vendredi 6 décembre 2013

Un autre jazz

Tim Berne's Snakeoil "Shadow Man" (2013)
ou "de l'Huile sur le Feu"


Retrouver un chantre de la scène avant-gardiste de New York City sur le label de l'allemand Manfred Eicher n'était pas, sur le papier, le mariage le plus évident, le jazz certes prospectif mais souvent ambient d'ECM ne cadrant pas exactement avec les débordement sonores habituel de ce possédé de Tim Berne. Le premier album de Snakeoil, nouvelle formation assemblée par le saxophoniste pour l'occasion, avait aisément repoussé ces vilains doutes : louvoyant et créatif, libre et mélodique à la fois, jouant tant sur l'abstraction que l'émotion aussi, c'était une admirable réussite que la production slick et chic d'Eicher ne faisait que magnifier.

Cette fois, avec un Eicher absent du studio car occupé ailleurs, mais une mise en son étonnement similaire (quoiqu'un peu plus chaude) signée du maître de cérémonie et de son vieux compagnon David Torn, nous sommes en territoire déjà fréquenté, avec un quatuor qui se connait désormais mieux et capitalise logiquement sur les automatismes bonifiants qui vont de pair avec cette familiarité. Nous ne sommes évidemment toujours pas dans le jazz de salon destiné à l'amateur lambda mais bien dans une expression free particulière, et particulièrement satisfaisante ! Parce que Tim Berne et sa fine équipe ne peuvent décemment pas se satisfaire d'une simple relecture de chapitres passés de l'histoire de la musique qu'ils pratiquent, Shadow Man est un album aventureux. Parce que Tim Berne et sa fine équipe ont une sensibilité unique et jouent en réelle osmose, Shadow Man est un album organique. Parce que Tim Berne et sa fine équipe sont avant tout de malicieux trublions, Shadow Man est un album qui jouera parfois avec vos nerfs avant de vous caresser dans le sens du poil puis de vous reprendre à revers afin de vous agacer/exciter les neurones de leurs lumineuses découvertes.

Pour cet album, Tim Berne avait pour ambition de capturer l'esprit live de Snakeoil, ambition pleinement réalisée sur ces 6 titres, dont trois longues pièces qui ne doivent pas faire peur, où les quatre musiciens semblent partager le même cœur, la même âme... Un tour de force que, vous le conviendrez, l'on ne rencontre pas si souvent. Certes, et ce ne sera une surprise pour aucun auditeur ayant déjà croisé la route du saxophoniste alto, il faudra parfois s'accrocher, se laisser entraîner dans cet univers à la fois visuel et indescriptible, abstrait et pourtant si concret, pour pleinement gouter au transes extatiques ici prodiguées, la récompense n'en sera que plus grande. Quelque chose à rajouter ? Ha oui, vivez l'expérience par vous-même, aucune chronique ne pouvant donner la pleine mesure de ce qui est ici proposé... Et vivement la suite !


1. Son of Not So Sure 6:42
2. Static 8:02
3. Psalm 4:08
4. OC/DC 22:57*
5. Socket 18:56
6. Cornered (Duck) 16:17
* version live enregistré à New York (The Stone, 5 mai 2013)


Tim Berne - alto saxophone
Oscar Noriega - clarinet, bass clarinet
Matt Mitchell - piano, tack piano, wurlitzer
Ches Smith - drums, percussion, vibraphone

9 commentaires:

  1. J'avoue mon ignorance concernant ce saxophoniste et m'en vais de ce clic réparer l'injustice. Merci pour la découverte et ton joli billet d'introduction.

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    1. Ce n'est pas facile mais qu'Est-ce que c'est beau !
      N'hésite pas à repasser après. :-)

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  2. Je repasse après! Je l'ai écouté à la nuit tombante en rentrant du boulot et il m'a totalement transporté. Certains ne sont guère favorables à l'écoute sur baladeur mais, personnellement, quand j'écoute en marchant, avec la ville qui bouge, je trouve ça encore plus enivrant. Superbe découverte. Merci.

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  3. Comme Jimmy j'aime bien me balader avec mon baladeur. Et même si je ne connais pas encore Tim Berne, je sens qu'on va faire une balade ensemble. Même pas peur de me balader avec un inconnu !

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