dimanche 29 mai 2016

1976 pas 12 (12 mois, 12 albums)

Le punk n'est encore qu'un bruit assourdissant hantant les caves, le rock progressif s'essouffle mais resiste encore, le hard rock triomphe et de déjà vieilles barbes ne s'en laissent pas compter... C'est ça 1976. Enjoie !

JaNVieR
Bob Dylan "Desire"
ou "Sauvé des Eaux"

On est sur la fin de la résurgence créatrice des années 70 de Bob Dylan mais, ça, on ne le sait pas encore... Concrètement, on est sur la fin du plus bel épisode créatif d'un Dylan qu'on ne retrouvera plus à aussi belle fête qu'avec Infidels, un septennat plus tard. Ici, avec les musiciens qui l'ont accompagné lors de sa tournée de l'année précédente (la Rolling Thunder Revue), c'est un Dylan à la fois typique et libre (ou peut-être typique parce que libre, depuis qu'il s'est affranchi du carcan acoustique de la folk, 10 ans plus tôt) mais surtout très inspiré. Inspiré par un boxer sur l'excellent Hurricane (pour Hurricane Carter accusé injustement de meurtre) bien complémenté par un violon celtisant et des percussions bondissantes ou un gangster sur le verbeux et passionnant Joey (pour Joey Gallo, titre critiqué pour sa présentation trop positive faite du malfrat), en plein trip sur le loufoque country rock Isis ou le joueur Mozambique (et ses rimes en "ique"), possédé par son histoire d'amour avec Sara (la déchirante ballade de clôture mais aussi One More Cup of Coffee), inspiré par le Wild West sur le tex-mex et très réussi Romance in Durango... Oui, c'est bien un Dylan en verve lyrique que propose Desire mais aussi mélodique parce que, quel album quoi ! Il faut dire qu'il a un bon groupe aussi (le violon de Scarlet Rivera est particulièrement utile) et s'est déniché un idéal alter-égo vocal  en la personne d'Emmylou Harris. Et un alter-égo créatif avec le psychologue Jacques Levy que lui a présenté Roger McGuinn des Byrds qui participât à la création de quasi toutes les chansons (sauf Sara et One More Cup of Coffee, les plus personnelles de l'opus). Dylan avait-il vraiment besoin d'aide, quoiqu'il en soit, le résultat est là, un vrai Dylan classique, immanquable, indispensable pour tout ceux qui aiment le Zim', pas le plus cité de son répertoire d'ailleurs et, conséquemment, un opus sur lequel il n'est pas inutile de se pencher de nouveau, 40 ans après.

1. Hurricane 8:33
2. Isis 6:58
3. Mozambique 3:00
4. One More Cup of Coffee (Valley Below) 3:43
5. Oh, Sister 4:05
6. Joey 11:05
7. Romance in Durango 5:50
8. Black Diamond Bay 7:30
9. Sara 5:29

Bob Dylan – vocals, rhythm guitar, harmonica; piano on "Isis"
&
Vincent Bell
– bouzouki
Ronee Blakley – background vocals on "Hurricane"
Dominic Cortese – accordion, mandolin
Emmylou Harris – background vocals
Scarlet Rivera – violin
Luther Rix – congas on "Hurricane"
Steven Soles – background vocals on "Hurricane"
Rob Stoner – bass guitar, background vocals
Howard Wyeth – drums, piano

BOB DYLAN

FéVRieR
Ramones "Ramones"
ou "Faux Frères, Vrais Punks"

Un album enregistré à l'ancienne pour un groupe qui amorce une révolution dans le monde de la musique ? C'est l'éponyme des Ramones, un album qui inscrit le punk rock dans les annales. Bon, pour le coup, je vais faire comme les Ramones et filer droit au but car, enfin, quoi de plus bêta que les trois accords, la rythmique frénétique et simplette et ce chant qui a l'air de ne pas vraiment y être mais finalement si (c'est tout le charme de Joey que de ne pas être un vocaliste punk lambda) ? Hein ? Ben rien. Sauf que réussir ce machin là, dès le supra-accrocheur Blitzkrieg Bop, c'est pas si simple, c'est même en vérité très compliqué. Alors, à l'image de nos Shériffs à nous (qui leur doivent beaucoup mais le font tellement bien !), c'est dans un innocence, une naïveté inattendue que réside tout l'irrésistible succès de ces faux frères fameux. On se dit même que les early-Beatles ne sont parfois pas bien loin (I Wanna Be Your Boyfriend) sauf que l'agression électrique et la punkitude (dont il sont quand même un peu les inventeurs) ressurgit bientôt (Now I Wanna Sniff Some Glue) et ça fait un bien fou ! Parce que, souvenez-vous, en 1976 ce sont les dinosaures du prog rock et du heavy metal/hard rock qui domine le bal et que souvent ces messieurs, tout pétris de leur autosuffisance, ont des tendances à l'excès d'ambition. Et donc ça fait du bien d'entendre du rock qui sent la graisse de mob, le cuir rapé et la bière tiède, de la musique qu'on se dit qu'on pourra jouer aussi avec les potes (on ne pourra pas en fait, voir plus haut). 14 titres bien crus (et d'ailleurs crument enregistrés) plus loin, rallongés par des bonus, des démos, dans le remaster, qu'a-t-on ? Une bouffée d'air frais, de bonne chansons à reprendre en chœur sans trop se poser de question. Du punk rock tel que les anglais en feront bientôt mais ça c'est une autre histoire qui ne doit pas vous dévoyer de ce péché originel chaudement recommandé.

1. Blitzkrieg Bop 2:12
2. Beat on the Brat 2:30
3. Judy Is a Punk 1:30
4. I Wanna Be Your Boyfriend 2:24
5. Chain Saw 1:55
6. Now I Wanna Sniff Some Glue 1:34
7. I Don't Wanna Go Down to the Basement 2:35
8. Loudmouth 2:14
9. Havana Affair 2:00
10. Listen to My Heart 1:56
11. 53rd & 3rd 2:19
12. Let's Dance 1:51
13. I Don't Wanna Walk Around with You 1:43
14. Today Your Love, Tomorrow the World 2:09
Bonus
15. I Wanna Be Your Boyfriend (demo) 3:02
16. Judy Is a Punk (demo) 1:36
17. I Don't Care (demo) 1:55
18. I Can't Be (demo) 1:56
19. Now I Wanna Sniff Some Glue (demo) 1:42
20. I Don't Wanna Be Learned/I Don't Wanna Be Tamed (demo) 1:05
21. You Should Never Have Opened That Door (demo) 1:54
22. Blitzkrieg Bop (single version) 2:12

Joey Ramone – lead vocals
Johnny Ramone – lead guitar
Dee Dee Ramone – bass guitar, backing vocals, co-lead vocals in "53rd & 3rd" 
Tommy Ramone – drums

RAMONES

MaRS
Thin Lizzy "Jailbreak"
ou "Le Clan des Dublinois"

