samedi 31 mai 2014

Devoir de résistance

Pas besoin de long discours, une piqûre de rappel* suffira:

...et pas que la jeunesse d'ailleurs.
 
RESISTONS !
 

*The only good fascist is a very dead fascist:

Swastikas and Klan robes.
Sexist, racist homophobes.
Aryan-Nations and Hammerskins,
You can wear my nuts on your Nazi chins.
I love a man in uniform.
Just what exactly are the great historical accomplishments
Of your race that make you proud to be white?
Capitalism? Slavery? Genocide? Sitcoms?
This is your fucking white history, my friend.
So why don't we start making a history worth being proud of
And start fighting the real fucking enemy?
Swastikas and Klan robes.
Sexist, racist homophobes.
This one's for the Master Race.
My brown-power ass in your white-power face.
Kill them all and let a Norse god sort 'em out.
 
 
Parce que le FN, "reMariné" ou pas, c'est encore (et toujours !) ça :
(et ce n'est qu'un exemple...)
 
Jamais ça !

vendredi 30 mai 2014

Un lion dépressif ?

Encore un hors série dont j'ai eu envie de vous parler après l'avoir réécouté (une demi douzaine de fois, mais ça faisait longtemps...) ce qui me permet aussi de tenter de raccourcir mon format critique habituel, on y est pas encore mais presque... Bref, à bientôt, peut-être, pour un prochain coup de cœur "printestival" !

Pedro the Lion "Control" (2002)
ou "Indie triste"


Et si, en guise d'introduction, je vous disais que ce Control par Pedro the Lion est un concept album ? Vous fuyez vous imaginant avec horreur une énième resucée de GeneYes ou de Crimson, Lake & Palmer... Et vous vous plantez totalement !
 
Pour simplifier, on dira que David Bazan, maître à penser incontestable, joue de l'indie triste quelque part entre shoegaze et  slocore avec quelque tentations grungy pour épicer tout ça mais jamais d'excès de vitesse, oh, jamais ! Control est tout de même l'album le plus frontalement  électrique jamais produit par la formation, un album encore et toujours marqué par le songwriting, paroles et musique, de Bazan, son goût de ne pas se contenter d'une bête structure pop. Il reste tout de même quelques hooks mélodiques mais l'ambiance, la progression globale de l'œuvre importe audiblement plus à son concepteur qu'une approche plus directe et accrocheuse. Ce qui colle parfaitement à une lugubre histoire d'amour qui finit mal sur fond d'Amérique désenchantée. Pas la joie mais de bonnes compositions articulant un concept définitivement plus humain, et donc plus intelligent, que la moyenne habituelle de l'exercice. On craquera ainsi facilement sur les "facilités" de l'album (Rapture, Penetration, Indian Summer, Second Best) qui serviront d'idéales portes d'entrée à l'entièreté de l'œuvre. Une œuvre qu'on espère cathartique pour Bazan qui conclut tout de même par un:
"You're gonna die
 We're all gonna die
 Could be twenty years
 Could be tonight
 Lately I have been wondering why
 We go to so much trouble
 To postpone the unavoidable
 And prolong the pain of being alive
 
Wouldn't it be so wonderful if everything were meaningless
 But everything is so meaningful
 And most everything turns to shit
 Rejoice"
qui ne laisse pas exactement augurer du meilleur quand à l'avancée de sa dépression. Courage, David, on est avec toi !
 
Bref, cet album est une merveille, pas un truc qui saute à l'oreille, plus une beauté (triste, donc) qu'on découvre au fur et à mesure d'écoutes de plus en plus attentives et admiratives. Que les amateurs de rock fin (mais costaud quand il faut !) se le tiennent pour dit !


1.Options 3:56
2.Rapture 3:26
3.Penetration 3:55
4.Indian Summer 3:21
5.Progress 4:09
6.Magazine 4:01
7.Rehearsal 3:48
8.Second Best 6:00
9.Priests And Paramedics 4:35
10.Rejoice 3:11


David Bazan – vocals, drums, guitars, bass guitar, keyboards
Casey Foubert – bass guitar, keyboards, guitars, percussion

jeudi 29 mai 2014

Du neuf !


Un nouveau "Mange Mes Disques !*" ? Ben oui, histoire de rompre la routine, j'ai décidé de changer ma formule... Pas complètement puisque vous y retrouverez certaines des rubriques qui y existait déjà : Devoir de mémoire, les Immanquables et France Dimanche. En fait, j'ai décidé de coller un thème (ouvert, le thème) à chaque journée parce que finalement, un contenu bien tenu, c'est pas plus mal.
En clair, tout ça s'organisera comme suit :


Lundi:
Devoir de mémoire
Un album à remettre en lumière d'un artiste connu ou pas. Une rubrique évidemment ouverte à des intervenants extérieurs, qu'on se le dise !

Mardi:
Les Diableries ou Kicéceluila
La musique du diable, c'est vaste vous me direz mais ça devrait majoritairement comprendre le genre "vilain petit canard" par excellence : le Metal ! Alternativement, on s'intéressera à un artiste pas connu mais qui mériterait de l'être.

Mercredi:
Les Immanquables
Un incontournable, un machin légendaire que tout le monde connaît ou devrait connaître. Une rubrique ouverte à des invités pour qu'ils partagent leur expérience.

Jeudi:
L'Evènement du Jeudi
Une nouveauté, probablement. Mais ça pourrait aussi être une réédition évènement genre super Deluxe de la mort ou un live sorti des limbes...

Vendredi:
L'invité du Vendredi ou Oldies but Goodies
Soit une journée de libre parole pour qui souhaite la prendre (même si on tentera de rester dans le thème de la musique, hein...), soit une bonne vieillerie, ce qui ne manque pas.

Samedi:
What's in the Box? ou Thema
Soit un coffret (ce qui était déjà le thème informel du jour comme vous l'aurez sans doute remarqué), soit un thème unissant plusieurs albums, c'est le gros post de la semaine.

Dimanche:
France Dimanche ou Au Pif !
Soit de la musique de France et, si possible, de la musique en français ( Et si un demandeur pointe le bout de son nez, c'est avec plaisir que je lui cèderai la parole !), soit un cd pris au hasard dans ma collection (ou la votre si vous souhaitez participer).

 
L'autre nouveauté sera le "format chronique" revu et corrigé avec des billets plus courts, sans doute moins littéraires (quoique...) mais, souhaitons, aussi vibrant de la passion qui habite le tenancier de ce blog.
Et tout ça commencera lundi 1er septembre**. Ceci dit, je ne m'interdis pas un petit passage de temps en temps avant la reprise... En attendant, vos avis et suggestions seront les bienvenues, rien n'est figé !


* ou un autre nom si une nouvelle crèmerie.
** sauf si Jimmy du Club nous refait le coup du grand jeu trimestriel à ce moment là...

NB: pour vous inviter, il suffit de me contacter à zornophage@gmail.com, venez nombreux !

mardi 27 mai 2014

Mains pleines !

Comme une envie irrépressible de vous en parler parce que que viens de le réécouter, béat d'admiration, muet d'envie... Je ne pouvais pas attendre, voici :

Karate "Some Boots" (2002)
ou "Bottes de sept lieues"


Le groupe n'est plus sa musique demeure, intemporelle, indémodable parce que jamais à la mode. Ha, Karate, c'était quand même quelque chose ! Un vrai power trio, puissant dans ses climats, ses pleins et ses déliés. Las, sa mixture de blues, de jazz, d'indie rock, etc., le plaça le cul entre trop de chaises pour jamais trouver une assise confortable et le public qui va avec, le groupe se contenta donc d'un maigre auditoire, fidèle auditoire aussi vouant un culte à cette bête à nulle autre pareille.
Dans le "canon" de l'œuvre de la formation, Some Boots est l'avant dernier, le plus jammy aussi. Il faut dire que ces trois là - Geoff Farina, chant, guitare et leader naturel; Jeff Godard, bassiste de son état; et Gavin McCarthy, batteur extraordinaire, s'y entendent pour tisser de longues compositions exploratoires où les hooks et soli de guitare, le son plein et chaud d'une basse omniprésente, et la volubile extravagance des figures rythmiques se marient à merveille. Certaines mauvaises langues iront médire que Farina n'est pas un brillant technicien, c'est avant tout un beau mélodiste et un créateur d'ambiances qui sait user de son instrument comme d'une seconde voix, soulignant, rehaussant, la monotonie assumée de ses lignes de chant collant idéalement à la poésie du quotidien de ses textes.
Some Boots, déjà 12 ans après sa sortie, n'a pas pris une ride, chaque écoute (et nombreuses furent-elles) y ajoute au contraire une patine, une profondeur à priori insoupçonnée. Ca s'appelle un grand album, tout simplement !
 
