dimanche 28 juin 2015

Tire le Fil #6

Un petit fil mais un sacré voyage quand même parce que relier Iggy Pop à Lynyrd Skynyrd en passant par Yes, ce n'est pas forcément quelque chose qui sauterait à la face. Et donc, un petit fil, qui ne plaira sans doute que modérément aux défenseurs du bon goût qu'il faut avoir... Tant pis. Enjoie !

PaS Si BêTe
Iggy Pop "The Idiot" (1977)
ou "Iggy sous influence"

C'est le premier album de l'iguane, un album qui, comme le fantastique Transformer de Lou Reed quelques années plus tôt, porte le sceau d'un David Bowie toujours partant pour aider un pote à sa relance, quitte à vampiriser son œuvre.
Parce que, indéniablement, dès un titre en référence à Fiodor Dostoïevski (j'sais pas vous mais, moi, j'ai du mal à imaginer Iggy potasser les classiques de la littérature russe), d'une approche, une esthétique musicale typique de la période berlinoise de l'homme aux yeux vairons, jusqu'à des crédits intégralement partagés par l'auteur et son mentor/producteur, on a très souvent l'impression d'écouter un album de David Bowie chanté par Iggy Pop. Comme c'est un bon David Bowie, option post-kraut new-waveuse avant l'heure à fond les bananes !, avec quelques vrais highlights (Sister Midnight, co-écrit avec le guitariste Carlos Alomar, l'imparable Nightclubbing morceau culte s'il en fut, un Funtime cousin-Kraut, ou un China Girl que Bowie n'hésitera pas à transformer en hit mondial quelques années plus tard en le débarrassant de son initiale noirceur), on ne boude pas son plaisir et plonge dans  les méandres d'un album mené par la voix du mort-de-faim, un peu à la ramasse depuis la séparation des Stooges et son séjour psychiatrique, cet Iggy plus vraiment ce symbole proto-punk, introverti et nihiliste.
The Idiot, plus qu'une première œuvre, demeure un des tous meilleurs album d'Iggy avec, évidemment, Lust for Life sorti la même année et reconduisant presque la formule et l'équipe, une puissante et artistique déclaration d'intention qui ne sera pas, hélas, toujours suivie d'effets dans la suite de la carrière de Mister Pop.

1. Sister Midnight 4:19
2. Nightclubbing 4:14
3. Funtime 2:54
4. Baby 3:24
5. China Girl 5:08
6. Dum Dum Boys 7:12
7. Tiny Girls 2:59
8. Mass Production 8:24

Iggy Pop – vocals
David Bowie – keyboards, synthesizer, guitar, piano, saxophone, xylophone, backing vocals
Carlos Alomar – guitar
Dennis Davis – drums
George Murray – bass guitar
Phil Palmer – guitar
Michel Santangeli – drums
Laurent Thibault – bass

David Bowie (chant, guitare, saxophone)

PReMieR CHeF D'œuVRe
David Bowie "Hunky Dory" (1971)
ou "Nice one, Mr Jones!"

Hunky Dory a beau être le, déjà !, 4ème album de David Bowie, c'est une avancée décisive dans une carrière qui peine à combler les rêves de gloire d'un jeune auteur, compositeur, interprète et multi-instrumentiste plein de talent mais n'ayant pas encore à son catalogue une collection aussi intouchable artistiquement parlant que commercialement gorgée de tubes imparables... Jusqu'à Hunky Dory, donc.
On peut attribuer, outre le hasard cosmique qui fait se rencontrer un artiste et sa muse, le succès de l'entreprise à une équipe et d'abord à un groupe - avec le guitariste /co-arrangeur Mick Ronson et le batteur Mick Woodmansey déjà présents sur The Man Who Sold The World, le récemment disparu (21 mai 2013) Trevor Bolder à la basse et à la trompette, et le revenant Yes-man Rick Wakeman (déjà aperçu sur Space Oddity où il mélotronisait à merveille le morceau éponyme) au piano - mais aussi un producteur, Ken Scott, transfuge des studios Abbey Road présentement résident des studios Trident qui suivra Bowie jusque Pin Ups (soit 4 albums consécutifs), avant que Bowie ne prenne lui-même les choses en main pour Young Americans. Historiquement, l'association, moins Wakeman, se cristallisera sous le nom des Spiders from Mars dès l'album suivant, le fameux Ziggy Stardust, avec le résultat qu'on connait... C'est dire si Bowie tient là une fine équipe !
Mais, évidemment, refrain connu, sans bonnes chansons tout ceci serait vain et, pour le coup, alors que ses précédents long-jeux de David, pour recommandables furent-ils, étaient marqués du sceau de l'inconsistance, de l'irrégularité, Hunky Dory est une collection sans faille menée qu'elle est par les deux tubes absolument imparables et immortels que sont Changes et Life on Mars?. Ces deux là n'étant plus, vous en conviendrez, à présenter nous nous intéresserons aux autres, malchanceux petits moments de grâce n'ayant pas connu les spotlights et les charts alors qu'ils les méritaient autant ! On citera naturellement un Oh! You Pretty Things totalement addictif que ce soit pour sa mélodie de chant, sa partie de piano (jouée par Wakeman) et son démarrage glam pop du refrain... Succulent ! et merveilleusement enchaîné à un Eight Line Poem, jazz/blues transitoire où Ronson brille par sa retenue et son feeling. La suite ne vient jamais démentir l'exceptionnel niveau que ce soit sur le jazz pop Kooks (qui m'a toujours fait l'impression de finir trop vite tant il est bon), Quicksand avec ses crescendos divins et ses relents de Dylan folk et de Beatles orchestral, Fill Your Heart avec sa préciosité et ses arrangements gentiment surannés, petite bulle de nostalgie joyeuse (si, si !), Andy Warhol avec son intro bizarroïde et le folk quasi-Kinksien qui suit... Bref, arrêtons là l'énumération... Il suffit de dire que les trois qui restent ne déparent pas du lot, que tout y est (très) bon et fonctionne magnifiquement en cohérence (une première chez David). Certes, ce n'est pas encore tout à fait le Bowie rock, on s'en approche sur Queen Bitch ceci dit, qui ravira son monde dès l'année suivante avec l'album que vous savez mais, quelle inspiration, quelle maîtrise, quel pied !
Pas vraiment par hasard, l'album décrochera le premier numéro 1 de David Bowie en sa natale Angleterre, marquera le décollage de la carrière du même outre-Atlantique... Et ce n'est que justice parce que David Bowie a tout bon sur Hunky Dory et a pondu sa première Grande Œuvre, une galette imparable, signe d'un artiste dont l'état de grâce ne fait alors que commencer. Décisif, je vous dis !