Le coup d'avant, ils ont trouvé leur son, cette fois, ils dévoilent leur tube (le seul, hélas), c'est, en peu de mots, ce qu'on pourrait dire du Jailbreak de Thin Lizzy... Ce serait trop court, évidemment. Parce que, présentement, c'est la tête sur le billot que le groupe enregistre son 6ème opus (le quatrième avec cette formation) puisque, suite aux très faibles ventes de leur deux précédentes livraisons, leur label, Vertigo, perd patience et décide que si, cette fois-ci, ces irlandais ne décollent pas, c'en est fait de leur contrat discographique. Et donc, cette fois, sous le parrainage d'un producteur soigneusement choisi, John Alcock, principalement connu pour ses collaborations au répertoire solo du Who quatre-cordé John Entwistle, Thin Lizzy a particulièrement réfléchi à ce qui, enfin, pourrait leur permettre de décoller usant même d'un claviériste pour mettre toutes les chances de leur côté sur le single potentiel qu'était alors Running Back. Évidemment, comme chacun sait, et malgré les réserves d'une maison de disque craignant l'aspect trop frontal du titre, c'est The Boys Are Back in Town qui permit ce démarrage populaire si longtemps attendu (Jailbreak est tout de même le 6ème long-jeu de la formation). Mais comme, bien entendu, rien ne se passe jamais comme on l'a prévu, si l'album fut en effet un joli succès (le seul disque d'or de Thin Lizzy outre-Atlantique), l'élan d'un Thin Lizzy au sommet de sa gloire fut brisé par, premièrement, une hépatite contractée par Phil Lynott, deuxièmement, par une blessure à la main de l'encore très jeune Brian "Robbo" Robertson résultant dans l'annulation d'une tournée américaine s'annonçant sous les meilleurs auspices. Bref, l'album et sa musique, on y vient enfin !, est le plus "tight"' des jeunes années de Thin Lizzy, au regret d'ailleurs de sa paire de soliste s'étant plainte du manque de latitude qu'on leur aura laissé pendant les courtes sessions, un petit mois mixage compris. Critique tout de même très excessive quand, 40 ans après, on laisse tourner les 10 titres et à peine plus de 35 minutes d'un groupe de hard rock à la classe folle (la voix de velours de Lynott n'y est pas pour rien, ses basslines bien slick non plus), au son immédiatement reconnaissable (twin guitar attack, bien-sûr) présentement doté, outre les deux éléments radio-compatibles précités, une sacrée collection de bonnes chansons avec, pour l'exemple, un Jailbreak frontal et fin (joli bruitages de sirènes aussi) taillé pour les joutes scénique dont les irlandais (ou écossais et américain pour les deux guitaristes, mais bon Lizzy reste un groupe fondamentalement irlandais sans tomber dans les excès touristiques celtiques, pas souvent en tout cas et toujours à bon escient) se sont fait la spécialité, un Romeo and the Lonely Girl aux effluves folk bienvenues (pas une surprise, c'est dans l'adn de Phil), un rampant et menaçant Warriors (qui colle idéalement à son thème guerrier, conséquemment), un Cowboy Song en parfaite western-tune électrique (mais attention, ce n'est pas de la country pour autant), et un Emerald final (dont le nom ne ment pas, Lizzy y est fièrement Irish !) qui est un peu Black Rose avant Black Rose, c'est un compliment. Bref, enfin pas si..., c'est un monstre de petit album rock malin, varié et parfaitement produit. Et c'est évidemment encore mieux dans une version Deluxe qui, joliment rallongée qu'elle est, d'alternate takes en live de la BBC en passant par quelques raretés qu'on connaissait mais sont ici avantageusement présentée dans leur contexte historique, ravira les fans (et encore plus les anglophones d'iceux qui liront l'histoire de Lizzy à l'époque dans le livret). Parfait. 

Album
1. Jailbreak 4:01
2. Angel from the Coast 3:03
3. Running Back 3:13
4. Romeo and the Lonely Girl 3:55
5. Warriors 4:09
6. The Boys Are Back in Town 4:27
7. Fight or Fall 3:45
8. Cowboy Song 5:16
9. Emerald 4:03

Bonus Disc
1. The Boys Are Back in Town (Remixed version) 4:35
2. Jailbreak (Remixed version) 4:14
3. The Boys Are Back in Town (Alternate vocal - remixed version) 4:33
4. Emerald (Remixed version)4:08
5. Jailbreak (BBC Session 12 February 1976) 4:05
6. Emerald (BBC Session 12 February 1976) 3:58
7. Cowboy Song (BBC Session 12 February 1976) 5:14
8. Warriors (BBC Session 12 February 1976) 3:57
9. Fight or Fall (Extended version – rough mix) 5:21
10. Blues Boy (Previously unreleased studio track) 4:38
11. Derby Blues (Early live version of "Cowboy Song") 6:52

Phil Lynott
– bass guitar, lead vocals, acoustic guitar
Scott Gorham – lead and rhythm guitar
Brian Robertson – lead and rhythm guitar
Brian Downey – drums, percussion
&
Tim Hinkley
– keyboards on "Running Back"

THIN LIZZY

aVRiL
Rush "2112"
ou "Concept de Référence"

C'est l'album qui a sauvé Rush, c'est aussi leur première réalisation conceptuelle, leur album le plus progressif jusque-là et, on peut le dire, leur premier chef d’œuvre. 2112, cette authentique légende. Mais, à y regarder de plus près, avec le concept sur la face 1 et des chansons en étant détachées sur la seconde, 2112 n'est qu'un demi concept album, en l'occurrence bien complémenté par ses courtes suiveuses (5 titres, tous entre 3 et 4 minutes) qui permettent de faire passer la pilule du mastodonte de 20 minutes et de ses ambitions progressives. Or donc, il y a 2112, le titre, qui, comme vous le savez sans doute tous, est une pièce de musique science-fictionnesque qui est désormais passée dans la légende, une pièce où, des riffs précis et les soli inspirés d'Alex, de la talentueuse polyvalence de Geddy Lee (chanteur, et bassiste, et claviériste, et pareil sur scène !), aux textes et patterns d'un Neil désormais bien installé dans la formation (c'est son troisième album avec eux), il n'est pas difficile de se laisser emporter et qui, comme un Supper's Ready également réussi, peut s'écouter encore, encore et encore sans perdre une once de son intérêt, de son charme unique. Il n'est d'ailleurs pas un hasard que, bien des années plus tard, il continue, dans son entièreté ou raccourci, d'être une étape obligatoire des setlists de Rush. Mais il y a aussi cinq autres chansons, de petites chansons qu'on aurait presque tendance à oublier après telle fête. Le programme de cette suite ? Un hard-rocker so seventies, normal on est en 1976 (Passage to Bangkok), Un bel exemple qu'on peut faire du prog sans claviers et sur une courte durée (The Twilight Zone), un autre hard-rocker avec un vrai bon groove cette fois (Lessons), une belle ballade toute en nuance (Tears), et un hard-rocker un poil prog pour conclure (Something for Nothing), pas une qui n'égale le haut-fait de la première face mais pas une qui ne fonctionne pas parfaitement non plus. Du bel ouvrage, vraiment. Comme en plus l'album bénéficie de la meilleure production du groupe jusque là, par le groupe et Terry Brown, on ne change pas une équipe qui gagne !, et d'un vrai frémissement commercial pour Rush, il était temps, le label commençait à menacer, il n'en faut pas plus pour considérer l'impeccable galette, ce légendaire 2112 comme, évidemment, la première grande œuvre d'une formation qui n'avait pas fini de nous surprendre (en bien comme en mal d'ailleurs, mais le mal viendra plus tard), et un album obligatoire à la collection de tout amateur de rock progressif ou de hard rock qui se respecte, ce n'est pas plus compliqué que ça.

1. 2112 20:33
I. Overture
II. The Temples of Syrinx
III. Discovery
IV. Presentation
V. Oracle: The Dream
VI. Soliloquy
VII. Grand Finale
2. A Passage to Bangkok 3:32
3. The Twilight Zone 3:16
4. Lessons 3:51
5. Tears 3:30
6. Something for Nothing 3:59

Geddy Lee - lead vocals, bass guitar, keyboards
Alex Lifeson - electric and acoustic guitar
Neil Peart - drums, percussion
&
Hugh Syme
- ARP Odyssey intro on "2112", mellotron on "Tears"

RUSH

Mai
Aerosmith "Rocks"
ou "Comme son nom l'indique"

Un an après leur plus beau succès et l'album le plus varié de leur encore jeune carrière, Aerosmith remet le couvert avec un 4ème opus qui porte excellemment son titre : Rocks ! Parce que, en substance, Aerosmith n'y fait pas autre chose et, du coup, surprend son monde en ne réitérant pas les dispositions à l'ouverture qu'on leur connaissait précédemment. Ce qu'on perd dans ce resserrement stylistique, on le gagne largement dans un album d'une rare cohérence, d'une belle hargne et, aussi, d'un irrésistible efficacité. Ce choix, c'est avant tout celui d'un groupe, d'ailleurs coproducteur avec le fidèle Jack Douglas, qui semble présentement vouloir construire un album taillé pour la scène, domaine où il excelle, un album qui démarre sur les chapeaux de roues sur un puissant Back in the Saddle où les vocalises de chat écorché vif de Steven Tyler et les riffs et soli costauds d'une paire de guitaristes inspirés font merveille. Ce premier coup de semonce passé, Aerosmith continue sur sa lancée par le groove implacable de Last Child (où il y a même un banjo !), le rock and roll speedé de Rats in the Cellar Steven y va même de son petit solo d'harmo, un Sick as a Dog bien accrocheur à l'excellent break solo, un Nobody's Fault admirablement tranchant (une tuerie !), un Get the Lead Out joliment bluesy, un Lick and a Promise au refrain aussi simpliste que satisfaisant et last, mais certainement pas least, la belle et sans doute obligatoire (Steven adore ça !) power ballad Home Tonight... Vavavoum, c'est de la formule 1 tout ça ! Allez, j'avoue être plus réservé sur l'assez peu remarquable mid-tempo Combination qui reste cependant très correct mais, pour le reste, pas un morceau qui ne déçoive et même une belle moitié d'authentique classiques, c'est fort ! Et donc, en ne tentant pas de reproduire l'exploit, en faisant confiance à son inspiration, Aerosmith réussit à faire de 1976 une nouvelle année de gloire pour eux et de Rocks un des plus beaux album de (hard) rock des 70's, alors que la concurrence fait rage ! Fatalement, plus dure sera la chute mais, ça, c'est une autre histoire...