 
1. Original Spies 6:38 
2. First Release 7:43 
3. Ice Or Ground 6:17 
4. South 7:46 
5. In Hundreds 7:11 
6. Airport 4:43 
7. Baby Teeth 5:48 
8. Corduroy 8:44 
9. Remain Relaxed 3:11

 
Jeffrey Goddard - basse
Gavin McCarthy - batterie
Geoff Farina - chant, guitare

dimanche 25 mai 2014

Mother's Day

V/A "Mama!" (2014)
ou "Filialement votre"


Je n'aurais certainement pas dit mieux ni aussi bien que ce diable d'Alfred. Pour l'évènement, je lui cède donc bien volontiers la parole :

"A ma mère"
(Alfred de Musset )

Après un si joyeux festin,
 Zélés sectateurs de Grégoire,
 Mes amis, si, le verre en main
 Nous voulons chanter, rire et boire,
 Pourquoi s’adresser à Bacchus ?
 Dans une journée aussi belle
 Mes amis, chantons en ” chorus “
A la tendresse maternelle. (Bis.)


Un don pour nous si précieux,
 Ce doux protecteur de l’enfance,
 Ah ! c’est une faveur des cieux
 Que Dieu donna dans sa clémence.
 D’un bien pour l’homme si charmant
 Nous avons ici le modèle ;
 Qui ne serait reconnaissant
 A la tendresse maternelle ? (Bis.)


Arrive-t-il quelque bonheur ?
 Vite, à sa mère on le raconte ;
 C’est dans son sein consolateur
 Qu’on cache ses pleurs ou sa honte.
 A-t-on quelques faibles succès,
 On ne triomphe que pour elle
 Et que pour répondre aux bienfaits
 De la tendresse maternelle. (Bis.)


Ô toi, dont les soins prévoyants,
 Dans les sentiers de cette vie
 Dirigent mes pas nonchalants,
 Ma mère, à toi je me confie.
 Des écueils d’un monde trompeur
 Écarte ma faible nacelle.
 Je veux devoir tout mon bonheur
 A la tendresse maternelle. (Bis.)
"

Et la musique ? Je vous laisse apprécié mais c'est sans doute plus pour le fils qui aime sa maman que pour la maman elle même... Quoique l'emballage final, saccharosé à souhait à les atours sentimentaux, voire un poil niaiseux (ne nous voilons pas), de l'occasion.


1. Ben Harper "Mama's Trippin'" 3:44
2. Oingo Boingo "Mama" 4:23
3. J.J. Cale "Crazy Mama" 2:22
4. 10cc "Fresh Air for Mama" 3:03
5. Sharon Shannon "Mama Lou" 2:50
6. The Move "Until Your Mama's Gone" 5:03
7. Parliament "Red Hot Mama" 4:14
8. Aerosmith "Mama Kin" 4:25
9. Alela Diane "Oh! My Mama" 3:11
10. Ambrosia "Mama Frog" 6:03
11. The Pretty Things "Stone-Hearted Mama" 3:25
12. Bob Dylan "Tough Mama" 4:14
13. The Band "Rag Mama Rag" 3:01
14. Leon Redbone "Sweet Mama Hurry or I'll Be Gone" 2:36
15. Hicksville Bombers "Heartbreaking Mama" 2:31
16. Ozzy Osbourne "Mama, I'm Coming Home" 4:09
17. Genesis "Mama" 6:01
18. Paul McCartney "Only Mama Knows" 4:17
19. Elvis Presley "Mama Liked the Roses" 2:45
20. Steelheart "Mama Don't You Cry" 5:49

mercredi 21 mai 2014

Je me souviens...

Non, ce n'est pas encore le retour de la bête en sa pleine activité, des nouvelles là-dessus bientôt... C'est juste un passage pour partager la trouvaille d'un objet sonique mémoriel à nul autre pareil (ou presque) pour votre serviteur.

Fugazi "Espace Ornano, Lundi 5 Novembre 1990" (1990)
ou "Explosive Madeleine"


     Près d'un quart de siècle plus tard, je garde de très vifs souvenirs de ce concert : une petite salle idéale pour ce genre de musique, comble évidemment d'une foule interlope et surchauffée par la prestation de qualité de Dirty District, et la prestation du fameux quatuor de Washington DC, bien sûr, une performance extraordinaire de puissance, de crudité, d'honnêteté.
 
     Parce que Fugazi ne sont pas les punks moyens. Intellos, musicalement aventureux (on n'en est encore qu'au début mais les germes sont là), avec une éthique, un dogma, strict et défini : pas de concerts chers, pas de merchandising, pas d'attitude à la con, pas de drogue, pas d'alcool. Ca n'en laisse que plus de sève pour les décharges électriques présentement démontrées. Et boudiou, ce fut quelque chose ! Avec, en particulier un Guy Picciotto totalement possédé, déchirant sa guitare, ses cordes vocales, couché sur la scène, pris des spasmes de sa transe... Bon, vous n'avez pas l'image, présentement, mais ça doit bien s'entendre...
     Et donc un show d'une heure et demie, que je pensais venir de la tournée Steady Diet of Nothing (1991) mais que non en fait, c'est de Repeater (1990) mais il y a déjà pas mal de morceaux du suivant, d'où ma confusion, sans doute. Puisque c'est d'un official bootleg dont il s'agit, les petits gars de Fugazi ayant, tôt dans leur carrière, pris l'habitude de capturer chacune de leurs prestations sur bande magnétique, il faut parler du son qui, en l'occurrence, sans répondre aux critères d'un audiophile tatillon, est tout à fait correct, voire bon, qui permet de goûter comme il se doit au show.
 
     On se retrouve donc, 23 ans et demi plus tard, avec un machin improbablement sauvé des limbes, et c'est une excellente nouvelle parce que, dans le domaine d'un post-punk/hardcore, on a toujours pas fait mieux que les efforts combinés et inspirés de Brendan Canty, Joe Lally, Ian Mackaye et Guy Picciotto. Carrément !
 
 
PS: Si vous avez assisté à un concert de Fugazi et que vous souhaitez en retrouver l'enregistrement, vous pouvez tenter votre chance dans les Fugazi Live Series

 
1.  Styrofoam 2:38
2.  Sieve-Fisted Find 3:20
3.  Reclamation 3:26
4.  Interlude 1 0:38
5.  Turnover 4:27
6.  Interlude 2 0:32
7.  Two Beats Off 4:46
8.  Repeater 3:25
9.  Interlude 3 0:19
10.  Lockdown 2:16
11.  Burning Too 2:41
12.  Margin Walker 2:40
13.  Bad Mouth 2:31
14.  Interlude 4 0:39
15.  Bulldog Front 2:55
16.  Waiting Room 2:58
17.  Interlude 5 0:30
18.  Long Division 1:58
19.  Blueprint 3:49
20.  Merchandise 2:41
21.  Interlude 6 0:32
22.  Runaway Return 4:05
23.  Interlude 7 0:31
24.  Shut the Door 5:50
25.  Encore 1 1:37
26.  Exit Only 3:38
27.  Promises 4:44
28.  Reprovisional 4:55
29.  Encore 2 2:09
30.  Suggestion 6:51
31.  Give Me The Cure 3:12
32.  Outro 0:50
(pas d'extrait cette fois, il faudra me faire confiance)


Brendan Canty – drums
Joe Lally – bass
Ian MacKaye – guitar, vocals
Guy Picciotto – guitar, vocals
Recorded by Joey Picuri
Mastered by Warren Russell-Smith
Original Source: Cassette Sound

lundi 19 mai 2014

Steve sort sa lame à l'Olympe



L'image est un peu crue (téléphone portable probablement) mais suffisamment correcte, et le son suffisamment audible pour qu'on puisse goûter à cette version de The Knife à l'Olympia (j'y étais !) le 15 mai dernier.  Viva Hackett ! Enjoie !
 
Et à bientôt pour le retour (en fanfare !)

mercredi 14 mai 2014

Zorn et miroirs

John Zorn (featuring the Stephen Gosling Trio) "In the Hall of Mirrors" (2014)
ou "a new trio"


     S'il arrive sur la queue de la comète que fut le Book of Angels volume 21 d'Eyvind Kang, une merveille ! ceci dit en passant, la nouvelle création du stakhanoviste new-yorkais John Zorn se doit de ne pas être négligée.
 
