jeudi 1 janvier 2015

Pour commencer 2015 en beauté...Cinéma Zorn !

Et pour bien commencer l'année ? Une belle grosse rétrospective de la série désormais close des Filmworks de nul autre que John Zorn ! 25 volumes démontrant, s'il en était besoin, le largissime spectre d'un artiste dont on fait difficilement le tour et qui ne laisse, en tout cas, jamais indifférent. Et donc, 25 Filmworks couvrant bien des genres et des ambiances de 1986 à 2013, une somme, une paille !
ET UNE BONNE ANNEE 2015 A TOUS...
SANTE, BONHEUR, PROSPERITE !
 
John Zorn "Filmworks I: 1986-1990" (Nonesuch 1991 - Tzadik 1997)
ou "Le beau bordel inaugural"

Volume inaugural d'une série toujours en cours, le premier des « Filmworks » de John Zorn est d'abord sorti chez Nonesuch en 1991 avant d'être réédité par Tzadik (label/maison de Zorn) en 1997. Il regroupe les bandes son de deux long-métrages (She Must Be Seing Things de Sheila McLaughlin et The Golden Boat du chilien Raul Ruiz), d'un court (White and Lazy de Rob Schwebber) et propose, en « bonus beat », une savoureuse reprise du thème composé par Morricone pour le Bon La Brute et le Truand de Leone. Comme son titre l'indique fort justement, les enregistrements couvrent la période 1986 à 1990. Voilà pour le côté informel.
Musicalement, l'affaire est multiple mais toujours intéressante. White and Lazy sera à rapprocher de Naked City, en plus mélodique cependant. Un peu d'ambient, de surf music, de punk, de jazz, de blues et l'affaire est rondement mené, en seulement dix (réjouissantes) petites minutes. La musique composée pour le Golden Boat de Ruiz est une autre affaire, et un pas de plus vers les harmonies et expérimentations zorniennes que nous connaissons. Zorn y mixe musiques latinas, classique contemporain, jazz (une bonne occasion de l'entendre souffler dans son biniou de feu !), rock(abilly) ou ambient angoissant dans un maelstrom addictif, chamarré, un peu décousu mais surtout très fun ! La troisième BOF, She Must Be Seing Things, est aussi la plus aboutie et cohérente des trois. Jazz, orchestrale et ambiante à la fois (selon la progression de l'histoire qu'elle illustre, on imagine), pleine et nuancée, elle nous propose une musique qu'on eût bien imaginée sortie du cerveau d'un Bernard Hermann (Hitchcock !). Evidemment, le tout est dynamisé, revu et corrigé à l'aulne de l'imagination de Zorn et, de belle qualité, tape dans le mille. Niveau line-up, toutes formations mises bout à bout, c'est la crème de la scène de Downtown NYC qui se bouscule dans le sillage d'un des siens (voir plus bas), alors, forcément, ça joue bien, très bien même.
Si on ne reconnait encore que ponctuellement la Zorn's touch dans ces premières explorations pour support filmique, ce volume n'en reste pas moins une jolie réussite et, de part sa variété et la qualité d'icelle, une addition bienvenue à la collection de tout amateur de musique avant-gardiste et (mais ?) distrayante.

1. Main Title 0:56
2. Homecoming 1:17
3. The Heist 3:21
4. Meat Dream 1:18
5. Phone Call 0:49
6. End Title 2:01
7. Fanfare 0:31
8. Theme 3:00
9. Jazz I 2:52
10. Horror Organ 1:05
11. Mexico 1:55
12. Mood 3:17
13. Rockabilly 2:01
14. Slow 2:45
15. Jazz Oboes 2:23
16. The Golden Boat 2:59
17. End Titles 2:55
18. The Good, The Bady And The Ugly 1:06
19. Main Title 1:02
20. Swirling Shot 1:20
21. Homecoming 3:22
22. Catalina Flash 0:27
23. Seduction 4:55
24. Sex Shop Boogaloo 2:47
25. Catalina Escapes 1:10
26. Worms 1:03
27. Death Waltz Fantasy 1:25
28. Following Sequence 3:04
29. Movie Set 1:19
30. Climax 2:55
31. Going To Dinner 2:39
32. End Titles 3:26

White And Lazy
Robert Quine: guitare
Arto Lindsay: guitare, voix
Melvin Gibbs: basse
Anton Fier: batterie
Carol Emanuel: harpe
David Weinstein: claviers
Ned Rothenberg: clarinette basse

The Golden Boat
Vicki Bodner: hautbois
John Zorn: saxophone alto
Robert Quine: guitare
Anthony Coleman: claviers
Carol Emanuel: harpe
David Shea: platine, voix
Mark Dresser: basse
Cyro Baptista: percussions brésiliennes
Bobby Previte: batterie, marimba

The Good, The Bad And The Ugly
Robert Quine: guitare
Bill Frisell: guitare
Fred Frith: basse
Wayne Horvitz: orgue Hammond
David Weinstein: claviers
Carol Emanuel: harpe
Bobby Previte: batterie, percussions, voix

She Must Be Seeing Things
Shelley Hirsch: voix
John Zorn: saxophone alto
Marty Ehrlich: saxophone ténor, clarinette
Tom Varnet: cor français
Jim Staley: trombone
Bill Frisell: guitare
Carol Emanuel: harpe
Anthony Coleman: piano, orgue, celesta, clavecin
Wayne Horvitz: orgue Hammond, piano, DX7
David Weinstein: mirage, clavier CZ101
David Hofstra: basse
Nana Vasconcelos: percussions brésiliennes
Bobby Previte: batterie, percussion, vibraphone, timpani, glockenspiel

Arto Lindsay

John Zorn "Filmworks II: Music for an Untitled Film by Walter Hill" (1996)
ou "Musique sans images"

Sans doute ce Filmworks fonctionnerait-il mieux avec son support visuel. En l'occurrence, prévue pour le Trespass (Les Pilleurs en VF) de Walter Hill, la musique ici présentée aura été recalée au bénéfice du score composé par Ry Cooder. C'est donc une bande-son sans image qui nous est proposée et, à vrai dire, on imagine mal cette musique à dominante abstraite illustrant le nanar « tous flingues dehors » de Mister Hill. Et on ne parlera même pas des enchainements difficiles avec les hip-hoperies « pour vendre », pas toujours du meilleur tonneau (Ice T est au casting, ceci explique sans doute cela), que la production a eu la « bonne idée » d'insuffler à la BOF (d'autant plus bof que le score de Cooder, pas extraordinaire mais pas indigne, n'y est pas même repris).
Mais bref, revenons à nos moutons et à ce qui aurait donc dû être le score de ce Trespass vite oublié. Et donc, Zorn s'y lâche ! Et l'auditeur gagnera à en faire autant s'il veut « rentrer dans la combine » car, enfin, le caractère souvent bruitif, percussif ou minimaliste et rarement mélodique de ces sons n'est pas exactement le lot quotidien du mélomane. Des textures grinçantes et éthérées d'une Intro jouant sur l'ambiance plus que sur l'harmonie aux rugissements cacophoniques d'I Stole from Jesus Christ, l'auditeur est d'emblée plongé dans l'abstraction comme ce sera souvent le cas par la suite. C'est heureux, quelques passages plus mélodiques (un Main Title, qui sent le désert et la poussière, où Ribot tâte du banjo par exemple) mais c'est l'exception dans une BOF taquinant plus volonté l'ambient glauque et destructuré que le contrepoint savant qui fonctionne à dose homéopathique (voir l'excellent Rattlesnakes for Sergio Leone, pour s'en convaincre) mais est « un peu beaucoup » à encaisser dans son entièreté. Ceci dit, on s'imagine bien, roulant paresseusement sur un Highway arizonienne, vivre un trip easy-riderien au son de ces étranges vignettes. Pas sûr qu'on en ressorte indemne, cependant.
Pas la plus intéressante des sorties de la série des Filmworks, ce second volume sera avant tout à réserver aux complétistes de la chose zornienne et à ceux que les aventures soniques hors du commun n'effraie pas.

1. Intro 3:07
2. I Stole From Jesus Christ 0:49
3. Gold 0:48
4. Main Title 1:57
5. The Building 0:58
6. Meatlocker 0:56
7. Pigeons 0:51
8. Scuffle 0:19
9. Exploring 0:59
10. Rattlesnakes For Sergio Leone 1:42
11. Two Interiors 0:38
12. Stealth 0:42
13. Action 0:38
14. Dumping The Body 0:37
15. The Trunk 0:07
16. Escape Attempt 1:42
17. Arrival 0:44
18. Prying At The Windows 0:35
19. Arsenal 0:54
20. King James 1:05
21. Powerline 0:18
22. The Magic Of Gold 2:23
23. Chimney 0:21
24. Dilemma 1:13
25. Conspiracy 0:44
26. The Plot Part 1 1:32
27. The Plot Part 2 0:42
28. Heroin Fix 2:39
29. Lucky Run 0:58
30. Vengence Is Mine 2:02
31. Escape 2:01
32. Kill Fever 1:15
33. Outside 0:23
34. Ending 0:56
35. Alternate Ending / End Title 2:39 
36. Arsenal Dance Mix 3:57

Anthony Coleman: piano préparé, claviers
Carol Emanuel: harpe
Andy Haas: didjeridu
Jim Pugliese: percussions
Cyro Baptista: percussions
Marc Ribot: guitare, banjo
David Shea: platines, échantillonnage

Anthony Coleman

John Zorn "Filmworks III: 1990-1995" (1997)
Contenant deux bandes son (celle du documentaire de Mei-Jun Chen, Hollywood Hotel et celle du long-métrage de Joe Chapelle, Thieves Quartet), une courte composition (Nine Cues, composée pour le Music for Tsunta de Kiriko Kubo) et un assortiment de courtes vignettes commissionnées par l'agence publicitaire Weiden and Kennedy, cette troisième levée des Filmworks dépasse qualitativement ses devancières et voit l'affirmation de la Zorn's touch qui manquait souvent précédemment.
La session pour Thieves Quartet est historique puisqu'elle nous propose ce qui deviendra Acoustic Masada soit la formation véhiculant l'aeuvre fondatrice d'une judaïté retrouvée pour Zorn. Rien de ça ici où on navigue entre jazz free et plus mélodique (et blues sur un Jukebox avec le guitariste Robert Quine en guest). Rien de vraiment extraordinaire mais une sélection bien troussée et rondement menée par des musiciens qui apprendront à mieux se connaitre et interagir. Music for Tsunta (enregistrée en 1988 et pourtant présente sur ce 1990-1995, va comprendre !) nous propose un line-up plus hétéroclite pour une composition plus proche des aspirations worldo-avant-gardiste de Zorn... En neuf courtes parties, comme son titre (Nine Cues) l'indique. Réussi. La bande-son du documentaire Hollywood Hotel nous propose une formation resserrée (Zorn au sax, Ribot à la guitare) et une série de compositions tantôt éthérées, mélodiques, abstraites (avant-garde) ou bruitistes (free) où blues et jazz se croisent avec un Ribot égal à lui-même et un Zorn en mode « je croone dans mon sax avant de joyeusement vous vriller les tympans». Simple et beau dans les passages mélodiques, violent et sans compromis dans les moments plus « edgy », avec deux oiseaux pareils, comment aurait-il pu en être autrement ? Last but not least, la série de musiques publicitaires : 32 titres, 22 minutes. Composées pour l'agence Weiden and Kennedy, avec qui Zorn explique avoir une relation de travail unique puisqu'on lui laisse une totale liberté et ne lui demande jamais de revenir sur l'ouvrage, privilège extraordinaire dans une industrie où le formatage est loi, elle présente diverses sessions et formations enregistrées en 1990 et 1995. Les publicités référentes n'étant pas communiquées (pour d'évidentes raisons de droit), on est « abandonné » avec le matériau brut sans pourvoir le rapprocher des images qu'il était censé illustrer. Forcément le panel musical y est large et difficilement descriptible en quelques mots mais, pour l'essentiel, on y retrouve toutes les facettes du Zorn de l'époque (jazz, world, abstrait, bruitif, blues, etc.) pour un tout forcément inégal mais pas exempt de quelques moments de grâce... fugitifs vu la durée moyenne des pistes. Intéressant en tout cas et à n'en pas douter un laboratoire utile au développement du compositeur.
Multiple et bouillonnant (à défaut d'être encore totalement personnel, mais on y vient...), ce troisième volume des Filmworks n'ennuie jamais, dérange parfois mais toujours pour la bonne cause de notre divertissement. Recommandé.