1. Back in the Saddle 4:40
2. Last Child 3:26
3. Rats in the Cellar 4:05
4. Combination 3:39
5. Sick as a Dog 4:16
6. Nobody's Fault 4:21
7. Get the Lead Out 3:41
8. Lick and a Promise 3:05
9. Home Tonight 3:15

Tom Hamilton
– bass, guitar on "Sick as a Dog"
Joey Kramer – drums, percussion
Joe Perry – guitars, backing vocals, six-string bass on "Back in the Saddle," electric bass on "Sick as a Dog"
Steven Tyler – lead vocals, keyboards on "Nobody's Fault" and "Home Tonight", Electric bass on "Sick as a Dog", Harmonica on "Rats in the Cellar" and "Get the Lead out"
Brad Whitford – guitars
&
Paul Prestopino
– banjo on "Last Child"
Jack Douglas – production, arrangement, backing vocals on "Home Tonight"

AEROSMITH

JuiN
Gordon Lightfoot "Summertime Dream"
ou "Beautiful Folk"

Ce country folkeux canadien n'est sans doute pas le plus connu chez nous. Pourtant, au cœur des années 70, il sortit quelques très beaux albums dont Summertime Dream est le sans doute plus remarquable. Il faut dire que Gordon n'est plus vraiment un débutant, à 38 ans, Summertime Dream est son douzième opus depuis 1966, le douzième d'une carrière de qualité où, comme tout le monde de sa génération, il a commencé en acoustique avant d'incorporer les aspects rock (sans excès) qui lui permirent d'évoluer, artistiquement comme commercialement. C'est donc à un artiste sûr de son fait, bien installé dans un style qu'il possède de A à Z auquel nous avons affaire ici, un artiste d'ailleurs bien entouré d'un groupe où les noms n'en jette pas comme les Ry Cooder, Van Dyke Parks et autres Randy Newman des septantes débutantes (voir le très recommandé Sit Down Young Stranger) mais que Gordon a construit lui-même, à sa convenance, et qui répond conséquemment à ses attentes. Parce qu'un songwriter aussi fin a besoin de nuance ce que les Barry Keane (batteur), Pee Wee Charles (l'homme à la pedal steel guitar), Terry Clements (guitariste soliste), etc., amènent magnifiquement comme, par exemple, sur le morceau phare de l'album, ce Wreck of the Edmund Fitzgerald racontant la pire tragédie navale survenue dans les Grand Lacs sur six minutes et demies aux relents celtiques bienvenus et à l'habillage instrumental époustouflant. Comme le reste de la galette, de bons morceaux folk-rock impeccablement troussés (Race Among the Ruins, I'd Do It Again, Summertime Dream, Too Many Clues in This House) en ballades country émotionnellement prenantes (I'm Not Supposed to Care, Protocol, Spanish Moss), est presque du même tonneau (c'est à dire presque parfait, ce qui est déjà énorme !), il n'en faut pas plus pour recommander chaudement, en introduction à un Gordon Lightfoot par exemple, l'artiste étant quasi inconnu chez nous, ce Summertime Dream qui, à ne pas essayer alors d'être à la pointe de quelque tendance que ce soit, par un artiste qui est avant tout un raconteur, n'a aujourd'hui pas pris une ride.

1. Race Among the Ruins 3:21
2. The Wreck of the Edmund Fitzgerald 6:32
3. I'm Not Supposed to Care 3:31
4. I'd Do It Again 3:14
5. Never Too Close 3:04
6. Protocol 4:02
7. The House You Live In 2:55
8. Summertime Dream 2:30
9. Spanish Moss 3:51
10. Too Many Clues in This Room 4:49

Gordon Lightfoot - vocals, six and twelve-string guitar, piano
Pee Wee Charles - pedal steel guitar
Terry Clements - lead guitar
Rick Haynes - bass guitar
Barry Keane - drums, percussion
Gene Martynec - Moog synthesizer
&
Jim Gordon
- drums on "The House You Live In"

GORDON LIGHTFOOT

JuiLLeT
Al Stewart "Year of the Cat" (1976)
ou "Bonne Année"

Il a tellement été un classique de son temps, les 70s, tellement traîné dans les brocantes et les bacs des disquaires d'occasion (à l'époque du vinyl, souvenez-vous !) qu'on a fini par prendre le Year of the Cat d'Al Stewart pour argent comptant sans plus vraiment se le mettre dans l'oreille, sorte de passager familier de nos errances musicales lointaines il parait usé avant même qu'on ne le glisse, numérisé dans son petit format iridescent, dans le tiroir prévu à cet effet. Erreur. Erreur parce que le bel album que voici ! Il faut dire que dès l'emballage, la pochette conçue par Storm Thorgerson et la mise en son d'Alan Parsons (on nage en pleine galaxie floydienne !), les petits plats dans les grands, pour une musique classic (soft) rock où subsistent, forcément !, les racines folk du bonhomme, qui roule dans l'oreille de l'auditeur d'un joli et planant Lord Grenville, du rythmé On the Border, de l'ensoleillé Sand in Your Shoes, de la belle folk-rock un poil pop, un poil bluesy de Flying Sorcery au verbeux morceau éponyme final et sa pompe raisonnable (sans compter les trois bons bonus de ce remaster, donc, et en oubliant sciemment le reste d'une sélection où rien ne manque sa cible), on est totalement sous le charme... A condition d'apprécier le soft rock des septantes à son apogée, évidemment. Parce que c'est ça Year of the Cat, un album évidemment totalement maîtrisé par d'excellents musiciens, un luxe d'arrangement millimétrés bien-sûr, mais surtout un opus à la cool qui évoquera aux quinquas qui y étaient les vapeurs d'une jeunesse depuis longtemps évanouie.

1. Lord Grenville 5:00
2. On the Border 3:22
3. Midas Shadow 3:08
4. Sand in Your Shoes 3:02
5. If it Doesn't Come Naturally, Leave It 4:28
6. Flying Sorcery 4:20
7. Broadway Hotel 3:55
8. One Stage Before 4:39
9. Year of the Cat 6:40
Bonus
10. On the Border [live] 3:48
11. Belsize Blues 3:30
12. Story of the Songs 9:42

Al Stewart - vocals, guitar, keyboards
Peter White - guitar, keyboards
John Perry - background vocals
Tim Renwick - guitar
Andrew Powell - string arrangements
Bobby Bruce - violin
Marion Driscoll - percussion
Stuart Elliott - drums, percussion
George Ford - bass
Phil Kenzie - alto saxophone
Don Lobster - keyboards
David Pack - background vocals
Tony Rivers - background vocals
Graham Smith - harmonica
Peter Wood - keyboards

AL STEWART

aoûT
Jaco Pastorius "Jaco Pastorius"
ou "Le Roi de la Fusion"

Membre d'une authentique légende du jazz fusion, Weather Report évidemment, instrumentiste d'exception comme chacun le sait, grand espoir détruit par des addictions autodestructrices à un beaucoup trop jeune âge hélas, Jaco Pastorius ne connut qu'une trop brève et peu productive carrière solo dont cet éponyme inaugural est assurément le "crown jewel". Au programme, pour ceux qui ne connaitraient pas encore ce vrai beau classique, évidemment une énorme démonstration de guitare basse, c'est son album après tout, mais pas seulement parce que Jaco est aussi un compositeur et arrangeur (le Donna Lee de Bird en intro de l'opus est une splendeur tout en ascèse et délicatesse). C'est aussi un fantastique vulgarisateur n'hésitant pas à élargir le spectre (de la funk/soul de Come On Come Over, avec Sam & Dave aux vocaux, à des morceaux d'inspiration quasiment classique, Okonkole Y Trompa ou Speak Like a Child) ce créateur vorace et touche-à-tout ne se refuse rien, n'oubliant évidemment pas sa base fusion, et, plus fort encore !, réussit tout. Et dire qu'il n'a alors que 24 ans ! On sait l'immense gâchis que fut sa déchéance physique et mentale, et l'impact que tout ceci eut sur sa musique mais, en 1976, Jaco Pastorius est simplement le jazzman de l'année !, et son album un immanquable indispensable à toute collection qui se respecte.

