samedi 5 septembre 2015

Rock de France : le jeu des 7 différences (vol. 1)

Le rock français dans toute sa diversité ou presque, c'est ce que vous propose au travers d'un parcours en 7 albums réussis par 7 formations sinon référentielles, au moins culte ou en voie de le devenir. 7 raisons d'oublier le fameux complexe d'infériorité envers des anglo-saxons supposés meilleurs juste parce que tout parait plus beau vu d'une certaine distance... Enjoie !

BiP BiP!
KitchenMen "What's Cooking" (2011)
ou "Le Rock à la Cuisine"

Après deux albums solo largement satisfaisants mais n'ayant malheureusement pas, comme on dit, rencontré leur public (Oulipop et Double Fond), Frandol revient sur des terres qu'il a jadis longuement arpenté avec ses délicieux Roadrunners: celles d'un (pub) garage rock gorgé d'influences sixties qui va droit au but sans se soucier d'être taxé de revivalisme à outrance (ce qu'il revendique fièrement de toute façon).
Et c'est en définitive une bonne nouvelle même si on aurait bien voulu quelques prolongations de Frandol en solo et en français (à l'avenir, qui sait ?). Une bonne nouvelle parce que la verve qui habitait les Roadrunners dans les années 80 est ici restaurée tant par des compositions inspirées qu'une production tout à fait appropriée (old school, quoi). Et il n'en faut pas plus pour que ces 41 minutes de rock simple et franc du collier, aux mélodies entêtantes et aux arrangements gorgés de références temporelles et d'un orgue si typique et omniprésent (sans parler du chant Frandol évidemment immédiatement identifiable quoiqu'il le partage avec l'organiste Fredovitch) s'avèrent la réussite qu'on attendait d'autant moins qu'il faut un petit bout de chance pour ne serait-ce qu'avoir entendu parler des KitchenMen honteusement sous-médiatisés. Allez, pour faire la fine bouche, on regrettera juste un léger essoufflement sur la fin de parcours mais rien qui n'empêche de pleinement goûter à ce retour des Roadru...à ce premier jet des KitchenMen, pardon, en lui souhaitant une nombreuse et saine descendance.
En résumé, les KitchenMen, c'est simple, c'est efficace, ça ne paye pas de mine mais ce n'est pas loin d'être ce qui se fait le mieux, dans le genre, en notre beau pays. Certes, ça ne fait pas avancer le schmilblick mais on n'en attendait de toute façon pas ça, et du coup, on recommande !

1. Digitalin 2:39
2. Philicorda 2:57
3. Hey Pretty Girl 3:14
4. Phéromones 3:19
5. Shakin' Hands 2:42
6. Welcome to Your Land 3:38
7. Le Jardin des Délices 2:01
8. B-Side of My Life 3:22
9. Thru with You 3:47
10. The Killing Kind 3:41
11. Eye of the Cyclone 1:47
12. Another Bite 3:19
13. Evil Alive 4:30

Frandol: chant, guitare
Fredovitch: orgue, chant
Maître Sylvain: basse
Mister Marshall: batterie
Nicolas Pludwinski: batterie (3, 4, 11, 12)

KITCHENMEN

éToiLeS PuNK
Starshooter "Starshooter" (1978)
ou "A tout bombe !"