     D'une parce qu'elle propose un nouveau trio, ce qui n'arrive pas si souvent dans une écurie de musiciens étendue et versatile dans laquelle le compositeur peut puiser à loisir, avec cependant un vénérable ancien, le fidèle d'entre les fidèles contrebassiste Greg Cohen.
     De deux parce que la musique qui y est proposée, louvoyant entre exigence contemporaine et swing expert, y est d'une beauté, d'une luminosité... Comme la galerie des miroirs du Château de Versailles à qui elle emprunte le titre et le visuel d'habillage mais en moins clinquant, en moins rococo/milliardaire russe/sofia-coppola-ladurée (rayez les mentions inutiles), parce que Zorn a du goût, évidemment.
     Concrètement, comprenant six pièces rondement menées par le piano de Stephen Gosling pour un peu moins de 50 minutes, In the Hall of Mirrors pourrait, si on cédait à la facilité, être comparé à moult autres projets du compositeur. On évoquera, par exemple, un Gnostic Trio où la responsabilité de soliste aurait été transféré de la guitare de Frisell et du vibraphone de Wollesen vers le piano du susnommé sur une partition notablement intensifiée, ou à l'admirable Dreamachines sorti l'an dernier avec un composition instrumentale seulement augmentée des marteaux tapants du même Magic Kenny W. ce dernier doté d'une contemporanéité nettement moins exacerbée, cependant. De fait, c'est un bon résumé, mais seulement un résumé !, d'un album qui n'oublie jamais d'être mélodique même quand il glisse vers des territoires plus exigeants. Parce que Zorn, tenant en Gosling un pianiste d'exception ayant d'ailleurs publié quelques albums chez l'excellente maison Naxos, lui a préparé une partition puisant dans les capacités techniques d'un "exécutant" aussi bien capable de jazzer, y en a !, que d'explorer expertement les aspects classiques et avant-gardistes parties intégrantes de son art. 
     Evidemment, si Gosling et la partition du Maître sont les attractions principales de cette Galerie des Miroirs, on n'en oubliera pas l'impeccable et versatile socle rythmique pourvu par la contrebasse sûre de l'ami Cohen et la jeu sur les peaux et les cymbales de Tyshawn Sorey qui, taillé comme un truck américain (genre Buddy Miles, voyez) délivre, en puissance, technique ou inventivité, une prestation si extraordinaire qu'on a parfois l'impression que Kali l'a doté de quelques membres supplémentaire. Pas tout à fait étonnant pour un gars ayant joué avec quelques pontes tels que Wadada Leo Smith, Steve Coleman, Vijay Iyer, Dave Douglas, ou Anthony Braxton, mais une révélation tout de même.
     On précisera que si, souvent, Zorn laisse une large part d'improvisation à ses musiciens, ce ne fut pas le cas ici où tout est très écrit justement pour profiter au maximum des doigts d'or de Gosling. Sans doute y a-t-il un fantasme de virtuose frustré là-dessous, au résultat, on ne s'en plaindra pas.
 
     Je l'avoue, j'ai parfois envie de dire du mal de John Zorn, juste histoire de rompre la routine louangeuse. Mais non, parce qu'à 60 piges maintenant passées, les idées clair, le regard perçant et la mine vive, Zorn se répand musicalement comme un jouvenceau courant la gueuse aux premières sèves printanières. De la joie, il en prend et en donne beaucoup en retour aussi, par son art multiple, sa capacité à sans cesse trouver de nouvelles mélodies, de nouveaux horizons, de nouvelles options toutes aussi viables les unes que les autres. Alors, qu'il joue ou pas pendant les sessions, chaque parution discographique de Master Z est un évènement, celle-ci presque plus qu'une autre, serait-on tenté d'avancer... C'est dire si on recommande ce délicieux, précieux et virtuose In the Hall of Mirrors, en attendant la suite, vite !


1. Epode 5:47
2. Maldoror 10:08
3. Tender Buttons 4:50
4. In Lovely Blueness 11:01
5. Illuminations 12:09
6. Nightwood 4:48


Stephen Gosling - piano
Greg Cohen - bass
Tyshawn Sorey - drums
John Zorn - composition, production

mardi 13 mai 2014

Ici, avant...

Ici, avant, il y avait :

 
L'album est toujours aussi recommandé mais plus disponible sur ce blog ayant été dénoncé par un quelque zélé délateur, tant pis.
Je vous en livre tout de même le billet :
 
"Ayant retenu la leçon des quelques suffisances instrumentales qui éloignèrent leur second opus, Countdown to Ecstasy, des masses vinylophages,  c'est avec un tout autre état d'esprit que reviennent les classieux californiens de Steely Dan sur un Pretzel Logic plus slick et jazzy que jamais. Leur premier chef d'œuvre ? Ca se discute... Mais c'est sûrement ça.
 
Indéniablement, c'est un opus important dans la carrière de la formation menée par Walter Becker et Donal Fagen, un album de faux-semblants aussi parce tout ceci est infiniment plus complexe qu'il n'y parait.
Si les compositions sont en effet plus resserrées, plus concises, et mélodiquement, mama mia !, des bombes, petites miniatures précieuses et esthétiques spécialement conçues, semble t'il, pour un bonheur auditif maximal, elles expriment aussi la science du montage sonore, de l'arrangement juste et recherché qui ne tend qu'à un but, magnifier la composition. Evidemment, vous me direz et vous aurez raison, que tout ceci n'est pas nouveau que, de tout temps, la pop jazzée californienne de Steely Dan est connue pour ses imparables  mélodies enrobées dans la production la plus chaudement confortable qui soit, et c'est exactement de ça dont il s'agit sauf que ça n'empêche nullement d'apprécier la préciosité de la mise en forme et l'exceptionnel travail de précision d'instrumentistes capables de beaucoup plus, de beaucoup plus compliqué, mais présentement trop occupé à concurrencer les Beatles et les Beach Boys dans la catégorie de la galette pop parfaite tout en, petit miracle dont peu purent se targuer, ne sonnant absolument pas comme leurs vénérables devanciers. C'est juste qu'il y a ici la même aisance mélodique, la même évidence de mélopées qu'on sait éternelles dès leur premier passage.
Alors oui, et sans entrer dans le détail de la tracklist qui est parfaite, c'est dit !, ça groove, ça cuivre, ca jazze, ça fait des chœurs angéliques, du miel pour les cages... à miel, justement ! La production, signée Gary Katz, metteur en son habituel de la formation est évidemment formidable de précision, de largeur de spectre, de profondeur, de chaleur aussi, un peu comme si vous vous prélassiez sur la plage de Malibu, un daiquiri à la main, une belle blonde (ou pour ces dames, un bel éphèbe) alanguie sur le transat adjacent et qu'il fait beau, et que tout va bien, et que la vie est belle... Californien, quoi ! Bien sûr, à plonger dans les lyrics malicieux des leaders, les anglophones y trouveront un tout autre éclairage mais, musicalement, c'est du pur bonheur ensoleillé.
 
Pretzel Logic ? Sa pochette étrange est à l'opposé de son contenu. Pretzel Logic ? De la feelgood music à son pinacle. Merci Walter, merci Donald, merci Steely Dan."

Et la version streaming (aussi illégale, ceci dit en passant) :
 

lundi 12 mai 2014

Devoir de mémoire (17)

Ogre "Plague of the Planet" (2008)
ou "Gros appétit !"


     Célébrons la joie de retrouver l'un des plus précieux power-trios de ces 20 dernières années, si pas le plus connu, en nous intéressant à leur concept album de 2008 : Plague of the Planet.
 
     Parce qu'Ogre avait plié les gaulles en 2009, sur la lancée de leur plus belle œuvre, qui nous intéresse présentement. Evidemment, ils sont revenus depuis, et c'est une bonne nouvelle, mais on ne le savait pas à l'époque alors que le trio sortait de 10 années d'activité ininterrompue, un trio au line-up stable depuis sa formation d'ailleurs, c'est assez rare pour être signalé.
      Et donc, Plague of the Planet, méga-plage de 37 minutes et 16 secondes, contenant en fait 11 titres enchaînés les uns aux autres puisque c'est un concept, vous suivez ? Musicalement, nous sommes clairement ancrés dans les seventies hard rock et heavy metal, quelque part entre Black Sabbath, Deep Purple, et Rush. Rien que de très classique, en fait, s'il n'y avait les compositions et la maîtrise de trois protagonistes particulièrement inspirés.
     Pour le coup, même si certains crieront à l'hideur, on ne passera pas outre la pochette et son graphisme "à la Marvel" celui-ci étant partie intégrante du concept "science-fictionesque" fièrement développé par Ogre. D'ailleurs, originale dans le contexte de la scène auquel il appartient, l'artwork a au moins le mérite d'éviter les clichés du genre, ce n'est pas rien. Et puis ça en fait au moins un, de cliché évité, quand Ogre, sinon, sa vautre avec délectation dans les figures imposées du genre, n'en omettant aucune et c'est justement ça qui est bon, parce que c'est fait sans lourdeur, avec naturel, et que l'inspiration est là. Si on caricaturait l'œuvre, on dirait volontiers qu'on tient là l'ultime rejeton du culte 2112 de Rush, dans le thème c'est certain, dans le construction c'est évident, dans le son on doit y ajouter quelques excès électriques inconnus au proverbial trio canadien mais on n'en est pas très loin non plus. Concrètement, l'album s'écoute donc comme une longue pièce, où la voix de Ed Cunningham récite, feule, crie, explose, habite la composition quelque part entre Ozzy Osbourne et Dave Windorf (Monster Magnet), c'est un organe idéal pour ce genre de musique à la fois progressive et puissante, directe et rouée, où les riffs sont essentiels, fondamentaux de construction, ciment solidissime sur lesquels s'appuie les fioritures nécessaires au plaisir de l'auditeur. Et on est gâté de ce côté là, non seulement parce que Ross Markonich est un soliste plein d'instinct et de feeling mais aussi parce que le trio a particulièrement soigné ses arrangements ajoutant d'utiles synthétiseurs structurant, enrichissant la bouillant bouillon.