1. Donna Lee 2:27
2. Come On, Come Over 3:54
3. Continuum 4:33
4. Kuru/Speak Like A Child 7:43
5. Portrait Of Tracy 2:22
6. Opus Pocus 5:30
7. Okonkolé Y Trompa 4:25
8. (Used to Be A) Cha-Cha 8:57
9. Forgotten Love 2:14

- "Donna Lee"
Jaco Pastorius - electric bass
Don Alias - congas

- "Come On, Come Over"
Jaco Pastorius - electric bass
Don Alias - congas
Herbie Hancock - clavinet, Fender Rhodes electric piano
Narada Michael Walden - drums
Sam Moore - vocals
Dave Prater - vocals
Randy Brecker - trumpet
Ron Tooley - trumpet
Peter Graves - bass trombone
David Sanborn - alto sax
Michael Brecker - tenor sax
Howard Johnson - baritone sax

- "Continuum"
Jaco Pastorius - electric bass
Herbie Hancock - Fender Rhodes electric piano
Alex Darqui - Fender Rhodes electric piano
Lenny White - drums
Don Alias - congas

- "Kuru/Speak Like A Child"
Jaco Pastorius - electric bass
Herbie Hancock - piano
Don Alias - congas, bongos
Bobby Economou - drums
David Nadien - violin
Harry Lookofsky - violin
Paul Gershman - violin
Joe Malin - violin
Harry Cykman - violin
Harold Kohon - violin
Stewart Clarke - viola
Manny Vardi - viola
Julian Barber - viola
Charles McCracken - cello
Kermit Moore - cello
Beverly Lauridsen - cello
Michael Gibbs - string arrangement

- "Portrait of Tracy"
Jaco Pastorius - electric bass

- "Opus Pocus"
Jaco Pastorius - electric bass
Wayne Shorter - soprano sax
Herbie Hancock - Fender Rhodes electric piano
Othello Molineaux - steel drums
Leroy Williams - steel drums
Lenny White - drums
Don Alias - percussion

- "Okonkole Y Trompa"
Jaco Pastorius - electric bass
Peter Gordon - French horn
Don Alias - okonkoko iya, congas, afuche

- "(Used To Be A) Cha Cha"
Jaco Pastorius - electric bass
Hubert Laws - piccolo, flute
Herbie Hancock - piano
Lenny White - drums
Don Alias - congas

- "Forgotten Love"
Herbie Hancock - piano
David Nadien - violin
Harry Lookofsky - violin
Paul Gershman - violin
Joe Malin - violin
Harry Cykman - violin
Harold Kohon - violin
Matthew Raimondi - violin
Max Pollinkoff - violin
Arnold Black - violin
Stewart Clarke - viola
Manny Vardi - viola
Julian Barber - viola
Al Brown - viola
Charles McCracken - cello
Kermit Moore - cello
Beverly Lauridsen - cello
Alan Shulman - cello
Richard Davis - bass
Homer Mensch - bass
Michael Gibbs - string arrangement, conductor

JACO PASTORIUS

SePTeMBRe
Earth, Wind & Fire "Spirit"
ou "L'esprit funk"

Enregistré sous la pression d'un prédécesseur ayant atteint les cimes des Charts (That's the Way of the World, 1975), Spirit est une nouvelle démonstration de l'incroyable grâce funky d'Earth Wind & Fire dans les années 70. En l'espèce, rien de nouveau sur ce 7ème album de la formation qui continue de fusionner funk et jazz avec des cuivres millimétrés, des grooves à se déboîter les hanches et des mélodies... Comme on en redemande ! Porté par deux singles énergiques et supra-efficaces (Getaway et Saturday Night), l'album vaut aussi par ses pistes plus tempérées telles qu'Earth Wind & Fire (le titre), On Your Face ou le final (pour l'édition original) et épique Burning Bush. Il est à noter que les arrangements commencent déjà à changer avec, notamment, des cordes gagnant peu à peu du terrain. Rien de dramatique, le groupe conserve encore ici tout le sel de ses premières années et ne sombre pas encore dans le racolage sonore et la facilité mélodique qui marquera leurs années 80. Fidèle à l'esprit du groupe, Spirit est indéniablement une des plus belles pièces des référentiels funksters. Dans la présente version, dûment et impeccablement remasterisée (et augmentée de quelques savoureux bonus), il brille de mille feux et offre à l'amateur 50 minutes de pur bonheur. Et ça, ça ne se refuse pas.

1. Getaway 3:47
2. On Your Face 4:33
3. Imagination 5:15
4. Spirit 3:12
5. Saturday Nite 4:02
6. Earth, Wind and Fire 4:40
7. Departure 0:27
8. Biyo 3:37
9. Burnin' Bush 6:46
Bonus
10. Saturday Nite (Alternate Mix) 4:55
11. Seraphim 2:06
12. Imagination (Angels Mix) 1:02
13. Departure (The Traveler) 3:37
14. African Symphony 1:52

Maurice White: chant, kalimba, timbales, batterie
Philip Bailey: chant, congas, percussions
Larry Dunn: piano, orgue, moog
Jerry Peters: piano
Johnny Graham: guitare
Al McKay: guitare, percussions
Verdine White: basse, percussion, chant
Fred White, Ralph Johnson: batterie, percussions
Andrew Woolfolk, Harvey Mason: percussions
Don Myrick, Andrew Woolfolk: saxophone
Charles Loper, George Bohanon, Louis Satterfield: trombone
Lew McCreary: trombone basse
Charles Findley, Michael Harris, Oscar Brashear, Steve Madaio: trompette
Arthur Maebe, David Duke, Marilyn Robinson, Sidney Muldrow: cor français
Tommy Johnson: tuba
Dorothy Ashby: harpe
Dennis Karmazyn, Harry Shlutz, Marie Fera, Ronald Cooper: violoncelle
Barbara Thomason, David Campbell, Denyse Buffum, James Dunham, Lynn Subotnick, Marilyn Baker, Paul Polivnick, Rollice Dale: viola
Asa Drori, Carl La Magne, Haim Shtrum, Harris Goldman, Joy Lyle, Ken Yerke, Sandy Seemore, Winterton Garvey: violon

EARTH, WIND AND FIRE

oCToBRe
Frank Zappa "Zoot Allures"
ou "Frank's Rock'n'Roll"

Prévu pour être un nouveau double opus sur DisCreet Records, Zoot Allures finit simple et chez Warner Bros. La raison ? Un Zappa en bisbille avec son manager/cogérant du label déjà, une volonté d'ascèse, aussi ? Ce serait sans doute mal connaître un Frank toujours prompt à trop en faire (c'est aussi pour ça qu'on l'aime). Bref, album studio (avec un peu de live dedans comme d'habitude chez Zappa), Zoot Allures est surtout un quasi-album solo pour lui qui semble lui permettre de tester les musiciens de sa prochaine formation (pas celle qu'on voit sur la pochette où Patrick O'Hearn et Eddie Jobson sont bien présents alors qu'ils n'ont pas joué la moindre note sur l'opus) dans un contexte plus rock que à quoi Frank avait habitué son auditoire. Ce n'est pas à dire qu'on ait ici un album simpliste pour autant, ce serait mal connaître le bonhomme qui, forcément, glisse moult de ses idées étranges et iconoclastes dès Wind Up Workin' in a Gas Station qui aurait l'air presque normal s'il n'y avait la voix possédée de Davey Moiré. Et ça continue sur Black Napkins et The Torture Never Stops (le premier servant en quelque sorte d'intro au second) qui bluese bien mais toujours avec ce petit éclat dans l'œil, cette posture de sale gosse irrespectueux qui fait la différence. Alors certes, et la suite de l'album ne fait que le confirmer, ce Zappa là est notablement plus "focus" mais c'est un Zappa immédiatement reconnaissable malgré tout avec de vrais grands moments de transe (Friendly Little Finger et sa guitare tourbillonnante par exemple) et d'humour (parce qu'il ne doit jamais en être autrement sur un album du fameux moustachu qui est aussi un authentique rigolo). Tout ça ne fait peut-être pas de Zoot Allures le plus essentiel des albums d'un impressionnant catalogue, ça en fait, par contre, une excellente porte d'entrée à l'art du monsieur pour tout ceux qui ne sauraient pas trop par où commencer. Rien que pour ça, c'est un album utile, et aux fans de Zappa aussi qui n'y retrouveront pas leur chouchou typique mais bel et bien leur chouchou quand même qui, c'est bien connu, ne peut pas se tromper et réussit par conséquent son pari rock à lui. Recommandé... à toutes et à tous !