1. Changes 3:37
2. Oh! You Pretty Things 3:12
3. Eight Line Poem 2:55
4. Life on Mars? 3:53
5. Kooks 2:53
6. Quicksand 5:08
7. Fill Your Heart 3:07
8. Andy Warhol 3:56
9. Song for Bob Dylan 4:12
10. Queen Bitch 3:18
11. The Bewlay Brothers 5:22

David Bowie – vocals, guitar, alto and tenor saxophone, piano (in "Oh! You Pretty Things" and "Eight Line Poem")
Mick Ronson – guitar, vocals, Mellotron, arrangements
Rick Wakeman – piano
Trevor Bolder – bass guitar, trumpet
Mick Woodmansey – drums

Rick Wakeman (claviers)

PRoGMaNia
Yes "Going for the One" (1977)
ou "The Special One"

Après l'incartade bien barrée avec l'excellent Patrick Moraz aux claviers (Relayer), Going for the One marque le retour du line-up classique de la formation, avec Rick Wakeman aux panoramiques, théâtraux et, pour tout dire un peu pompeux synthétiseurs qui sont quand même un peu la trademark du Yes qui triompha vers le début des années 70.
Mais, aïe aïe, on est en 1977 et dire que la jeunesse d'Angleterre s'intéresse à tout autre choses qu'aux élucubrations symphoniques de ces déjà vieux et si inaccessibles virtuoses tient indéniablement du massif euphémisme. Et puis le groupe est absent depuis trois longues années, une éternité pour les années 70. Pourtant Yes s'en sort bien en modernisant juste ce qu'il faut sa formule notamment via la contribution de Wakeman qui a profité de ses années en solo pour renouveler, augmenter son matos des derniers développements disponibles.
L'affaire commence par une étrangeté, une sorte de hard blues progressif qui donne son titre à l'album et n'aurait presque pas déparé dans le répertoire de Led Zeppelin, le single évident de l'album aussi avec son refrain à reprendre en chœur et sa mélodie accrocheuse. On se retrouve vite dans une domaine plus familier avec un Turn of the Century qui, débutant en acoustique tranquille, n'a de cesse de "crescender" à un train de sénateur vers un palpitant final et une redescente en douceur histoire de boucler la boucle. Vient ensuite le très classique Parallels où on retrouve le versant rock du progressif de Yes pour une composition correcte sentant quand même un peu le remplissage, mais ça va, ça s'écoute et ne détonne pas sur l'ensemble de la galette. Pas plus que Wonderous Stories marquant un retour vers la tendance hippie collant si bien à la peau d'un Anderson qui ne s'en défend même pas. Last but not least, c'est l'authentique second sommet de l'album, avec la bizarrerie addictive d'ouverture, Awaken, la grosse pièce et son quart d'heure du plus pur Yes qui soit donné d'entendre sur Going for the One. Celui-ci a tout, des patterns rythmiques atypiques, des claviers et guitares virtuoses, un chant et des chœurs façon "chorale des anges", un développement symphonique idéal, il a tout ET la qualité qu'on attend d'une telle équipe et qui, enfin !, est ici atteinte.
Bien produit par le groupe lui-même, embellie créatrice avant un énième drame (qui conduira vers l'excellent Drama et l'adoubement des deux Buggles) suite à un album mi-cuit (Tormato), Going for the One est peut-être bien le dernier grand classique de Yes, un classique mineur, certes, mais un classique tout de même qu'on ne peut, évidemment, que recommander.


1. Going for the One 5:30
2. Turn of the Century 7:58
3. Parallels 5:52
4. Wonderous Stories 3:45
5. Awaken 15:38

Jon Anderson – lead vocals, harp
Chris Squire – 4-, 6-, and 8-string bass guitars, backing vocals
Steve Howe – acoustic and electric guitars, lap steel guitar, pedal steel guitar, laúd, backing vocals
Rick Wakeman – Polymoog and Minimoog synthesizers, church organ, piano, Mellotron, choral arrangement
Alan White – drums, tuned percussion
&
Richard Williams Singers – choir

Steve Howe (guitare)

FM HeRoeS
Asia "Asia" (1982)
ou "Prog goes Pop"

Du rock progressif pour la fm américaine ? C'est, en caricaturant à peine, ce que contient le premier album d'un super-groupe pourtant britannique avec un Buggle stagiare en Oui, un Yes-man en cessation d'acceptation, le P qui complétait l'E.L., et un disciple passé du Roi Cramoisi. La pierre fondatrice ? Asia, par Asia, évidemment.
On ne va pas se mentir, en 2015, tout ça sonne horriblement daté tant et si bien qu'il faudra soit être un mélomane nostalgique de la période (le début des années 80) ou l'avoir vécu en en gardant un bon souvenir pour encaisser les charmes putassiers de la présente galette.
Stylistiquement, passée une pochette de Roger Dean qui nous donnerait presque à croire que progressif l'œuvre sera, c'est de bon gros rock fm à peine augmenté de quelques trucs acquis par ces messieurs dans leurs précédentes aventures dont il s'agit. Alors, évidemment, c'est supra-efficace, truffé de mélodies toutes prêtes à venir truster votre boîte crânienne, bien interprété, forcément vu la fine équipe qui y sévit, bref, une Rolls dans le genre. Et un succès qui suivit, ces messieurs venant contester la suprématie étatsunienne sur le domaine à coup de gimmicks de claviers mémorables, de mélodies de chants accrocheuses, de guitares un peu trop discrètes mais toujours maniaquement précises, sur une production qui a le clinquant de son temps mais juste ce qu'il faut de soin artistique pour moins mal vieillir que la moyenne (merci à Mike Stone repéré chez Queen, Journey ou April Wine).
Si vous trouvez votre bonheur dans ce genre d'exactions du type "plaisir coupable" (mais plaisir quand même), foncez ! Si, par contre, vous êtes un lecteur assidu de Bien-Pensant-Musique, fuyez !, mais ne vous moquez pas, c'est mal.

1. Heat of the Moment 3:50
2. Only Time Will Tell 4:44
3. Sole Survivor 4:48
4. One Step Closer 4:16
5. Time Again 4:45
6. Wildest Dreams 5:10
7. Without You 5:04
8. Cutting It Fine 5:35
9. Here Comes the Feeling 5:42

Geoff Downes – keyboards, vocals
Steve Howe – guitars, vocals
Carl Palmer – drums, percussion
John Wetton – lead vocals, bass guitar

John Wetton (chant, basse)

ByRoN aVaNT-DeRNièRe
Uriah Heep "Return to Fantasy" (1975)
ou "En voie d'essoufflement"

Premier des deux albums d'Uriah Heep avec une guest-star qui en jette, l'ex-King Crimson John Wetton, avant dernier album avec leur référentiel frontman, David Byron, alors déjà bien mal en point du fait de ses nombreux excès narcotiques, Return to Fantasy n'est pas un triomphe, pas une catastrophe non plus.
Ca commence d'ailleurs en beauté par un Return to Fantasy, la chanson, destiné à s'intégrer à la liste des classiques d'Uriah Heep, composition typique du style du groupe, solide mid-tempo mené conjointement par la guitare de Mick Box et l'orgue de Ken Hensley, supporté par une solide section rythmique (dont John Wetton, à la quatre-cordes, donc) et orné du chant affecté et émotionnel de David Byron et des chœurs de Hensley, Kerslake (l'excellent batteur) et Wetton. La suite n'est hélas pas toujours du même tonneau même si un Shady Lady bien troussé largement dévolu à la guitare de Box, un Beautiful Dream plus progressif que la moyenne du répertoire du groupe lorgnant même vers le jazz fusion, un Showdown aux chœurs "queenesques" du plus bel effet et à slide de Mick bien mise en valeur, une ballade de belle facture aussi (Why Did You Go) et même une conclusion en beauté avec un A Year or a Day soufflant le froid et le chaud, l'électrique et l'acoustique, avec un bel enthousiasme si ce n'est un talent compositionnel bluffant. On passera sur le reste de l'album qui, moins satisfaisant, fait figure de remplissage, ni plus ni moins, on citera tout de même, remaster bonussée oblige, de jolis compléments dont un Shout It Out heavy rock lent réussi, un Time Will Come typique du Heep et plutôt meilleur que les fillers précités, ou une version alternative de Beautiful Dream qui, sonnant vraiment comme un démo, permet d'entendre le morceau dans le cours de son développement.
Return to Fantasy, loin de valoir les grands classiques des vénérable britons, de Very 'Eavy Very 'Umble à Look at Yourself en passant par Salisbury sans oublier la doublette Demons & Wizards/Magician's Birthday, œuvre d'un Uriah Heep semblant quand même être en recherche d'un hypothétique second souffle, est surtout à recommander aux fans de la formation et aux amateurs du hard rock un peu progressif des années 70 qui y trouveront moult motifs de satisfaction.