1. Main Title 0:57
2. The Caper 0:55
3. Cadence 0:14
4. Kidnapping 2:13
5. Doubt 0:17
6. Nocturne 0:24
7. Nocturne 2 0:54
8. Bag Man 1:59
9. The Cop 0:26
10. Nocturne 3 0:53
11. Juke Box 2:42
12. End Titles 4:26
13. Music For Tsunta (Nine Cues) 3:28
14. Main Titles 1:34
15. Washing Machine (A) 0:24
16. Washing Machine (B) 0:37
17. Night Hotel 1:15
18. Japanese Tourists 1:52
19. Night Hotel 2 1:17
20. Objects 3:14
21. Night Hotel 3 0:58
22. Rooftop Death Rattle 0:58
23. Taiwan 3:46
24. End Titles 1:47
25. Holland 0:15
26. Canada 0:30
27. France 0:14
28. Germany 0:31
29. Sweden 0:26
30. Usa 0:26
31. Canada 2 0:14
32. Sweden 2 0:14
33. Italy 0:12
34. Great Lobby 0:32
35. Wheelchair Races 0:41
36. Logo 0:13
37. Secret Code 0:32
38. Secret Code 2 1:02
39. Don't Break 0:39
40. Don't Break 2 1:07
41. Footnotes 0:34
42. Footnotes 2 1:08 
43. Retraction 0:39
44. Retraction 2 1:13
45. Protest 0:37
46. Protest 2 1:11
47. Launch 0:40
48. Launch 2 1:12
49. Elevator 0:38
50. Elevator 2 1:07
51. Fiance 0:37
52. Fiance 2 1:11
53. Around The World 1:04
54. Batman 0:31
55. Abstract Woman 0:32
56. Mystic Woman 0:32

Thieves Quartet (1-12)
John Zorn: saxophone alto, piano (12)
Dave Douglas: trompette
Greg Cohen: basse
Joey Baron: batterie
Robert Quine: guitare (11)

Music For Tsunta (13)
Bill Frisell: guitare, banjo
Peter Scherer: claviers
Carol Emanuel: harpe
Christian Marclay: platines
David Hofstra: basse, tuba
Cyro Baptista: percussions, voix
Bobby Previte: batterie, percussions

Hollywood Hotel (14-24)
John Zorn: saxophone alto
Marc Ribot: guitares

Music For Weiden and Kennedy (25-56, formation différente sur chaque pièce)
Carol Emanuel: harpe
Marc Ribot: banjo, guitare
Cyro Baptista: percussions
Kermit Driscoll: basse
Peter Scherer: claviers
David Shea: echantillonneur
Arto Lindsay: guitare, voix
Bill Laswell: basse
Ikue Mori: bôites à rythmes
Keith Underwood: flute
Jill Jaffee: alto
Miguel Frasconi: harmonica de verre
Robert Quine: guitare
Guy Klucevsek: accordéon
Anthony Coleman: orgue, claviers
Greg Cohen: basse
Joey Baron: batterie
Chris Wood: basse
Sim Cain: batterie
Eric Friedlander: violoncelle
John Zorn: saxophone alto

Dave Douglas

John Zorn "Filmworks IV: S/M + More" (1997)
ou "Inégal, captivant"

5 formations pour autant de titres et de projets filmiques illustrés. 5 directions différentes (et souvent inédites) du laboratoire de musique expérimentales zornien. C'est le programme du 4ème volume des Filmworks de l'hyperactif compositeur New Yorkais sous titré S/M + More.
A croire qu'il faut être un peu maso pour pour rentrer dans les malines et variées manipulations que nous propose ici un John Zorn en mode exploratoire... Enfin, encore plus exploratoire que ce à quoi il nous avait habitué. Tout commence avec le relativement classique PuebloZorn déroule ses tentations d'americana bien aidé par une paire de guitaristes (Ribot et Quine) particulièrement appropriés à la chose. Envoutante, sereine, louvoyante et nuancée, c'est une pleine et entière réussite. Suit la pièce contemporaine Elegant Spanking où un line-up de chambre (harpe, viola, violoncelle, vibraphone et percussions) produit une musique savante mais pas absconse. Plus difficile que sa devancière, elle rappelle volontiers les explorations avant-gardistes de Zorn jouant sur des harmonies fragiles et des grincements contrôlés. Certes, les piécettes qui la composent ne sont pas toutes d'égale qualité mais l'ensemble fonctionne sans lasser, 14 minutes durant. Credits Included est encore une autre histoire où s'entrechoque influences cartoonesques et orientales, drone angoissant et bruit blanc. Pas inintéressante mais trop souvent bancale et par trop répétitive, c'est la « composition » (en fait un assemblage de samples collectés dans diverses sessions et d'effets réalisés par le seul Zorn pourtant relativement rétif à ce genre d'exercice) la moins réussie du lot. Autant dire que l'harmonie normale et l'aspect contemplatif de Maogai sont les bienvenus ! Joué par un piano seul, c'est une composition inhabituelle pour le Zorn de 1996 (moins en 2012) dont presque aucune des déviances avant-gardistes ne parait ici. Une bête pièce de piano contemplative en somme, plutôt réussie d'ailleurs. Ultime piste de ce 4ème volume, A Lof of Fun for the Evil One voit (comme son titre l'indique d'ailleurs bien) Zorn s'amuser avec ses claviers et samplers. Et on s'amuse souvent avec lui (parfois à se faire peur !) même si tout ceci est parfois confus et sent fortement l'improvisation ou l'inachevé. Anecdotique mais sympathique et sans doute nettement plus « viable » entendue sur son support de pellicule.
Inégale mais passionnante, cette quatrième collection des musiques de films de John Zorn part, vous l'aurez compris, dans tous les sens. Pour des résultats aussi divers que le large panel ici déployé. Concrètement, avec une piste manquant son objectif et une autre ne l'atteignant que partiellement, on peut la qualifier de semi réussite mais de réussite quand même pour quelques précieux moments (Pueblo en tête) méritant le déplacement.

1. Pueblo 9:05
2. Elegant Spanking 14:22
3. Credits Included (A Video In Red & Green) 9:38
4. Maogai 6:19
5. A Lot Of Fun For The Evil One 17:48

Pueblo
Marc Ribot: guitare
Robert Quine: guitare
Anthony Coleman: orgue
Chris Wood: basse
Cyro Baptista: percussions
Joey Baron: batterie

Elegant Spanking
Carol Emanuel: harpe
Jill Jaffee: alto
Erik Friedlander: violoncelle
Jim Pugliese: vibraphone, percussions

Credits Included
John Zorn: effets sonores

Maogai
Kuroda Kyoko: piano

A Lot Of Fun For The Evil One
 John Zorn: claviers, samples

Jim Pugliese

John Zorn "Filmworks V: Tears of Ecstasy" (1996)
ou "Satisfaction et frustration"

Dévolu au seul Tears of Ecstasy du japonais Oki Hiroyuki, le 5ème volume des musiques de film de John Zorn est une affaire bien chaotique. Le film en question (difficile voire impossible à localiser) raconte, selon les propres mots de Zorn, l'histoire d'aliens venus sur Terre et qui y passe leur temps dans des orgies rectales que la bonne morale m'interdit d'expliciter plus avant. Vaste programme en tout cas auquel le compositeur répond par une série de vignettes (de moins d'une minute à un peu plus de deux) alternant aspiration mélodiques et élans bruitistes avant-gardistes.
Pour parvenir à ses fins, Zorn a réuni deux guitaristes (Ribot et Quine), son vieux complice percussionniste (Cyro Baptista) et se charge lui-même du piano (préparé), des échantillonnages et du saxophone alto (utilisé avec parcimonie). Forcément, le résultat n'est pas à mettre entre toutes les oreilles même s'il est plutôt plus abordable que la moyenne des travaux zorniens avec sa mixture d'ambient, de jazz, d'americana, de punk, de world music et d'expérimentations soniques non identifiées. Abordable et souvent frustrant puisqu'aucun thème, très réussi ou pas, ne s'y voit développé au-delà d'une très courte durée provoquant de logiques envies de plus quand la mayonnaise prend vraiment (ce qui est assez régulier). Evidemment, sans le support visuel, ces vignettes - en particulier quand la mélodie est absente - perdent quelque peu de leur sens, rien de très logique puisqu'elles furent conçue dans une optique illustratrice et sont donc ici orphelines.
Au final, Tears of Ecstasy possède les défauts de ses qualités et les qualités de ses défauts. Enchainement de miniatures, il a l'avantage de ne jamais lasser et le désavantage de ne jamais durer. Un mal pour un bien ou un bien pour un mal ? A vous de juger. En ce qui me concerne, la satisfaction est au rendez-vous mais je suis bien conscient que pareil OMNI (objet musical non-identifié) pourra déplaire ou déranger ceux peu roués aux excès du génial compositeur New Yorkais ou clients d'un certain conformisme harmonique.