1. Wind Up Workin' in a Gas Station 2:29
2. Black Napkins 4:15
3. The Torture Never Stops 9:45
4. Ms. Pinky 3:40
5. Find Her Finer 4:07
6. Friendly Little Finger 4:17
7. Wonderful Wino 3:38
8. Zoot Allures 4:12
9. Disco Boy 5:11

Frank Zappa – guitar (all tracks), bass (1, 3–7, 9), lead vocals (1, 3, 4, 5, 7, 9), synthesizer (1, 4, 5, 9), keyboards (3, 5, 7, 9), director of recreational activities (3)
Terry Bozzio – drums (all tracks), backing vocals (5, 9)
&
Davey Moiré
– lead vocals (1), backing vocals (1, 9), engineer
Andre Lewis – organ (2), vocals (2), backing vocals (5, 9)
Roy Estrada – bass (2), vocals (2), backing vocals (4, 5, 9), drone bass (6)
Napoleon Murphy Brock – vocals (2)
Ruth Underwood – synthesizer (4, 6, 7), marimba (6, 8)
Captain Beefheart – harmonica (4, 5)
Ruben Ladron de Guevara – backing vocals (5)
Ian Underwood – saxophone (6, 7)
Bruce Fowler – trombone (6, 7)
Sal Marquez – trumpet (6, 7)
Dave Parlato – bass (8)
Lu Ann Neil – harp (8)
Sparky Parker – backing vocals (9)

FRANK ZAPPA

NoVeMBRe
Serge Gainsbourg "L'Homme à la Tête de Chou"
ou "L'apothéose Gainsbarre"

Le second concept album fomenté par Serge Gainsbourg est aussi son second chef d'œuvre ? Coincidence ? Ou alors quand Serge, homme ô combien créatif, se fixe quelque contrainte, il s'oblige à trouver des solutions auxquelles son répertoire pop échappe... Comme pour Melody Nelson, Gainsbourg se fait conteur, comme pour Melody Nelson il sent l'air du temps (du coup l'album est plus funk et se sent même de faire un détour par la Jamaïque, avant Aux Armes...), et comme pour Melody Nelson il accouche d'une éblouissante réussite. Faire le menu de cette perfection ?...  Cet album, en vérité, vous devriez tous le connaître par cœur, il devrait être inscrit au programme scolaire (on gardera les pièces les plus transgressives pour les lycéens, qui aiment bien la transgression), c'est un des rares grands classiques de chez nous reconnu aussi ailleurs, même par ceux qui y paument l'excellence de la plume, c'est dire ! Alors, voilà, à cette cuirasse ultra-blindée, dont la qualité, musicale, lyrique et même visuelle (j'aime beaucoup la pochette !) laissent sans voix, n'a qu'un minuscule défaut... 32 minutes ! D'un homme à la tête mais qui en a aussi (du chou !), c'est quand même rageant, heureusement que sa richesse résiste aux écoutes répétées, ce qui n'est pas si courant et qu'ultimement, pour mon cas personnel ça fait son quart de siècle !, on se le met et se le remet ce mythique opus, sans jamais s'en lasser. L'Homme à la Tête de Chou ? Rhââ Lovely! (comme dirait Marcel).

1. L’Homme à tête de chou 2:59
2. Chez Max coiffeur pour hommes 1:58
3. Marilou Reggae 2:11
4. Transit à Marilou 1:32
5. Flash Forward 2:36
6. Aéroplanes 2:36
7. Premiers symptômes 1:14
8. Ma Lou Marilou 2:41
9. Variations sur Marilou 7:40
10. Meurtre à l’extincteur 0:47
11. Marilou sous la neige 2:23
12. Lunatic Asylum 3:21

Serge Gainsbourg : composition, chant
Alan Parker : guitare rythmique
Judd Proctor : guitare
Brian Odgers : basse
Dougie Wright : batterie
Jim Lawless : percussions
Alan Hawkshaw : claviers, arrangements
Kay Garner, Jean Hawker, Clare Torry : chœurs

SERGE GAINSBOURG

DéCeMBRe
Genesis "Wind & Wuthering"
ou "Le dernier classique"

Ultime opus du Genesis (presque) classique, album immense comme la plupart de ceux qui le précèdent, Wind & Wuthering est essentiel. Un des albums les plus musicalement aboutis de ce Genesis progressif, aussi, grâce à la maniaquerie de l'arrangeur en chef, Tony Banks, et le soutien de ses collègues qui, c'est acquis, ne sont pas des demi-sels quand il s'agit de s'exprimer, chacun, sur leur instrument respectif. En résulte des compositions précieuses, millimétrées même et, du coup, un peu moins de folie que ce que nous avait habitué le groupe dans sa mouture la plus référentielle. Concrètement, sur 8 des 9 compositions, on retrouve le Genesis qu'on avait eu l'habitude d'entendre en, cependant, un peu plus lisse. L'absence de Gabriel est, il faut dire, un facteur contribuant de cet etat de fait. Déjà parce que Collins, nettement moins "clonesque" que sur A Trick of the Tail (pour lequel, il est vrai, il n'avait pas prévu de chanter), amène une sensibilité plus pop, plus romantique, ensuite parce que les textes ont perdu en symbolique et en allégorie parfois cryptique ce qu'ils ont gagné en clarté. C'est le cas sur l'ensemble de l'album où l'on n'est pas obligé de trop se creuser les méninges pour savoir ce que ce diable de parolier a bien voulu dire, à l'exception cependant de One for the Vine qui est aussi, tiens tiens, le chef d'oeuvre de l'opus. On y apprécie la fantaisie toute britannique d'un All in A Mouse's Night, sorte de Tom & Jerry version prog, moins le côté trop normal, commun dirait-on, d'une bête chanson d'amour telle que Your Own Special Way. Cette dernière, justement, fait un peu tâche sur un album qui, sinon, allie avec grandeur complexité et harmonie, sans doute cette dernière préfigure-t-elle la simplification de l'écriture du groupe (et de Rutherford en l'occurence) qui prendra effet dès l'album suivant, dès le départ de Steve Hackett, osera-t-on affirmer. Sinon, c'est à un Genesis finalement assez proche de celui de Selling England By The Pound auquel nous avons affaire avec, notamment, des tentations "fusionnesques" sur l'instrumental Wot Gorilla? et, globalement, symphoniques sur l'ensemble de la galette. Et ça marche merveilleusement bien et donne une collection où, donc, à l'omission du précité faux-pas, le féru de rock progressif en prend plein les oreilles. D'autant que la production, signée de David Hentschel et du groupe, met parfaitement en valeur les nombreuses qualités d'une formation encore clairement à son sommet créatif. Il y a moult raison de se réjouir du souffle de ce vent divin, et une de s'attrister car, enfin !, comment ne pas rager qu'une telle verve créatrice se voit petit à petit éteinte dans ce qui suivra ? Comment ne pas regretter cette formation d'exception dans sa mue pop-progressive d'abord puis carrément pop ? Pas que les successeurs ne déméritent vraiment, il restera du grain à moudre pour les amateurs de belles ambiances et de ciselées compositions, mais plus jamais autant qu'avec la période qui se clôt ici et laisse, mine de rien, six album quasi-parfaits en seulement cinq petites années. Très fort !

1. Eleventh Earl of Mar 7:39
2. One for the Vine 9:59
3. Your Own Special Way 6:15
4. Wot Gorilla? 3:12
5. All in a Mouse's Night 6:35
6. Blood on the Rooftops 5:20
7. Unquiet Slumbers for the Sleepers... 2:27
8. ...In That Quiet Earth 4:45
9. Afterglow 4:10

Tony Banks - acoustic & electric pianos, synthesizers (ARP 2600 & Pro-Soloist, Roland RS-202 String), mellotron, Hammond T-102 organ
Phil Collins - lead & backing vocals, drums, percussion
Steve Hackett - electric guitar, classical guitar, 12-string guitar, kalimba, autoharp
Mike Rutherford - bass guitars (4, 6 & 8 strings), bass pedals, 12-string guitar, electric guitar, backing vocals

GENESIS

mardi 24 mai 2016

The 27 Club V1: Les Sept Piliers (A-List)

C'est un club duquel les membres se seraient bien passés de faire partie, un club qui ne réunit pas que les légendes ici proposées (on y reviendra) et connut sa démarrage culte avec les disparitions rapprochées de quatre des 7 piliers du mythe. Et donc, voici, volume 1, celui de célébrités dont le sort nous aura privé de plus de merveilles, hélas.