1. Return to Fantasy 5:52
2. Shady Lady 4:46
3. Devil's Daughter 4:48
4. Beautiful Dream 4:52
5. Prima Donna 3:11
6. Your Turn to Remember 4:22
7. Showdown 4:17
8. Why Did You Go 3:53
9. A Year Or a Day 4:22
Bonus
10. Shout It Out 3:35
11. The Time Will Come 4:08
12. Beautiful Dream (Previously Unreleased Version) 5:49
13. Return To Fantasy (Edited Version) 3:38

David Byron – Lead Vocals
Mick Box – Guitars
Ken Hensley – Keyboards, Guitars, Synthesizer, Vocals
Lee Kerslake – Drums, Percussion, Vocals
John Wetton – Bass Guitar, Mellotron, Vocals

Ken Hensley (guitare, claviers)

SouTHeRN FooT
Blackfoot "Siogo" (1983)
ou "Rickey tente la relance"

Quand le plus furieux des groupes sudistes, avec les desperados de Molly Hatchet, se met à se rêver en Roi des Charts, ça donne ? Siogo, le cru 1983 de Blackfoot, pas un mauvais album, pas forcément ce qu'on attend des indiens de l'ex et futur Lynyrd Skynyrd Rickey Medlocke pour autant.
Il faut dire qu'il y a un vilain anglais qui est venu se glisser chez les peaux-rouges !, un mec qui vient d'Uriah Heep qu'il a quitté avec pertes et fracas pour les obligatoires divergences artistiques, vous connaissez la chanson... La venue de Ken Hensley, de fait, est tout sauf innocente, s'il y compose peu, ses claviers omniprésents (et un peu kitsch, on ne va pas se mentir), sa contribution à des chœurs du coup moins ouvertement virils, orientent l'album dans la direction choisie par Rickey, qui sait qui il a recruté, donc. Ca nous donne un album bipolaire, sudiste encore dans quelques saillies bien senties (We're Going Down, White Man's Land, deux solides compositions énergiques et réussies) mais, surtout, un rock policé, destiné à flatter l'oreille de l'auditeur moyen de la bande fm US d'alors. Parfois, sur les morceaux les plus rock surtout, ça fonctionne bien et donne quelques compositions cousines de l'ex-maison du nouveau lieutenant (Uriah Heep, bien sûr) ou de la concurrence "blackmorienne". Ainsi, le costaud Send Me an Angel, les mid-tempo Crossfire et Sail Away, l'entraînant Heart's Grown Cold, ou une locomotive tel que le Drivin' Fool lardé de soli crépitants atteignent leur but de vulgarisation grand public de l'idiome southern rock. Par contre, quand de douteux synthés 80s viennent habiter de quelconques compositions dans ce qu'il est convenu d'appeler le ventre-mou de l'opus (Teenage Idol, Goin' in Circles, Run for Cover), on marche nettement moins dans une combine trop datée, reposant trop sur de simplistes gimmicks pour vraiment satisfaire, dommage en particulier pour un Teenage Idol doté, tout de même, d'un beau potentiel hélas gâché par le maniérisme fminé dont il fut encombré.
Comme même ces trois-là sont loin de l'indignité, juste en deçà du niveau de ce Siogo à l'injustement déplorable réputation, on recommande un album qui, sans mériter d'entrer dans la légende sudiste (pas comme Strikes, Tomcattin' ou Marauder, quoi) s'écoute avec un vrai plaisir même pas coupable.

1. Send Me an Angel 4:36
2. Crossfire 4:08
3. Heart's Grown Cold 3:32
4. We're Goin' Down 4:12
5. Teenage Idol 4:48
6. Goin' in Circles 3:08
7. Run for Cover 4:12
8. White Man's Land 2:55
9. Sail Away 4:30
10. Drivin' Fool 4:48

Rickey Medlocke - lead vocals, guitars
Charlie Hargrett - guitars
Ken Hensley - keyboards, slide guitar on "Drivin' Fool", backing vocals
Greg T. Walker - bass guitar, backing vocals
Jakson Spires - drums, percussion, backing vocals
&
Michael Osborne, Lala - backing vocals

Rickey Medlocke (chant, guitare)

oLD & NeW
Lynyrd Skynyrd "Vicious Cycle" (2003)
"C'est dans les vieux pots..."

De temps en temps, un groupe dont on n'attendait à priori plus rien, trop vieux, plus vraiment le même groupe (tristes circonstances obligent, en l'occurrence), un peu trop gras, un peu trop dans un nombrilisme musical auto-parodique pas vraiment très frais... Et puis Vicious Cycle et sa pochette pas belle du tout, une galette qui mérite le détour.
Et pourtant, ça partait mal parce que, Lynyrd Skynyrd ayant perdu l'un de ses trois derniers membres historiques, le bassiste Leon Wilkeson décédé pendant l'enregistrement qui du coup ne contribue qu'à deux titres, laissant donc aux seuls Gary Rossington et Billy Powell la lourde charge de garder le temple, avec même un opportuniste duo avec l'énervant Kid Rock (sur un remake de Gimme Back My Bullets finalement correct), on le sentait moyen ce pseudo-Lynyrd Skynyrd. Mais, avec l'énergie du désespoir sans doute, comme le groupe sait au moins approximer le style de blues hard un poil bouseux depuis toujours pratiqué par la formation, que l'addition du leader de Blackfoot (Rickey Medlocke qui avait déjà joué avec LS, entre 71 et 72... à la batterie !), et la constance d'un Johnny Van Zant qui a beaucoup de son défunt frère (même s'il ne le vaut pas tout à fait), il ne faut plus que de bonnes chansons pour que la sauce prenne.
Alors, forcément, si vous vous attendez à quoique ce soit d'autre que du solide rock sudiste, vous en serez pour vos frais, Lynyrd Skynyrd n'a jamais changé, ne changera jamais et continue d'appliquer la même formule qui est, finalement, son identité. Ceci dit, l'amateur du genre trouvera moult motifs à satisfaction sur ce 12ème album (le 6ème depuis la reformation) qui sent bon le cuir, la graisse automobile et le southern comfort. On passera rapidement sur le cri du cœur cocardier de Red, White & Blue (sans oublier de rappeler que c'est la première galette depuis les "évènements" pour les natifs de Jacksonville en Floride et que, patriotes qu'ils sont, ils ne pouvaient décemment pas faire autrement) pour vanter la belle qualité d'une galette qui rivalise avec ce que le succédané avait sorti de mieux jusque là (Endangered Species, un unplugged revisitant le glorieux passé en ajoutant sa petite pierre de nouveauté). Sans entrer dans le détail de la généreuse tracklist, 15 titres pour 70 imposantes minutes, on notera qu'on y retrouve tous les trucs du combo, de blues déchirants en rocker pour highways, avec une inspiration incroyablement au rendez-vous mais qui fera, hélas, de nouveau défaut au groupe sur ses sorties suivantes.
Vicious Cycle, c'est le meilleur album électrique du Lynyrd Skynyrd non-historique, c'est aussi simple que ça et c'est donc, forcément, recommandé.

