jeudi 7 janvier 2016

Hippies à la Montagne


Catherine Ribeiro + Alpes
"Intégrale des Albums Studio (1969-1980)" (2015)

C'est l'histoire d'un oublié des bilans anthologiques de la scène française, une formation qui, malgré une bonne dizaine d'années d'activité, 9 albums et moult concerts aux quatre coins (!) de l'Hexagone, semble quelque peu tombé en désuétude, c'est l'histoire de Catherine Ribeiro + Alpes.
Premier challenge au chroniqueur quand se présente pareille bande de zozos hallucinés, tenter l'impossible description d'une musique qui, fondamentalement, se décrit d'autant moins qu'elle est multiple et variable, bref, allons y. Parlons de la voix de Catherine d'abord, que certains connaissent peut-être pour une carrière solo un poil moins confidentielle que celle de son épopée avec Alpes, entre tradition d'une chanson française classique et explosion hippie de la fin des années 60, ou plutôt en ajoutant l'un à l'autre, avec un petit quelque chose de Nico mais en plus barré, plus trippé, et auteure de ses propres textes surtout, et là il y a du grain à moudre pour ceux qui apprécient Léo Ferré avec qui la miss Ribeiro possède une comparable écriture écorchée vive souvent noire de noire et fréquemment politisée versant révolutionnaire qui fait d'elle une passionaria rouge baiser autant que rouge sang. Parlons ensuite de la musique et de son artificier en chef, le majoritairement guitariste Patrice Moullet, une musique empruntant tant à une tradition folk nationale et internationale (l'Inde est passée par là) qu'à un psyché-progressisme aux correspondances britanniques évidentes mais point envahissantes (on pense notamment à Comus ou à Vashti Bunyan sans que ça enlève quoique ce soit à la personnalité forte d'Alpes). Parlons, enfin, de la progression qui vit le groupe apparaître à la fin des années 60 pour disparaître au début d'une décennie matérialiste par excellence, les 80s, des débuts freak folk à l'ajout progressif de synthétiseurs élargissant le spectre et tirant Ribeiro et Alpes vers un space rock folkisé sans rien perdre du charme originel de la troupe puis à une normalisation des instrumentations leur faisant perdre un poil du charme déjanté de leurs débuts et de leur période glorieuse (jusque Le Temps de l'Autre de 1977).
Et puis il faut saluer l'initiative de cette bienvenue réédition, noter que la transcription d'un format à l'autre se fit dans un parfait professionnalisme et qu'on peut donc librement jouir du festin sonore martien qui s'offre à nous. A part ça, l'affaire est d'une extrême sobriété dans sa petite boîte avec une simple pochette cartonnée pour chaque opus, on pourrait même dire que tout ça est un peu cheap s'il n'y avait un joli livret biographique (en français et en anglais) augmenté de quelques photos d'époque. Rien de bien spectaculaire, en somme, mais comme l'intérêt est surtout dans la musique et les textes on ne fera pas trop la fine bouche.
Evidemment, on se dit, et on a sans doute raison, qu'il y a beaucoup d'improvisation là-dedans, que certains étirements pas forcément tout à fait nécessaires sont représentatifs d'une époque, de substances, d'un trip qu'on écoute plus aujourd'hui comme un anthropologue amusé que comme un auditeur passionné, à moins de donner dans le magic mushroom, of course. Mais tout ceci se tient bien, emporte bien l'auditeur dans un temps qui savait le prendre, son temps, et laisser parler sa folie, moins de formatage, plus de délire, c'est plaisant, et dépaysant.
En gros et en résumé, un salutaire changement de braquet pour les curieux de 2015 trop souvent traités au supra-ciblé, un festival beat rare et précieux d'un presque oublié de chez nous qu'on recommande, forcément. Quand à ceux qui connaissaient déjà se contentant de rips vinyl  approximatifs, qu'ils se réjouissent d'une remasterisation enfin accomplie et d'une salutaire mise à disposition d'une œuvre passionnée et passionnante.