1. Factor 1:01
2. Intercept 1:12
3. Lemma 1:16
4. Root 1:04
5. Net 1:18
6. Lie Group 1:08
7. Reduction 1:02
8. Trisectrix Of Maclaurin 1:05
9. Interpolation 1:08
10. Gradients 1:15
11. Random Walk 1:25
12. Cusp 1:03
13. Region 1:06
14. Block 1:08
15. Prediction 1:08
16. Concordance 1:12
17. Modulus 1:00
18. Addition 1:06
19. Ergodicity 1:22
20. Prism 1:14
21. Mean Difference 2:12
22. Likelihood 1:17
23. Deviation 1:00
24. Curl 1:11
25. Probable Error 1:23
26. Limit 1:07
27. Youden Square 1:18
28. Tensor 1:05
29. Martingale 1:04
30. Tantochrone 1:07
31. Witch Of Agnesi 1:12
32. Rank 0:58
33. Quadrature 1:01
34. Discriminant 1:22
35. Rose Curve 1:05
36. Lituus 1:02
37. Involute 1:05
38. Catearies 1:11
39. Folium 1:19
40. Edge Train 1:14
41. Ruled Surface 1:12
42. Slope 1:02
43. Cluster 1:05
44. Spiral 1:15
45. Octal 1:05
46. Cissoid Of Diocles 1:14
47. Arc 1:25
48. Pole 1:21

Robert Quine: guitare
Marc Ribot: guitare
Cyro Baptista: percussions
John Zorn: saxophone alto, piano preparé, échantillonneur
Jason Baker: voix (44)

Robert Quine

John Zorn "Filmworks VI: 1996" (1996)
ou "Trois Univers"

Trois BOF pour trois univers distincts et donc trois formations, c'est ce que nous propose le cru 1996, 6ème de la série, des Filmworks de John Zorn. Un volume multiple qui ressemble fort à une vertigineuse descente aux enfers.
Ca commence par le relativement guilleret et optmiste « Anton, Mailman » (Anton, postier) où un line-up d'un absolu classicisme zornien - et pourtant inédit dans l'assemblage présent (Ribot à la guitare, Cohen à la basse, Baptista aux percussions et Zorn au sax alto pour une brève et mélodique apparition sur un titre, Seductress) - déploie un mix d'americana, de surf music et de jazz mélodique pas très éloigné des préoccupation d'un Bill Frisell pour un résultat pas franchement novateur mais plus qu'agréable où le jeu clair, fluide et souvent ludique de Ribot est particulièrement mis en valeur. Comme son titre l'indique, « Mechanics of the Brain » est nettement plus cérébral et torturé. S'y retrouvent, pêle-mêle, musique de chambre post-apocalyptique et grinçante, jazz, surf guitar sur lit de samples rythmiques et boîtes à rythmes (l'excellent Houdini), electro-ambient minimaliste et industriel bruitif et cartoonesque , assemblage somme toute classique pour Zorn et, en l'occurrence, plutôt réussi mais en aucun cas à confier à l'écoute attentive d'oreilles trop délicates. Troisième portion, The Black Glove voit Zorn jouer des samplers pour une très longue piste (Hot, pas loin de 20 minutes !) et une plus courte (Cold, à peine 8). En quelques mots, on pourrait décrire le résultat comme une abstraction sonore d'une plongée dans les ténèbres et le néant. C'est l'impression qui ressort de deux pièces totalement abstraites et absolument dérangeantes (à écouter à fort volume pour un résultat plus probant), certes anecdotiques mais prouvant, s'il en était besoin, le large spectre de la création zornienne.
De part son caractère éclaté, on ne recommandera ce volume 6 qu'à ceux sachant plus ou moins ce qui les y attend ou ceux dotés d'un sérieux esprit d'aventure. Concrètement, c'est une addition de qualité à une série toujours aussi foisonnante.

1. Opening Credits / Hawaiian Postcard 2:56
2. Work-a-day World (Anton's Theme) 3:29
3. Seductress 4:17
4. End Titles 3:09
5. Fireworks 1:50
6. Surgery Montage 1:44
7. Brain Scan 1:03
8. Witches' Cauldron 3:45
9. Houdini 3:09
10. Subliminal Perceptions 1:42
11. Measuring 1:32
12. Macbeth 3:02
13. Pendulum 2:03
14. Mechanics Of The Brain 2:00
15. Part One (Hot) 19:45
16. Part Two (Cold) 7:42

Anton, Mailman
Marc Ribot: guitare
Greg Cohen: basse
Cyro Baptista: percussions
John Zorn: saxophone alto

Mechanics Of The Brain
Mark Feldman: violon
Erik Friedlander: violoncelle
Marc Ribot: guitare
Ikue Mori: boîtes à rythmes
John Zorn: effets sonores
Jason Baker: voix (13)

The Black Glove
John Zorn: effets sonores

Ikue Mori

John Zorn "Filmworks VII: Cynical Hysterie Hour" (1997)
ou "En Mode Cartoon"

Grand amateur de Carl Stalling ou plutôt disciple de ce maître des Looney Tunes et autres Merry Melodies, il était écrit qu'un jour John Zorn saisirait l'opportunité de, lui-même, se plier à l'exercice de l'illustration sonore cartoonesque. C'est chose faite avec Cynical Hysterie Hour, 7ème levée de ses Filmworks, où se retrouvent compilés les musiques élaborées pour une série de quatre dessins animés de Kiriko Kubo.
S'il n'est sorti qu'en 1996 chez Tzadik, Cynical Hysterie Hour date en fait de 1989 (son année d'enregistrement) et avait connu une très éphémère édition, en 1990, chez Sony Japon. Pour d'évidentes raisons d'acquisition de droits, Zorn a dû patienter ce qui explique son apparition tardive dans une série qu'il aurait pu commencer. Quatre cartoons étant illustrés, quatre formations se succèdent sur ce très court album (25 minutes) et c'est toute la crème de la scène de Downtown NYC qui s'y bouscule (voir personnel). Musicalement, le chaotique et sautillant cocktail est typique des tribulations sonique du Zorn de la fin des 80s et, à vrai dire, ceci rappelle souvent Naked City par son côté ludique (l'influence de Stalling !), foutraque et dispersé, en nettement plus mélodique cependant... Un peu comme si Zorn avait voulu faire de la musique pour enfants mais ne leur voudrait, en définitive, pas tant de bien que ça avec un « machin » certes amusant et chamarré mais aussi diablement chaotique (pour un jeune public) et dont on imagine facilement les effets potentiellement dévastateurs sur « nos chères têtes blondes ». Concrètement, l'album se présente en 21 brèves pastilles (de 14 secondes au marathonien Punk Rebel/Tsunta's theme et ses 3 :36 !) où se succèdent et se rencontrent surf music, pop, rock et tout ce qui passe par le cerveau du bouillonnant compositeur New Yorkais.
Historique à défaut d'être tout à fait essentiel, Cynical Hysterie Hour est une brève, chaotique mais surtout joyeuse petite galette qui fait souvent dodeliner du chef ou sourire bêtement. Good clean fun!, et recommandé donc.

1. Hysteric Logo 0:22
2. Walk To Park 2:08
3. Coaster 2 0:46
4. Fighting Pirates 0:24 
5. Yakisoba 1:12
6. Coaster Trip 1:38
7. 1st Hit / 2nd Hit 0:26
8. Punk Rock Hero 0:55
9. Abacus Waltz 0:37
10. Punk Rebel / Tsunta's Theme 3:35
11. End Title 0:12 
12. Through The Night 1:29 
13. Home Sweet Home 1:43  
14. Making Ramen At Midnight 0:31   
15. Scary Moonlight 1:54 
16. My Favorite Things 2:17  
17. Omelet Punk 0:19  
18. Classical 0:14
19. Stink of An Onion 0:33
20. Onion Samba 0:57
21. Omelet Punk 2 0:15 
22. Me And My Hamburger / Final Samba 1:04   
23. Surfing Samba 1:09

1-6
Bill Frisell: guitare électrique, banjo
Carol Emanuel: harpe
Wayne Horvitz: claviers
Kermit Driscoll: basse
Bobby Previte: batterie, percussions
Cyro Baptista: percussions brésiliennes
Christian Marclay - platines

7-14
Arto Lindsay: guitare électrique
Robert Quine: guitare électrique
Marc Ribot: guitare électrique, banjo
Carol Emanuel: harpe
Peter Scherer: claviers
David Hofstra: basse
Cyro Baptista: percussions brésiliennes
Bobby Previte: batterie, percussion

15-18
Marc Ribot: acoustic & electric guitar, banjo
Carol Emanuel: harpe
Jill Jaffee: violon, alto
Maxine Neuman: violoncelle
Peter Scherer: claviers
David Hofstra: basse, tuba
Cyro Baptista: percussions brésiliennes
Ikue Mori - boîtes à rythmes

19-23
Bill Frisell: guitares électrique et acoustique, banjo
Robert Quine: guitare électrique
Carol Emanuel: harpe
Peter Scherer: claviers
David Hofstra: basse, tuba
Cyro Baptista: percussions brésiliennes
Bobby Previte: batterie, percussion
Arto Lindsay: vocal
Kiriko Kubo: vocal

Carol Emanuel

John Zorn "Filmworks VIII: 1997" (1998)
ou "Eloge de la beauté"

Deux scores sur cet excellent 8ème Filmworks de John Zorn.
En ouverture nous est offerte la bande son de The Port of Last Resort Zorn prolonge l'expérience d'un klezmer/jazz de chambre tel qu'entendu par le Masada String Trio ou chez Bar kokhba. Invitée pour l'occasion, la virtuose du pipa (sorte de luth chinois) Min Xiao-Fen est une addition soniquement bienvenue quand on sait que le documentaire ici illustré à pour thème l'exil de juifs allemands vers Shangai dans les années 30. La partition, en l'occurrence, est gracieuse et interprétée avec nuance et savoir-faire par un impeccable ensemble de talentueux instrumentistes en véhiculant parfaitement l'intensité dramatique. Entre peine et joie, bonheur d'un futur possible et douleur du déracinement, cette musique met l'âme à vif et l'oreille en extase.
Latin Boys Go to Hell, partition à peine utilisée dans le film dont elle tient pourtant son nom (un drame homosexuel dans la communauté hispanique américaine), explore une bien différente approche musicale avec un line-up réduit au strict minimum (le vibraphoniste/batteur Kenny Wollesen et le percussionniste Cyro Baptista) pour un résultat à la fois tribal et rêveur dont la mélodie n'est absolument pas absente contrairement à ce qu'une formation clairement percussive tendrait à laisser penser grâce, en grande partie, au vibraphone de Wollesen. D'une captivante beauté, c'est une réussite de plus pour l'hyperactif et versatile Zorn.
Deux scores sur cet excellent Filmworks de John Zorn et deux exemplaires réussites pour une levée d'une rare grâce dont on ne saurait trop conseiller l'écoute attentive et répétée.