     Et comme tout ceci est impeccablement mis en son, que les influences pour audibles y sont bien assimilées donnant à Ogre sa propre identité, et son meilleur album au moment de sa sortie !, on obtient bêtement une merveille de revivalisme malin et réussi, un hard prog doomisant qui, à condition que les détracteurs naturels du genre passent outre leurs idées préconçues, peut aisément séduire hors de sa chapelle consacrée. Plague of the Planet ? Un de ces trésors cachés qu'on est toujours heureux de partager.


1. Plague of the Planet  37:16
I. Requiem
II. End-Days
III. Drive
IV. Queen Of Gasoline
V. A Call To Colossus
VI. Deus Ex Machina
VII. Colonizer Rex
VIII. Battle At Doom Capital
IX. Homo Sapiens Ferreus
X. G.F.R.
XI. Dawn Of The Proto-Man



Ed Cunningham - bass, vocals, synthesizer 
Will Broadbent - drums, synthesizer 
Ross Markonish - guitars, synthesizer

dimanche 11 mai 2014

[Une semaine en 1971] France Dimanche (6)

Cette semaine c'est mon anniversaire alors, chaque jour, je vous proposerai un album de mon année de naissance : 1971. Enjoie ! Et on termine la semaine avec un album mythique.

Dashiell Hedayat "Obsolète" (1971)
ou "Gong lettré"


     Et si je vous disais que cet album peut potentiellement rassembler toutes les chapelles, ou presque, du paysage musical français, du paysage musical français qui cherche tout du moins ? Vous me direz que je suis fou, sans doute... Je vais cependant tenter de vous prouver le contraire :
 
     1 - Les amateurs de rock progressif, psychédéliques et de musiques fusionnantes seront ravis de retrouver une bonne partie du gang Gong dans cette aventure aussi improbable que le sont les albums des furieux pixies de Daevid Allen.
     2 - Les intellos "qui-se-la-pètent" apprécieront le dadaïsme de l'entreprise et l'adjonction d'un ponte de la beat generation : Mister William Burroughs. Ils se souviendront aussi que ce Dashiell Hedayat, à l'état civil Daniel Théron,  est aussi connu sous d'autres pseudonyme, Jack-Alain Léger , Melmoth ou Paul Smaïl sous lequel il connut une carrière littéraire iconoclaste et décousue traversée d'éclairs.
     3 - Le rebelle en mal de s'encanailler y trouvera moult références contre-culturelles et allusions psychotropes d'un Hedayat parolier (Eh Mushroom, will you mush my room? ça a le mérite d'être clair !) en plus d'un véritable esprit "maverick", parce que, des albums comme ça, la France n'en a pas produit beaucoup, voire peut-être aucun autre.
     4 - Même le metalleux, le rapper et le jazzeux ne pourront rester insensibles. Amateur de belle technique qu'est le premier, il pourra savourer les soli en altitudes et les jeux rythmiques d'une musique riche en rebondissements. Le second, lui, plus axé sur l'aspect lyrique de la chose découvrira qu'un vieux hippie peut en remontrer aux armées de hoodies/baggies qui riment souvent sans but. Quand au troisième, à la simple lecture de la participation de Didier Malherbe (récemment revenu en grâce via son Hadouk Trio/Quartet), il plongera sans la moindre réserve, à raison.
     5 - Last but not least, l'amateur de bonne musique découvrira qu'Obsolete est, avant tout, une vraie belle galette qui vaut même déracinée de son contexte historique, un des tous meilleurs albums français d'une décennie qui n'en manquera pourtant pas, tous genre confondus, carrément !
 
      Alors, certes, certains me feront remarquer une démonstration parfois quelque peu capilotractée, j'en conviens, mais l'usage d'arguments "limites", en l'occurrence, vaut pour faire découvrir une Œuvre majuscule...
     ...Parce qu'en conclusion, jeune ou vieux ou entre les deux, en recherche de flaveurs nostalgisantes, du parfum d'un temps révolu, ou d'une aventure musicale à nulle autre pareille, Obsolete de Dashiell Hedayat est pour vous, un album rare, précieux, de ceux qu'on se passe sous le manteau entre connaisseurs parce que, tout de même, on ne donne pas de la confiture aux cochons, ou du Dashiell Hedayat à un fan de Mylène Farmer, faut pas déconner non plus !

Eh Mushroom, will you mush my room ?
1. Chrysler 6:40
2. Fille de l'Ombre 2:18
3. Long Song for Zelda 7:45
Cielo Drive/17
4. Cielo Drive/17 21:09


Daevid Allen : guitare
William Burroughs : Voix sur Long song for Zelda
Dashiell Hedayat : guitare, voix, claviers...
Didier Malherbe : saxo, flûte...
Pip Pyle : batterie
Gilli Smyth : chant
Christian Tritsch : basse et guitare acoustique
Sam Ellidge (fils de Robert Wyatt): voix de bébé

samedi 10 mai 2014

[Une semaine en 1971] Serge en Melody

Cette semaine c'est mon anniversaire alors, chaque jour, je vous proposerai un album de mon année de naissance : 1971. Enjoie !
Et pour cette avant-dernière journée, vous êtes gâtés, du légendaire, pas moins !

Serge Gainsbourg "Histoire de Melody Nelson, édition 40ème anniversaire" (1971/2011)
ou "Project: Melody"

     Qui a dit qu'un album ambitieux devait s'étirer sur une bonne heure ? Qui a dit qu'on ne pouvait pas trousser un concept en moins de temps qu'il n'en faut à GeneYes pour conclure une intro de harpe cacaphonique et guitare tendue comme l'élastique d'un slip ? Et si il y a un artiste capable de ce rare prodige, c'est bien ce vieux grigou de Lucien Ginsburg aka Serge Gainsbourg.

     Les années soixante-dix n'ont pas encore fini de massacrer la Belle France qu'un demi-crasseux amouraché d'un ressortissante britannique commet l'irréparable viol de la Chanson Française avec une scandaleuse déliquescence psychédélico-hippie... Et qu'Est-ce que c'est bon !
     Il n'est pas, en effet, inutile de se replonger dans le contexte historique, la France post-Soixante-Huitarde de Pompompidou et Georges « Eliane, prépare la valise on rentre à la maison » Marchais. Un vieux pays Européen qui s'accroche désespérément à sa supposée splendeur passée à l'ombre d'un Général trépassé. La scène musicale, si elle bruisse de quelques « allumés » - hélas confinés à l'underground - (Ange, Magma, et quelques autres), affiche une rare morosité. Les shows de Maritie et Gilbert Carpentier font les délices du français moyen qui dit plus souvent stop qu'encore quand on le secoue dans son conformisme moutonnier.
     Et, au milieu de cet océan de bêtise normalisée, le renégat. Il n'en est pas exactement à ses premiers faits d'armes lui qui hante la scène parisienne depuis la seconde moitié des années cinquante. Il a même déjà eu des succès pour le moins sulfureux avec, évidemment, un mémorablement sexuel « Je t'aime moi non plus » en duo sensuel avec Jane, sa muse. Il n'a pas encore, cependant, fait exploser le format chanson comme il le fait sur ce divin opus. Car, oui, cet album est important, capital même, dans la carrière de Serge Gainsbourg. Si, jusque-là, il avait réservé son écriture cinématographique au Grand Ecran, justement, il franchit ici un pas décisif en la transposant sur un album de chansons.
     Et quelles chansons ! De l'épique, jazzy et psychédélique Melody d'ouverture (où la voix parlée de Serge fait merveille) ; en passant par les trois courtes mais précieuses petites pièces suivantes (Ballade, Valse, Ah !) qui s'enchainent comme dans un rêve, tout ici pointe au génie d'un artiste qui touche de si près au divin qu'il en convaincrait l'athée le plus réfractaire à vouer culte et dévotion à cette Melody si captivante.
     Bien sûr, comme c'est d'un Album Concept dont il s'agit, Serge nous compte une histoire, en l'occurrence, celle d'un homme entre deux âges et d'une lolita ingénue et perverse au destin forcément funeste. Il le fait avec toute la malice et la rouerie verbale qu'on lui connaît alors déjà. Cependant, il ne nous afflige pas ici de quelques jeux de mots téléphonés et ne cède donc pas à la facilité qui est - rappelons-le - souvent l'apanage des touts grands quand il leur prend l'envie de fainéanter (et le bougre n'a pas été le dernier dans l'exercice même si il a souvent réservé ses errances à d'autres qu'à lui-même, par folle la guêpe ! Quoi qu'il en soit, il n'y a pas de ça ici. L'offrande est ciselée et précise mais - surtout ! - profondément émotionnelle et comme l'émotion (qu'il maîtrise pourtant à la perfection) n'est pas forcément la marque de fabrique la plus reconnaissable de la prose Gainsbourgienne, nous ne bouderons pas notre plaisir surtout quand textes et musique forment une si parfaite osmose.
     Révolutionnaire, cette Histoire de Melody Nelson l'est. Pas tant par le thème - qui reviendra souvent, parfois larvé, dans l'œuvre de Serge - mais bien par l'exquise variété, l'infinie richesse et l'intégrité artistique absolue d'une musique rare qui - pour appartenir indéniablement à son époque - a traversé les ans en conservant sa magie intacte, inaltérée.