RoBeRT JoHNSoN
Robert Johnson "The Complete Recordings: The Centennial Collection" (2011)
ou "Mystery Blue"

Une révélation ! On savait déjà tout le bien qu'il fallait penser de Robert Johnson et, à l'écoute, on se rendait bien compte qu'il s'agissait là d'un bluesman important, d'un fin guitariste aussi qui continue d'agiter les musicologues de tous crins sur un prétendu impossible autodidactisme, d'un absolu à qui veut découvrir la note bleue en fin, mais, parce qu'il y a un mais, le grésillement d'enregistrements d'un autre temps gâchait un peu le plaisir... Et puis la Centennial Colection, une révélation ! Parce qu'ici, enfin !, on peut entendre toutes les finesses de six-cordiste du diable d'homme, parce que sa voix est restaurée comme jamais et vous file de ces frissons, j'vous dit pas ! Après, évidemment, comme tout le catalogue de Robert Johnson appartient au grands classique du genre (Sweet Home Chicago, Come On in My Kitchen, Ramblin' on My Mind, Crossroad Blues ou Traveling Riverside Blues un peu plus que les autres) c'est forcément une délectation de tous les instants. Qu'on se le dise cependant, ce n'est toujours pas une version hi-fi, sans doute impossible à atteindre avec des sources si anciennes et compromises, mais une remise en son suffisamment notable et magistrale pour qu'on félicite les talentueux ingénieurs du son responsables du prodige, et qu'on conseille, sans même avoir à y réfléchir, la Centennial Edition des Complete Recordings de l'Homme qui aurait fait un pacte avec le Diable, à tous donc même à ceux qui ont déjà sa devancière. Oui, c'est à ce point !

CD 1
San Antonio Recordings
1. Kind Hearted Woman Blues 2:52
2. I Believe I'll Dust My Broom 2:59
3. Sweet Home Chicago 2:58
4. Ramblin' On My Mind 2:22
5. When You Got A Good Friend 2:37
6. Come On In My Kitchen 2:44
7. Terraplane Blues 3:00
8. Phonograph Blues 2:40
9. 32-20 Blues 2:50
10. They're Red Hot 2:58
11. Dead Shrimp Blues 2:31
12. Cross Road Blues 2:40
13. Walkin' Blues 2:30
14. Last Fair Deal Gone Down 2:38
15. Preachin' Blues (Up Jumped The Devil) 2:51
16. If I Had Possession Over Judgement Day 2:35
Alternates
17. Kind Hearted Woman Blues 2:30
18. Ramblin' On My Mind 2:51
19. When You Got A Good Friend 2:52
20. Come On In My Kitchen 2:52
21. Phonograph Blues 2:33
22. Cross Road Blues 2:32

CD 2
Dallas Recordings
1. Stones In My Passway 2:29
2. Steady Rollin' Man 2:37
3. From Four Until Late 2:24
4. Hell Hound On My Trail 2:37
5. Little Queen Of Spades 2:13
6. Malted Milk 2:22
7. Drunken Hearted Man 2:29
8. Me And The Devil Blues 2:35
9. Stop Breakin' Down Blues 2:23
10. Traveling Riverside Blues 2:40
11. Honeymoon Blues 2:18
12. Love In Vain Blues 2:18
13. Milkcow's Calf Blues 2:21
Alternates
14. Little Queen Of Spades 2:20
15. Drunken Hearted Man 2:27
16. Me And The Devil Blues 2:33
17. Stop Breakin' Down Blues 2:18
18. Traveling Riverside Blues 2:53
19. Love In Vain Blues 2:26
20. Milkcow's Calf Blues 2:18

Robert Johnson - vocals, guitar (08/05/1911-16/08/1938)

ROBERT JOHNSON

BRiaN JoNeS
The Rolling Stones "Between the Buttons" (1967)
ou "Stones' Transition"

Controversé à sa sortie par une critique y voyant une sorte de renoncement, de compromis parce qu'il tendait vers un psychédélisme alors très en vue ou une écriture pop supra-efficace rappelant les Beatles ou les Kinks, Between the Buttons reste une manne pour ceux que les tubes des Rolling Stones fatiguent à force de trop les avoir entendus.Pour la petite histoire, et comme c'était la coutume pour nos Pierres-Qui-Roulent dans ces swinging sixties, Between the Buttons existe en deux éditions : l'américaine, comprenant les deux singles Let's Spend the Night Together et Ruby Tuesday et l'anglaise, la vraie version, sans les deux précités mais avec Back Street Girl et Please Go Home que l'audience étasunienne ne retrouvera que sur la compilation Flowers (incluant en fait une série de chansons omises par les éditions US des précédents albums du groupe).Enregistré entre les Etats-Unis et l'Angleterre, et entre Août et Octobre 1966, comme d'habitude sous le patronage de leur producteur/manager attitré, Andrew Loog Oldham, Between the Buttons voit s'effacer l'énergie primale, le ton de « sales gosses bluesants » qui caractérisait alors les Rolling Stones pour quelque chose de plus travaillé, plus mesuré. Concrètement, pas aussi essentiel qu'un Aftermath ou Out Of Our Heads (les deux qui le précèdent), Between the Buttons n'est pas non plus le ratage que certains décrivent. Déjà parce qu'un Brian Jones - de moins en moins guitariste - y instille moult instruments inattendus dans un album de la formation (accordéon, vibraphone, theremin, etc.) pour un effet plutôt convaincant. Ensuite, parce que les compositions, si elles ne deviendront jamais des piliers des set-lists du groupe (la faute à des Stones trop opportunistes et routiniers ?), sont toutes réussies. Certes, Jagger, Richards & Co poussent parfois un peu loin le bouchon, c'est notamment le cas sur le vaudevillesque Cool Calm and Collected ou le jazzy Something Happened to Me Yesterday qui restent cependant deux chansons tout à fait écoutables même si, s'éloignant sans doute trop des préoccupations habituelles du quintet, convainquent moins.Sans doute pas essentiel, sauf à vouloir mieux comprendre l'évolution des Rolling Stones, Between the Buttons est un album plus qu'honorable où une formation désormais installée et célébrée s'essaye à autre chose et le réussit souvent. Ce n'est déjà pas si mal.

1. Yesterday's Papers 2:04
2. My Obsession 3:17
3. Back Street Girl 3:27
4. Connection 2:08
5. She Smiled Sweetly 2:44
6. Cool, Calm & Collected 4:17
7. All Sold Out 2:17
8. Please Go Home 3:17
9. Who's Been Sleeping Here? 3:55
10. Complicated 3:15
11. Miss Amanda Jones 2:48
12. Something Happened to Me Yesterday 4:55

Mick Jagger: chant, choeurs, harmonica ("Cool, Calm, Collected"), percussions
Keith Richards: guitare, choeurs, bass guitar, piano, orgue et contrebasse, chant ("Connection," "My Obsession" et "Something Happened To Me Yesterday")
Brian Jones: orgue, vibraphone, glockenspiel, accordéon, harmonica ("Who's Been Sleeping Here?"), flute, percussions, kazoo, theremin, saxophone, dulcimer, harpsichord, guitare, piano, choeurs (28/02/1942-03/07/1969)
Charlie Watts: batterie, percussione
Bill Wyman: basse, percussione, contrebasse, choeurs
&
Jack Nitzsche: piano, harpsichord, percussions
Ian Stewart: piano, orgue
Nick DeCaro – accordéon
Uncredited musicians - brass and strings ("Something Happened to Me Yesterday")

BRIAN JONES

JiMi HeNDRiX
Jimi Hendrix Experience "Are You Experienced" (1967)
ou "Introducing"