Punk et français ? Soyons clairs, avant 1978, ça n'existait pas. Et puis il y eu la vague, largement influencée par le déferlement de l'autre côté du Channel, avec ses Asphalt Jungle, Olivensteins, Métal Urbain... Et Starshooter, bien-sûr, ces petits lyonnais qui, formés au milieu des 70s sous le nom de Scooters (voir la reprise du Sweet Jane du Velvet Underground sur la mythique compilation Les Plus Grands Succès du Punk), allaient bientôt débouler sur les scènes et dans les bacs d'un hexagone qui ne s'attendait pas à ça.
Comme tout groupe de punk qui se respecte, la fondation de la carrière discographique de Starshooter s'établit sur un scandale quand, seulement une petite semaine après sa sortie, leur irrévérencieuse adaptation du Get Back des Beatles fut retiré de la vente par leur label, EMI, soucieux de ne pas froisser un des plus gros vendeurs de leur catalogue. La suite ? Un premier album accueilli comme un grand coup de frais dans une scène rock française aussi embryonnaire que sclérosée, un bon album de punk rock tout sauf original mais bien fichu ET dans la langue de Molière qui recueille l'assentiment de foules avides de soubresauts électriques excités.
Parce qu'il y a à faire dans le domaine sur ce premier long-jeu plein de fun et d'allant en particulier sur le tube, Betsy Party, accrocheur et entrainant qui ira jusqu'à se loger en tête des charts d'Europe N°1 comme on disait encore alors. En vérité, la recette est tout sauf étonnante, du bon rock'n'roll speedé et énervé par quelques jeune pousses qui jouent de leur instrument sans particulière virtuosité mais avec un enthousiasme absolument communicatif qui glisse même ponctuellement vers le rockabilly (Collector) ou un classicisme rock'n'rollesque bienvenu (Betsy Party, Inoxydable, Touche-la) et va même jusqu'à rentre hommage à un "grand frère", Serge Gainsbourg, dans une version délicieusement punkifiée de son Poinçonneur des Lilas. Le tout, 33 minutes de colère post-adolescente souvent rigolarde, nous sommes loin des contestations sociales d'un Clash ou d'un Crass, auxquels la réédition vinyl replica rajoute 3 titres (dont le fameux Get Baque), demeure, plus de 35 ans après sa sortie, une sacrée référence en matière d'électricité made in France.
Starshooter, sous l'impulsion de sa paire de leaders (Kent, le chanteur dont chacun connaît le beau parcours solo dans la "nouvelle chanson française", et Jello, un guitariste plus fin qu'il n'y parut initialement), fera rapidement évoluer cette urgence sonique vers plus de raffinement et de pondération n'hésitant pas, dès Mode leur second opus, à inclure des influences new wave et disco (c'est d'époque !) à son cocktail furibard avant de se séparer en 1981 après une troisième œuvre, Pas Fatigué, ne portant pas exactement bien son nom tant on y sentait la fin du parcours du groupe. Reste cette déclaration d'intention originelle, une galette qu'on continue de recommander à tous et plus particulièrement à ceux qui souffrent du complexe du "c'est toujours mieux ailleurs" et se rendront compte que, dès 1978, la scène française avait bien réagi et, à la manière de sa voisine britannique, évacué les dinosaures à grands coups de riffs électrisants.

1. Quelle crise baby 2:01
2. Jennie 3:04
3. Betsy party 3:13
4. A toute bombe 1:36
5. Photos 3:13
6. En chantier 2:07
7. Collector 1:27
8. 35 tonnes 3:51
9. Accident 1:12
10. Inoxydable 2:09
11. Macho 2:45
12. Le poinçonneur des Lilas 2:49
13. Touche-la 3:45
Bonus
14. Get baque 2:35
15. Pin up blonde 2:17
16. Otage dollars 2:28

Kent Hutchinson - guitare et chant
Jello - guitare
Mickey Snack - basse
Phil Pressing - batterie

STARSHOOTER

ViaNDe FRaiCHe
Les Garçons Bouchers "Tome 2" (1988)
ou "Des garçons biens sous tous rapports"

