lundi 13 octobre 2014

ce Mage nommé Zornus !

LE MAGE
Le nouveau Zorn, 3 autres en supplément (tous un peu magiques) et un album de Doom Metal pour corser la note. C'est le programme du jour. Tout ça nous fait... Le théma des mages, Enjoie !
 
FoR Lou
John Zorn "Transmigration Of The Magus" (2014)
ou "Magie recueillie"

Un Gnostic Trio augmenté. C'est ainsi qu'il serait aisé de décrire la nouvelle livraison de John Zorn, ce Transmigration of the Magus composé et enregistré à l'occasion des commémorations du 1er anniversaire de la disparition de son ami Lou Reed est évidemment un peu plus que ça, ne serait-ce que par son objet, et la rareté d'icelui, parce que Zorn n'a pas l'hommage facile.
Mais, d'abord, un Gnostic Trio augementé, ça sert à quoi, ça sonne comment ? Ca sert à enrichir encore un peu plus les entrelacs mélodiques, à étendre les possibles harmoniques, à donner au rêve d'une musique savante mais toujours plaisante à l'oreille de nouvelles perspectives, de nouveaux panoramas. Et ça sonne... comme un petit bout de paradis.
Un paradis toujours fermement occupé par la guitare délicate, fluide et décontractée d'un Bill Frisell, par le charme texturant de harpes résonnantes, par la délicatesse de vibraphones amoureusement martelés, de cloches délicatement tintées, un paradis où, nouveauté, un orgue vibrant vient s'inviter, jazzer un peu plus le précieux montage (le morceau éponyme en exemple type) et pousser, du coup ses petits camarades dans de nouvelles directions ô combien compatibles à l'esthétique de la formation.
Se rend-on compte qu'il s'agit d'un hommage à Lou Reed, au fait ? Ben, pas vraiment en fait. Pas du tout même pour être tout à fait honnête. On a beau chercher la petite virgule mélodique, le petit clin d'œil au passage qui relierait Transmigration of the Magus à l'œuvre de l'ex-Velvet Underground, on ne trouve rien. Alors hommage spécialement composé ou session dédiée, quoiqu'il en soit la beauté de l'œuvre est la seule chose qui importe. Et l'œuvre est belle, proche de ce que le Gnostic Trio a précédemment sorti mais différent, plus orchestral (de chambre), plus majestueux sans jamais toutefois tomber dans la pompe. Et, non, la totale absence de section rythmique n'est pas un handicap, le rythme ici est implicite et terriblement efficace ainsi.
Bref, Lou manque à John, John lui a rendu un bel hommage. Et comme Lou nous manque à tous un peu et que John sait quand même merveilleusement s'entourer et produire, quand il le veut, de la belle musique mélodieuse, on recommande !

1. Into the Light 8:05
2. Transmigration of the Magus 6:43
3. Perfect Mind 4:00
4. Providence 4:27
5. Gnostic Hymn 4:45
6. Apocryphon 3:44
7. The Divine Word 3:37
8. The Three-Fold Thought 4:28
9. Merlin 4:30

Bill Frisell - guitar
John Medeski - organ
Carol Emanuel, Bridget Kibbey - harp
Kenny Wollesen, Al Lipowski - vibes, bells


ZoRNiC MySTiCaL MeLoDieS
John Zorn "In Search of the Miraculous" (2010)
ou "Magic harmony"

Du Zorn mystique. Du Zorn mélodique aussi. Du Zorn ni jazz, ni classique, ni klezmer mais un peu de tout ça ? Du Zorn de qualité en tout cas.
C'est le programme d'In Search of the Miraculous, jolie livraison du cru 2010 de l'hyper productif compositeur New-Yorkais où le bonheur de retrouver des instrumentistes de qualité (le vibraphoniste magique Kenny Wollesen en tête), tous choisi dans la famille étendue de la scène dite de Downtown, dans le sérail des amis de John, est aussi réel que celui de goûter à une musique relativement plus simple et définitivement plus harmoniquement classique que la majorité du répertoire de ce doux-dingue de génie.
Une musique abordable, donc, mais pas exempte de quelques sommets vertigineux, de quelques pièces un peu plus exigeantes sans toutefois demander l'effort du Zorn contemporain ou du Zorn free, ou du Zorn rock, bref du Zorn qui aime à martyriser les tympans défendants ou complices de ses auditeurs. Présentement, il y a The Magus, 9 minutes qui sortent l'album de la torpeur rêveuse où il s'était lové pour quelques excès, excès modérés, bienvenus dans un album sinon presque easy-listening, jamais ennuyeux parce que mélodiquement très réussi mais pas tout à fait aussi enthousiasmant, aussi vibrant que, par exemple, dans un registre finalement assez proche, n'importe quel album du Gnostic Trio ou l'exceptionnelle livraison du Bar Kokhba pour le Livre des Anges, Lucifer.
Si In Search of the Miraculous n'est pas le plus essentiel des albums de John Zorn, il est indéniablement de ceux, facile d'accès, mélodique de bout en bout, qu'on ne regrettera pas d'avoir fait l'effort d'écouter, de découvrir en décalé de l'impressionnant calendrier des sorties annuelles du serial-compositeur, une œuvre simple mais néanmoins délicate qui peut aussi, si vous avez toujours eu peur de vous lancer à l'ascension de la montagne, servir d'introduction douce à un monde auquel elle appartient si évidemment : le monde de Zorn !

