d'ambition artistique, c'est bien EZ3kiel qui nous revient cette fois avec une relecture live et orchestrale de son répertoire avec comme colonne vertébrale son album majeur, Naphtaline... Rien que ça !
Pari gonflé tant le matériau originel était d'une immense qualité, en particulier Naphtaline qui a tant marqué la carrière d'EZ3kiel, un opus où la puissance cinématique du groupe prenait tout son essor, un album qui jouait sur les textures sonores, trip-hoppait sur le Quai des brumes, "electronisait" Les Tontons flingueurs... Une vraie réussite artistique rétro-futuriste qu'il n'est donc pas aisé de revisiter.
Pour mener à bien leur tâche, les tourangeaux ne se sont pas ménagés : adjonction d'une formation orchestrale dévouée au projet (l'orchestre de la ville de Tours), réarrangement scrupuleux, pointilleux de tous les morceaux sans oublier, bien sûr, l'aspect visuel du travail du collectif jamais secondaire et bien représenté par Yann Nguema qui en assume la responsabilité en plus des programmations (et avant ça de la basse qu'il a depuis délaissée). Bref, il aura fallu deux ans, du lancement de l'idée à l'accomplissement de l'œuvre, du travail particulièrement soigné donc.
Le résultat ? Il dépasse les plus folles espérances et ce dès la première piste, Derrière l'Ecran, où il est d'emblée évident qu'EZ3kiel n'a pas juste superposé les parties orchestrales à sa musique mais bien reconstruit sa musique pour y inclure des parties orchestrales qui, du coup, magnifient, "cinématisent" encore plus le morceau, alors qu'il l'était pourtant déjà beaucoup ! En ceci, on peut comparer la démarche à celle de Peter Gabriel sur New Blood/Live Blood à l'exception notoire que l'orchestre complémente le groupe là où il le remplaçait chez l'ancien frontman de Genesis. La suite des titres confirme sans peine cet excellent état d'esprit et la parfaite adéquation trouvée entre l'électrique, l'acoustique et l'électronique (discret). On rajoutera que la captation live de qualité (le groupe nous avait déjà fait le coup sur son grand Collision Tour enregistré en commun avec les noise-post-rockers angevins d'Hint) retranscrit magnifiquement les finesses et l'emphase d'enregistrements en état de grâce où l'auditeur consentant n'a qu'à se laisser porter pour voyager.
On n'oubliera évidemment pas de répéter que, comme d'habitude, formation totale contrôlant et développant toutes les facettes de son art et toujours généreuse avec son public, EZ3kiel a particulièrement soigné le package et ajouté une captation live en image rallongeant encore un peu plus le plaisir (ceci dit pour ceux qui achèteront l'objet).
EZ3kiel est de ces collectifs (on ne dit plus groupe à ce niveau) qui ont besoin du soutien du public, le méritent !, parce que chacune de leur sortie discographiques, chacun de leurs "live events" est un évènement mûrement réfléchi et brillamment exécuté. Artisans d'excellence, rares dans un high-tech ayant une récurrente tendance à niveler par le bas, ils satisfont toujours, sur ce Naphtaline Orchestra aussi, forcément.

1. Derrière L'Ecran 5:33
2. Naphtaline 6:13
3. Lady Deathstrike 2:32
4. Adamantium 5:30
5. Lac Des Signes 6:04
6. Insomnies 3:30
7. Exebecce 3:10
8. The Wedding 13:15
9. Leopoldine 4:37
10. Subaphonic 6:26
11. Volfoni's Revenge 13:16
12. Kika 4:33

Directed By, Arranged By – Stéphane Babiaud
Drums, Percussion – Matthieu Fays
Bass, Contrabass – Thomas Lesigne
Guitar – Gérald Bouvet
Performer, Percussion – Erick Pigeard
Piano – Cyril Soufflet
Saxophone, Theremin, Saw – Thomas Quinart
Violin – Christelle Lassort
Guitar, Keyboards, Accordion – Joan Guillon
Orchestra [Le Naphtaline Orchestra] – Orchestre Symphonique Francis Poulenc Du CRR De Tours

EZ3KIEL (noyau dur)