Amateurs de fines harmonies, de contrepoints savants, de mélodies ciselées, passez votre chemin ! Parce que si les Garçons Bouchers du massif et tondu multi-instrumentiste François Hadji-Lazaro ne manquent pas d'humour, ils ne font pas dans la dentelle, ou alors dans la dentelle sanguinolente.
Comme son nom l'indique, Tome 2 est le deuxième album de ces parisiens amateurs de chair fraiche et de riff gras, un album qui reprend les choses exactement là où l'éponyme les avaient laissées un an plus tôt à savoir dans un punk revendiquant fièrement ses origines jusque dans des choix de reprise (Marche de Ménilmontant et Viens sur le premier, Je ne regrette rien ici, Maurice Chevalier, Charles Aznavour et Piaf pas facile d'être plus traditionnaliste) qui même nettement dévoyées de leurs intentions originelles montrent l'intérêt jamais démenti d'Hadji-Lazaro pour la chanson française classique, fait que ne fera qu'appuyé un Pigalle encore plus versé dans ce genre de choses.
Evidemment, avec un nom pareil !, Les Garçons Bouchers ont, ici plus que nulle part ailleurs, une très nette tendance à tourner autour du thème de la bidoche comme démontré par trois des plus belles pièces de l'opus, Carnivore, Anthropophage et Chambre Froide, dévolues à, dans l'ordre, l'amour de la viande, l'amour de la viande humaine et l'amour de la viande humaine pour des pratiques sexuelles déviantes particulièrement ragoutantes. Mais comme tout ceci est fait avec humour et sans mauvais-goût (oui !) et que le résultat est éminemment, ça passe comme une lettre à la poste. Outre cette quasi-obsession de la matière carnée, Hadji-Lazaro, chef omnipotent de la bande, développe des thèmes où son talent de plume fait la différence : l'adaptation du Rock'n Roll de Gary Glitter sur les faux rebelles, Toutes des Putes Sauf..., chanson féministe bien sentie, Paris Paris Paris, sur une capitale qui n'a pas fini d'empirer, etc. Musicalement, outre les inflexions punkoïdes majoritaires, il y a des tentations folkloriques venant agréablement épicer cette belle plâtrée, tout sauf étonnant sachant que François donna précédemment dans la folk, qu'on retrouve un peu partout mais plus précisément sur Paris Paris Paris (ce violon !) ou La Bastringue (détournement de Savez-vous planter des choux dédiée à un récent voyage chez nos cousins canadiens francophones).
Tout ça nous donne un album presque parfait pour le genre (on appréciera moins quand les GB glissent vers l'ultra-violence comme sur Je voudrais te faire peur et Pogo d'enfer, les deux "ratages" de la galette), où humour et préoccupations sociales font excellent ménage et où la musique n'est pas aussi primitive qu'on pourrait le penser, un classique de l'explosion rock alternative française des années 80 chaudement recommandé.

1. Je ne regrette rien 2:05
2. Rock'n roll 2:25
3. A cause du slow 2:54
4. Je voudrais te faire peur 2:46
5. Carnivore 2:53
6. Le rap des garcons bouchers 4:43
7. Toutes des putes sauf... 2:35
8. Anthropophage 3:01
9. Chambre froide 2:13
10. Paris Paris Paris 2:06
11. La bastringue 1:38
12. Pogo d'enfer 1:35

Eric Listz : chant
Blank "Neige" : guitare
Daniel "Belavoine" : guitare
Riton "Mitzouko" : basse
François Hadji-Lazaro : violon, accordéon, sax alto, claviers, harmonica, guitare, flûte traversière, programmation batterie

LES GARCONS BOUCHERS

oH La La!
Cornu "Cornu" (1998)
ou "L'étrange animal"

Y en a qui on le dont de ne pas faire comme les autres, qui ne réunissent pas les instruments habituels, les textes convenus, les mélodies attendues et même les pochettes qui vont bien. C'est le cas de Cornu mené par l'ex-Forguette Mi Note Julie Bonnie (groupe qui révéla aussi l'extraordinaire Claire Diterzi)... Et tout ça en power trio, en plus !
Ayant dit ça, il faut décrire l'objet, pas simple. On pourrait dire que le violon y prend la place habituellement allouée à la guitare et il y a de ça mais pas seulement. On pourrait citer les textes souvent très intimes de Miss Bonnie (depuis devenue infirmière en puériculture et romancière à petit succès), c'est une composante essentielle de l'ensemble. On pourrait aussi évoquer une section rythmique (Alex, le frère de Julie, à la basse, un certain Ben Bernardi à la batterie) qui, un peu comme celle de l'Experience de Jimi Hendrix, a le rôle de suivre les délires de l'évidente tête de proue de la formation, on apprécie leur performance. Et la voix de Julie évidemment, un organe de "fausse chanteuse" allant du mutin au viscéral sans qui rien n'aurait vraiment été pareil. En chansons, puisque si la forme est libre le format choisi est celui habituel de la pop ou de la variété, ça donne une sélection allant du fun et groovy (J'ai besoin de tes mains, J'aime ma vie) à des explorations plus expérimentales mais non moins satisfaisantes (Pour vous retrouver un de ces jours, Je suis fière (mes fesses), Piercing) assimilables à ce grand fourre-tout qu'on appelle indie rock mais, ultimement, unique en son genre.
Pour comprendre exactement de quoi il s'agit, parce que la comparaison avec Louise Attaque est d'une rare fainéantise intellectuelle, le mieux sera de se frotter à cet animal unique, à cette formation qui ne fera hélas pas florès (trop bizarre, trop alien... trop différent !) et se séparera après un second album d'une qualité comparable mais moins surprenant (parce qu'on a alors déjà entendu Cornu). Que ceux qui plongeront soit assuré d'une chose, il n'ont jamais entendu ça avant !

