dimanche 13 avril 2014

France Dimanche (2)

Marc Ogeret "Chansons "Contre"" (1968/88)
ou "C'est la lutte finale !"


     Vous ne le connaissez probablement pas alors, avant de parler de l'album, commençons par une petite biographie empruntée au site du Centre National de Documentation Pédagogique (je sais, ça fait un peu peur) : "Marc Ogeret naît à Paris en 1932. Son père travaille au service santé du ministère de la Guerre et sa mère est couturière. Il suit sa scolarité aux lycées Montaigne et Louis Le Grand. À 17 ans, il abandonne ses études et devient apprenti dans une fonderie. Puis il travaille chez IBM et chez Renault. Poussé par une bande d’amis qui montent une troupe de comédiens, il abandonne son poste. En 1950, il entre au Centre dramatique de la rue Blanche. Il y reste trois ans tout en faisant la manche avec sa guitare aux terrasses des cafés. Il interprète Léo Ferré, Félix Leclerc et Jacques Douai. Pierre Prévert le remarque et lui donne sa chance. Il le fait passer en 1956 dans son cabaret La Fontaine des Quatre Saisons, dans le programme de Philippe Clay. En 1957, Marc Ogeret chante chez Agnès Capri. Il devient l’un des interprètes majeurs de la chanson poétique. Il consacre ses premiers enregistrements à partir de 1960 aux poètes Marc Alyn, Pierre Seghers, Louis Aragon, Luc Bérimont, André Salmon, Paul Gilson… En 1962, il reçoit Le Grand Prix de l’Académie Charles Cros. En 1965, il chante à Bobino en première partie de Georges Brassens. Il interprète Aragon aux Trois Baudets en 1966. Marc Ogeret a consacré de nombreux disques à des œuvres : Louis Aragon (1966, 1974, 1992), Jean Genet (Le Condamné à mort, 1971), Aristide Bruant (1978), Jean Vasca (1990), Léo Ferré (1999)... Il a aussi chanté la Commune (1968), des chansons contestataires (1968, avec notamment Le Métingue du Métropolitain, Gloire au 17e), la Révolution (1988, La Carmagnole, La Complainte de Louis XVI aux Français, La Liberté des nègres...), la Résistance (1990), et la mer et les marins (1970, 1996)." Voilà, ça situe le personnage, dans les grandes lignes en tout cas. Nous sommes donc clairement dans le côté gaucho-lettré pré puis soixante-huitard. Rien de mal là dedans, à mon avis et ce n'est pas Leny Escudero qui dira le contraire.

     En l'occurrence, ce Chanson "Contre", originellement prévu pour une sortie en avril 1968 sera repoussé... du fait des évènements naissants et de leur suite bien connue de toute la population française, ses pavés, ses barricades, ses jeunes gens et ouvriers prêts à  en découdre avec une intelligentsia sourde à leurs requêtes pourtant pas si excessives que ça. Une France paralysée, une France à la charnière entre hier et demain.  Mais donc, Chanson "Contre" ne verra le jour officiellement que quelques mois plus tard, 9 chansons traditionnelles ou historiques, 9 chansons de rébellion et d'insoumission ici supplémentées par 9 autres enregistrées en 1973 et 1980 qui couvrent évidemment les mêmes préoccupations, le même univers frondeur et résistant.
     Musicalement, la facture de l'ensemble des sessions, quelque soit leur date, tend vers un extrême classicisme de la chanson française à texte, à texte résistant, bien sûr ! Le chant est donc l'atout principal de la galette et, dans le genre, Marc Ogeret se pose un peu là avec sa voix franche et ses interprétations millimétrées et passionnées mais sans emphase excessive, bien supportées par quelques orchestrations discrètes typiques de la chanson "à texte" si chère à l'exception culturelle française. Si la voix d'Ogeret est indéniablement l'atout de Chansons "Contre", c'est bel et bien le matériau sélectionné qui en est la vedette absolue.
     Evidemment, une petite connaissance de la période à laquelle les chansons ont été composées ne nuira pas à l'appréciation de leur parfaite interprétation. En l'occurrence, datant d'après la commune et d'avant la Première Guerre Mondiale, elles sont le reflet d'une France en changement, une France encore largement rurale mais où l'industrie et la prospection minière créent des pôles de concentration humaine, et des concentrations de mécontentement, de grogne, forcément. Parce que la "Belle Epoque" est aussi une période de scandales politico-financiers, le début d'un certain capitalisme triomphant brulant inconsidérément son combustible humain, et Monsieur le Curé, complice implicite de l'ordre établi comme de l'ordre s'établissant, et de l'état qui veut que des frères humains se battent pour des intérêts qui ne les touchent pas. On trouve tout ça dans Chansons "Contre", collection rouge et noire résonnant plus qu'on ne le penserait avec les maux modernes.

     Un vrai bel album à la facture classique lui ayant permis de ne pas prendre trop de rides avec de bons bouts du patrimoine historique français ? Ca ne se refuse pas. Merci M. Ogeret.


1. Le Déserteur 3:40
2. Nos vingt ans 4:40*
3. Le Conscrit 4:39*
4. Révision 4:18*
5. Les conscrits insoumis 3:20
6. J'avions reçu commandement 2:06**
7. Gloire au 17e 3:15
8. Faut plus de gouvernement 2:40
9. Plus de patron 1:20
10. Le Triomphe de l’Anarchie 5:45
11. La Marseillaise anticléricale 6:15
12. La Carmagnole 3:33**
13. L'Expulsion 3:25
14. 1er mai 2:27*
15. La Chanson du Père Duchesne 2:54*
16. Le père Lapurge 3:15*
17. Fille d'ouvriers 3:40*
18. Le métingue du métropolitain 3:20
* bonus, enregistrement 1980
**bonus, enregistrement 1973


Marc Ogeret - chant
Michel Villard - arrangements, direction d'orchestre
André Clergeat - réalisation artistique

l'arrière de la pochette (édition originale)

4 commentaires:

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    1. Ce n'est pas forcément toi que j'attendais sur ce terrain mais, bon, enjoie, quoi... ^_^

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  2. A peu près tout ce que je déteste dans la chanson française, donc je passe... :)

    Sinon, j'ai découvert après coup la semaine Zorn, il va me falloir un peu de temps pour digérer ceux que je ne connaissais pas, mais, c'est du tout bon, merci bien !

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    1. Ce que je déteste dans la chanson française c'est la bêtise, personnellement.

      Et je t'en prie pour la semaine Zorn (n'hésite pas à y commenter !). Bientôt la suite ! ;-)

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