Chronique Bonus:
     Les bonus audio sont constitué quasi-intégralement de prises légèrement différentes mais aussi d'un court inédit présenté en version chantée et instrumentale. Outre deux prises complètes plus longues que leurs originales (près de deux minutes pour l'inaugural Melody Nelson, une pour L'Hôtel Particulier), l'essentiel du contenu se présente sous forme d'outtakes (oui, comme on en voit souvent sur les rééditions d'albums jazz) où la prise chant diffère sensiblement (il faut cependant bien connaître l'album pour remarquer sans peine la différence). Enfin, rien qui ne permette de révolutionner l'œuvre mais un coup d'œil intéressant à la cuisine interne dans la progression d'une musique jusqu'à la version définitive présente sur l'album. L'inédit quand à lui, Melody Lit Babar, est anecdotique mais heureusement suffisamment rigolo pour ne pas trop faire tâche. Ceci dit, on comprend sans difficulté la raison de son exclusion de l'album définitif où il aurait inévitablement cassé une ambiance ô combien déterminante dans sa réussite.
     La 3ème galette plastique du package comprend un court (une quarantaine de minutes) documentaire, sorte de panégyrique pas désagréable mais où le fan hardcore n'apprendra rien. C'est tout de même un témoignage en image sympathique qui vient joliment compléter cette édition soignée même si on doute y revenir très souvent et qu'on sait avec certitude que d'autres douceurs (la version filmée de Jean-Christophe Averty par exemple) existaient... A noter aussi la présence d'une édition 5.1 dont on questionnera l'utilité l'album n'ayant pas été enregistré pour cette technologie.

     Vous l'aurez compris, cette édition Deluxe n'est pas essentielle. Elle fera avant tout plaisir aux fans mais peut aussi constituer une opportunité supplémentaire pour ceux qui n'auraient pas encore plongé dans l'univers si particulier de ce chef d'œuvre de le découvrir dans des conditions optimales.


CD 1:
l'album
1. Melody 7:34
2. Ballade de Melody Nelson 2:00
3. Valse de Melody 1:32
4. Ah ! Melody 1:46
5. L'hôtel particulier 4:08
6. En Melody 3:27
7. Cargo culte 7:37

CD 2:
les sessions de Melody Nelson
1. Melody (prise complète) 9:25
2. Ballade de Melody Nelson (prise voix alternative) 2:07
3. Valse De Melody (prise voix alternative) 1:39
4. Ah ! Melody (prise voix alternative) 1:54
5. Melody Lit Babar (version chantée) 1:03
6. Melody Lit Babar (version instrumentale) 1:11
7. L'Hôtel Particulier (prise complète, voix alternative) 5:10
8. En Melody (version violon électrique, solo complet) 3:39
9. Cargo Culte (version instrumentale) 7:44


Musiciens
Serge Gainsbourg : chant, composition, textes
Jane Birkin : voix
Alan Parker : guitare électrique
Dave Richmond, Herbie Flowers : basse
Dougie Wright (présumé) : batterie
Georges Barboteu : cor solo (piste 4)
Jean-Luc Ponty : violon solo (piste 6)
Jean-Claude Vannier : piano, orgue, harmonium, timbales
Jeunesses musicales de France : chœur

Production
Composition, orchestration, direction musicale : Jean-Claude Vannier
Prise de son guitare, basse, batterie : Marble Arch, Londres (21-23 avril 1971)
Prise de son cordes et voix : Jean-Claude Charvier
Assistant : Rémy Aucharles
Production : Jean-Claude Desmarty
Mastering : Jean-Marie Guérin
Réédition : Jean-Yves Billet

vendredi 9 mai 2014

[Une semaine en 1971] Emeute émouvante

Sly & the Family Stone "There's a Riot Goin' On" (1971)
ou "Revolution Funk"


     Mai 1971 Marvin Gaye sort son chef d'œuvre absolu, What's Going On, album politique dont les notes d'espoir sont sans aucun doute influencées par le positivisme humaniste de Martin Luther King. Même pas une demi-année plus tard, Sly Stone, un tout autre genre d'animal, semble lui répondre, Malcolm X musical du Luther Gaye, There's a riot goin' on. Lucide, le gars.
 
     Et bouillant album de rupture ou la contestation joyeuse de Stand! se mue en colère sourde. Parce qu'en ces seventies commençantes, Sly n'est plus tout à fait le même, et l'Amérique plus tout à fait la même non plus.
     Parce que, dans l'Amérique des années 70, les luttes sociales, raciales et sociétales ne se sont pas éteintes, elles ne font, de fait, que se radicaliser à mesure que les différents camps s'organisent, idéologiquement comme matériellement, et parce que Sly commence à sérieusement souffrir des addictions qui l'éloigneront petit à petit des spotlights, et d'enregistrements de qualité. Mais nous n'en sommes pas là, Sly et son collectif multiracial sont toujours une fantastique machine à groover avec le poing dressé et la menton haut, apanage d'une jeunesse ne se suffisant pas d'un ordre établi claustrophobe. Ca nous donne un album notablement plus sombre, plus extrême même quand il se frotte à des thèmes plus frivoles, véhiculant la violence de la résignation comme peu réussirent à le faire. Un album évidemment doté de quelques immortels aux premiers desquels on citera le blues languissant Just Like a Baby, la soul presque naturaliste de Family Affair (un beau concurrent pour les tubes de Stevie Wonder de la même époque), le jammy et délicieux Africa Talks to You et ses inclinaisons gospel post-Woodstock, le léger et délicat (You Caught Me) Smilin' essentiel comme l'un des rares rais de lumière de la galette, ou l'adaptation réussie de Thank You (Falettinme Be Mice Elf Agin) en funk lent et lourd qu'est Thank You for Talkin' to Me Africa.  Mais ce ne sont que quelques exemples d'une galette sans faux-pas, égale en qualité à l'essentiel Stand!, autre pinacle du funk "sly-stonien".

     Album admirablement de son temps à la mise en son sourde et organique (faut aimer les basses !), There's a Riot Goin' On restera hélas l'ultime coup d'éclat de Sly et de sa famille complètement stone, dommage ! Dommage parce qu'avec Funkadelic/Parliament, Gil Scott-Heron et quelques autres, Sly Stone représentait un possible d'une black musique intelligente et concernée par le monde qui l'entoure transcendant les communautés et les genres avec un naturel et une classe qu'on aimerait rencontrer plus souvent. Raison de plus pour ne pas bouder son plaisir en plongeant ou replongeant dans ce furieux bain sonique, et encore moins dans cette édition remasterisée définitive rendant enfin justice à l'édition de cire noire originelle. Impeccable, quoi !


1. Luv n' Haight 4:01
2. Just Like a Baby 5:12
3. Poet 3:01
4. Family Affair 3:06
5. Africa Talks to You 'The Asphalt Jungle' 8:45
6. There's a Riot Goin' On 0:00
7. Brave & Strong 3:28
8. (You Caught Me) Smilin' 2:53
9. Time 3:03
10. Spaced Cowboy 3:57
11. Runnin' Away 2:51
12. Thank You for Talkin' to Me Africa 7:14
Bonus
13. Runnin' Away (mono single version) 2:44
14. My Gorilla Is My Butler (instrumental) 3:11
15. Do You Know What? (instrumental) 7:16
16. That's Pretty Clean" (instrumental) 4:12


Sly Stone – arrangements, drums, drum programming, keyboard programming, synthesizers, guitar, bass, keyboards, vocals
Larry Graham – bass, backing vocals
Greg Errico, Gerry Gibson – drums
Bobby Womack, Freddie Stone, Ike Turner – guitar
Billy Preston – keyboards
Jerry Martini – tenor saxophone
Cynthia Robinson – trumpet
Rose Stone – vocals, keyboards
Vet Stewart, Elva "Tiny" Mouton, Mary McCreary (aka Little Sister) – backing vocals

jeudi 8 mai 2014

[Une semaine en 1971] Les Immanquables (10/11)

Cette semaine c'est mon anniversaire alors, chaque jour, je vous proposerai un  album (ou deux aujourd'hui) de mon année de naissance : 1971. Enjoie !