PS : chanceux que vous êtes, j'ai allongé la sélection (l'album plus disponible depuis trop longtemps) de deux CDs hors-commerce qu'on obtenait à l'époque en rejoignant le "Cornu Club", ce que je fis. Au programme deux inédits de qualité (dont un Fax qui sent l'impro en studio) et 3 remixes réussis par Kid Loco. Elle est pas belle la vie ?

1. Accompagné 3:21 
2. Pour Vous Retrouver Un De Ces Jours 3:26 
3. Lisa 2:27 
4. J'Ai Besoin De Tes Mains 3:00 
5. Le Bar 5:08 
6. Je Suis Fière (Mes Fesses) 4:00 
7. La Magie 2:29 
8. Je Lève La Tête 2:56 
9. Youpi 2:25 
10. J'Aime Ma Vie 3:03 
11. Piercing 4:12 
12. Les Lutins (Je N'Ai Pas Voulu) 5:12
Bonus
13. Nous nous sommes embrassés 2:35
14. Fax 4:56
Remixed by Kid Loco
15. Je suis fière (mes fesses) 5:21
16. Youpi 5:25
17. Les lutin (je n'ai pas voulu) 3:46

Julie Bonnie - violon et chant
Alex Bonnie - basse
Ben Bernardi - batterie

CORNU

RoCK SuPReMe
Dogs "Too Much Class for the Neighbourhood" (1982)
ou "La classe"

La classe, ça ne s'apprend pas, tu l'as ou tu ne l'as pas. En matière de rock français, enfin de rock tout court mais originaire de notre beau pays, peu l'eurent autant que ces rouennais menés par l'excellent guitariste/chanteur Dominique Laboubée, les Dogs, évidemment.
Too Much Class for the Neighbourhood, un titre qui leur colle si bien à la peau, est le troisième opus de la formation, celui où ils font taire leur derniers détracteurs et justifient le soutien sans cesse renouvelé d'un organe de presse (Rock & Folk) les louangeant régulièrement, parce que, quelle classe, quelle énergie, quel songwriting aussi ! Pour l'occasion, le néo-quatuor, un second guitariste ayant rejoint le groupe entre l'excellent Walking Shadows et le présent, a traversé le Channel pour aller enregistrer, sous la direction de Tony Platt (un mec qui a bossé comme ingénieur du son ou producteur pour AC/DC, Bob Marley ou Trust sur Marche ou Crève), ce qui reste son opus le plus réussi. Le programme ? Du rock'n'roll !, mais pas bêta ou bas du front, du rock'n'roll qui sait glisser vers la pop (comme sur Sandy Sandy par exemple) sans perdre une once de crédibilité, du rock'n'roll qui riffe en finesse mené par la voix d'autant plus décisive de Dominique que le monsieur ne souffre pas d'un accent ridiculement camembert comme c'est le cas de tant de combos tentant la langue de Shakespeare sans en avoir les moyens. C'est d'ailleurs dans ce choix de départ, un choix qui fait sens vu la musique pratiquée, que réside la profonde injustice de l'insuccès hexagonal de ces Chiens tellement au-dessus de la mêlée, parce que, c'est bien connu, en France on chante en français (c'est idiot mais c'est comme ça). Revers doré de la médaille c'est aussi cette décision originelle qui permit au rouennais d'avoir l'opportunité de visiter moult territoires pour y déverser leur salvatrice énergie électrique et s'y faire, conséquemment, une réputation comme nulle autre formation française. Tout ça nous donne un album de rock absolument classique qui, un peu à la manière du pub rock de Dr. Feelgood mais en plus varié et encore meilleur, n'essaye absolument pas de réinventer le feu mais s'en sert avec un talent tout à fait indéniable.
Groupe maudit jusqu'à la brutale disparition de son leader, à seulement 45 ans, suite à une massive crise cardiaque alors que la formation était en tournée aux Etats Unis, les Dogs restent le cultissime exemple d'une formation qui, avec un peu plus de chance et une origine moins exotique, avait tout pour percer internationalement. Reste la musique, et quelle musique !, du plus grand groupe de rock français de tous les temps, voilà, c'est dit, et plus particulièrement cet impeccable Too Much Class for the Neighbourhood, une galette éminemment recommandée.