1. Teqiah 3:08 
2. Shanghai 2:35
3. Emunim 3:34
4. Ruan 4:36
5. Ebionim 3:04
6. Ahavah 3:43
7. Ruan (Pipa Version) 3:37
8. Livant 1:54
9. Or Ne'erav 6:57   
10. Shanim 2:04 
11. Ruan (Solo Piano) 3:44
12. Deseo 2:28
13. Mentiras 2:15
14. Ansiedad 2:55 
15. Locura 2:47 
16. Sangre 1:02
17. Olvido 2:22
18. Engano 2:26
19. Traicion 2:25
20. Ilusion 2:43
21. Lagrimas 4:15

1-11
Mark Feldman: violon
Marc Ribot: guitares
Erik Friedlander: violoncelle
Min Xiao-Fen: pipa
Greg Cohen: basse
Anthony Coleman: piano

12-21
Cyro Baptista: percussions
Kenny Wollesen: batterie, vibraphone, percussions

Min Xiao-Fen

John Zorn "Filmworks IX: Trembling Before G-d" (2000)
ou "Juif et Dieu"

Forcément, avec un thème évoquant la difficile compatibilité entre judaïsme et homosexualité, la musique composée par John Zorn pour le documentaire Trembling Before G-d ( Ils tremblent devant Dieu ) possède de solides racines klezmer qui ne surprendront pas les aficionados du trublion de Downtown, NYC.
Et, avec un line-up réduit mais aux petits oignons, la perspective de l'écoute de ce 9ème Filmworks s'annonce d'emblée alléchante ce que confirme bien vite une partition pour une fois très mélodique (où Zorn met donc ses tentations pour le chaos et le bruit en sourdine) et supra-intimiste dont les deux instrumentistes appliqués et experts véhiculent les émotions à merveille. Plus surprenant, Zorn marie (voire s'éloigne carrément) de cette base identitaire pour souvent s'aventurer dans de belles et rêveuses plages habitées par la profondeur et la solennité de l'orgue de Saft et la gracieuse et agile légèreté de la clarinette de Chris Speed. Quelque soit l'option choisie, chaque pièce atteint son but avec une économie de moyens lui conférant son cadre réflexif, presque religieux. On ne s'étendra pas, par contre, sur le rigolo Simen Tov/Mazel Tov outre pour signaler que Zorn y pousse la chansonnette, la pièce(tte) en elle-même ne dépassera pas le caractère de l'anecdote.
Trembling Before G-d, au final, nous offre un Zorn à la fois connu et surprenant. Connu de part une base klezmer récurrente dans son imposant répertoire et un style harmonique immédiatement reconnaissable, surprenant du fait qu'il ait ici livré une de ses aeuvres les plus immédiatement accessible et mélodique... Une vraie belle réussite qui plus est et un Filmworks à écouter quand un besoin de se couper du speed du monde moderne survient. Utile, donc, et recommandé.

1. Trembling Before G-d 2:26
2. Mahshav (Solo Piano) 5:01 
3. Tashlikh 4:26
4. Yechida 0:54
5. Idalah-abal 7:50
6. Simen Tov/mazel Tov 1:25
7. Sholom Aleichem 1:12
8. Notarikon 4:11
9. Maskil 3:25
10. Trembling Before G-d (Solo Organ) 2:51   
11. Mahshav (Duo) 8:26
12. Desert Montage 1:45
13. Kaporeh 3:25
14. Tashlikh (Fast) 2:18   
15. Nigun 2:02
16. Trembling Before G-d (Intro) 3:13
17. End Titles 6:01
18. Kaporeh (Solo Piano) 4:20

Chris Speed: clarinette
Jamie Saft: piano, orgue
Cyro Baptista: percussions (12,17)
John Zorn: voix (6)

Chris Speed

John Zorn "Filmworks X: In The Mirror of Maya Deren" (2001)
ou "Minimalisme et beauté"

Illustrant le bio-pic documentaire sur la réalisatrice Maya Deren - figure du cinéma d'avant-garde d'après la seconde guerre mondiale (beat generation) - In the Mirror of Maya Deren est une beauté fragile où Zorn explore la face la plus romantique de son art (en se basant ici sur les composition de Teiji Ito tirées des films de Mme Deren).
Avec une formation minimaliste à géométrie variable, il offre une musique riche, impressionniste, où tout un chacun peu laisser dériver ses songes. Certaines pièces sont rythmées, d'autres plus contemplatives et éthérées, toutes tendent à créer une atmosphère rêveuse où les musiciens excellent à servir les mélodies du maître. Pour le coup, on ne retrouve que des habitués de la maison Zorn, en l'occurrence le violoncelliste Erik Friedlander, le percussionniste Cyro Baptista et le claviériste Jamie Saft, une belle brochette. John lui-même participe à 5 des 15 titres soit au piano (1, 7, 13, 15) soit aux percussions (4, 7) délaissant ainsi son saxophone et prouvant - s'il en était besoin - sa versatilité en tant qu'instrumentiste.
Rarement cité parmi les essentiels de ses Filmworks, In the Mirror of Maya Deren n'en demeure pas moins une pièce essentielle à qui veut « comprendre » l'oeuvre de Zorn. Romantique, émotionnelle, prospective aussi, cette collection de thèmes, où simplicité et beauté s'accordent si bien, est évidemment chaudement recommandée tant aux amateurs du compositeur qu'aux novices qui y découvriront une aeuvre riche, nuancée, relativement facile à appréhender et surtout... Belle. Bref, encore une réussite pour John Zorn et sa riche série de musiques de films.

1. Drifting 1 2:12 
2. Dancing 5:11
3. Kiev 1 (Piano) 3:56
4. Teiji's Time 2:14 
5. Nostalgia 1 (Duo) 3:39  
6. Filming 5:51
7. Mirror Worlds 1:49    
8. Nightscape 2:26
9. Nostalgia 2 (Cello) 4:20
10. Haiti 2:33
11. Kiev 2 (Cello/bass Drum) 4:41
12. Voudoun 3:26
13. Drifting 2 2:20
14. Kiev 3 (Cello) 4:39
15. Drifting 3 2:15

Erik Friedlander: violoncelle
Jamie Saft: piano, orgue, wurlitzer
Cyro Baptista: percussions
John Zorn: piano (1, 7, 13, 15), percussions (4, 7)

Jamie Saft

John Zorn "Filmworks XI: Secret Lives" (2002)
ou "un sommet d'émotion et de mélodie"

Premier des deux volumes de ses Filmworks sorti en 2002, Secret Lives est, déjà, une retrouvaille avec les vieux amis du Masada String Trio et, ensuite ?, une partition d'une extrême beauté composée par un Zorn visiblement particulièrement inspiré par les images qu'il avait à illustrer.
Il vaut dire que le thème, un documentaire sur les enfants juifs cachés à l'oppresseur nazi pendant la seconde guère mondiale et ceux qui les avaient ainsi soustraits à un bien funeste destin, avait tout pour interpeler ce chantre d'une judaïté moderne assumée et décomplexée. Si le documentaire, de la réalisatrice Aviva Slevin,est une indéniable réussite - si vous avez la chance de le croiser n'hésitez surtout pas ! - la bande son qu'en a composé Zorn, mariage d'influences klezmer, de musiques populaires, classiques et traditionnelles européennes et de la Zorn's touch est tout simplement confondant de beauté et ce dès la première piste, ornementée de la voix de Vanessa Saft chantonnant une mélodie tel que les enfants le font dans leur amusement, et jusqu'à la dernière d'un nostalgique optimisme et d'une vraie grâce mélodique. Il faut dire que le Masada String Trio, formation ô combien rouée à l'écriture zornienne et son interprétation, était particulièrement bien équipé pour offrir à une partition admirablement harmonieuse une mise en son magistrale... Mais c'est presque toujours le cas, se doit-on de préciser, avec cet ensemble de versatiles virtuoses. Ici, totalement au service des ambiances créées par le maître, ils excellent en glissando comme en pizzicato, sur les pistes atmosphériques, tendues comme celles plus emportées, aussi bien à « texturer » les images qu'à donner vie à une aeuvre qui se suffit aussi parfaitement à elle seule.
De magnifiques mélodies, de majestueux arrangements, une interprétation à la hauteur de l'évènement... Et un essentiel de plus pour qui s'intéresse de près où de loin à cette figure (de proue) de l'avant-garde et à sa musique souvent ludique, toujours honnête et, présentement, urgemment recommandée.

1. Yesoma (Vocal) 3:05
2. Shabbes Noir 3:35
3. Tension 0:54
4. Hatzalah 4:43
5. B'rachos 3:14
6. Chazal 1:01
7. Ba'adinot 1:19
8. Drama 3:01
9. Yesoma 3:26
10. Darkly 1:38
11. Kavana 3:59
12. The Trap 2:12
13. Ba'adinot 1:02
14. Armistice Swing 4:17
15. Shabbes Noir 3:00
16. Motzee 2:28
17. Interlude 2:04
18. Yesoma 1:32
19. Ba'adinot (Solo) 2:26
20. Shabbes Noir 2:09
21. Yesoma 2:33

Greg Cohen: basse
Mark Feldman: violon
Erik Friedlander: violoncelle
Jamie Saft: piano (14)
Vanessa Saft: voix (1,10)

Mark Feldman

John Zorn "Filmworks XII: Three Documentaries" (2002)
ou "Trois documentaires bien illustrés"

Si le premier des deux volumes des Filmworks de Zorn publiés en 2002 (Secret Lives) était consacré à une seule et unique partition, celui-ci, second et ultime, renoue avec la tradition et nous en propose trois pour autant de documentaires et de formations. C'est dire si, contrairement à son devancier, la cohérence émotionnelle, stylistique et harmonique n'est pas toujours au rendez-vous. De fait les trois partitions n'ont souvent en commun que leur frapadingue compositeur et leur année d'enregistrement.
Première bande son, Homecoming dure à peine plus d'un quart d'heure pour 6 pistes. De jeux de voix éthérés et quelque peu abstraits (Jennifer Charles d'Elysian Fields en multiprise sur Vocal Phase) au presque latin jazz et cependant minimaliste The Lips at Sway en passant, par une suite souvent à rapprocher d'une esthétique classique contemporaine, c'est une partition divertissante à défaut de cohérente que nous livre Zorn.
Le score qui suit, documentaire sur des moines Shaolin s'entrainant physiquement et spirituellement aux USA et les obligatoires difficultés culturelles qu'ils y rencontrent, influencé par une figure tutélaire de la construction musicale zornienne, Ennio Morricone, ne propose pas moins de diversité. John Zorn y accueille, comme sur The Port of Last Resort (présent sur Filmworks VIII), la virtuose du pipa (un luth chinois) Min Xiao-Fen dont la contribution apporte de chinois atours à une partition classique pour Zorn qui y navigue entre orientalisme et latineries pour une musique « de chambre » souvent entraînante, toujours mélodique merveilleusement servie par une belle brochette d'habitués desquels on détachera Marc Ribot toujours expert sur sa six-cordes quelque soit l'univers où le plonge le « patron ». Un succès.
Petite pièce de conclusion (4 pistes pour 7 courtes minutes), Family Found est une charmante miniature douce-amère où le chant éthéré et les petits bruitages vocaux et, bien sûr, le divin violoncelle de l'ami Friedlander (un tiers du diving Masada String Trio) développent un même thème en 4 arrangements réussis. Un petit bonus bienvenu qui prolonge joliment la réussite de Shaolin Ulysses à défaut de marquer son propre territoire.
Des trois scores, clairement, le central et plus développé (Shaolin Ulysses) est aussi le plus réussi et réjouissant. Le reste n'en demeure pas moins de belle qualité si plus inégal (Homecoming) ou anecdotique (le charmant Family Found). Une réussite cependant et une addition de qualité à un catalogue de Filmworks pourtant déjà bien fourni. Décidément, il est fort ce Zorn !