Que dire qui n'ait pas encore été écrit sur le monument inaugural de la trop brève carrière de James Marshall Hendrix et des deux petits anglais que Chas Chandler a déniché pour l'accompagner (pas facile, il faut de la souplesse pour suivre le félin guitariste/chanteur), cet Are You Experienced à raison légendaire ? Que dire de ce jeune black d'à peine 23 ans qui, débarqué dans les swinging sixties londoniennes, changea à tout jamais le monde de la musique ? Évidemment, si on prend les deux versions originales de l'album (celle dévolue au Monde et celle que les ricains, qui ne peuvent jamais rien faire comme tout le monde), il manque d'énormes classiques, surtout sur la version internationale où, tout de même !, Purple Haze, Hey Joe et The Wind Cries Mary ! Carrément ! Heureusement, les éditions récentes, depuis 1997 et la première génération des remasters, sauf si, fétichiste dans l'âme, vous choisissez spécifiquement la réédition d'une des deux éditions incomplètes, c'est un gros opus de 17 titres où sont réunies toutes les chansons apparaissant dans l'une ou l'autre, ouf ! Pour ajouter au bordel, on précisera que l'album connut aussi deux pochettes desquelles l'américaine (la photo ronde et son tour jaune) est assurément la plus laide... Bref, l'important est ailleurs, dans ce hard rock blues psychédélique alors unique en son genre mais qui ne tardera pas à en inspirer de nombreux. Bien-sûr, la formule du power trio en base blues qui psychédélise le répertoire n'est pas une exacte nouveauté, Cream a déjà fait le coup quelques mois plus tôt mais, élément ô combien déterminant et absolument indéniable, là où Clapton est un finalement sage disciple, Hendrix explose tout, ose tout et, surtout !, réussit tout. Et puis ses chansons sont meilleures, ça swingue plus, c'est plus sensuel... Pour les chansons, pas besoin de faire le menu, il suffit de jouer la chose pour ce rendre compte que, près d'un demi-siècle plus tard, ça tient encore furieusement bien la route et, encore mieux, en ces temps où tous les revivalismes semblent coexister, c'est encore et toujours d'une brûlante actualité. Bref, vous voyez, quand on parle d'un pareil album, d'une œuvre universellement louée pour sa qualité et son importance, on est toujours un peu dans le lieu commun, aussi, puisque nous y sommes, osons-en un de plus : Are You Experienced est un essentiel à toute collection rock qui se respecte, si vous l'avez raté (comment est-ce possible ?) il vous le faut, là, maintenant, tout de suite !

1. Hey Joe 3:33
2. Stone Free 3:29
3. Purple Haze 2:54
4. 51st Anniversary 3:18
5. The Wind Cries Mary 3:24
6. Highway Chile 3:35
7. Foxy Lady 3:22
8. Manic Depression 3:46
9. Red House 3:44
10. Can You See Me 2:35
11. Love or Confusion 3:17
12. I Don't Live Today 3:58
13. May This Be Love 3:14
14. Fire 2:47
15. Third Stone from the Sun 6:50
16. Remember 2:53
17. Are You Experienced? 4:17

Jimi Hendrix — vocals, guitars (27/11/1942-18/09/1970)
Noel Redding — bass; backing vocals on "Foxy Lady," "Fire," and "Purple Haze"
Mitch Mitchell — drums; backing vocals on "I Don't Live Today" and "Stone Free"
&
The Breakaways — backing vocals on "Hey Joe"

JIMI HENDRIX

JaNiS JoPLiN
Big Brother and the Holding Company "Cheap Thrills" (1968)
ou "JJ's Magic"

Leur premier album sur l'indépendant Mainstream Records avait été largement handicapé par un minuscule budget et une production approximative empêchant une formation de blues psychédélique prometteuse de livrer la pleine mesure de leur talent. Un an plus tard, et après une très remarquée performance au Monterey Pop Festival, arrive un Cheap Thrills, album soutenu qu'ils sont par la major company Columbia et produit par un John Simon ayant fait ses preuves auprès du jazzman Charles Lloyd ou du folkeux canadien Leonard Cohen, une toute autre histoire en vérité, un vrai morceau de la légende de la pop music, aussi.Effectivement, présenté plus ou moins comme un live mais, en fait, enregistré en grande partie en studio (avec la notable exception de Ball & Chain provenant d'un concert au Winterland Ballroom), c'est une parfaite représentation du blues jammy et psychédélisant de du Big Brother avec, évidemment, une Janis impériale en indéniable cerise sur le gâteau. Le terreau sur lequel a poussé cette sauvage fleur électrique est évidemment blues mais le groupe, totalement dans le zeitgeist du flower power San-franciscain, pousse l'enveloppe de la vieille musique vers une freak-attitude absolument de son temps. Porté par deux morceaux phares (la passionnée reprise du Summertime du Porgy & Bess de George et Ira Gershwin et la puissante transformation d'une chanson soul un poil plan-plan en blues/rock électrique de Piece of My Heart), l'album connaîtra un énorme succès s'incrustant durablement, 8 semaines consécutives, à la tête des charts étatsuniens, ce qui n'était, à l'écoute du séminal ensemble, que justice parce que, franchement, quelle fête mes aïeux, quelle chanteuse, et quel parfait groupe pour l'accompagner dans ses éraillées vocalises ! Janis quittera bientôt ses partenaires pour se lancer dans une trop courte carrière solitaire pour les funestes raisons que vous connaissez tous. Le groupe, de son côté, tentera de survivre sans son emblématique figure de proue. Las, ni l'une (même si ses deux albums sont toujours recommandables, particulièrement l'hélas posthume Pearl), ni le groupe (qui reviendra, après une courte séparation, pour une paire d'album pas franchement affolants menés par un nouveau line-up où le trou béant laissé pas Joplin est évident), ne sauront tout à fait reproduire l'exploit. Reste cette galette magique, ce trip multicolore à dominante de bleu, typique de son époque et pourtant toujours d'une brûlante actualité, une œuvre plus que recommandée, obligatoire à la collection de tout amateur de rock/blues qui se respecte.

1. Combination of the Two 5:47
2. I Need a Man to Love 4:54
3. Summertime 4:01
4. Piece of My Heart 4:15
5. Turtle Blues 4:22
6. Oh, Sweet Mary 4:16
7. Ball and Chain 9:02
Bonus
8. Roadblock (Studio outtake) 5:31
9. Flower in the Sun (Studio outtake) 3:04
10. Catch Me Daddy (Live) 5:32
11. Magic of Love (Live) 3:58

Janis Joplin - vocals (19/01/1943-04/10/1970)
Sam Andrew - guitar, bass, vocals
James Gurley - guitar
Peter Albin - bass, guitar
Dave Getz - drums
&
John Simon - piano, Producer

JANIS JOPLIN

JiM MoRRiSoN
The Doors "L.A. Woman" (1971)
ou "FLW"

Cela va sans dire mais il ne coûte rien de le rappeler, L.A. Woman, ultime opus des (vrais) Doors, avec Morrison donc, est un exceptionnel album où, pour la dernière fois, un des groupes les plus importants de la seconde moitié des années soixante délivre une performance ô combien recommandable en se repliant, à quelques exceptions près, sur les bases blues qui les virent débuter en 1965.Et les classiques n'y manquent pas ! D'un Changeling bluesy et entrainant à souhait au jazzy, psychédélique et habité Riders on the Storm, descendant non-officiel de The End diront certains, les raisons de s'enthousiasmer pour le répertoire, et donc de se désespérer de son caractère final, sont aussi nombreuses que le nombre de pistes. Il faut dire que les Doors, séparés de leur producteur historique, Paul A. Rothchild, se sont ici épris d'une liberté nouvellement acquise et se laissent aller à simplement jouer ce qui leur fait envie en ne se souciant que peu (voire pas) de répercussions commerciales que ceci aura. Précisons aussi qu'enregistré live en studio, à l'exception de quelques overdubs de claviers, l'album s'offre sans fard, dans le plus simple appareil musical... Et qu'est-ce que c'est bon ! Ceci dit, le sel de cette édition 40ème anniversaire, s'il vaut pour l'album d'origine ici joliment remastérisé (à partir du mix de 1971), tient aussi dans les nombreuses outtakes et quelques raretés du Cd, matériau inédit à destination de ceux qui en veulent toujours plus et qui, pour le coup, ont largement de quoi se réjouir. En l'occurrence, si les versions ne sont pas dramatiquement différentes de celles qui finiront sur l'album, elles permettent d'entendre les Doors tester d'autres configurations, des idées qui ne seront finalement pas retenues et qui valent autant pour leur valeur musicale qu'historique permettant à l'auditeur de mieux comprendre le processus créatif d'un groupe hors du commun et d'apprécier comme il se doit leurs dernières sessions.En résumé, chaudement conseillé à ceux qui n'auraient encore eu l'avantage d'y poser l'oreille, L.A. Woman 40th Anniversary Edition, attirera aussi ceux qui l'ont usé à force de trop l'écouter. Un album indispensable à quiconque aime le rock.

1. The Changeling 4:21
2. Love Her Madly 3:20
3. Been Down So Long 4:41
4. Cars Hiss by My Window 4:12
5. L.A. Woman 7:49
6. L'America 4:37
7. Hyacinth House 3:11
8. Crawling King Snake 5:00
9. The WASP (Texas Radio and the Big Beat) 4:16
10. Riders on the Storm 7:09
Bonus
11. Orange County Suite 5:45
12. (You Need Meat) Don't Go No Further 3:41

Bonus Disc
1. The Changeling (Alternate Version) 4:45
2. Love Her Madly (Alternate Version) 3:59
3. Cars Hiss by My Window (Alternate Version) 4:42
4. L.A. Woman (Alternate Version) 8:50
5. The WASP (Texas Radio and the Big Beat) (Alternate Version) 5:37
6. Been Down So Long (Alternate Version) 4:53
7. Riders on the Storm (Alternate Version) 9:11
8. She Smells So Nice 4:41
9. Rock Me 4:30

Jim Morrison: chant (08/12/1941-03/07/1971)
Bobby Krieger: guitare
Ray Manzarek: piano, orgue
John Densmore: batterie
&
Jerry Scheff: basse
Marc Benno: guitare rythmique

JIM MORRISON


KuRT CoBaiN
Nirvana "Bleach" (1989)
ou "Au Commencement..."