1. Shakin' with Linda 2:40
2. Wanderin' Robin 2:57
3. The Most Forgotten French Boy 3:12
4. Gone Gone Gone 2:34
5. Sandy Sandy 2:41
6. Death Lane 2:24
7. M.A.D. 1:26
8. Too Much Class for the Neighbourhood 2:50
9. Home Is Where I Want to Be 2:37
10. The Train Kept-A-Rollin' 1:50
11. Hesitation 3:24
12. Lonesome Angie 2:18
13. Poisoned Town 3:03
14. When I Came Home 2:15
15. Dog Walk 2:24

Dominique Laboubée - chant, guitare
Antoine Masy-Perier - chant, guitare
Hugues Urvoy de Portzamparc - basse, chant
Michel Gross - batterie


DOGS

iNDé FieR
The Married Monk "R/O/C/K/Y" (2001)
ou "Outsider au titre"

Au rayon des outsiders qui avaient tout pour devenir des stars mais à qui la gloire se refusa toujours, je demande The Married Monk, groupe du partenaire régulier de Yann Tiersen (Christian Quermalet) et du fondateur de l'excellent duo krautrock/electronica Zombie Zombie (Etienne Jaumet) qui, quand sort le troisième album des rennais, R/O/C/K/Y, n'en est cependant pas encore. Bref, pour une fois, je vous laisse avec les mots d'un autre, ceux de Luz parus sur le webzine Sefronia :
"G/é/n/i/a/l. La roue tourne, préparons-nous à la recevoir dans la gueule : tapies à l'angle du bimillénaire, les années 80 préparent leur retour. Cravates fines en cuir à la Paul Young, maquillage et gants en dentelle Cindy Lauper, coiffures poireau-décoloré façon Kajagoogoo, les pages 'mode' nous envoient les premiers coups de semonce. La musique suivra, ainsi que l'espoir de Jeanne Mas de nous briser une dernière fois les noix en rouuggénoiiir. Mais version techno, faut savoir ressusciter avec son temps. Avec son imagerie d'album de slows à la Scorpions, la pochette du dernier The Married Monk est donc atrocement 'in'. Oubliez cependant les années 80. De cette bouche à rouge à lèvres pétant frappée d'un éclair surgissent les morceaux qui surlignent le mieux notre époque, une poésie complexe et pourtant si évidente... On en jurerait que "R/o/c/k/y" a accompagné notre intimité depuis déjà plusieurs années. Certes, deux autres magnifiques albums le précèdent ("There's the rub" et "The Jim side", chez Rosebud, une collection complète qui ne vous ruinera pas), avec toujours en son ventre Christian Quermalet, pote de Yann Tiersen, compositeur et arrangeur magicien, guitariste, pianiste et surtout chanteur sans précédent (cette voix claire et pourtant grave, avec cet accent qui pousse le sourire dans un coin). Mais en quoi cela prend-il tant au corps ? La subtile simplicité des mélodies (l'excellent reprise de "Sea song", de Robert Wyatt, précise leur filiation), mais aussi la richesse de ses arrière-plans musicaux. Chaque morceau des Married Monk est comme une photo trop floue accrochée devant son bureau et dans laquelle on prend plaisir à se perdre. Il est aussi rare de croiser un groupe qui sache prendre des risques. Ne parlons plus de la pochette, là, c'est plutôt un suicide, mais, à l'heure où il est payant de surfer sur la vague cubano-hispanico-salsa-muy-bueno, les MM nous livrent deux superbes chansons... en italien (dont une reprise de Lucio Battisti, le Dylan spaghetti), interprétées par l'autre chanteur-guitariste du groupe, Fabio Viscogliosi. Et pour un groupe français qui chante en anglais, c'est téméraire. Vous ne les connaissez pas ces Married Monk ? Cela fait pourtant des décennies que vous attendez leur "R/o/c/k/y"."
Voilà, vous savez ce qu'il vous reste à faire parce que, croyez-moi, les louanges de Luz ne sont pas excessives.
 