1. Vocal Phase 3:48
2. The Lips At Sway 5:07
3. The Well Tuned Harmonica 1:35
4. Dance Piece 2:10
5. Midnight Flight 2:13
6. Chippy Charm 1:33
7. Shaolin Spirit 2:58
8. Bamboo Forest 1:23
9. Shaolin Ulysses 1:58
10. Shaolin Bossa 3:14
11. Travelling West 2:41
12. Temple Song 2:24
13. Shaolin Family 1:16
14. Nostalgia 0:52
15. Shaolin Mambo 2:57
16. Transition 1:23
17. Shaolin Bossa 2:21
18. Vegas 1:02
19. Kung Fu Percussion 1:49
20. Shaolin Spirit (Duo) 5:11
21. Shaolin Bossa Vibe 1:54
22. Shaolin Dream 1:42
23. Shaolin Ulysses (End Titles) 2:12
24. Family Found (Vocal) 2:32
25. Family Found (Solo Arco) 1:07
26. Family Found (Solo Pizz) 0:44
27. Family Found (Cello) 2:30

1-6
John Zorn: orgue, glass harmonica, Wurlitzer
Mark Feldman: violon
Jennifer Charles: voix (1)
Jamie Saft: Wurlitzer (2)

7-23
Marc Ribot: guitare
Min Xiao-Fen: pipa
Trevor Dunn: basse
Roberto Rodriguez: percussions
Cyro Baptista: percussions

24-27
Erik Friedlander: violoncelle
Jennifer Charles: voix

Jennifer Charles

John Zorn "Filmworks XIII: Invitation to a Suicide" (2002)
ou "Le Bon Genre"

Illustration sonore de la comédie noire de Loren Marsh où un jeune homme vend des billets pour son suicide sensé financer le sauvetage paternel, Invitation to a Suicide est l'ultime volume des aventures filmiques de l'hyperactif compositeur New Yorkais du cru 2002.
Zorn y a réuni quelques habitués unifiés autour de l'accordéoniste du Tin Hat Trio (ou Tin Hat tout court maintenant), Rob Burger, élément central de la performance. Et la partition est une splendeur qui évoque autant Morricone ou Piazzolla que Nino Rota ou Georges Delerue tout en restant, évidemment !, profondément zorniennne. Le compositeur, comme à son habitude, y « empile » jazz, rock, blues, world music et un zest de kitsch absolument savoureux. En l'espèce, Zorn y commet un film-score de genre qui rappelle certains western spaghettis, certains films de gangsters comme on en faisait couramment dans les années 40 à 70 et le fait avec tout l'art de la nuance, toute la jubilation créatrice qu'on lui connait et un esprit et talent mélodique tel qu'en ses plus belles pièces.
Je le regrette, je n'ai pas vu le film qui n'existe malheureusement qu'en Zone 1 (illisible donc dans un lecteur non « dézoné ») et n'a pas eu de carrière cinématographique en France et ne puis donc juger le rapport entre la musique (ô combien réussie) et l'image, c'eût été intéressant. En l'espèce, la musique seule se suffisant, nous ne nous plaindrons pas et apprécieront un des tous meilleurs volumes des Filmworks de Zorn et ce n'est pas rien considérant l'admirable tenue de l'ensemble du catalogue !

1. Invitation To A Suicide 4:37
2. Suicide Waltz 4:22
3. Shifting Sands 4:13
4. East Greenpoint Rundown 4:08
5. Time Twist 3:39
6. The Suicide Kid 4:08
7. Billet Doux 1:44
8. Suicide Blues Pt. 1 4:15
9. Trance Dance 3:14
10. Lonely Are The Dumb 2:45
11. Moon Moods 1:58
12. Bugsy's Jazztet 2:13
13. Suicide Blues Pt. 2 3:45
14. Roary's Waltz 2:56
15. Getting Suicidal 1:40
16. Final Retribution 2:51
17. Aftermath 3:09
18. Unjust Reward 1:36

Marc Ribot: guitare
Rob Burger: accordéon
Erik Friedlander: violoncelle
Trevor Dunn: basse
Kenny Wollesen: vibraphone, marimba, batterie

Trevor Dunn

John Zorn "Filmworks XIV: Hiding and Seeking" (2003)
ou "Une splendeur !"

J'avoue bien volontiers tout ignorer du mode opératoire du compositeur John Zorn. Forcément, un homme si incroyablement prolifique (une année à moins de six albums est rare chez lui) doit avoir quelques « trucs » pour canaliser toute cette abondance créatrice, voire - diront ses rares détracteurs - une gamme mélodique bien définie dans laquelle il pioche à loisir...
Quelque soit la vérité - si vérité il y a - je suis régulièrement ébloui par la richesse de son back-catalogue et les découvertes que j'y fais encore régulièrement. En l'occurrence, cette bande originale de film fut composée pour un documentaire d'Oren Rudavsky sur la tolérance post-Shoah dans le judaïsme, thème qui a particulièrement inspiré Zorn qui - pour la circonstance - livre une aeuvre d'une étonnante facilité d'accès et d'une vraie grâce il faut dire servie à merveille par une équipe « aux petits oignons ». Ainsi croise-t-on un quatuor d'habitués de la Maison Zorn supplémenté sur 4 pistes par la voix enchanteresse de Ganda Suthivarakom (une inconnue pour moi) pour une musique à la fois douce et rythmée qui nous emmène en toute logique, vu le film qu'elle illustre, sur des rives mélodiquement « klezmeriennes » où la guitare de Ribot et le vibraphone de Wollesen, touts en retenue et harmonie, rivalisent, duélisent, se complémentent pour un résultat vraie grande beauté.
Que ceux qui n'auraient pas encore plongé dans les eaux infestées de bizarreries de l'océan Zornien se le tiennent pour dit, ce Hiding & Seeking pourrait bien être la porte d'entrée que vous cherchez. Il y a en a d'autres, bien sûr, mais celle-ci est particulièrement recommandable.

1. Merkabah (Vocal) 6:23
2. Sekhel 4:38
3. Zhakor (Vocal) 3:43
4. Muflah 5:19
5. Abulafia 2:26
6. Abulafia (Vocal) 3:39
7. Chirik 4:26
8. Moadim 3:28
9. Zhakor 4:24
10. Sekhel (Vocal) 4:59
11. Adamah 4:27
12. Merkabah 5:31

Marc Ribot: guitare
Kenny Wollesen: vibraphone
Trevor Dunn: basse
Cyro Baptista: percussions
Ganda Suthivarakom: voix (1, 3, 6, 10)

Ganda Suthivarakom

John Zorn "Filmworks XV: Protocols of Zion" (2005)
ou "Et en plus, il joue !"

Une fois n'est pas coutume, l'illustration sonore de ce quinzième Filmworks comprend le compositeur et arrangeur dans son line-up et pas au saxophone en plus, au piano électrique. Pour l'occasion, Zorn s'est entouré de deux habitués, le percussionniste Cyro Baptista et le jouer d'oud et bassiste Shanir Ezra Blumenkrantz pour un score où se côtoient un avant-gardisme light et une beauté intimiste pas sans rappeler The Gift (troisième volume des Music Romance Series paru en 2001).
Thème du documentaire oblige (une étude de l'antisémitisme à l'aulne des évènements survenus le 11 septembre 2001 réalisée par Marc Levin), des gammes mélodiques directement héritées du klezmer et autres musiques folkloriques juives si chères à Mister Zorn se font forcément jour. Réduire cette partition à ce simple aspect serait cependant une erreur pour une bande-son nettement plus contrastée et variée qu'il ne pourrait y paraitre. Concrètement, composé de 11 pistes proprement dites et de 4 courtes transitions (toutes reléguées en fin de sélection), Protocols of Zion est une preuve supplémentaire de la versatilité, du talent et de l'incroyable facilité à composer beaucoup et bien qui animent Zorn présentement sur une partition mêlant contemplation et nostalgie où les performances de chaque musicien sont particulièrement mises en valeur par l'orientation profondément mélodique mais aussi « joyeusement jammante » d'un l'ensemble sentant autant l'improvisation (ô combien) contrôlée que la précision dans l'interprétation des thèmes.
Varié, divertissant aussi (ce qui n'était pas gagné vu le thème incitant difficilement à la rigolade), Protocols of Zion est une réussite de plus, si pas la plus évidente, d'une série riche de moult merveilles. Recommandé.

1. Protocols Of Zion 4:27
2. Searching For A Past 5:21
3. Jew Watcher 2:44
4. Mystery Of The Jew 4:09
5. History Repeats Itself 2:14
6. Arab And Jew 5:57
7. Fighting Time 5:02
8. Hollywood/rikers 2:35
9. Elders Of Zion 5:25
10. A Dark Future 4:31
11. Transition 1 0:30
12. Transition 2 0:17
13. Transition 3 0:30
14. Transition 4 0:25
15. Coda - The Metaphysics Of Anti-semitism 1:46

Cyro Baptista: percussions
Shanir Ezra Blumenkranz: basse, oud
John Zorn: piano électrique

Shanir Ezra Blumenkranz

John Zorn "Filmworks XVI: Workingman's Death" (2005)
ou "Volume exploratoire"

Une nouvelle fois, c'est un Zorn instrumentiste (à l'orgue et au gamelan en l'occurrence) en plus d'être compositeur et arrangeur qui s'offre à nous sur la seizième levée de ses Filmworks illustrant un documentaire traitant des conditions de travail hasardeuses (pour rester modéré) où sont plongés les pauvres de certains pays comme l'Ukraine, le Nigéria, l'Indonésie, le Pakistan et la Chine, documentaire realisé par Michael Glawogger.
A l'image du thème du film, Zorn produit sur Workingman's Death une musique riche de nombreuses influences et orientations où se croisent et, épisodiquement, se rencontrent ambient (parfois presque industriel), jazz et divers folklores mondiaux dans l'obligatoire et avant-gardiste mode libertaire du compositeur. Poignante, puissante, la partition ne joue absolument pas la facilité et heurtera probablement l'oreille, autant qu'il vrillera l'occiput formaté, des plus sensibles dans ses passages les plus barrés et percussifs. Ceci dit, si c'est bien un Zorn en mode exploratoire et parfois abstrait qui se présente ici (sans toutefois être abscons), c'est aussi et surtout un panorama émotionnel riche de ses petits chaos et bizarreries, de son tribalisme (venant autant des progressions harmoniques du compositeur que des percussions acoustiques de Cyro Baptista et électroniques d'Ikue Mori ou du gamelan manipulé par Zorn lui-même) que nous est proposé.
Le résultat est varié, multiple quoique cohérent comme un « tout », jamais ennuyeux ou plan-plan et fera voyager, réfléchir, rêver l'auditeur au gré de ses nombreux et bienvenus soubresauts. Alors, certes, ce n'est pas le premier Filmworks qu'on viendrait à conseiller à un « newbie » de la série, ça n'en demeure pas moins une addition de qualité et une levée par conséquent recommandée tant aux amateurs de la série qu'à ceux qui souhaitent l'explorer par sa face la plus « aride ».