Si Nevermind sera l'explosion commerciale et l'affirmation d'une nouvelle scène destinée à "tuer" ces années 80 sur-gonflées au fric et à la frime, c'est bel et bien avec Bleach, sur le label chez qui tout commença, Sub Pop, que la toute la première banderille est plantée, peut-être la toute meilleure création du Nirvana de Kurt Cobain... Parce que si Nevermind est l'impressionnante machine à charts que nous connaissons, un album qui doit beaucoup à la cohérence que lui a insufflé son producteur, le futur Garbage Butch Vig, c'est bien sur Bleach que toute la sève, toute la substance d'un trio revenant aux fondamentaux d'un (punk) rock qu'on a trop domestiqué et qui retrouve, de fait, toutes les griffes nécessaires à une juste excitation post-adolescente, mais pas illettrée pour autant. Parce qu'il est indéniable que ces trois-là, leur leader et principal compositeur en particulier, Kurt Cobain bien sûr, on une vraie culture de la musique qu'ils revisitent, une musique qui a beaucoup à voir avec certains Stooges, certains MC5 et même, moins loin d'eux que ça, d'Hüsker Dü et de Sonic Youth. Et donc présentement, sans Dave Grohl qui arrivera plus tard, sous la direction du légendaire Jack Endino, Nirvana balance sa première salve de bombes électriques avec, en ouverture typique (tout Nirvana y est ou presque) un Blew triste et colérique particulièrement bien senti bientôt suivi d'un Floyd the Barber qui doit beaucoup aux Melvins (une influence assumée de Kurt), d'un About a Girl qui montre que ces gars-là s'y entendent aussi pour pondre de la petite chanson pop désabusée, d'une reprise de Shocking Blue énergétiquement exécutée (l'orientalisant Love Buzz), d'un Negative Creep hautement colérique et du coup très impressionnant de rageuse dépression, d'un Sifting rampant, lourd et menaçant, ou d'un Big Cheese, seule composition partagée par Cobain avec son bassiste, Krist Novolesic, bruyant, maladif et pourtant distrayant... Et le reste n'est pas non plus, aussi ! Parce qu'il est indiscipliné, cru, direct, et d'une sincérité qu'il est impossible de contester, parce qu'il n'est pas de ceux qui brossent l'auditeur dans le sens du poil mais pas plus de ceux qui le violentent avec un plaisir sadique, parce qu'il est un des détonateurs d'une résurgence rock primale nécessaire, Bleach est un immanquable, tout simplement.

1. Blew 2:55
2. Floyd the Barber 2:18
3. About a Girl 2:48
4. School 2:42
5. Love Buzz 3:35
6. Paper Cuts 4:06
7. Negative Creep 2:56
8. Scoff 4:10
9. Swap Meet 3:03
10. Mr. Moustache 3:24
11. Sifting 5:22
12. Big Cheese 3:42
13. Downer 1:43

Kurt Cobain - vocals, guitar (20/02/1967-05/04/1994)
Krist Novoselic - bass
Chad Channing - drums
&
Dale Crover - drums on "Floyd the Barber", "Paper Cuts", and "Downer"

KURT COBAIN

aMy WiNeHouSe
Amy Winehouse "Frank" (2003)
ou "Shooting Star"

Alors ? Amy Winehouse ? Une grande artiste au destin brisé ? Une junkie de plus qui n'aura pas tenu la distance, pas su "tenir son acte" (c'est vrai, la bio de Keith Richards n'était pas encore sortie...) ? Un peu des deux, forcément, sauf que, saupoudré à l'ère médiatique, la déchéance d'une bonne chanteuse de soul ne fut que plus marquante... Présentement, en 2003, Amy n'a que 20 ans mais déjà quelque expérience, elle qui vocalisa au sein du National Youth Jazz Orchesta, a été "développée" par un management persuadé de tenir là la perle rare, et a participé, hors de toute pression de quelque label que ce soit, à la création et à l’enregistrement d'un album quasi livré "clé en main" à Island Records. Bon, on sait qu'Amy désavoua la galette qu'elle avouait pourtant, dans le même temps, concédait n'avoir jamais écouté dans son entièreté... Et c'est bien dommage parce qu'il tient bien la route, ce Frank, titre choisi parce que les paroles d'Amy sont franches et qu'elle cite volontiers Sinatra dans ses influences, un peu brouillon peut-être, pas aussi parfait qu'un album de soul américaine contemporain sans doute, mais tellement plus charmant, tellement plus humain. Parce que les failles d'Amy, avec le funeste destin que l'on sait, sont aussi, certainement, ce qui fait sa force de distante petite cousine blanche de Billie Holiday, jusque dans l'autodestruction rageuse par cause de malheur. Évidemment, on n'ira pas comparer l'une avec l'autre ne serait-ce que parce qu'aux 25 ans de carrière et foultitude d'enregistrements de l'une on n'a que les 7 ans, deux albums et quelques collaborations de l'autre, pas de quoi comparer, et un contexte tellement différent aussi, sans parler du style... Parce que si des traces des influences jazz d'Amy subsistent sur la galette, c'est heureux !, c'est clairement le rhythm'n'blues qui mène le bal mais, donc, pas de ces r'n'b froids et digitaux dont sont friandes les bandes FM dégoulinantes de beats stéréotypés, quelque chose de plus organique, de plus "sang, sueur et sang", modernisé juste ce qu'il faut pour agréer avec la nouvelle génération, pas assez pour s'aliéner les puristes, un bel exercice d'équilibriste rétro-moderniste en somme. Et mené par une voix, une vraie, de celles qu'on aime ou qu'on déteste mais qu'on reconnait immédiatement, loin du méchant formatage encore. Et voilà donc, l'album des promesses brisées, le premier des deux jolis opus officiels d'une Miss Winehouse disparue trop tôt... Mon préféré des deux parce que cette innocence, ce charme débutant... Épatant !

1. Intro/Stronger Than Me 3:54
2. You Sent Me Flying/Cherry 6:50
3. Fuck Me Pumps 3:20
4. I Heard Love Is Blind 2:10
5. (There Is) No Greater Love/Teo Licks 2:08
6. In My Bed 5:17
7. Take the Box 3:20
8. October Song 3:24
9. What Is It About Men 3:29
10. Help Yourself 5:01
11. Amy Amy Amy/Outro/Moody's Mood for Love/Know You Now 11:03

Amy Winehouse – vocals, guitar (14/09/1983-23/07/2011)
21st Century Jazz – accompaniment
John Adams – organ, Rhodes
Robert Aaron – flute, saxophone
Teodross Avery – saxophone
Ian Barter – guitar
Rudy Bird – percussion, shaker
Errol Campbell – drums, percussion
Wilburn "Squiddley" Cole – drums
Commissioner Gordon – drums, effects, percussion, programming, turntables
Delroy "Chris" Cooper – bass
Tanya Darby – trumpet
Jeni Fujita – backing vocals
Vincent Henry – alto flute, alto saxophone, baritone saxophone, flute, tenor saxophone
Jimmy Hogarth – bass, drums, guitar, percussion, programming
Felix Howard – backing vocals
Stafford Hunter – trombone
Timothy Hutton – horn
Donovan Jackson – keyboards, organ, Rhodes
Gregory Jackson – bass
Bruce Purse – baritone horn, bass trumpet, flugelhorn, trumpet
Salaam Remi – drum programming, drums, electric bass, electric upright bass, organ, percussion
Matt Rowe – backing vocals, trumpet
Jeremy Shaw – guitar
Stefan Skarbek – backing vocals, trumpet
Martin Slattery – Hammond organ, horn, Wurlitzer
Earl "Chinna" Smith – guitar
Luke Smith – bass, keyboards, piano
Lenny Underwood – keyboards, piano
Richard Wilkinson – additional drums
Troy Wilson – drums

AMY WINEHOUSE

ReNCoNTReS au SoMMeT
Brian Jones et le Sgt. Purple

Jimi, le grand frère et la petite sœur