Little Feat "Little Feat" (1971)
ou "My Little Weird America"


     Si vous cherchez une bonne raison de porter aux nues le Little Feat de Lowell George, rien n'est plus simple, il vous suffit de vous reporter à leur tout premier et éponyme album, pas le plus connu, pas le mieux vendu, pas le plus représentatif non plus mais, cornegidouille !, quelle galette !
 
     Et on commence, comme il se doit, par remercier Frank Zappa sans qui rien n'aurait été possible s'il n'avait eu la bonne idée de démanteler ses Mothers of Invention laissant Lowell George et Roy Estrada sur le bord de la route, pas pour longtemps.
     Il ne faudra pas longtemps aux deux amis pour lancer leur nouveau projet, Little Feat, en compléter le line-up et en enregistré l'opus inaugural qui nous intéresse présentement. Un opus assurément alien dans la discographie du combo, moins funky, radio friendly dirait-on si elle avait jamais eu l'occasion de passer à la radio en son temps. Un album marqué par un songwriting de qualité très supérieure et un style qu'on qualifiera de classic roots rock où les influences blues, folk, country et pop s'allient pour le meilleur soit 11 chansons mélodiquement très réussies, aux paroles souvent marquées par une étrangeté que l'ancien employeur d'Estrada et George ne renierait pas. Un album qui a dû pas mal faire fantasmer Mick et Keith (de "qui-vous-savez") dans sa capacité à appréhender des racines musicales évidemment nord-américaines pour les faire leurs.

     Comme en plus, l'album est aptement mis en son, possède quelques guests désormais légendaires (Ry Cooder sur deux titres dont l'extraordinaire Willin' destiné à devenir un classique, excusez du peu), et résiste admirablement à des années d'écoutes répétées, il n'en faut pas plus cour le considérer, en continuant à pester contre sa frustrante brièveté (33 minutes !), comme un immanquable de toute discothèque rock qui se respecte, tout simplement !


1. Snakes on Everything 3:04
2. Strawberry Flats 2:20
3. Truck Stop Girl 2:32
4. Brides of Jesus 3:20
5. Willin' 2:24
6. Hamburger Midnight 2:30
7. Forty-Four Blues / How Many More Years 6:25
8. Crack in Your Door 2:16
9. I've Been the One 2:20
10. Takin' My Time 3:45
11. Crazy Captain Gunboat Willie 1:55
vous pouvez écouter des extraits de l'album ICI


Lowell George - vocals, lead, rhythm and slide guitars, harmonica
Richard Hayward - drums, backing vocals
Bill Payne - piano, keyboards, vocals
Roy Estrada - bass, backing vocals
&
Russ Titelman
- percussion, backing vocals, piano on "I've Been The One"
Ry Cooder - slide guitar on "Willin'" and "Forty Four Blues / How Many More Years"
Sneaky Pete Kleinow - pedal steel on "I've Been The One"


David Bowie "Hunky Dory" (1971)
ou "Premier coup d'éclat"

     Hunky Dory a beau être le, déjà !, 4ème album de David Bowie, c'est une avancée décisive dans une carrière qui peine à combler les rêves de gloire d'un jeune auteur, compositeur, interprète et multi-instrumentiste plein de talent mais n'ayant pas encore à son catalogue une collection aussi intouchable artistiquement parlant que commercialement gorgée de tubes imparables... Jusqu'à Hunky Dory, donc.

     On peut attribuer, outre le hasard cosmique qui fait se rencontrer un artiste et sa muse, le succès de l'entreprise à une équipe et d'abord à un groupe - avec le guitariste /co-arrangeur Mick Ronson et le batteur Mick Woodmansey déjà présents sur The Man Who Sold The World, le récemment disparu (21 mai 2013) Trevor Bolder à la basse et à la trompette, et le revenant Yes-man Rick Wakeman (déjà aperçu sur Space Oddity où il mélotronisait à merveille le morceau éponyme) au piano - mais aussi un producteur, Ken Scott, transfuge des studios Abbey Road présentement résident des studios Trident qui suivra Bowie jusque Pin Ups (soit 4 albums consécutifs), avant que Bowie ne prenne lui-même les choses en main pour Young Americans. Historiquement, l'association, moins Wakeman, se cristallisera sous le nom des Spiders from Mars dès l'album suivant, le fameux Ziggy Stardust, avec le résultat qu'on connait... C'est dire si Bowie tient là une fine équipe !
     Mais, évidemment, refrain connu, sans bonnes chansons tout ceci serait vain et, pour le coup, alors que ses précédents long-jeux de David, pour recommandables furent-ils, étaient marqués du sceau de l'inconsistance, de l'irrégularité, Hunky Dory est une collection sans faille menée qu'elle est par les deux tubes absolument imparables et immortels que sont Changes et Life on Mars?. Ces deux là n'étant plus, vous en conviendrez, à présenter nous nous intéresserons aux autres, malchanceux petits moments de grâce n'ayant pas connu les spotlights et les charts alors qu'ils les méritaient autant ! On citera naturellement un Oh! You Pretty Things totalement addictif que ce soit pour sa mélodie de chant, sa partie de piano (jouée par Wakeman) et son démarrage glam pop du refrain... Succulent ! et merveilleusement enchaîné à un Eight Line Poem, jazz/blues transitoire où Ronson brille par sa retenue et son feeling. La suite ne vient jamais démentir l'exceptionnel niveau que ce soit sur le jazz pop Kooks (qui m'a toujours fait l'impression de finir trop vite tant il est bon), Quicksand avec ses crescendos divins et ses relents de Dylan folk et de Beatles orchestral, Fill Your Heart avec sa préciosité et ses arrangements gentiment surannés, petite bulle de nostalgie joyeuse (si, si !), Andy Warhol avec son intro bizarroïde et le folk quasi-Kinksien qui suit... Bref, arrêtons là l'énumération... Il suffit de dire que les trois qui restent ne déparent pas du lot, que tout y est (très) bon et fonctionne magnifiquement en cohérence (une première chez David). Certes, ce n'est pas encore tout à fait le Bowie rock, on s'en approche sur Queen Bitch ceci dit, qui ravira son monde dès l'année suivante avec l'album que vous savez mais, quelle inspiration, quelle maîtrise, quel pied !

     Pas vraiment par hasard, l'album décrochera le premier numéro 1 de David Bowie en sa natale Angleterre, marquera le décollage de la carrière du même outre-Atlantique... Et ce n'est que justice parce que David Bowie a tout bon sur Hunky Dory et a pondu sa première Grande Œuvre, une galette imparable, signe d'un artiste dont l'état de grâce ne fait alors que commencer. Décisif, je vous dis !


1. Changes 3:37
2. Oh ! You Pretty Things 3:12
3. Eight Line Poem 2:55
4. Life on Mars? 3:54
5. Kooks 2:53
6. Quicksand 5:07
7. Fill Your Heart 3:07
8. Andy Warhol 3:56
9. Song for Bob Dylan 4:12
10. Queen Bitch 3:18
11. The Bewlay Brothers 5:22
vous pouvez écouter des extraits de l'album ICI


David Bowie - chant, guitare, saxo, piano
Mick Ronson - guitare, chant, mellotron
Trevor Bolder - basse, trompette
Woody Woodmansey - batterie
Rick Wakeman - piano

mercredi 7 mai 2014

[Une semaine en 1971] Afrobeat Power

Cette semaine c'est mon anniversaire alors, chaque jour, je vous proposerai un album de mon année de naissance : 1971. Enjoie !

Fela Kuti "Open & Close" (1971)
ou "Revolution... with grooves!"


     Point besoin de survendre le mythe Fela, bien d'autres s'en sont chargés. De fait, il est impossible, quand on évoque l'explosion de la musique sub-saharienne à la face du Monde de ne pas évoquer le phénomène nigérian et, ce faisant, de ne pas entériner son importance planétaire.
 
     Présentement, nous sommes en 1971 et Fela Anikulapo Kuti n'est pas encore la star absolue d'un genre dont il est le créateur, l'afrobeat, où se fusionnent tribalismes africains, improvisations jazzées et grooves funk implacables. Un véhicule idéal pour ses justes revendications, les louables colères se trouvant ainsi contrebalancées par un background sonique festif et bigarré lors de longues pièces invitant autant l'auditeur à une transe mystique qu'à une levée de bouclier contre toutes les injustices de ce bas-monde. Et donc, en 1971, la formule, pensée depuis la courte expatriation ghanéenne de Kuti, est bien établie, rodée même et d'une extrême efficacité avec un groupe qui se trouve sans se chercher duquel on chantera, en particulier, les louanges d'un extraordinaire sax ténor du nom d'Igo Chico. En contexte, dans l'anglais simplifié qu'il a choisi pour rassembler le plus de peuples africains possible, c'est l'étendard d'un continent mal traité, exploité dont Fela se fait le porte-parole. Et on écoute, et on comprend, même 40 et quelques années après, parce que, fondamentalement, rien n'a malheureusement vraiment changé...
 