1. Gadani Slipway 9:01
2. Juju 6:14
3. Sulphur Mining 6:29
4. Horn Carrier 3:16
5. Atmosphere 2:13
6. The Miners 3:05
7. Steel Foundry 6:01
8. Work Trance 3:20
9. Ghost Ship 2:51
10. Dark Caves 3:17
11. Slaughterhouse 9:09
12. Guitar Juju 6:20

Shanir Ezra Blumenkranz: basse
Cyro Baptista: percussions
Jamie Saft: piano électrique, guitare
Ikue Mori: percussions électroniques
John Zorn: orgue, gamelan

Cyro Baptista

John Zorn "Filmworks XVII" (2006)
ou "Deux Mondes Imbriqués"

Le mariage de la carpe et du lapin ? C'est tout de même un peu ce que nous propose ce dix-septième Filmworks qui propose deux scores dont les pistes, contrairement aux habitudes de la série, s'entrecoupent.
Quand, en plus, les deux pièces diffèrent tant, on pourrait craindre que pareil assemblage tombe à plat. Passé l'initiale surprise, force est de constater qu'il n'en est rien et que, si on peut évidemment regrouper chaque B.O., le séquençage choisi par le compositeur fonctionne finalement mieux. Et donc, musicalement, ce sont deux mondes qui se croisent, se complémentent même. Bandar: A Life With Skulls propose en 5 pistes et un peu moins d'un quart d'heure une partition percussive à la fois savante, primitive et hypnotique dont les artificiers sont Cyro Baptista, percussionniste inventif et explosif s'il en fut, et John Zorn au piano à pouces africain. Plus classique dans l'univers Zornien, on pourra par exemple le rapprocher du référentiel The Gift, et doté d'une plus importante formation, Notes on Marie Renken (9 pistes et 43 minutes) nous entraîne en terres certes connues mais qu'on revient toujours visiter avec bonheur. Free jazz, surf ou encore exotica le composent ce qui n'est pas vraiment une surprise pas plus que ne l'est d'entendre briller les instrumentistes dont un Zorn versatile (wurlitzer et saxophone) et un John Madof (guitariste de Rashanim) particulièrement fin (il n'y a d'ailleurs qu'à entendre l'introductif Menken, splendeur acoustique toute en nuances, pour s'en convaincre). Une réussite.
Plus qu'une simple bande-son de plus, Notes on Marie Renken/Bandar est une véritable création dans son ordonnancement présent, ce qui fait logiquement de ce dix-septième Filmworks est une addition bienvenue de plus dans la série. Certes, ce n'est pas le plus essentiel mais il apporte, comme ses devanciers et ses successeurs, une belle pierre à l'édifice de plus un plus impressionnant, monumental du compositeur avec tout ce qu'il faut de grâce et de nouveauté pour qu'on s'en satisfasse... Et qu'on en redemande !

1. Menken 5:27
2. Skull I 4:02
3. Glimpses 6:37
4. Mood Mondrian 4:31
5. Skull II 3:30
6. Gogogo 8:14
7. Moonplay 4:42
8. Skull III 2:58
9. Tango Exotique 5:34
10. Zenscapes 1:07
11. Skull IV 1:40
12. Arabesque 5:09
13. Skull V 2:08
14. Bolex Dancing 1:37

Notes on Marie Menken (1,3,4,6,7,9,10,12,14)
Jon Madof: guitare
Shanir Ezra Blumenkranz: basse
Kenny Wollesen: batterie
John Zorn: Wurlitzer, saxophone alto , bolex

Ray Bandar : A Life with Skulls (2,5,8,11,13)
Cyro Baptista: percussions
John Zorn: piano à pouces africain
Kenny Wollesen: percussions (5)

Jon Madof

John Zorn "Filmworks XVIII: The Treatment" (2006)
ou "à Contre-Emploi"

John Zorn s'attaque à la comédie romantique ! Qui l'eût cru quand le sentimentalisme béat et saccharosé n'est pas franchement l'attribut premier de l'œuvre du bouillonnant compositeur. D'ailleurs, lui-même avoue avoir trouvé d'abord ridicule l'idée de scorer un genre de film si éloigné de ses habituelles, bizarroïdes, sociétales ou artistiques préoccupations. Après avoir donc d'abord refusé, il s'y colla, curieux sans doute de s'ainsi « contre-employer ».
Bon, le résultat n'est pas une révélation. Pas une déception non plus. Si c'est un Zorn relativement convenu et pépère (quelque part précurseur des albums de ses Dreamers et cousin du Bar Kokhba sans doute grâce/à cause du volubile et précieux vibraphone de Wollesen et de la guitare si typique de Ribot, ici en mode tranquillou et intermittent, ou au violon baladin de Joey Feldman), force est de constater que ce diable de New Yorkais a particulièrement habilement enfilé le costume du compositeur fleur-bleue qui, à priori, ne lui sied guère tout en conservant inviolée sa gamme mélodique. C'est donc un score élégant, mélodique, entre jazz de chambre, klezmer cool et exotica (tango, musique gitane et, évidemment une pincée de klezmer) de bon ton, grinçant qu'en de trop rares occasions (Rush Hour avec un Wollesen particulièrement remarquable) mais jamais ennuyeux, que Zorn a concocté avec le talent et la ressource qu'on lui connait et ce malgré les limitations du genre qu'il illustre ici de sa partition. Il a été, en l'occurrence, comme vous l'aurez sans doute déjà compris, bien aidé par une formation où chacun rivalise d'expertise et d'émotion, fait dans la légèreté, mais avec le plus grand sérieux et la plus belle application.
Si The Treatment n'est pas un essentiel de la série des Filmworks, c'est une sympathique ballade dotée de quelques très beaux moments (Romance, Rush Hour, Freud's Rondo et quelques autres) la rendant, comment faire autrement ?, indispensable aux complétistes et agréable aux autres qui y découvriront une autre facette, plus facile, plus décontractée, d'un compositeur trop souvent vu comme un perpétuel agitateur/casseur de tympans.

1. The Treatment 3:34
2. Romance 5:09
3. Why Me? 3:56
4. Family 2:14
5. Marking Time 4:52
6. Anxieties 4:59
7. Freud's Rondo 4:24
8. Totem And Taboo 6:53
9. Rush Hour 3:46
10. Bad Dreams 1:18
11. Uncertainty 6:23
12. Happy Ending 2:44

Shanir Ezra Blumenkranz: basse
Rob Burger: accordéon
Mark Feldman: violon
Kenny Wollesen: vibraphone
Marc Ribot: guitare

Marc Ribot

John Zorn "Filmworks XIX: The Rain Horse" (2008)
ou "Beauté Recueillie"

Il ne m'a pas fallu longtemps pour céder au charme de ce magnifique album. A tel point que je le considère comme l'une des plus belles pièces du catalogue Zornien qui est pourtant d'une rare densité, c'est dire l'exemplarité de cette 19ème levée des Filmworks.
Et pourtant, choisir une formation aussi réduite pour un compositeur si "larger than life" n'était pas la décision la plus évidente à prendre. Cependant, c'est dans la simplicité de ces mélodies, dans l'admirable émotion transmise par ce fabuleux trio, dans la simple grâce d'une musique dépouillée et pourtant si riche que l'Art de John Zorn s'affirme avec le plus d'évidence. C'est aussi une manière aisée de commencer l'ascension de cet Himalaya de la musique dite "avant-gardiste" par sa face où la pente est la plus douce... à l'oreille !
Je précise que le fait de ne pas avoir vu le film ni d'entendre l'œuvre avec son support celluloïde n'amoindri en rien l'expérience que représente ce divin Rain Horse.

1. Tears of Morning 4:32
2. The Stallion 2:42
3. Tree of Life 3:01
4. Wedding of Wild Horses 4:21
5. Forests in the Mist 6:09
6. Dance Exotique 2:59
7. Bird in the Mist 4:01
8. Parable of Job 4:17
9. Encounter 2:10
10. The Rain Horse 4:16
11. End Credits 2:04

Greg Cohen: contrebasse
Erik Friedlander: violoncelle
Rob Burger: piano

Greg Cohen

John Zorn "Filmworks XX: Sholem Aleichem" (2008)
ou "Mélopées sous influence"

Né en 1859 en Russie Impériale, décédé en 1916 à New York City, auteur dramatique et romancier influent (c'est sur ses histoires de Tevye le Laitier qu'est basé Un Violon sur le Toit), Solomon Naumovich Rabinovich alias Sholem Aleichem est le centre d'attention du documentaire ici musicalement illustré par John Zorn dans son XXème Filmwork.
Pour l'occasion, le bouillonnant New Yorkais a composé une partition avec des racines juives omniprésentes desquelles il joue avec un plaisir si évident qu'il est impossible de ne pas le partager. Pour parvenir à ses fins, à une formation bien connue (le Masada String Trio composé du violoncelliste Erik Friedlander, du violoniste Mark Feldman et du contrebassiste Greg Cohen) il ajoute la harpe rêveuse et l'accordéon évocateur de, respectivement, Rob Burger et Carol Emanuel, deux autres habitués de la « maison Zorn ». Le résultat est un cocktail de musiques juives nous baladant de Cracovie à Buenos Aires en passant par Jerusalem ou Little Odessa dans une musique rythmée et pourtant dépourvue de percussions, enjôleuse, caressante, presque une fille facile dont les charmes se dévoilent aussi facilement qu'ils sont nombreux et sensuels. Pas une habitude pour Zorn qui, 45 minutes durant, évite scrupuleusement ses tentations avant-gardistes et bruitistes récurrentes... Un Zorn roots, doux-amer, suave... Riche !
Facile (sur l'échelle "Stockhausienne", où se calcule ce genre de musique, tout de même !), Sholem Aleichem l'est indéniablement. C'est aussi un prolongement indirect mais ô combien digne d'attention, comme avant lui Trembling Before G-d, des explorations « judéophiles » d'un compositeur passionnant et, présentement, quasiment au sommet de son art.