2. Stuck 4:01
3. Roma Amor 4:06
4. Holiday 3:19
5. Death In Savannah 2:44
6. A Life Of Ease 4:24
7. Painful Summer 5:34
8. Sea Song 4:13
9. A Spasso 4:33
10. Ola Mujeres 3:03
11. All I Have 2:58
12. Ancora Tu 3:48
13. Cyro's Request 2:31

Christian Quermalet
Cyril Quermalet
Fabio Viscogliosi
Jean-Michel Pirès
Philippe Lebruman
&

Vocals – Zoey Inch, Sir Clifton Taylor, Paula Needer, Pat Waters
Cello – Joey Burns
Strings, Vibraphone – Yann Tiersen

THE MARRIED MONK

B.o. SoN
NLF3 Trio "Music For 'Que Viva Mexico!'" (2006)
ou "Futur antérieur"

C'est sur les cendres des excellents Prohibition (écoutez donc 14 Ups and Downs de 1998 si vous ne me croyez pas), avec seulement un membre évanoui dans la nature, Quentin Rollet, que se forme ce NLF3 Trio (ou NLF3 tout court) groupe de musique expérimentale accessible, entre post rock et musiques électroniques, qui tente sur son troisième long-jeu le pari de créer une nouvelle bande son au méconnu et inachevé Que Viva Mexico! (dont une version sortira finalement en 1979) de Sergueï Eisenstein, un triomphe ceci dit en passant.
Concrètement, le projet remonte à 2004 quand, à l'initiative de la Fondation Cartier qui commissionna le projet, eut lieu une série de ciné-concerts où le trio interpréta sa musique sur les images d'un maître russe, le Cuirassé Potemkine c'est lui !, parti tester ses capacités à Hollywood. Musicalement, il y a l'évidente influence du légendaire Ennio Morricone (influence d'ailleurs totalement assumée par le groupe) mais aussi celles du jazz ou de l'ambient sans que ça n'en soit jamais vraiment. A partir de là, comme c'est d'ailleurs toujours le cas des musiques de films, on peut légitimement se poser la question de savoir si la musique, conçue comme une illustration sonore d'images absentes de la version audio peut se suffire à elle-même. Présentement, la réponse est un franc et massif oui. Franc et massif parce que la musique du trio, expressive autant qu'expressionniste, sait véhiculer de belles émotions à l'auditeur même privée de ses images qui bougent. Il n'y a pourtant rien de fondamentalement nouveau dans le cocktail rétro-moderniste élaboré par le trio, de petites mélodies entêtantes, d'autres plus éthérées, une instrumentation navigant entre les époques, les continents aussi (il y a forcément quelques échos latinos dans cette musique, vu le thème impossible de faire autrement) le tout passé au filtre post-rockant de musiciens aussi polyvalents que doués, pas exactement des prodiges de technique (quoique...) mais sachant texturer leur musique de moult instruments donnant une ampleur, une richesse assez inouïe à leur création.
Le mieux sera évidemment, parce que ce genre de musique se vit plus qu'elle ne se décrit, de se confronter à la chose et d'ainsi apprécier le talent de messieurs Laureau frères et Morillon parce que NLF3 est un secret trop bien gardé qu'on n'a de cesse de recommander aux amateurs de musique instrumentale de qualité très supérieure.
 
1. Tema principal 3:30
2. Prologo (el entierro del trabajador) 3:06
3. Sandunga 2:34
4. La boda 2:54
5. Abundio y concepcion 2:28
6. Las campanas 3:34
7. La fiesta terrible 4:38
8. La corrida 4:23
9. Bourgeoisie 1:00
10. Maguey 3:26
11. Adversidad 2:49
12. Tension en la camara lenta 3:15
13. Martires en la tierra 6:15
14. La soldadera 2:02
15. Epilogo 4:46

Nicolas Laureau - Fender Rhodes, guitars, synthesizers, glokenspiel, piano, microkorg, Theremin, melodica, dulcimer, bows, violin, ukulele
Fabrice Laureau - bass, voice, percussion, microkorg, casiotone, ukulele, guitars, drum machine
Ludovic Morillon - acoustic guitar, drums, bontempi, percussion