1. Prelude: From a Great Temple 4:15
2. Sacred Dance (Invocation) 4:47
3. The Book of Shadows 5:13
4. Affirmation 5:04
5. The Magus 9:08
6. Hymn for a New Millennium 5:31
7. Journey of the Magicians 4:02
8. Mythic Etude 7:27
9. Postlude: Prayers and Enchantment 5:58

Shanir Ezra Blumenkranz – electric bass
Rob Burger – piano, organ
Greg Cohen – acoustic bass
Ben Perowsky – drums
Kenny Wollesen – vibraphone


CHaMBRe CoNTeMPoRaiNe
John Zorn "Magick" (2004)
ou "Magie contemporaine"

On a souvent peur du Zorn contemporain, on a souvent raison. Parce qu'il s'agit de la part la plus expérimentale et prospective de son œuvre, du laboratoire dont sortent, souvent, d'ardues abstractions, de complexes partitions... Mais pas ici, pas dans ce Magick où la grâce, si elle n'est pas d'une criante évidence, est bel et bien présente.
Concrètement, l'album se découpe en deux pièces, Necronomicon suites en cinq parties pour quatuor à cordes (le Crowley Quartet, des habitués de Zornland) et Sortilège, pièce unique pour deux clarinettes. Necronomicon évoquera immanquablement, par sa puissance évocatrice et son radicalisme contemporain, les quatuors à cordes de Bartók. De fait, évoquant le monde horrifique créé par l'écrivain américain H.P. Lovecraft, la pièce se développe en belles harmonies inquiétantes, en cinématiques stridences, entrainant l'auditeur en son panorama brumeux et sombre, le brinquebalant de soubresauts terrorisés en calmes tendus. Ca le fait ! Sortilège est plus abstrait, plus ludique aussi puisqu'on semble y retrouver l'influence du Looney Tunes grand-master, Carl Stalling. Facile ? Certainement pas. Mais distrayant indéniablement, ne serait-ce que parce qu'on entend pas si souvent un duo de clarinettistes aussi barré.
On a souvent peur du Zorn contemporain mais pas sur Magick que, du coup, on recommande à tous ceux qui pensent que, non, vraiment, ce n'est pas pour eux, que ce genre de musique va trop loin. Parce que si cette musique va loin, elle sait où elle va et que la destination, la belle destination !, mérite qu'on fasse le voyage.

1. Necronomicon: Conjurations 2:45
2. Necronomicon: The Magus 6:24
3. Necronomicon: Thought Forms 3:07
4. Necronomicon: Incunabula 7:13
5. Necronomicon: Asmodeus 3:02
6. Sortilège 8:53

tracks 1-5:
- Crowley Quartet
Jennifer Choi - Violin
Fred Sherry - Cello
Jesse Mills - Violin
Richard O'Neill - Viola
track 6:
Tim Smith - Bass Clarinet
Mike Lowenstern - Bass Clarinet


SoLo ZoRN (ou PReSQue)
John Zorn "Songs from the Hermetic Theatre" (2001)
ou "Magie folle"