1. Shalom, Sholem! 2:11
2. Luminous Visions 4:11
3. Mamme Loshen 3:18
4. Beyond The Pale 2:25
5. Mekubolim 4:37
6. Portable Homeland 4:05
7. Wandering Star 3:17
8. Jewish Revolutionaries 4:59
9. Shtetls 3:02
10. Lucky Me, I'm An Orphan! 3:45
11. Nicht Gefährlich 3:42
12. Talking Through Oblivion 4:46

Rob Burger: accordéon
Greg Cohen: basse
Carol Emanuel: harpe
Mark Feldman: violon
Erik Friedlander: violoncelle

Erik Friedlander

John Zorn "Filmworks XXI: Belle de Nature/The New Rijksmuseum" (2008)
ou "Deux Scores, Deux Grâces"

Deux scores distincts dans ce 21ème Filmwork de Zorn. Le premier, Belle de Nature illustrant un moyen-métrage à tendance sado-masochiste (un grand classique chez Zorn), le second un documentaire couvrant les travaux de restauration du Rijksmuseum d'Amsterdam pour, forcément, deux approches différentes qui, surprise !, se complètent et s'harmonisent à merveille.
La première partition, illustrant le Belle de Nature de Maria Beatty, avec laquelle Zorn avait déjà collaboré (Elegant Spanking sur le Filmworks 4 et The Black Glove sur le 6), nous propose un genre d'exotica jazz de chambre joué par une formation petite en nombre mais immense en talent. La guitare de Ribot y tient la baraque, enduite par la harpe paradisiaque de Carol Emanuel (qu'elle soit rythmique ou ambiante) et soutenu par les solides fondations de la basse de Shanir Ezra Blumenkranz. Le résultat, en l'espèce, ne manque ni puissance émotionnelle, ni de nuance, ... Ni de sensualité, évidemment, en particulier sur le (relativement) emporté Orties Cuisantes, sommet d'une sélection intégralement magique.
Seconde partition, The New Rijksmuseum propose également une formation minimaliste (Baptista aux percus, Wollesen au vibraphone, Uri Caine au piano et clavecin et le compositeur lui-même également au clavecin mais également aux percussions de verre sur 3 des 10 pistes). Plus avant-gardiste, abstrait que son devancier, c'est un score qui prendra plus longtemps à être dompté mais s'en avérera d'autant plus savoureux. En l'occurrence, le mariage d'une base percussive et de l'antique et fragile clavecin crée, que les éléments s'entremêlent ou se succèdent, une espèce de musique de chambre rétro-futuriste, belle si parfois quelque peu difficile mais surtout totalement en adéquation avec son sujet. Une réussite de plus si pas la plus aisée.
Décidément, les Filmworks de John Zorn se suivent et se ressemblent... En qualité ! Musicalement, chacun apporte sa touche au vaste et monumental tableau que compose le New Yorkais depuis près de 40 ans. Ce 21ème volume, d'excellente tenue, ne fait aucunement exception et prouve, au contraire, la versatilité, l'intelligence et le talent sans cesse réaffirmé d'un des plus importants musiciens de la fin du XXème et du début de XXIème siècle. Indispensable, vous l'aurez compris.

1. Masque En Sole 5:10
2. Un Rose 2:06
3. L'Air Et Les Songes 2:39
4. Fouet D'Epines 5:08
5. Elle Vient 3:52
6. Orties Cuisantes 4:31
7. Belle De Nature 4:52
8. Storage 2:09
9. Conservation 3:57
10. Rendering 4:21
11. Meeting 3:02
12. Restoration 1:35
13. Construction 3:18
14. Architecture 4:19
15. Design 1:55
16. Planning 3:07
17. Completion 4:18

"Belle de nature" (1-7)
Shanir Ezra Blumenkranz: basse
Carol Emanuel: harpe
Marc Ribot: guitare

"The New Rijksmuseum" (8-17)
Cyro Baptista: percussions
Uri Caine: piano
Kenny Wollesen: vibraphone, chimes, percussions
John Zorn: clavecin (12, 15), percussions de verre (8)

Uri Caine

John Zorn "Filmworks XXII: The Last Supper" (2008)
ou "L'Art et la Voix"

Un peu comme Mycale (13ème levée du Book of Angels), The Last Supper est une partition pour voix, majoritairement féminines en l'occurrence, une rareté pour un compositeur qui s'est relativement rarement frotté au chant ce qui, aux vues de ses trop rares incursions dans l'exercice et de leur qualité, est regrettable.
Pour accomplir sa « mission », Zorn choisit de reprendre quasi tout l'ensemble qu'il avait utilisé pour Frammenti del Sappho (sur Mysterium) y ajoutant Caleb Burhans, seul élément vocal masculin, et de s'enrôler, aux côtés de son vieux compagnon Cyro Baptista, aux percussions. Musicalement, c'est à une partition entre ambiance rêveuse, faux-peplum mystique et tribalisme avant-gardiste auquel nous avons affaire à savoir une musique emprunte, forcément !, d'une touche d'orientalisme, de vocalises quasi-liturgiques (et pourtant si profondément païennes) et de transes et bruitages percussifs qui, sans détonner du corps de l'aeuvre zornienne, parvient à surprendre et qu'on rapprochera volontiers, c'est l'évidence, d'un autre grand compositeur New Yorkais : Steve Reich. On a vu pire comme comparaison, avouez.
Comment tout ceci fonctionne-t-il sur le film du français Arno Bouchard qu'il est sensé illustrer - une machin expérimental résumé ainsi « Un homme entre dans un lieu mystérieux peuplé de femmes. En faisant l'amour avec l'une d'elles, il va changer de sexe et devenir Femme. Il va ainsi accéder à la création et au pouvoir d'enfanter. Il sera jugé non pour ce qu'il est, mais pour ce qu'il veut devenir : Dieu. » -, n'en ayant vu que le teaser je serai bien en peine d'avoir quelque avis que ce soit... A l'écoute il est évident que le score de Zorn, aussi inhabituel que bienvenu, se suffit largement à lui-même et nous entraîne, prisonniers volontaires, dans un délicieux trip vers un autre monde.

1. Somnambulisme 2:12
2. Opening Invocation 2:13
3. Virgin Sacrifice 3:25
4. Vespers 3:37
5. Spiral 3:17
6. The Last Supper 1:55
7. The Colors Of Blood 2:47
8. Sexaltation 2:35
9. Dance For The Vernal Equinox 1:35
10. Tarot 1:43
11. Time Travel 2:27
12. Le Diable 2:01
13. Exhaltation 2:01
14. Futur Primitif 5:34
15. Blood Ritual 2:39
16. In Alium 6:29

Lisa Bielawa, Caleb Burhans, Martha Cluver, Abby Fischer et Kirsten Sollek: voix
Cyro Baptista, John Zorn: percussions

Lisa Bielawa

John Zorn "Filmworks XXIII: el General" (2009)
ou "Ballade en Americana"

Musique du documentaire de Natalia Almada sur le président/dictateur mexicain marxiste Plutarco Elias Calles, en place de 1924 à 1928, dont les agissements conduisirent à la funeste guerre de religion dite des Cristeros (80.000 victimes).
Avec un si peu recommandable personnage, on pourrait s'attendre à un score chaotique et violent, il n'en est rien ! En l'occurrence, voisin malin d'un Bill Frisell, il tisse une "amerimexicana" de chambre (de l'americana cotonneux de la frontière) où un quatuor d'habitués de choix (Rob Burger, pianiste et accordéoniste, et Marc Ribot, guitariste, en tête) brille particulièrement dans une partition étonnamment apaisée et mélodique qu'on imaginerait plus volontiers à l'illustration sonore de quelque balade en de luxuriants et ensoleillés paysages à quelques dramatiques bémols près. Ainsi, la majorité des thèmes traîne joyeusement au rythme d'un âne broutant tranquillou les pâquerettes. Et c'est bien agréable, en vérité ! Et finalement, assez consistant avec le relatif adoucissement (et pas amollissement) de l'écriture et des aspirations constatées chez de ce diable de Zorn qui sait tout de même mettre le feu comme pas deux mais pas, ou presque, ici, comme vous l'aurez compris.
El General, 23ème de la série des Filmworks et pas des moindres, est une vraie belle réussite à côté de laquelle les amateurs de belles guitares (Ha ! Ribot !) et de délicats arrangements se doivent de ne surtout pas passer. Et, l'air de rien, ça fait un Filmworks de plus qu'on peut recommander les yeux fermés... mais les oreilles grandes ouvertes !

1. Los Cristeros 4:26
2. El General 4:56
3. Besos De Sangre 7:25
4. Maximato 2:51
5. Soviet Mexico 3:42
6. Lagrimas Para Ti 2:58
7. Mala Suerte 5:44
8. Exilio 3:21
9. Recuerdos 2:58
10. Besos De Sangre (Piano Trio) 5:45
11. Exactamente Eso 5:29

Rob Burger: piano, accordéon
Greg Cohen: basse
Marc Ribot: guitares
Kenny Wollesen: marimba basse, vibraphone, batterie

Rob Burger

John Zorn "Filmworks XXIV: The Nobel Prizewinner" (2010)
ou "Un air de famille"

Pour la comédie noire littéraire du néerlandais Timo Veltkamp, et accessoirement 24ème et pour le moment dernière levée de ses Filmworks (deux ans déjà !), Zorn a choisi une formation réduite et une approche mélodique et jazzy.
On y apprécie, par exemple, le jeu expert, versatile et malin de Rob Burger (souvent vu chez Zorn que ce soit à l'accordéon ou au piano comme ici) sur des mélodies et une ambiance qui ne sont pas sans rappeler d'autres aeuvres de l'hyperactif compositeur New Yorkais telles qu'Alhambra Love Songs ou In Search Of Miraculous soit une musique, menée par le piano, se baladant entre jazz mélodique et musique de chambre swinguante. Autant le dire, pour agréable et bien troussé que soit cette partition, elle dégage une impression de déjà-vu, déjà-entendu qui sied relativement mal à un compositeur d'ordinaire si peu amène à céder aux sirènes de la facilité. Ca n'en diminue absolument pas le charme du score mais laisse un petit goût d'amertume simplement parce qu'on attend toujours plus de l'animal que du routinier, pour efficace soit-il.
Bien entendu expertement joués et bénéficiant d'une prise de son au-dessus de tout soupçon, The Nobel Prizewinner n'est pas le premier Filmworks qu'on conseillera aux nouveaux venus, d'autres (The Rain Horse, Secret Lives, etc.) méritent plus ce privilège. La présente bande-son n'en demeure pas moins une agréable addition que les complétistes se devront de ne pas manquer et qui agréera particulièrement avec ceux qui apprécient Zorn dans son expression la plus mélodique.