CD 1
- "Catherine Ribeiro + 2bis" (1969)
1. Lumière écarlate 4:13
2. Soeur de race 2:43
3. Les fées carabosses 5:23
4. Voyage 1 5:34
5. La solitude 3:12
6. Un sourire, un rire, des éclats 4:10
7. Le crime de l'enfant dieu 4:36
8. Le point qui scintille 6:08

CD 2
- "N°2" (1970)
1. Prélude 0:28
2. Sîrba 5:45
3. 15 août 1970 4:18
4. Silen voy kathy 7:21
5. Prélude 0:28
6. Poème non épique 18:36
7. Ballada das aguas 3:22

CD 3
- "Âme debout" (1971)
1. Âme debout 7:23
2. Diborowska 3:37
3. Alpes 1 5:45
4. Alpes 2 6:21
5. Alpilles 1:23
6. Aria populaire 2:07
7. Le kleenex, le drap de lit et l'etendard 3:26
8. Dingue 4:37

CD 4
- "Paix" (1972)
1. Roc alpin 3:04
2. Jusqu'à ce que la force de t'aimer me manque 3:00
3. Paix 15:49
4. Un jour... la mort 24:41

CD 5
- "Le Rat débile et l'Homme des champs" (1974)
1. La petite fille aux fraises 5:11
2. L'ère de la putréfaction 13:05
3. Un regard clair 4:48
4. Poème non épique (suite) 25:22


CD 6
- "(Libertés ?)" (1975)
1. Une infinie tendresse 6:01
2. Prélude médiéval 2:53
3. Parle-moi d'un homme heureux 5:18
4. Qui à parlé de fin 4:45
5. Poème non épique nº3 22:37


CD 7
- "Le Temps de l'autre" (1977)
1. Le temps de l'autre 7:32
2. Cette voix 8:54
3. Aimer quoi qu'il arrive 5:53
4. Le silence de la mort 10:13
5. Kel epik epok opak ! 9:40


CD 8
- "Passions" (1979)
1. Iona mélodie 4:35
2. Frères humains 4:48
3. Cristalpin 3:52
4. Prélude 0:58
5. Tous les droits sont dans la nature 7:15
6. L'oiseau devant la porte 11:08
7. Alpinette 2:10
8. Femme témoin 3:35
9. Détournements de chants 4:23

CD 9
- "La Déboussole" (1980)
1. La vie en bref 3:36
2. Voyage au fond de l'amour 3:02
3. La grande déglingue 3:24
4. Ne pas partir ne pas mourir 2:19
5. Dis-moi qui tu embrasses 5:30
6. La nuit des errants 5:30
7. La parole est à la victime 3:03
8. Paix 11:56


Avec
Catherine Ribeiro - chant
Patrice Moullet - guitare à 24 cordes, guitare classique, percuphone, cosmophone
Alain Aldag - batterie, orgue
Patrick Rousset - batterie
Claude Thiébaut - percuphone
Denis Cohen - piano, synthétiseur, percussion d'orchestre
Patrice Lemoine - synthétiseurs, orgue Viscount
Sébastien Lemoine - basse électrique et percuphone
Daniel Motron - orgue Farfisa, synthétiseurs
Gérald Renard - basse, percuphone
Henri Texier - contrebasse et basse électrique
Carole Rayne - batterie
Jean-Daniel Couturier- basse
Francis Campello - basse
Mireille Bauer - percussions
David Rose - violon
Pierre Gasquet - percussions

Catherine et ses Freaks (noyau dur) !

Catherine Ribeiro + Alpes en scène

22 commentaires:

  1. Hippies à la Montagne

    Catherine Ribeiro + Alpes "Intégrale des Albums Studio (1969-1980)" (2015) :

    CD 1 - "Catherine Ribeiro + 2bis" (1969)
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    CD 2 - "N°2" (1970)
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    CD 3- "Âme debout" (1971)
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    CD 4 - "Paix" (1972)
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    CD 5 - "Le Rat débile et l'Homme des champs" (1974)
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    CD 6 - "(Libertés ?)" (1975)
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    CD 7 - "Le Temps de l'autre" (1977)
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    CD 8 - "Passions" (1979)
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    CD 9 - "La Déboussole" (1980)
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  2. on ne pouvait me faire plus beau cadeau ! merci
    Belle année et tout et tout !

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  3. J'ai toujours été un grand fan de Catherine Ribeiro, et pas seulement de sa musique, je doit l'avouer........
    Aceofspace.