Un Zorn qui s'amuse tout seul en studio ? Un Zorn expérimental et ludique à la fois ? Ne cherchez pas plus loin que Songs from the Hermetic Theatre, premier album de musique ambiante et électronique du compositeur New Yorkais, un machin bizarre mais ultimement addictif.
Deux des quatre pièces, American Magus et The Nerve Key, proposent un étrange minimalisme électronique fait de glitches, de "static" radiophonique, de bouillonnement synthétiques non-identifiables. L'une est réussie et addictive (American Magus), l'autre se laisse écouter sans grand enthousiasme (The Nerve Key), les deux ont le mérite de la nouveauté dans le répertoire Zornien.
Encore plus ambient mais pas moins réussie qu'American Magus, In the Very Eye of Night est la démonstration qu'il n'est pas obligatoire que beaucoup de choses se passent pour qu'un pièce "musicale" touche son but. Une voix, quelques grincements, un vent digital, quelques infrabasses, une voix et le tour est joué, à condition d'accepter de se laisser porter par ce genre d'étrange objet sonore.
Et il y a BeuysBlock, où on retrouve fugitivement le violon de Jennifer Choi, le plus musical des enregistrements de ce théâtre hermétique. Zorn y manipule moult objets (des bruits de froissement de papier à une perceuse ou un saladier rempli d'eau, la limite étant celle de l'imagination du performer), y pianote doucement, y ajoute quelques textures électroniques pour lier le tout et crée un bien étrange mais tout à fait réjouissant OSNI (objet sonore non-identifié) qui clôt en beauté un album unique en son genre dans le catalogue du compositeur.
Songs from the Hermetic Theatre ? Recommandé, tout simplement.

1. American Magus 14:10
2. In the Very Eye of Night 11:21
3. The Nerve Key 9:36
4. BeuysBlock 16:14

Jennifer Choi - violin (4)
John Zorn - electronic and computer music, bass, water, drum, flute, glass bowl, metal pipes, wax paper, mud, staple gun

LOU REED & JOHN ZORN

BoNuS oF DooM
Grand Magus "Grand Magus (Expanded Edition)" (2001/06)
ou "The Magic of Doom"

S'ils deviendront bientôt un groupe de heavy metal "normal", Grand Magus n'en sont pas encore là sur leur long-jeu originel, un éponyme qui doit beaucoup à Black Sabbath mais pas seulement.
Formé par l'alors vocaliste des excellents Spiritual Beggars, JB Christofferson, qui depuis se concentre sur ce seul projet, Grand Magus n'est pas tout à fait un groupe de Doom comme les autres, en tout cas pas sur ce premier album où des influences "hors-cadre" viennent régulièrement poindre et épicer la mixture Black-Sabbatho-compatible de flaveurs bienvenues héritées, en particulier, de formations telles que Soundgarden ou Alice in Chains.
Evidemment, à l'énoncé d'une pareille doublette grunge, les orthodoxes du genre feront grise mine, évoqueront l'absence de pureté de la mixture. Ils ont tort ! Et il y a 10 façons (12 sur la présente réédition) de le prouver, autant que d'excellentes chansons y figurant. Parce que la patte harmonique de Christofferson est bel et bien ce qui fait la différence ici, d'autant plus que c'est lui, JB, qui est en charge de deux composantes mélodiques du groupe (chant et guitare).
Alors, oui, il y a tout ce qui fait un bon album de Doom Metal sur ce Grand Magus originel, de gros riffs qui tuent, une vitesse jamais trop excessive servant la majesté des mélodies, un abattage rythmique de qualité forcémment, et même quelques notes de mellotron et quelques décrochages plus psyché-bluesy nous rappelant que, fondamentalement, ce genre appartient aux douces années 70, en un beau rejeton. Avec donc, en bonus, une faconde influencée par le meilleur du Grunge Metal, par la crème d'une scène qui mit Seattle au centre de la carte musicale, un bonus tout à fait compatible avec le style pratiqué, lui donnant un petit côté stoner pas désagréable du tout, addictif même.
Depuis, Grand Magus s'est largement normalisé, jusqu'à devenir une sorte de groupe de Heavy Metal où quelques restes d'un passé désormais révolu sont, parfois, remis en lumière. Plus tout à fait le groupe de ce délicieux premier cri, on le regrette parce que, boudiou !, qu'est-ce que c'était bon !
 
1. Gauntlet 3:46
2. Legion 3:46
3. Never Learned 4:48
4. Black Hound of Vengeance 5:00
5. Coat of Arms 3:34
6. Generator 5:32
7. Wheel of Time 5:15
8. Lodbrok 4:07
9. Black Hole 5:00
10. Mountain of Power 5:52
Bonus
11. Tale of the Unexpected 4:00
12. Grand Magus 3:43

Fox Skinner - bass, backing vocals
JB Christoffersson - lead vocals, guitars
Fredrik Liefvendahl - drums
&
Fred Estby - mellotron

GRAND MAGUS

18 commentaires:

  1. ce Mage nommé Zornus !