1. That's How I Like It 4:33
2. Pick Em Up 4:20
3. Dead Man Walkin' 4:30
4. The Way 5:32
5. Red, White, & Blue 5:31
6. Sweet Mama 3:59
7. All Funked Up 3:33
8. Hell or Heaven 5:14
9. Mad Hatter 5:38
10. Rockin' Little Town 3:36
11. Crawl 5:09
12. Jake 3:41
13. Life's Lessons 5:59
14. Lucky Man 5:35
15. Gimme Back My Bullets 3:41

Johnny Van Zant – lead vocals
Gary Rossington – guitars
Billy Powell – keyboards
Ean Evans – bass guitar
Michael Cartellone – drums
Carol Chase – background vocals
Rickey Medlocke – guitars & vocals
Hughie Thomasson – guitars & background vocals
Dale Krantz Rossington – background vocals
&
Kid Rock – vocals in "Gimme Back My Bullets"
Leon Wilkeson - bass guitar on "The Way" and "Lucky Man"

Le line-up de l'édition :
David Bowie (chant, guitare, saxophone), Rick Wakeman (claviers),
Steve Howe (guitare), John Wetton (chant, basse),
Ken Hensley (guitare, claviers), Rickey Medlocke (chant, guitare)

jeudi 25 juin 2015

70s Progressive Rock (10 ans, 10 albums, LISTE B)

Parce qu'une fois ne suffisait définitivement pas, on revient sur le cas du rock progressif des années 70 avec une sélection de 10 albums complémentaire de celle du 1er billet, un déroulé où folie, mélodie, grâce et maîtrise vont main dans la main. Enjoie !

1970
Magma "Kobaïa"
ou "Alien Prog"

Première déclaration d'intention, première symphonie martienne du plus unique des groupes de rock progressif de chez nous, un des plus uniques tout court d'ailleurs, c'est évidemment de Magma que l'on cause, Kobaïa est un double album où Stravinsky, Orff, WagnerJohn Coltrane évidemment, on va y revenir, King Crimson et l'Opéra de Quat'Sous de Brecht/Weill se rencontrant sur une lointaine planète, s'affrontant pour le meilleur et l'exceptionnel : un grand chaos apparent qui fera florès.
Mais évidemment, Magma est plus que la somme de ses influences, Magma c'est avant tout la création maniaque d'un batteur et vocaliste totalement atypique, un petit gars de Nogent-sur-Marne, fils adoptif du pianiste de Nougaro, en quête de la note suprême depuis que, adolescent, il découvrit un jazzman aussi halluciné que passionnant : John Coltrane. Parce que s'il y a une influence qu'on ne peut pas mettre sous l'éteignoir, une qui est suffisamment présente et décisive pour que tout l'art à venir du combo en général et de son indéboulonnable leader en particulier s'en ressente c'est bien celle du mythique natif de Caroline du Nord.
Et donc Magma, c'est du jazz ? Oui ! Et non. C'est du jazz libre et contemporain empruntant, présentement, à la naissance de la décennie progressive, aux possibles de son temps mais pas pour suivre les outre-manchots ou outre-atlanticards et autres teutons-au-chou, non, pour créer une symphonie qui deviendra un univers, avec sa propre langue, son propre son et même, honneur ultime, son propre genre, ce zeuhl qui gagnera bien d'autres formation, bien d'autres territoires. Et c'est ici que tout commence, sur un double album, pas moins, un chœur post-apocalyptique et transcendant, un opéra spatial, une création savante où les capacités d'instrumentistes, pas forcément tous virtuoses d'ailleurs, sont avant tout le matériau organique sur laquelle l'œuvre est construite. Pas de blabla inutile, de performances nombrilistes voir onaniste mais un tout, d'une terrible cohérence, d'une incroyable noirceur, qui laisse tout sauf indifférent.
Magma fera mieux ? Sans doute. Mais la naissance d'un mythe, d'un genre et d'un personnage (Vander !) qui continue, tel qu'en lui-même, à faire vivre son Art, ça se célèbre ça s'apprécie sur un excellent Kobaïa, le nom de leur planète à eux, qu'on continue de décortiquer avec ravissement, 45 ans après.

CD 1
1. Kobaïa 10:15
2. Aïna 6:15
3. Malaria 4:20
4. Sohïa 7:00
5. Sckxyss 3:47
6. Auraë 10:55

CD 2
7. Thaud Zaïa 7:00
8. Nau Ektila 12:55
9. Stoah 8:05
10. Muh 11:13

Klaus Basquiz – vocals
François Cahen – piano
Claude Engel – guitars, flute, vocals
Teddy Lasry – soprano sax, flute
Richard Raux – alto and tenor sax, flute
Alain "Paco" Charlery – trumpet, percussion
Francis Moze – electric bass, contrabass
Christian Vander – drums, vocals

MAGMA

1971
Caravan "In the Land of Grey and Pink"
ou "Canterbury Gold"

Pilier de cette passionnante Canterbury Scene, aux côtés de Soft Machine, National Health, Hatfield and the North, Gong, et, à moindre titre, d'Egg, Comus, Quiet Sun, etc., excusez du peu !, Caravan en est aussi l'un des fondateurs, l'un des détenteurs d'un son, mariant jazz libre (ici tenu à un strict minima), indéniable anglicité et progressisme naturel qui fait tellement d'effet aux amateurs d'évasion sonique de qualité.
Dans les faits, In the Land of Grey and Pink est l'avant-dernier album de la formation originelle de Caravan, le troisième d'icelle, celui où le futur Hatfield and the North Richard Sinclair, qui quittera ses partenaires l'année suivante, après un Waterloo Lily un poil décevant, s'implique le plus dans le songwriting et le chant jusqu'à en devenir le quasi-leader. Découpé en deux parties, une face dédiée à de courtes chansons, l'autre au massif Nine Feet Underground et ses presque 23 minutes, il exemplifie à la perfection les deux facettes compositionnelles d'une formation autant capable de chansons pop progressives toutes en nuances et joliesses mélodiques que de magistrales explorations progressives symphoniques où moult soli virtuoses, moult textures réussies viennent émailler une création qui tient beaucoup de la jam sans pour autant perdre un seul instant un focus compositionnel bien tenu. Forcément, Caravan n'ayant pas de vrai guitariste en son sein, les claviers en génrale et l'orgue bourré de fuzz en particulier de l'autre Sinclair, cousin du premier, David qui s'en donne à cœur-joie et nous offre, ce faisant, un paquet de belles émotions musicales.
Alors, certes, Caravan n'est pas exactement le plus edgy des groupes de la scène de Canterbury, contrairement à Soft Machine ils ne poussent pas leur art vers le free jazz, contrairement à Gong ils ne partent pas de dans de spatiaux délires psychédéliques mais ce qu'ils font, une musique finalement simple, accessible mais jamais simpliste, ils le font avec un classe et un naturel qui laisse bouche bée. C'est vrai sur tous les albums de leur période de gloire (1968-1973) et encore un peu plus cet In the Land of Grey and Pink qu'il est, à partir de là, facile de considérer comme leur magnum opus, ce qu'il est, indéniablement.
Présentement, en un remaster de qualité doté de nombreux titres bonus permettant de rallonger la bonne sauce, c'est l'œuvre qu'on conseillera à toutes celles et tous ceux qui souhaitent découvrir cette formation trop souvent confinée à un quasi-anonymat hors de la sphère progressive alors qu'elle mérite tellement mieux. Testez-le donc, vous ne serez pas déçus.