     C'est dire si la musique de Fela Kuti reste d'une vibrante actualité. Et comme, en plus, musicalement, la chose n'a absolument pas perdu de son intérêt (historique tant que musical), il n'y a pas vraiment à hésiter pour conseiller un early-Fela de très belle qualité.


1. Open & Close 14:55
2. Swegbe and Pako [Part 1 & 2] 12:30
3. Gbagada Gbagda Gbogodo Gbogodo 9:19


Tony Allen - batterie
Igo Chico - saxophone ténor
Lekan Animashaun - saxophone baryton
Henry Koffi - congas
Tony Njoku - trompette
Tutu Shoronmu - guitare
Ohiri Akigbe - guitare
Ayo Azenabor - basse
Akwesi Korrantin - congas
Tony Kupoliyi - congas
James Abayomi - percussions
Isaac Olaleye - shekere
Fela Kuti - saxophone, claviers, chant

mardi 6 mai 2014

[Une semaine en 1971] Matching Molle

Cette semaine c'est mon anniversaire alors, chaque jour, je vous proposerai un album de mon année de naissance : 1971. Enjoie !

Soft Machine "Fourth" (1971)
ou "Trop allé 3"


     Connaissez-vous le plus grand défaut de Fourth, quatrième album de jazzeux progressifs de Soft Machine ? C'est de suivre un Third légendaire, et rien plus que ça, j'vous jure ! Il faut dire que succéder à un des meilleurs albums de free jazz de tous les temps (hé oui !) tient de la mission impossible. Et pourtant, quel album, ce Fourth !
 
     A tort, à mon avis, du fait de leur origine dans la Canterbury Scene, on assimile souvent la formation à l'explosion fusion/prog-fusion de la première moitié des années 70 où il voisineraient alors Mahavishnu Orchestra, Weather Report, Return to Forever et compagnie. Oui mais non, parce que les influences palpables, évidentes de Dean, Wyatt, Hopper et Ratledge tendent plus, nettement plus même !, vers John Coltrane, Ornette Coleman, Pharoah Sanders ou Albert Ayler soit une sorte de Who's Who du jazz 60s qui ose se jouer des structures et des mélodies dans ce que beaucoup considèrent encore comme un chaos nonsensique, les pauvres !
     Or donc, sur ce Fourth, encore plus que sur Third où c'était pourtant déjà bien présent, Soft Machine apparaît comme un jazz band, quelque part entre hard bop et free avec un soupçon de fusion, c'est d'époque ! Sur l'album proprement dit, dans le canon des 7 premiers des divins angliches, on le situera comme celui de la plénitude, d'une formation enfin, semble-t' il, installée dans un panorama stablement confortable où chacun s'épanouit instrumentalement et où le tout (l'ensemble des performances sur le substrat compositionnel) satisfait pleinement sans, il est vrai, plus vraiment surprendre. L'album où la trajectoire musicale empruntée par ses protagonistes devait fatalement amener Soft Machine, très loin des douceurs psychédélico-progressives de leur tout premier opus donc, un sacré voyage !
     Concrètement, album plus ramassé que son devancier, il propose des compositions plus courtes, plus structurées aussi qui ne manquent pourtant pas de la folie nécessaire à la réussite de pareille entreprise jazzistique. La face A, composée de 3 compositions indépendantes les unes des autres, vaut son pesant de cacahuètes en particulier pour un Teeth mordant (!) et mélodique, et un Fletcher's Blemish qui adorera vous vriller les neurones de ses exactions dignes des plus barjotants passage du Black Saint and the Sinner Lady de Mingus, diantre !, sans en avoir tout à fait la classe tout de même. La face B, décomposée en 4 pistes, propose la suite Virtually qui, malgré quelques petites longueurs, balade "agréablement" l'auditeur dans des paysages tour à tour orageux, accidentés, paradisiaques ou carrément zen (ce final !), une réussite signée Hugh Hopper, son compositeur.
 
     Robert Wyatt, mécontent de la direction musicale prise par la formation, quittera bientôt le navire qui n'en coulera pas pour autant sortant encore quelques jolis albums avec un line-up en perpétuel mouvement. Ainsi, sur Fourth, se conclut l'aventure du "premier" Soft Machine, ou du moins, étant entendu que les changements de personnel n'ont pas attendu le nombre des années, la constitution référentielle des "canterburiens". Un final en beauté dont certains ont critiqué la captation sonore clinique, froide, défaut que je peine à entrevoir sur ce remaster de 2007. Recommandé, donc.


1. Teeth 9:15
2. Kings and Queens 5:02
3. Fletcher's Blemish 4:35
4. Virtually Part 1 5:16
5. Virtually Part 2 7:09
6. Virtually Part 3 4:33
7. Virtually Part 4 3:23


Hugh Hopper – bass guitar
Mike Ratledge – Lowrey organ, Hohner piano
Robert Wyatt – drums
Elton Dean – alto saxophone, saxello
&
Roy Babbington – double bass (1,3,4,6)
Mark Charig – cornet (2,3,4)
Nick Evans – trombone (1,2,4)
Jimmy Hastings – alto flute (6), bass clarinet (1,6)
Alan Skidmore – tenor saxophone (1,6)

lundi 5 mai 2014

[Une semaine en 1971] Devoir de Mémoire (16)

Cette semaine c'est mon anniversaire alors, chaque jour, je vous proposerai un album de mon année de naissance : 1971. Enjoie !

Gil Scott-Heron "Pieces of a Man" (1971)
ou "Révolution Poétique"


     L'information a des airs de secret bien gardé, il faudra la répéter jusqu'à ce qu'elle rentre : Gil Scott-Heron est un homme dont on mésestime l'importance artistique, dont on oublie trop souvent l'énorme influence et l'avant-gardisme stylistique.
 
     C'est encore plus évident à l'écoute de son tout premier album studio, Pieces of a Man, qui bénéficie d'un luxe instrumental et d'arrangements qui manquaient à sa première apparition discographique, le live A New Black Poet, Small Talk at 125th & Lenox, pour qu'on y vit autre chose qu'un "beat happening" black power. Important, certes, mais un peu "dry" et donc pas forcément la porte d'entrée la plus aisée dans l'univers de l'artiste (mais largement assez pour qu'on y revienne vite après, tenez-le vous pour dit).
     Toujours produit par Bob Thiele (un temps patron de la fameuse maison Impulse! et présentement de Flying Dutchman, sa propre structure qui accueille justement l'album), ce long-jeu se démarque plus que par son cadre "privé", l'adjonction de celui qui deviendra le partenaire essentiel des plus belles années de Gil, le pianiste et flûtiste Brian Jackson, déjà auteur de plus de la moitié des titres avec le Maître de Cérémonie. Comme on dit, ces deux-là se sont trouvés et c'est un compagnonnage plus que musical, étant entendu qu'un Scott-Heron capable de composer seul les quatre premiers titres du présent album n'a besoin de personne pour concocter une chanson de la mort, qui les unira jusqu'au début des années 80. Et qui commence fort parce qu'il n'y a quasiment que du classique dans cette brûlante galette de jazz/funk proto-hip-hop revendicatrice et révoltée. A commencer par l'iconique The Revolution Will Not Be Televised, premier rap de l'histoire de la Black Music ou pas loin, et chanson irrésistible qui plus est. La suite ne démentira pas cette tonitruante entrée en matière, d'un optimiste et paisible (une presque anomalie dans la carrière du tourmenté Scott-Heron) Save the Children, du bel hommage à deux grandes figures du jazz sur Lady Day and John Coltrane, d'un poignant et autobiographique Home Is Where the Hatred Is, d'un bondissant et upbeat When You Are Who You Are, d'un introspectif et gracieux Pieces of a Man, à un The Prisoner à l'imparable intensité dramatique, c'est un festin de tous les moments pour qui apprécie une musique mariant Jazz, Funk, Soul et Blues avec une classe et un naturel tout bonnement confondants , et une belle équipe de musiciens pour véhiculer tout ça.
 
     43 ans après sa sortie, Pieces of a Man demeure un album universellement acclamé... Par tous ceux qui le connaissent. Aussi vous enjoins-je à vitre rejoindre le troupeau, pour une fois que vous n'y serez pas qu'un mouton de Panurge. Recommandé ? Un peu plus que ça encore, essentiel !