NLF3 TRIO

19 commentaires:

  1. Rock de France : le jeu des 7 différences (vol. 1)

    KitchenMen "What's Cooking" (2011)
    - http://www45.zippyshare.com/v/KEKLYfMQ/file.html

    Starshooter "Starshooter" (1978)
    - http://www45.zippyshare.com/v/SW7812vk/file.html

    Les Garçons Bouchers "Tome 2" (1987)
    - http://www45.zippyshare.com/v/nRqwrxPj/file.html

    Cornu "Cornu" (1998)
    - http://www45.zippyshare.com/v/1r5lCeuR/file.html

    Dogs "Too Much Class for the Neighbourhood" (1982)
    - http://www45.zippyshare.com/v/jFIq22oQ/file.html

    The Married Monk "R/O/C/K/Y" (2001)
    - http://www45.zippyshare.com/v/UxoNMYy8/file.html

    NLF3 Trio "Music For 'Que Viva Mexico!'" (2006)
    - http://www45.zippyshare.com/v/qV355nou/file.html

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  2. Grand merci pour le starshooter. Ce disque que je dois encore posséder en vinyle a beaucoup compté pour moi à l'époque. Je venais de commercer à travailler et j'allais partir dans l'est faire mon devoir à Contrexeville...c'est dire si j'avais besoin de décibels pour resister...à l'eau & aussi au froid de loup de l'hivers vosgien. La ligne de basse de Jennie me faisait penser à du Stranglers, c'est dire si j'aimais ca...J'ai même suivi Kent pendant des années (jusqu'à la Montée Bonafous). Donc après mon p'tit déj demain je me mets Quelle Crise Baby, juste pour voir si ca le fait toujours. Ph

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    1. Et alors ? Ca le fait toujours ?
      Merci de ton commentaire, aussi.

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    2. Ca le fait toujours & comment !, mais pour beurrer la biscotte le tempo est trop rapide...ca fait beaucoup de miettes surtout :) Ph

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    3. Ben quoi ?, tu n'aimes pas la chapelure au petit-déjeuner ? ^_^

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  3. Merci Merci. Je peux le dire maintenant la chanson collector, elle a ete ecrite pour moi.
    Thierry

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  4. J'ai particulièrement aimé la chronique sur les DOGS. Je ne suis pas dupe, à l'époque nous avions d'adhérer à la posture. D'autres potes trouvaient que l'accent franglais ne dégageait pas tant de classe que ça, que nous étions proche de la méthode Coué. Mais ces potes étaient plus vieux, la classe pour eux c'était Hendrix, Syd Barret. Qui portaient beau. Bon, c'est vrai que les Dogs avaient choisi un look plus proche de Robert Palmer. mais quand même. Quelle classe!!

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    1. Tout à fait ! Il faut le dire, le succès des Dogs, ou l'absence de, c'est une des plus grandes injustices de la scène rock française. Alors, certes, aujourd'hui, le groupe est culte mais Dominique est mort, ça lui fait une belle jambe...

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  5. Le Zorno, bonjour.

    Merci pour tous tes post de l'été…
    Mais juste une petite question :
    qu'entends-tu par
    "Lucio Battisti, le Dylan spaghetti" ?

    A bientôt pour la suite.

    Jean-Paul

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    1. Aussi révolutionnaire pour la chanson italienne (dans laquelle il infuse pas mal de folk) que Dylan dans son domaine. Vocalement, ce n'est pas ça, j'en convient et j'aurais sans doute dû préciser, trop tard.

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  6. Une belle diversité que voilà, je vais pouvoir me rattraper sur pas mal de choses, dont The Married Monk et Cornu (que j'ai largement ignorés à l'époque)....je connais (un peu) plus les carrières de Kent et François Hadji-Lazaro que leurs groupes alors c'est à (re) découvrir.... merci donc.

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  7. Révolutionnaire Lucio?
    A quand un spécial Aréa ?
    Ou plus simplement "Italie".

    Jean-Paul

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  8. Petit séance de chipotage: "Punk et français ? Soyons clairs, avant 1978, ça n'existait pas." Asphalt Jungle, Metal Urbain ou Stinky Toys ont déjà tous enregistrés l'année précédente...

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    1. Tout à fait ! D'ailleurs le single de Starshooter est de 77 aussi.

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