1. Golf Girl 5:05
2. Winter Wine 7:46
3. Love to Love You (And Tonight Pigs Will Fly) 3:06
4. In the Land of Grey and Pink 4:51
5. Nine Feet Underground 22:43
I. Nigel Blows a Tune
II. Love's a Friend
III. Make It 76
IV. Dance of the Seven Paper Hankies
V. Hold Grandad by the Nose
VI. Honest I Did!
VII. Disassociation
VIII. 100% Proof
Bonus
6. I Don't Know Its Name (Alias The Word) 6:12
7. Aristocracy 3:42
8. It's Likely to have a Name Next Week (Instrumental version of "Winter Wine") 7:48
9. Group Girl (First version of "Golf Girl") 5:04
10. Dissassociation/100% Proof (New Mix) (Closing section of "Nine Feet Underground") 8:35

Richard Sinclair – bass guitar, acoustic guitar, vocals
Pye Hastings – electric guitars, acoustic guitar, vocals
David Sinclair – organ, piano, Mellotron, harmony vocals
Richard Coughlan – drums and percussion
&
Jimmy Hastings
– flute, tenor sax, piccolo
Dave Grinstead – cannon, bell and Wind

CARAVAN

1972
Gentle Giant "Octopus"
ou "Many Arms"

Lettré, varié, technique, unique aussi, des groupes comme Gentle Giant, on n'en trouve pas sous le sabot de la première carne venue, quand, en plus, il s'agit de leur quatrième album, Octopus, peut-être leur meilleur, on ne sait pas où commencer la louange parce que, évidemment, vanter ses mérites, convaincre qu'il faut l'écouter même si ce n'est pas ce qu'il y a de plus simple dans le genre, devient une quête.
Contrairement à la majorité de ses collègues, Gentle Giant ne fait pas dans la pièce épique (ou à rallonge pour ceux qui n'apprécient pas le genre), leurs chansons ont des durées qui ne laissent pas suspecter ce qu'elles proposent, à savoir un déluge de soli ultra-précis, d'enchainements savants, de patterns atypiques, de mélodies différentes, etc. Parce que Gentle Giant ne fait pas dans la facilité, ce qui vient aux six membres de la formation, tous d'excellents instrumentistes, compile inspiration moyenâgeuse, ce Advent of PanurgeRabelais est traité avec tant de délicatesse, où la tentation troubadour est vite relayée par de fusionnantes aspirations avant d'évoluer, encore !, vers de symphoniques prétentions tout à fait convaincantes, etc. La description pour l'exemple du festival d'intelligence compositionnelle et harmonique de la chose. Parce que, fondamentalement, rien ne déçoit ici, titre après titre la tracklist nous fait voyager dans le petit monde précieusement foutraque de musiciens n'hésitant pas à emprunter ce que bon leur semble d'où que cela provienne. Un violon tsigane, du jazz presque funk, de délicates ou complexes harmonies vocales, de la musique de chambre, folk, rock, ancienne, avant-gardiste, tout fait ventre à cet ogre. Mais attention, le soin du détail est extrême, maniaque presque, ça fait donc du beau, du bien arrangé, de la surprise à chaque tournant mais toujours de la belle surprise, bien pensée et bien dessinée.
Alors on ne fait pas plus le détail, pas besoin !, on dit simplement que cet album-là, ne pas l'aimer, c'est un crime contre la musique, carrément !

1. The Advent of Panurge 4:41
2. Raconteur, Troubadour 4:01
3. A Cry for Everyone 4:04
4. Knots 4:11
5. The Boys in the Band 4:34
6. Dog's Life 3:11
7. Think of Me with Kindness 3:34
8. River 5:53

Gary Green - Electric guitar (tracks 4, 8), electric guitars (tracks 1, 3, 5), maracas (track 2)
Kerry Minnear - Piano (tracks 1-5, 7, 8), Hammond organ (tracks 1-5, 7, 8), Minimoog (tracks 1, 3, 5, 8), electric piano (tracks 2, 4, 8), Mellotron (tracks 2, 8), Clavinet (track 1), harpsichord (track 4), regal (track 6), vibraphone (tracks 4, 8), tambourine (track 2), cello (tracks 2, 6), lead vocals on tracks 1, 4 and 7, backing vocals
Derek Shulman - Lead vocals (tracks 1-4, 8), alto saxophone (track 5)
Phil Shulman - Trumpet (tracks 1, 2), alto saxophone (track 5), tenor saxophone (track 4), mellophone (track 7), lead vocals on tracks 1, 4, 6 and 8, backing vocals
Ray Shulman - Bass, violin (tracks 2, 4, 5), violins (track 6), viola (track 6), electric violin (track 8), acoustic guitar (track 6), tambourine (track 3), backing vocals
John Weathers - Drums (tracks 1-5, 7, 8), bongos (tracks 3, 8), varispeed cymbal (tracks 4, 8), xylophone (tracks 4, 6)

GENTLE GIANT

1973
Mahavishnu Orchestra "Birds of Fire"
ou "Flyin' Fusion"

Quand une fine équipe dédiée au jazz fusion le plus planant et progressif qui soit, Mahavishnu Orchestra évidemment, qui d'autre ?, sort un second album encore plus "trippé" que son prédécesseur, le pourtant déjà bien barré The Inner Mounting Flame, ça donne Birds of Fire, un immanquable, assurément.
Mais si ces Oiseaux de Feu sont encore plus spatiaux, encore plus mystiquement chargés, c'est un groupe nettement plus en cohérence, nettement moins dans l'affirmation de leur immense technique, dans la démonstration via de nombreux et impressionnants soli, et du coup plus dans la création compositionnelle, qui s'avance et qui, en 10 pistes et 40 petites minutes, propose ce qui reste sa plus grande réussite aujourd'hui. C'est évident dès la sélection-titre, un Birds of Fire toujours intimement cousin d'un jazz fusion développé par McLaughlin quand il participât à la transformation électrique d'un certain Miles Davis mais nettement plus ramassé et concentré, en l'occurrence sur la guitare de John mais aussi sur le violon de Jerry Goodman. La suite, presque toujours aussi énergique (à l'exception du charmant et acoustique Thousand Island Park), et jamais inutilement démonstratrice, exemplifie l'excellence de l'équipe réunie par Mahavisnu John où, d'un Billy Cobham récupéré chez Miles à un Jan Hammer encore un peu débutant mais déjà en total maîtrise de ses claviers, chaque musicien tend, avant tout, à magnifier les compositions du chef par de retenues et fines interprétations pour ce qu'il est convenu d'appeler un sans faute, tout simplement.
Peut-être parce qu'il pense avoir fait le tour de la question avec cette formation, , plus certainement à cause des rapports déplorables qu'entretiennent alors ses membres, McLaughlin renouvellera son groupe dès l'album suivant sans plus jamais tout à fait atteindre, cependant, la grâce jazzo-progressive ici démontrée sur ce qui reste une des galettes fusion les plus ouvertement recommandées au progueux en particulier et aux amateurs de jazz libre, moderne et mélodique en général.

1. Birds of Fire 5:50
2. Miles Beyond 4:47
3. Celestial Terrestrial Commuters 2:54
4. Sapphire Bullets of Pure Love 0:24
5. Thousand Island Park 3:23
6. Hope 1:59
7. One Word 9:57
8. Sanctuary 5:05
9. Open Country Joy 3:56
10. Resolution 2:09

John McLaughlin - Guitar
Rick Laird - Bass
Billy Cobham - Drums, Percussion
Jan Hammer - Keyboards, Moog synthesizer
Jerry Goodman - Violin