1. The Nobel Prize Winner 4:15
2. Writer's Block (Ilse's Theme) 4:17
3. The Depraved City 5:09
4. Annabel 3:31
5. Our In-House Dostoevsky 4:37
6. The Search 1:56
7. Dénouement 3:24
8. Door to Door 5:04
9. Suicidal Tendency 1:56
10. Fyodor and Annabel 5:10
11. Plagiarism 2:52
12. Moral and Immoral (take 1) 3:08
13. Ghost of a Guilty Conscience 4:40
14. Joachim West 5:02
15. Moral and Immoral (take 2) 3:06

Rob Burger: piano
Trevor Dunn: basse
Kenny Wollesen: vibraphone, batterie

Kenny Wollesen

John Zorn "Filmworks XXV: City Of Slaughter/Schmatta/Beyond The Infinite" (2013)
ou "La Der"

D'emblée, la prévision fait froid dans le dos : ce 25ème et tant attendu Filmworks sera peut-être le dernier... Le dernier ! Le DERNIER ??? Alors un finale en fanfare ! C'est le moins que doive Zorn aux zélotes exigeants qui le suivent pas à pas dans ses diverses et variées explorations de l'univers du Son, un machin qui unirait la furie d'Electric Masada ou de Naked City aux "absconseries" contemporaine dont il est friand et à la douceur des Dreamers, par exemple. Ces aliénés en seront pour leur frais, pour les deux partitions (et le titre bonus final bizarrement inclus sans qu'il paraisse illustrer sonorement quelque pièce filmique que ce soit), c'est de piano solo dont il s'agit. Et de trois instrumentistes.
Le premier, Omri Mor, jeune pianiste israélien fort prometteur, dont c'est à ma connaissance la première incursion dans la Galaxie Zornienne, se voit offrir la part du lion (36 des 56 minutes de l'album) et les 14 plages du rapidement bouclé City of Slaughter (écrit, enregistré et mixé en une semaine, dixit le maître) commissionné par le Musée de l'Histoire Juive et de la Tolérance de Moscou pour un documentaire (que je n'ai pas vu). La partition, en l'occurrence, ne surprend pas, du Zorn pur sucre servi par un instrumentiste fin et délicat mariant à merveille une basse jazz à des ajouts harmoniques en directe provenance de diverses musiques juives traditionnelles dont on ne sort, forcément, pas du tout déstabilisé mais absolument satisfait. Qu'on se le dise, on retrouvera Omni Mor dans un prochain Book of Angels, bonne nouvelle.
C'est ensuite à Zorn himself de s'installer au clavier pour Schmatta (Rags to Riches to Rags), documentaire de Marc Levin pour HBO de 2009 (qui voit donc sa partition tardivement incluse dans la série des Filmworks) traitant de l'histoire de l'industrie de la confection à New York, de son implication sociale, de ses origines, etc... Et ultimement de sa chute et des conséquences d'icelle. Musicalement, entre improvisations, essais et habitude, Zorn propose quelques charmantes mélodies dont certaines se verrons ensuite recyclées pour d'autres projets (le Book of Angels, notamment). En 4 petites pistes et 11 courtes minutes, Zorn l'instrumentiste se rappelle à nous, non pas à son traditionnel saxophone mais bien au piano, instrument qui vit ses premiers émois musicaux pré-pubères et dont il n'est pas, c'est acquis, un virtuose mais qu'il possède parfaitement en la circonstance. Quand à savoir si tout ceci se retrouva finalement dans le docu ou pas (Zorn nous a déjà fait le coup de proposer dans cette série des bandes destinées à l'image mais ultimement remisées), il faudra voir le film en question, je n'en ai, personellement, pas encore eu l'occasion... Ca viendra.
Last but not least, comme on dit, nous découvrons la pièce bonus jouée par le désormais coutumier de la maison Zorn, Rob Burger. Beyond the Infinite, longue pièce d'un peu plus de 8 minutes que l'on retrouvera plus tard (si l'on considère la chronologie des enregistrements) sur The Goddess : Music For The Ancient Of Days, dont elle était d'ailleurs l'un des sommets, dans une version plus "orchestrée", fonctionne finalement aussi bien au piano seul, ne lasse pas une seule seconde et constitue donc un bonus bienvenu.
Au risque de passer pour un vil fanatique, on se doit une fois de plus de constater que le compositeur Zorn en a encore "sous la pédale"... Il ne se réinvente plus vraiment, certes, mais, en continuant de varier les formations, les instrumentistes, en ne désarmant pas sur la multiplicité de son oeuvre, en creusant toujours plus profond les sillons qu'il s'est lui même tracé, il parvient à raffiner encore plus, encore mieux une écriture désormais familière. La dépouillement factuel ici appliqué ne fait que souligner encore un peu plus ce fait comme il démontre que la personnalité du compositeur n'est pas soluble dans la diversité qu'il s'impose, bien au contraire.

City of Slaughter
1. The End Of Tradition 3:40
2. The Oath 2:13
3. Modernity 1:27
4. Island/Ghetto 2:34
5. New Choices 2:10
6. Revolution 3:32
7. New Currents 2:43
8. Loss 1:53
9. Hopes and Dreams 1:33
10. The Bund 2:32
11. City Of Slaughter 4:44
12. Anti-Semitism/Pogrom 1:24
13. Pale of Settlement 3:03
14. Requim 2:52
Schmatta
15. Schmatta 1:40
16. Pins And Needles 3:12
17. Collapse 3:06
18. Hanging By A Thread 2:58
Beyond the Infinite
19. Beyond The Infinite 8:19

Omri Mor - piano (1-14)
Rob Burger - piano (19)
John Zorn - piano (15-18)

Omri Mor

BoNuS
John Zorn, V/A "This is John Zorn (Filmworks)" (2013)
ou "This Is Filmworks!"

Un petit rappel de ce qui précède pour les plus pressés ? Rien de tel que la republication d'une compile originellement fomentée pour l'excellent blog du non moins excellent Keith Michards, avec le texte d'origine :
"This-Iser" John Zorn est une entreprise impossible. Pour rappel, la règle établie par Mister Michards est d'un titre par album alors, avec un mec qui en a plus de 200 (!) à son répertoire, en sort encore une dizaine par an, imaginez le bordel !!!
Donc, il faut "trancher", segmenter l'affaire et aussi profiter d'une série arrivée à son terme. C'est ce que j'ai fait sur la lancée du 25ème filmworks de l'ami John puisque sa sortie était jumelée avec la nouvelle que, n'ayant plus besoin de l'argent que générait ces commandes et s'accomplissant artistiquement dans ses autres projets, le bande originales de film par John Zorn n'iraient normalement pas plus loin que ce quart de centaine...
Sorties en 1991 et 2013, ces collections furent longtemps un laboratoire pour Zorn, en plus d'une rentrée d'argent non négligeable quand on est un artiste réellement indépendant (et même auto-produit, sur son propre label Tzadik), elles présentent donc à peu près tout le spectre couvert par ce musicien/compositeur à l’univers ô combien riche et multiple. C’est aussi, de l’avis de votre serviteur, une sélection relativement facile d’un artiste qui ne l’est pas toujours.
Et donc, This is John Zorn’s Filmworks, 25 titres, 68 minutes… Si vous avez toujours eu peur de Zorn, c’est l’occasion rêvée !

1 Climax 2:55
2 Rattlesnakes for Sergio Leone 1:43
3 Bag Man 1:59
4 Pueblo 8:59
5 Random Walk 1:26
6 Opening Credits/Hawaiian Postcard 2:57
7 Yakisoba 1:14
8 Shanim 2:02
9 Nigun 1:59
10 Haiti 2:30
11 Motzee 2:28
12 Temple Song 2:25
13 Final Retribution 2:48
14 Abulafia 2:26
15 Coda - Metaphysics of Anti-Semitism 1:44
16 Ghost Ship 2:50
17 Mood Mondrian 4:30
18 Happy Ending 2:43
19 The Stallion 2:39
20 Mamme Loshen 3:15
21 L'Air et les Songes 2:37
22 Dance for the Vernal Equinox 1:33
23 Lagrimas Para Ti 2:54
24 Mortal and Immortal (Take 2) 3:04
25 The Bund 2:31

L'HOMME ZORN

14 commentaires:

  1. Pour commencer 2015 en beauté : Cinéma Zorn !

    John Zorn "Filmworks I: 1986-1990" (Nonesuch 1991 - Tzadik 1997)
    - http://www20.zippyshare.com/v/93147017/file.html

    John Zorn "Filmworks II: Music for an Untitled Film by Walter Hill" (1996)
    - http://www20.zippyshare.com/v/927517/file.html

    John Zorn "Filmworks III: 1990-1995" (1997)
    - http://www20.zippyshare.com/v/71468864/file.html

    John Zorn "Filmworks IV: S/M + More" (1997)
    - http://www20.zippyshare.com/v/55306183/file.html

    John Zorn "Filmworks V: Tears of Ecstasy" (1996)
    - http://www20.zippyshare.com/v/11222157/file.html

    John Zorn "Filmworks VI: 1996" (1996)
    - http://www20.zippyshare.com/v/4777655/file.html

    John Zorn "Filmworks VII: Cynical Hysterie Hour" (1997)
    - http://www20.zippyshare.com/v/39778259/file.html

    John Zorn "Filmworks VIII: 1997" (1998)
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    John Zorn "Filmworks IX: Trembling Before G-d" (2000)
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    John Zorn "Filmworks X: In The Mirror of Maya Deren" (2001)
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    John Zorn "Filmworks XI: Secret Lives" (2002)
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    John Zorn "Filmworks XII: Three Documentaries" (2002)
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    John Zorn "Filmworks XIII: Invitation to a Suicide" (2002)
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    John Zorn "Filmworks XIV: Hiding and Seeking" (2003)
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    John Zorn "Filmworks XV: Protocols of Zion" (2005)
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    John Zorn "Filmworks XVI: Workingman's Death" (2005)
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    John Zorn "Filmworks XVII" (2006)
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    John Zorn "Filmworks XVIII: The Treatment" (2006)
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    John Zorn "Filmworks XIX: The Rain Horse" (2008)
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    John Zorn "Filmworks XX: Sholem Aleichem" (2008)
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    John Zorn "Filmworks XXI: Belle de Nature/The New Rijksmuseum" (2008)
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    John Zorn "Filmworks XXII: The Last Supper" (2008)
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    John Zorn "Filmworks XXIII: el General" (2009)
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    John Zorn "Filmworks XXIV: The Nobel Prizewinner" (2010)
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    John Zorn "Filmworks XXV: City Of Slaughter/Schmatta/Beyond The Infinite" (2013)
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    John Zorn "This Is John Zorn (Filmworks)" (2013)
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  2. Y a pas v'là une année qui commence bien ;)
    Happy new year cher Zornophage

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  3. Ok, puisqu'il faut mettre la barre très très haut dés le début d'année. Bravo! Et merci.

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  4. as great as book of angels post. grazieeeeee! luigi

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  5. Waow !
    Comme je suis debutant et que je ne vais pas tout prendre, j'ai choisi X, XI, XIV, et XIX, et la selection "compile"...
    Bonne année !
    Vincent

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  6. Je crois que tu es ancien cinglé que ton "idole" et c'est un compliment!
    Belle année à toi et à ceux que tu aimes...

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    1. Merci, et réciproquement, évidemment ! Content de te voir de retour, aussi. ^_^

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  7. Bravo, merci, bravo, merci, merci, bravo, et que vive ce blog. Tzadik devrait te donner du pognon, finalement, car j'en achète beaucoup après les avoir écoutés. (Pour moi-même ou pour cadeaux.)

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    1. Jaunes, c'est toi ?
      Donc, pareil pour moi, quand je télécharge et que j'aime, j'achète. Comme quoi le piratage peut aussi être de la promotion. ^_^

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