1. The Revolution Will Not Be Televised 2:59
2. Save the Children 4:55
3. Lady Day and John Coltrane 3:10
4. Home Is Where the Hatred Is 3:15
5. When You Are Who You Are 3:01
6. I Think I'll Call It Morning 3:45
7. Pieces of a Man 4:22
8. A Sign of the Ages 4:05
9. Or Down You Fall 3:08
10. The Needle's Eye 4:01
11. The Prisoner 8:39


Gil Scott-Heron - guitar, piano, vocals
Johnny Pate - conductor
Brian Jackson - piano
Ron Carter - bass
Pretty Purdie - drums
Burt Jones - electric guitar
Hubert Laws - flute, saxophone

dimanche 4 mai 2014

France Dimanche (5), ProgWeek 7

 Albert Marcoeur naît le 12/12/1947 à Dijon.

Auteur-compositeur-interprète, arrangeur et multi-instrumentiste, ce grand amateur de free-jazz et admirateur de Frank Zappa émerge dans les années 1975 à 1980 grâce à des disques (Armes et cycles, 1978) et à des concerts au style inclassable, riches en ruptures de ton et de rythme, et à l'humour iconoclaste.
 
Trop original peut-être, il ne parvient pas à dépasser le statut d'artiste avant-gardiste. Les musiciens de Kapak sa formation des années 1970, Patrice Tison à la guitare électrique, Pascal Arroyo à la basse et François Bréant aux claviers, deviennent ensuite les musiciens de Bernard Lavilliers.
 
En 1975 il travaille aux arrangements des albums Mireille et Anticyclone de Dick Annegarn. Il s'éloigne petit à petit du système et se consacre à des spectacles et des albums riches en expérimentations, Sports et Percussions en 1994 ou Travaux Pratiques en 2008. (source, Les Rémouleurs)
 

Albert Marcoeur "Album à Colorier" (1976)
ou "de A à Z(appa)"


     Depuis les débuts de sa carrière, Albert Marcoeur est un rigolo patenté et un expérimentateur tous azimuts... Il n'en fallait pas plus pour le voir labélisé "Frank Zappa français" ce qui, sans être totalement faux, est tout de même fort réducteur. Ce qu'à fort bien compris la chronique parue en 2003 sur l'excellent webzine Guts of Darkness :

     "Pour son deuxième album, Albert Marcoeur officialise la constitution d'un réel groupe tout autour de lui, chose qui lui donne plus d'assurance et de poids, et qui se traduit par un départ en trombe tributaire de ce nouvel état de fait. Pour le reste, si les mélodies faussement décalées du genre de celles qui illuminaient des titres comme "Simone" ou "Appalderie" semblent avoir quitté le navire, exception faite peut-être malgré tout du superbe instrumental "Doctorine", son côté absurde demeure, lui, bien intact et transparaît plus qu'autrefois au travers de textes complètement allumés. C'est qu'"Album à Colorier" a, par bien des aspects, les contours d'un album de chansons française, c'est à dire, avant toutes choses, de chansons. Songez aux débuts de Jacques Higelin, les contrepetries tardives de Bashung en plus. Et quelque chose de Captain Beefheart aussi quand même, si, si ("Là-D'dans"). En arrière plan, la musique paraît s'être revêtie d'une certaine gravité ("Le Fugitif"), notamment par le jeu des instruments à vents au travers desquels toutes les émotions passent, du solennel au tragique, du dépressif au guilleret, quand elle n'est pas aussi imbibée d'une certaine tristesse ("Le Père Grimoire"). Toujours touchant de par son approche presqu'enfantine ("La Cueillette des Noix", "Elle était belle"), cette naïveté de bon aloi est un des aspects indéfectibles de son univers (la jolie conclusion de l'album qu'est la berceuse déguisée "Ouvre-toi"). En résumé, on dira qu'en deux ans de temps, Albert Marcoeur a déjà appris à canaliser cette inventivité débridée pour la mettre au service d'un format plus populaire, non pas dans l'optique de devenir plus consensuel mais bien pour justement se détourner des conventions. Court mais dense, tout comme son premier album et son troisième, "Armes & Cycles", "Album à Colorier" est uniquement disponible à la vente sur le site officiel d'Albert Marcoeur."
 
     Essentiel, donc. Vous savez ce qu'il vous reste à faire !
 

1. Monsieur Lépousse 1:19
2. Le fugitif 3:16
3. Le nécessaire à chaussures 1:53
4. Le père Grimoire 3:31
5. Doctorine 2:57
6. Le jus d'abricot 2:31
7. La cueillette des noix 3:47
8. Elle était belle 3:34
9. Fermez la porte 1:29
10. Là-d'dans 4:28
11. Ouvre-toi 2:10


Albert Marcoeur - Clarinet, Sax, Piano, Drums, Vocals
Christian Leroux - Guitars
Pascal Arroyo - Bass
Claude Marcoeur - Drums, Sax
Gérard Nouvel - Flugelhorn, Trumpet, Melodion
Pierre Vermeire - Clarinet, Bass, Trombone, Guitar, Pipeau, Cornemuse
Gérard Marcoeur - Percussion, Drums, Balafon
Denis Brély - Bassoon, Pipeau
Francois Lasalle - Sax, Flute, Pipeau
Monique Lorillard, Francoise Noirot - Voices
Michel Cousin - Bandonéon
Francoise Ovide - Guitar
Francois Bréant - Piano
Marc Duconseille - Sax
Les enfants de Sébécourt - Choir


Albert Marcoeur "Armes et Cycles" (1979)
ou "Etrangeté Manufacturée"


     Armes et Cycles ou la suite des aventures inattendues d'Albert Marcoeur, artisan de la chanson française d'avant-garde, arrive trois longue années après le très réussi Album à Colorier, une petite éternité pour, finalement, une formule assez similaire.  Encore une fois, je cède la place au bienveillant chroniqueur de chez Guts of Darkness ayant eu la bonne idée d'écrite sur Albert :

     "Sur "Armes & Cycles", dernier disque à paraître dans ces folles années soixante-dix avant un long silence, Albert Marcoeur n'en demeure pas moins toujours aussi accro du détail, et c'est précisément ici qu'il va trouver l'équilibre le plus adéquat et le plus convainquant entre l'exubérance de son premier essai et le lyrisme parfois quelque peu redondant du second. N'abandonnant pas pour autant le format chanson, les parties instrumentales sont toutefois nettement plus mises en valeurs ici, mention spéciale au guitariste François Ovide que l'on n'avait pas remarqué jusqu'ici et pour lequel Marcoeur taille des espaces propice à l'expression libre ("La Dame qui est Assise à Côté de Moi", "Histoire d'Offrir"). L'ensemble sonne plus que jamais rock et la compétence de son groupe dépassera de loin le cadre limitatif franco-français ; soutenu par Fred Frith (Henry Cow, Art Bears), et au bout du compte réclamé par Lars Hollmer que Denis Brély finira par rejoindre au sein de Von Zamla. La folie sous-jacente s'exprime plus que jamais à tous les niveaux, mais l'on perçoit très clairement une maturation de l'écriture et une recherche d'équilibre dans l'harmonie, ou la désharmonie, des instruments, comme sur le final de "Emploi du Temps" ou encore les indescriptibles "Linge Sale" et "Ampoule Grillée" d'où pleuvent des colliers de notes plus belles les unes que les autres, quelque part dans un croisement fantasmé entre Soft Machine et Gentle Giant. L'enchaînement quasi instantané entre tous les titres confère au disque une dynamique exaltante, elle-même boostée par un programme musical qui va s'abreuver à la source des musiques nouvelles pour se retrouver en symbiose totale avec elles, à la manière de "Son Sac" et ses motifs à répétition. Nous sommes en 1979 et Albert Marcoeur est effectivement bien en phase avec la scène d'avant-garde de l'époque, dite "Rock in Opposition", de Aksak Maboul à Art Bears, et ce sans jamais en avoir réellement fait partie. Un grand disque, mais aussi un grand bonhomme."
 
     Essentiel itou, une écoute est très fortement recommandée, suivie de plein d'autres, évidemment !


1. Ici 2:36
2. Emploi du temps 3:25
3. La dame qui est assise à côté de moi 5:21
4. Linge sale 2:12
5. Histoire d'offrir 3:35
6. Ampoulle grillée 1:34
7. Réveil 1:24
8. Son sac 6:20
9. Micheline 3:30
10. Bonjour Monsieur Monsieur 4:35


Albert Marcoeur - Sax, Clarinet, Piano, Drums, Pipeau, Vocals
Pierre Vermeire - Sax, Clarinet, Cello, Guimbarde, Trombone, Saxhorn, Vocals
Denis Brély - Sax, Oboe, Bassoon, Vocals
Francois Ovide - Guitars, Piano, Vocals
Jaques Garret - Guitars, Bass, Cello, Harmonica, Vocals
Claude Marcoeur - Drums, Xylophone, Vocals
Gérard Marcoeur - Percussion, Pipeau, Gongs, Melodion, Xylophone, Accordeon, Piano, Vocals
Jaqueline Thibault - Organ