MAHAVISHNU ORCHESTRA

1974
Camel "Mirage"
ou "Divin Dromadaire (sans filtre)"

A l'ombre des géants de la période (Genesis, Yes, Pink Floyd, ELP, King Crimson, etc.) vit le jour un fougueux animal qui, blatérant à qui mieux-mieux, finit par se faire entendre de ses pairs et des amateurs du genre quand, après un premier album prometteur mais pas encore tout à fait au point, ils produisirent ce qui reste, à ce jour, 4 décennies après les faits, leur magnum opus, je pense évidemment à Camel et à son Mirage d'album, une tuerie !
Parce que, cette fois, assuré de leur art, de leurs techniques individuelles et de leur capacité à tout faire péter en groupe, c'est une formation qui lâche la bête à bosse qui se présente à nous, un Camel qui ose ne plus être le timide gentil petit groupe de son premier album pour venir chatouiller les crampons de Yes, de Genesis et même de King Crimson. Pas de doute, c'est de progressif symphonique dont il s'agit, les claviers monumentaux de Peter Bardens sont là pour nous le rappeler, les guitares stratosphériques et trépidantes d'Andrew Latimer itou, l'inventive section rythmique pas mieux, et les constructions alambiquées, mais retombant toujours sur leurs sabots, aussi.
Dans les faits, en 5 chansons, culminant avec les suites Nimrodel/The Procession/The White Rider (un emprunt textuel à l'univers de JRR Tolkien) et un Lady Fantasy parfait de son riff tranchant à son développement symphonique en passant par ses glissements subtilement jazzés, c'est un Camel triomphant qui fait le métier, une union de 4 musiciens menée de main de maître par ses deux leaders instrumentaux qui, d'ailleurs, trustent largement les crédits d'écriture. Ajoutez à ça la magistrale mise en son d'un Dave Hitchcock déjà connu pour de similaires exploits pour Genesis (Foxtrot) ou Caravan (presque tout de 1968 à 1976), un spécialiste du genre qui sut mettre en valeurs les nombreuses nuances instrumentales, les lumineuses trouvailles mélodiques d'une formation qu'on retrouvera rarement à pareille fête (quoique The Snow Goose, même dans sa version réenregistrée de 2013, et Moonmadness soient également fort recommandables).
Camel, outsider type de ces groupes qui sont arrivés trop tard pour être dans le premier wagon, est un combo dont la longue et riche carrière mérite amplement d'être explorer, et plus encore dans ces années de règne progressif et, en particulier, sur ce Mirage à la pochette aussi immédiatement reconnaissable que sa musique est trop méconnue au-delà du petit cercle des afficionados du rock progressif des années 70, un oubli à réparer.

1. Freefall 5:53
2. Supertwister 3:22
3. Nimrodel/The Procession/The White Rider 9:17
4. Earthrise 6:40
5. Lady Fantasy 12:45
- Encounter
- Smiles for You
- Lady Fantasy

Bonus
6. Supertwister (Live at The Marquee Club 1974) 3:14
7. Mystic Queen (Live at The Marquee Club 1974) 6:09
8. Arubaluba (Live at The Marquee Club 1974) 7:44
9. Lady Fantasy: Encounter/Smiles for You/Lady Fantasy (Original Basing Street Studios Mix - November 1973) 12:59

Andrew Latimer – guitars, flute, vocals on "Nimrodel/The Procession/The White Rider" and "Lady Fantasy"
Peter Bardens – organ, piano, Minimoog, Mellotron, vocals on "Freefall", Fender piano, Clavinet
Doug Ferguson – bass
Andy Ward – drums, percussion

CAMEL

1975
Harmonium "Si On Avait Besoin d'Une Cinquième Saison"
ou "De la Belle Province"

C'est le second album de nos cousins de la Belle Province, ces québécois qui se sont fait un nom, à l'international !, sans abandonner la langue de lointaines origines qui leurs sont si chères, une démonstration de progressif symphonique qui laisse, 40 ans après, toujours béat d'admiration, c'est Harmonium et leur Si On Avait Besoin d'Une Cinquième Saison de 1975, un immense album.
On est, en vérité, saisi dès une calme introduction de flute vite secondée par d'harmonieux arpèges acoustiques sur un Vert qui, bucolique comme pas deux, porte idéalement son titre, et rappelle stylistiquement les premières exactions progressives de Genesis, sur Trespass ou, quand la clarinette s'agite et que le tempo décolle, les jazzeries débutantes d'un King Crimson, rien que du très recommandé, donc. Dixie, plus chanson, tirant aussi sur la corde folk avec, en sus, un piano dixie, forcément !, confirme la déclaration d'intention du rock progressif pratiqué par Harmonium qui, toujours mélodieux, toujours fantaisiste, explore les possibles décontractés d'un genre que le quintet maîtrise à la perfection. Comme exemplifié, d'ailleurs, par une planerie réussie telle que Depuis l'Automne où, de mellotrons emphatiques en chœurs légers, Serge Fiori et Cie enfoncent le clou. Une construction, début acoustique puis crescendo symphonique light, plus ou moins reproduite sur le sympatoche En Pleine Face où un accordéon, instrument relativement rarement employé dans le progressif, vient agréablement nous taquiner l'oreille. Tout ça avant la grosse pièce, la quasi-inévitable suite ambitieuse, cet Histoires Sans Paroles qui, dépourvu de tout texte mais pas de toute voix, met les deux solistes naturels de la formation, Pierre Daigneault et sa flute baladeuse et Serge Locat en précieux claviériste, à l'honneur d'une pièce qui, malgré ses 17 minutes qui peuvent à priori faire peur, passe comme une lettre à la poste, bien habitée qu'elle est pas un ensemble instrumental cohérent et sensible.
Et Si On Avait Besoin d'une Cinquième Saison, bien produit quoiqu'un petit remaster serait le bienvenu, second des trois opus d'Harmonium et indéniablement leur plus réussi, même si les deux autres (l'éponyme de 1974 et L'Heptade en 1976) méritent le détour, justifie à lui seul l'intérêt de la communauté progressive pour une formation au parcours aussi météorique que passionnant. Recommandé.

1. Vert 5:35
2. Dixie 3:26
3. Depuis l'automne 10:28
4. En pleine face 4:50
5. Histoires sans paroles 17:12
- L'isolement
- L'appel
- La rencontre
- L'union
- Le grand bal

Serge Fiori – guitar, lead vocals
Michel Normandeau – guitar, vocals
Louis Valois – bass guitar, electric piano
Pierre Daigneault – flutes, clarinets
Serge Locat – keyboards

HARMONIUM

1976
Kansas "Leftoverture"
ou "American Standard"

C'est l'un des tous meilleurs albums de rock progressif américain en un temps où italiens, allemands et, évidemment, anglais dominaient largement les débats, c'est la réponse ensoleillée d'une bande de gars de Topeka, au Kansas bien-sûr !, à la noirceur de la majorité des créations européennes équivalentes, c'est Leftoverture, le cru 1976 de Kansas.
Parce que le rock progressif de Kansas, comme celui de Styx et de Journey avant le putassier virage radiophonique, a cette volonté typiquement américaine de faire couler le miel dans les cages appropriées, d'enluminer, d'harmoniser, de lisser le propos. Pour les meilleurs, Kansas en sont, peut-être même les tous meilleurs d'ailleurs, ça donne une musique toujours plaisante à l'oreille augmentée de trouvailles instrumentales et mélodiques qui épatent sans donner l'impression de vouloir trop en faire. Présentement, sur leur 4ème album, alors que leur réputation grandit sans cesse, la formation, menée avant tout par l'art compositionnel de Kerry Livgren, Steve Walsh ayant perdu l'inspiration (qu'il retrouvera bientôt, rassurez-vous), et débutant par un irrésistible Carry On Wayward Son, un peu comme si Yes jammait avec les Eagles sous le bienveillant patronage de Freddie Mercury et Brian May (ne fuyez pas !), leur premier succès dans les charts de leur mère patrie, qui plus est, un succès grandement mérité vu la qualité de la chanson.
Le reste de l'album, d'un The Wall délicieusement mélodique et tempéré ponctué de fantastiques intrusions solistes de Livgren et Walsh, d'un What's On My Mind bon rock pour les highways, d'un Miracles Made of Nowhere quasi bucolique avec ce petit violon charmant de Robby Steinhardt, d'un Question of My Childhood dynamique et accrocheur, à la petite symphonie un peu kitsch mais délicieuse telle quelle de Cheyenne Anthem, toujours progressif, toujours mélodique, nous emmène jusqu'à la pièce de résistance, le bien nommé, donc, Magnum Opus où toutes les ambitions du groupe s'agrègent en un tout gracieux, mélodique et fouillé digne des plus belles pages des "symphonistes" d'Outre-Manche avec ses moult développements entrainant l'auditeur de doucereuses mélodies à de trippants soli. A vrai dire, à part un Opus Insert correct mais finalement assez peu mémorable, c'est à un majestueux, assuré et fier festival progressif mélodique auquel nous avons affaire, une vraie Rolls du genre.
Leftoverture ? Kansas a fait ou fera aussi bien (Song for America et Point of Know Return valent leur pesant de cacahuètes) mais jamais mieux, c'est dire, considérant qu'on tient bel et bien là un grand d'Amérique, la force du machin !