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  4. Probablement l'un des plus grands groupes français.
    Une des plus belle voix.
    Quant à l'écriture, c'est le penchant féminin de Léo.
    Puis cette trilogie "Âme debout", "Paix" et "Le Rat débile et l'Homme des champs" resteront, pour moi, un grand moment musical et scénique.
    J'ai beaucoup de respect pour Nico, mais Catherine Ribeiro, c'est une autre planète.
    A ceux qui ne connaissent pas, aucune hésitation. ECOUTEZ.

    Jean-Paul

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    1. Un des plus grands et probablement un des plus oubliés aussi. D'où la séance de rattrapage.
      Merci de ton commentaire.

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  5. Ça sonne quand même très "daté". À la même époque, il y avait aussi Mama Béa dans un registre quasi similaire, mais un peu plus musclé. Je préfère !
    Parmi les plus grands groupes français, faudrait peut-être pas oublier Ange qui, en ce temps-là, n'avait pas de réel concurrent.

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    1. C'est pas daté, c'est vintage !
      Je n'oublie pas Ange mais Ribeiro, c'est quand même autre chose que les éructations alcooliques de Décamps. ;-)

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    2. Hola Zorny ! Je me range du côté de Keith. Si tu parles ainsi de Décamps, je vais devenir méchant avec ta donzelle à la voix de crécelle décérébrée :o)

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  6. Nico était l'auteure de ses propres textes (et quels!) dès son deuxième album - surtout !

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    1. Tout à fait, je me suis mal exprimé, possible que je retouche du coup vu que je voulais dire qu'elle était auteure de textes à la fois politiques et émotionnels dans la lignée du grand, de l'immense Léo.

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    2. Je préfère, faut pas toucher à ma Nico chérie !!!

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    3. Il me semblait bien avoir compris... ^_^

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  7. Ouch ! Catherine Ribeiro, qualifiée un jour dans R&F d'Yma Sumac française, en 9CD, j'ai peur que cela soit trop pour moi... Mais pourquoi elle était énervée comme ça ? Enfin, bel exploit quand même Zorny, comme on dit, "c'est bien pour ceux à qui ça plait"...

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    1. La Yma Sumac française ? Je n'y avais pas pensé mais c'est bien vu. Sinon, je comprends que l'imposante dose fasse peur alors pourquoi ne pas en choisir un, Paix, leur plus célébré, par exemple ?

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  8. Bah j'ai tout pris finalement. Ce genre de choses difficiles à aborder, bizarres et débrdées, je me rends compte que si j'y pénètre, il me faut la totale. Je vais commencer par Paix, même si rien que le titre me fait peur...

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  9. 1ere fois que j'entend. Je comprend l'analogie à Léo dans le coté révolté-écorché et la sonorité (époque Zoo par exemple). J'aime moyen le vibrato poussé parfois mal maitrisé, mais comprend que l'on puisse aimer son auteure qui était ma fois fort jolie...donc il n'y a pas que de la chanson dans l'équation... J'aime le coté barré de la musique et les musiciens sont à la hauteur. Il y a une pointe de Béranger pour le coté militant, une pointe de Casthelemis du 1er album pour un certain lyrisme, une pointe de thiefaine pour la noirceur sous-jacente. C'est une découverte que je vais peut être approfondir...Bien qu'en ce moment j'écoute surtout Lemmy à haute dose ce qui est un univers fort éloigné...PS: mon 1er chargement a été "passions" parceque j'aime commencer vers la fin et remonter...mais L'Oiseau Devant La Porte est too much...et Détournements de Chants ressemble plus à une revendication syndicale qu'à une chanson. Merci Ph

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    1. Tout n'est pas un égal bonheur, en effet, certains titres ont de forts relents de patchouli, d'autres des effluves de merguez-frites si typique de la fête de l'huma pas exemple mais, dans l'ensemble, pour décalé et désuet que ça paraisse, il y a d'excellentes choses notamment grâce aux musiciens impliqés

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  10. Bonne redécouverte et n'hésite pas à revenir dire ce que ça t'a fait.
    A+

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  11. René Werneer (Violon) joue sur La Deboussole/

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