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    John Zorn "Songs from the Hermetic Theatre" (2001)
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    Grand Magus "Grand Magus (Expanded Edition)" (2001/06)
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  2. Je ne sais pas comment le dire en chinois, mais je vais me contenter de Grand Magus !!!!!

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    1. Et tu n'as pas à te plaindre, tu as quand même ça ! ^_^
      (c'est du japonais, en fait)

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  3. Ce mystérieux John Zorn que je connais pas du tout et qui ne cesse de me narguer... Question à 100 balles, à part écouter tout de A à Z, on peut commencer par quoi pour succomber définitivement? Je te laisse le soin de traduire dans la langue que tu veux :)

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    1. Ha ben, ça dépend ! De ce que tu aimes déjà, parce que les panoramas de Zorn sont nombreux et variés. De ton mood du moment ensuite, du calme à la tempête. De tes allergies, enfin, parce que quand on ne peut pas, on ne peut pas, ça ne se discute pas.
      Alors donne moi quelques éléments, groupes favoris, ce que tu penses trouver chez Zorn, tes tendances du moment, et je serai ravi de te dénicher une pièce introductive idéale.

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  4. C'est bien ce que j'ai cru comprendre et qui m'intrigue... A priori, je n'ai pas trop de tabou musicaux. Disons que j'aime plus la simplicité punk que la complexité prog (et encore je nuance de plus en plus sur le prog). Fondamentalement je n'ai pas d'allergies. Je sais juste que je n'aurais plus la patience sur des trucs indus minimaliste et répétitifs de 15mn...

    Mark Hollis, The Fall, les Kinks, Burt Bacharach, Bashung, Joy Division et New Order Tom Waits. Actuellement, vu mes opportunités d'écouter de la musique, je préfèrerais un truc pas trop violent et frappindingue sinon j'ai toute ma famille qui me fait la tronche (pour les Young Gods, Virgin Prunes, Sonic Youth, Neubauten, Faust, Beefheart, etc c'est dans la voiture pendant les trajets au boulot, donc je ne suis pas toujours d'attaque)...
    Mais s'il faut laisser infuser et que je tombe sur des splendeurs à la Talk Talk ou Scott Walker, je suis prête à prendre quelques baffes dans les oreilles. Et pour tout te dire, actuellement, j'écoute de plus en plus de classique (et ma famille me fait encore plus la tronche :) ) et que si je n'y prends pas garde, je vais finir très mal lol

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    1. C'est bien noté.
      Ca demande que j'y réfléchisse un peu (sur plus de 200 albums, il y a de quoi faire !).
      Je te prépare quelque chose. Tiens, j'appellerai le post "A.S. Zorn: Une équipe qui gagne !". ^_^ Dispo d'ici la fin de l'année mais plus probablement la seconde quinzaine de novembre. Patience, donc.

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  5. Merci pour le lien du "Transmigration Of The Magus".

    Sans avoir écouté 200 albums du maître (tout au plus une cinquantaine), "In Search of the Miraculous" est l'un de mes favoris, voire mon préféré. Un disque impressionnant de richesse, dont la progression coule de source sans être aussi easy listening que les disques du Gnostic Trio ou de l'Alhambra Trio. Pour moi c'est la quintessence de sa facette jazz mystique et mélodique (finalement ma préférée).

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    1. Bien analysé, Rabbit. Après, savoir quelle facette de Zorn je préfère, ça dépend des envies...
      De rien pour Transmigration. ^_^

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    2. C'est un peu cet album qui m'a fait retourner ma veste, à la base j'appréciais surtout Zorn pour Naked City, Moonchild et autres projets plus noise/metal/barrés mais enchaîner "In Search of the Miraculous" et "The Nobel Prizewinner" a été une révélation.

      J'avais chroniqué les deux à leur sortie d'ailleurs.
      http://www.indierockmag.com/article11118.html
      http://www.indierockmag.com/article12342.html

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    3. Merci pour tes liens. Perso, je goûte à tous les mondes de Zorn mais ça, tu avais dû t'en apercevoir ! ^_^

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  6. Bonsoir,
    Je suis Amaury, Zornophile qui s'abreuve à tes sources !
    Tu as entendu les voix qui paraissent au loin (sur le plan sonore) sur "transmigration" ? Peut-être John Medeski, j'ai remarqué en live qu'il chantait en même temps qu'il jouait !?§?
    merci pour tout
    bonne soirée

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    1. Monk aussi chantonnait en s'accompagnant, ça s'entend parfois. En fait, beaucoup de claviériste de jazz chantonnent leurs mélodies en même temps qu'ils les jouent.

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