1. Carry On Wayward Son 5:23
2. The Wall 4:51
3. What's On My Mind 3:28
4. Miracles Out of Nowhere 6:28
5. Opus Insert 4:30
6. Questions of My Childhood 3:40
7. Cheyenne Anthem 6:55
8. Magnum Opus 8:25
a. Father Padilla Meets the Perfect Gnat
b. Howling At the Moon
c. Man Overboard
d. Industry On Parade
e. Release the Beavers
f. Gnat Attack

Bonus
9. Carry On Wayward Son (live) 4:43
10. Cheyenne Anthem (live) 6:51


Steve Walsh - organ, piano, lead vocals (all tracks), additional synthesizers, vibraphone
Robby Steinhardt - violin, viola, backing vocals, lead vocals ("Miracles Out of Nowhere" and "Cheyenne Anthem")
Kerry Livgren - electric guitar, clavinet, Moog, Oberheim synthesizer, ARP synthesizers, piano
Phil Ehart - drums, percussion
Dave Hope - bass guitar
Rich Williams - electric and acoustic guitars
&
Toye LaRocca
– vocals
Cheryl Norman – vocals

KANSAS

1977
Anthony Phillips "The Geese and the Ghost"
ou "Another Genesis"

Il avait disparu de chez Genesis parce que, trop traqueur, il se sentait incapable d'assurer les performances de plus en plus nombreuses de son groupe, ça avait d'ailleurs été une bonne nouvelle puisqu'amenant une lame encore plus fine en la personne de Steve Hackett mais, tout de même, on se demandait bien ce qu'il était advenu de cet Anthony Phillips, vieux pote d'école des Banks, Gabriel et Rutherford, du dernier surtout, dont la rumeur disait seulement qu'il s'était concentré sur des études musicales nettement plus académiques... Et puis, 1977, The Geese and the Ghost, son premier opus.
Stylistiquement, il n'est pas surprenant d'entendre Anthony Phillips reprendre les choses exactement où il le avait laissées, 7 ans plus tôt, sur Trespass. Ainsi s'agit-il d'un rock progressif symphonique largement dominé par de beaux climats acoustiques où la guitare d'Ant domine outrageusement les débats, d'une musique où l'on entend que des années de formation "sérieuse" n'ont aucunement entamé la volonté de son auteur de construire tantôt d'ambitieuses suites instrumentales arrangées par un orfèvre qui sait visiblement où il va (Henry: Portraits from Tudor Times, The Geese and the Ghost, Sleepfall: The Geese Fly West), tantôt de douces chansons aux atours souvent folk (Which Way the Wind Blows, God If I Saw Her Now, Collections). Le fait exceptionnel, ce qui fait de ce retour surprise un authentique évènement, est évidemment l'étonnante qualité de l'ensemble où, certes, Phillips a su s'entourer (de son vieux pote Mike Rutherord en passant par Phil Collins venu deux fois pousser la chansonnette, le flûtiste John Hackett, le frère de son remplaçant, pas moins !, ou du cofondateur de Blodwyn Pig, Jack Lancaster) mais où il assume, étant aussi alternativement bassiste, claviériste ou batteur de l'exercice, une grande partie de la tenue instrumentale. Et quelle tenue instrumentale !, en particulier sur les deux mastodontes de la galette, où Ant démontre que si sa vie après Genesis a beaucoup à voir avec son ex-maison mère, il a aussi une voix à lui faite d'un classicisme romantique typiquement britannique qui lui va merveilleusement au teint. 
Rien que ça devrait suffire à vous faire franchir le pas, à vous donner envie de plonger dans cette aventure musicale ô combien réussie mais, si comme moi vous optez pour l'édition "définitive" de la chose, vous aurez en plus droit : à une remasterisation exemplaire de l'album, à un cd complet de bonus où, d'inédits en works in progress, vous aurez la belle occasion d'aptement prolonger l'expérience en en découvrant un peu plus sur la making-of de l'album, et à un mix audiophile (5.1 surround) du plus bel effet (sans oublier le bon gros livret qui va bien dans ce Deluxe qui ne dit pas son nom).
Vous hésitez encore ? Vous en connaissez beaucoup, vous, des albums de Genesis qui ont quasiment été oubliés ? Allez !, vous n'hésitez plus, courez !, la satisfaction est garantie !

CD 1: The Stereo Remaster
1. Wind-Tales 1:02
2. Which Way the Wind Blows 5:15
3. Henry: Portraits from Tudor Times 14:02
I. Fanfare
II. Lute’s Chorus
III. Misty Battlements
IV. Lute's Chorus Reprise
V. Henry Goes to War
VI. Death of a Knight
VII. Triumphant Return

4. God If I Saw Her Now 4:09
5. Chinese Mushroom Cloud 0:46
6. The Geese and the Ghost 15:40
I. Part I
II. Part II

7. Collections 3:07
8. Sleepfall: The Geese Fly West 4:33

CD 2: Bonus Tracks
1. Master of Time (demo) 7:37
2. Title Inspiration 0:31
3. The Geese & The Ghost – Part One (basic track) 7:46
4. Collections link 0:39
5. Which Way the Wind Blows (basic track) 6:25
6. Silver Song (Geese sessions) 4:22
7. Henry: Portraits from Tudor Times (basic track) 5:37
I. Fanfare
II. Lute's Chorus
III. Lute's Chorus Reprise
IV. Misty Battlements

8. Collections (demo) 4:14
9. The Geese & The Ghost – Part Two (basic track) 7:30
10. God If I Saw Her Now (basic track) 4:15
11. Sleepfall (basic track) 4:22
12. Silver Song (unreleased single version, 1973) 4:14

Anthony Phillips - guitars, bass guitar, dulcimer, bouzouki, synthesizer, mellotron, keyboards, piano, celesta, drums, percussion, vocals
Mike Rutherford - guitars, bass guitar, keyboards, synthesizers, drums, percussion
Phil Collins - vocals
Rob Phillips - oboes
Lazo Momulovich - oboes, cor anglais, organ
John Hackett - flutes
Wil Sleath - flute, baroque flute, recorder, piccolo
Jack Lancaster - flutes, lyricon
Charlie Martin - cello
Kirk Trevor - cello
Nick Hayley - violins
Martin Westlake - timpani
Tom Newman - hecklephone, bulk eraser
Vivienne McAuliffe - vocals
Send Barns Orchestra and Barge Rabble conducted by Jeremy Gilbert
Ralph Bernascone - soloist
David Thomas - classical guitar
Ronnie Gunn - harmonium

ANTHONY PHILLIPS

1978
Steve Hillage "Green"
ou "Space Guitar"

Dire que Green, quatrième album studio de l'ex-futur-ex-guitariste de la galaxie Gong, coproduit avec un autre amateur de panoramas spatiaux, Nick Mason de la maison Floyd, est une intense planerie tient indéniablement du doux euphémisme mais, d'un extraterrestre de la guitare tel que Steve Hillage, on n'attendait pas autre chose.
Indéniablement, alors qu'il n'en est plus membre depuis l'après schisme de 1976 et la disparition de Daevid Allen de la formation dès un fusionnant Shamal qui sera sa dernière participation à l'édifice jusqu'à un retour surprise dans la deuxième moitié des années 90 sans nouvel opus cependant, il y a moult traces de l'appartenance à la famille Gong sur ce spatial Green, jusqu'au remake réussi du Master Builder de You sous le titre de The Glorious Om Riff, en fait. C'est d'autant plus évident que les synthétiseurs et voix d'une fameuse "Gonguette", Miquette Giraudy, viennent émailler la création. Forcément, avec un titre pareil on n'en attendait pas moins, tout ceci sent le patchouli et la cigarette qui fait rire à plein nez, hippie un jour, hippie toujours, Hillage, qui a pourtant participé à la performance de Sham 69 au festival de Reading en 1977, ne s'éloigne fondamentalement pas de ses habituelles préoccupations. Et, de fait, l'album est un suite absolument logique mais magnifiée au Motivation Radio déjà largement fixé vers les étoiles paru l'année d'avant, un grand bain cosmique et planant, ornés des strates (osphériques !) de la guitare de Steve pour un trip qui vaut vraiment le détour.
Peut-être pas le plus essentiel des albums du Hillage solo, son premier, Fish Rising (1975), demeure le champion de la catégorie, mais possédant un tel charme qu'il n'en est vraiment pas loin, et sans doute le plus brillamment mis en son ce qui n'enlève rien au bonheur, au contraire !, Green, une influence décisive sur la démarche tribalo-raveuse d'Ozric Tentacles pour ne citer qu'eux, est une œuvre indispensable à quiconque se croit ne serait-ce que modérément amateur de musiques cosmiques progressives dont il est un des plus fiers exemples.

1. Sea Nature 6:43
2. Ether Ships 5:02
3. Musik of the Trees 4:53
4. Palm Trees (Love Guitar) 5:19
5. Unidentified (Flying Being) 4:30
6. U.F.O. Over Paris 3:11
7. Leylines to Glassdom 4:06
8. Crystal City 3:36
9. Activation Meditation 1:03
10. The Glorious Om Riff 7:46
Bonus
11. Unidentified (Flying Being) [Live at Glastonbury 1979] 4:53
12. Not Fade Away (Glid Forever) [Live at The Rainbow Theatre 1977] 7:28
13. Octave Doctors [Live at Glastonbury 1979] 3:40
14. Meditation of the Snake [alternative mix] 3:16

Steve Hillage – vocals, electric guitar, guitar synthesizer, synthesizer, production
Miquette Giraudy – synthesizer, vocoder, vocals
Curtis Robertson Jr – bass
Joe Blocker – drums
&
Nick Mason – drums on "Leylines to Glassdom"
for bonus tracks
Andy Anderson
– drums (live at Glastonbury)
Paul Francis – bass (live at Glastonbury)
Dave Stewart – rhythm guitar and glissando guitar (live at Glastonbury)
Clive Bunker – drums (live at Rainbow)
Colin Bass – bass (live at Rainbow)
Christian Boule – rhythm guitar and glissando guitar (live at Rainbow)
Phil Hodge – keyboards (live at Rainbow)
Basil Brooks – synthesizer (live at Rainbow)

STEVE HILLAGE

1979
Steve Hackett "Spectral Mornings"
ou "ReGenesis"

Troisième album solo de Steve Hackett, second depuis son départ de Genesis, Spectral Mornings est une réinvention, la découverte d'un artiste jusqu'alors contraint dans des schémas, un carcan qui l'empêchait de vraiment muer tel le grand compositeur, le magnifique arrangeur et, mais ça on le savait déjà, le fort polyvalent guitariste que nous (re)connaissons tous aujourd'hui.
Parce que si les deux précédents albums de Steve Hackett étaient excellents et sont toujours recommandés aujourd'hui, l'influence de son actuelle formation (pour Voyage of the Acolyte) ou le quasi-rejet d'icelle sans pour autant trouver une vraie nouvelle direction (sur Please Don't Touch touche (trop) à tout) est encore absolument envahissante, par son omniprésence comme sa presque disparition, donc. Ici, même si toutes les amarres ne sont pas larguées et que la communication avec son glorieux passé semble de nouveau rétablie,  et comme Steve a fait partie des plus belles heures de Genesis après tout, c'est bien son droit, la mue n'en est que plus remarquable.
Dans les faits, avec une production nettement plus moderne et un vrai groupe pour le seconder, dont frérot John et le fidèle Nick Magnus qui tiendra encore bien des années aux côtés du patron, Steve semble enfin oser, enfin s'imposer, enfin démontrer qu'il était non seulement un élément fondamental à la réussite artistique de la formule de ses anciens compagnons mais, aussi, une énorme perte quand, à force de lutter pour imposer ses titres, il fit sa valise privant, du même coup, la Genèse d'une transformation 80s plus digne. C'est évident dès Every Day qui, ressemblant étrangement à une outtake de Wind and Wuthering où la guitare aurait occupé le centre des débats, y appose une mise en son tendant déjà vers la décennie qui s'annonce. Ca l'est aussi sur Clocks/The Angel of Mons, Tigermoth ou la chanson titre, Spectral Mornings, où Hackett et son groupe déploient des trésors de progressisme symphonique mais beaucoup moins sur le reste de l'album où le divin six-cordiste flirte tour à tour avec une folk planante et grâcieuse (The Virgin and the Gypsy où la flute de John fait des merveilles), avec la musique traditionnelle chinoise ou, du moins, la vision occidentalisée qu'on peut en avoir (The Red Flower of Tachai Blooms Everywhere), une chanson pleine d'humour et de références musicales au kitsch assumé (le savoureusement distrayant Ballad of the Decomposing Man) ou, pas franchement une surprise avec Hackett, une démonstration de guitare classique toute en mélodie et en émotion (Lost Time in Córdoba).
Le tout, d'une belle cohérence sonique et artistique malgré les différents aspects abordés, constitue l'indéniable second sommet d'une carrière qui, pour confidentielle qu'elle soit, elle dépassera rarement le cadre des amateurs de rock progressif, proposera moult merveilles au fil des ans. Ajoutez à ça de généreux bonus et vous obtiendrez, comme vous l'avez déjà probablement déjà deviné, un vrai beau classique d'un rock prog modernisé mais nullement trahi par un de ses plus beaux fleurons. Vous hésitez encore ? Mais plongez, plongez donc !, vous ne le regretterez pas.

1. Every Day 6:14
2. The Virgin and the Gypsy 4:27
3. The Red Flower of Tachai Blooms Everywhere 2:05
4. Clocks – The Angel of Mons 4:17
5. The Ballad of the Decomposing Man 3:49
6. Lost Time in Córdoba 4:03
7. Tigermoth 7:35
8. Spectral Mornings 6:33
Bonus
9. Every Day (Alternate Mix) 7:08
10. The Virgin and the Gypsy (Alternate Mix) 4:29
11. Tigermoth (Alternate Mix) 3:19
12. The Ballad of the Decomposing Man (Alternate Mix) 4:23
13. Clocks (12" Single Version) 3:37
14. Live Acoustic Set 5:40
15. Tigermoth (Live Version) 3:58
16. The Janitor 1:41

Steve Hackett – guitar, keyboards, vocals, koto, harmonica
John Hackett – flute, keyboards
Dik Cadbury – bass
Peter Hicks – vocals
Nick Magnus – synthesizer, keyboards
John Shearer – drums

STEVE HACKETT

Pour conclure, un cri du cœur ! Parce que son Rock d'Ici, c'est très bien mais qu'il y a un truc qui manque... Alors, tous ensemble, afin d'être prêt à la rentrée, réclamons à Jimmy :
Et plus vite que ça, pleeeeease!