dimanche 17 mai 2015

Zorn en Voix... Zornophagie 2015, Volume 4

L'occasion était trop belle ! Avec deux albums d'affilée donnant la place centrale à la voix, une rareté chez Zorn, j'ai décidé de revenir sur quelques épisodes "chantés" de sa discographie. Montagnes russes en perspective, émotions tous azimuts... Enjoie !

ZoRN eN PoP (ou PReSQue)
John Zorn "The Song Project - Live at LPR" (2015)
ou "Zorn et les Zornettes"

J'avais été moyennement convaincu par la performance du Song Project à la Cité de la Musique lors de la journée marathon célébrant les 60 ans de l'ami John Zorn à Paris. Mais le concert était arrivé tard, il avait fallu rester debout (à nos âges !), tout ça pour dire que quand la tête n'y est plus vraiment, il est toujours difficile de prendre vraiment du plaisir. N'étant plus, non plus, de ceux qui continuent à pouvoir encore jouer du vinyl à la maison, j'étais malheureusement passé à côté du coffret des EPs qui contiennent les versions studio du projet (on attend la version cd ou, à minima, dématérialisée !).
Mais qu'est-ce donc que ce Song Project, vous demandez-vous sans doute ? L'adaptation de quelques instrumentaux du maître par quelques vocalistes émérites pour les transformer en chanson. Simple, non ? Un peu moins quand on connaît le catalogue zornien mais pas impossible tant il y a moult mélodies mémorables à disposition. Vous pourrez y rajouter le recyclage de quelques pistes du catalogue (de chez Naked City en particulier) mais l'essentiel est neuf, dans sa version "en voix". Sans vraiment de surprise, on y retrouve Mike Patton (qui a déjà été d'Hemophiliac, de Naked City sur la fin, des Dreamers le temps d'une chanson de Noël et, évidemment, de Moonchild et de ses sept albums, etc., un habitué, quoi !), Sofia Rei (croisée chez Mycale), plus surprenante est la présence de Jesse Harris dont certains connaissent peut-être les albums solo (un bonne douzaine depuis 1995) ou l'on croisé dans ses apparitions chez Bright Eyes, Norah Jones ou Madeleine Perroux, souvent en tant que compositeur, enfin, du sang frais chez Zorn, quoi.
Et ça donne quoi ? Comme précisé plus haut, j'avais été moyennement enthousiaste lors de la performance parisienne du projet c'est donc, fait rare !, avec une certaine appréhension que j'injectais le disque d'argent dans la tiroir approprié et appuyait sur la fatale touche "play". Pouf ! Evaporés les doutes, envolées les réserves, c'était bien la fatique !, la performance est là, pleine et entière, démonstration exemplaire que les mélodies du stakhanoviste new-yorkais sont soluble dans la variété... J'exagère à peine. Parce qu'indéniablement, outre deux emprunts au catalogue Naked City, c'est du versant ear-friendly de la monumentale œuvre que les paroliers/vocalistes se sont inspirés. Le groupe de circonstance, basiquement les Dreamers avec Saft remplacé par Medeski, est de toute façon taillé pour ça d'autant que beaucoup de ces musiciens ont déjà "dans les doigts" ce répertoire dans sa version instrumentale. Avec le terrain ainsi préparé, la combinaison des deux, la musique et la voix, se fait sans anicroche, smooth as silk. Les meilleurs moments ? Un tout doux et latino Sombra en el Espejo adapté d'un thèmes de la Filmworks d'El General (volume XXIII) où Sofia Rei pose son velours de voix avec classe et sensualité, The Wind in the Clouds merveille jazz pop bien servie par la voix douce-amère de Jessie Harris (et adapté cette fois d'une piste d'Alhambra Love Songs), Perfect Crime qui, adapté du Book of Angels de Bar Kokhba (Lucifer) et doté de paroles écrites par Sean Lennon, déjà originellement superbement mélodique, se prêtait idéalement à l'exercice et où un Marc Ribot, en plus !, vient plaquer un de ces soli en extase dont il a le secret, Para Borrar tu Andar (également La Flor del Barrio sur The Gift) où la rencontre entre Mike Patton et Sofia Rei sur une mélodie tendrement sud-américaine viendra enchanter l'auditeur, ou encore The Man in the Blue Mask qui, de l'easy-jazz entendu sur le O'o des Dreamers, se mue en parfait écrin jazz et rock (cette explosion !) pour un Mike Patton en belle forme vocale mélodique, et encore Ribot au solo divin ! En vérité, ce ne sont que quelques exemples d'une tracklist qu'on s'enfile, encore et encore, avec un vrai grand plaisir. Et une exemplaire démonstration à destination de ceux qui pensent que Zorn ne sera jamais leur tasse de thé, ce live est là pour les faire changer d'avis et, va savoir, leur ouvrir un nouveau monde de délices musicaux...
En attendant, et au risque de me répéter, d'avoir accès aux enregistrements studio, ce live enregistré dans une salle de Manhattan répondant au doux sobriquet de "Le Poisson Rouge" est un parfait placébo dont la réalisation technique précise, le "livretage" complet et bien troussé, et la contribution au catalogue zornien satisfait, on n'en attendait pas tant, enfin, moi en tout cas. Recommandé.

1. Flying Blind 2:04
2. Sombra En El Espejo 5:34
3. The Wind In The Clouds 3:50
4. Perfect Crime 4:55
5. Kafiristan 3:57
6. Para Borrar Tu Andar 4:32
7. Do Not Let Us Forget 2:37
8. La Despedida 3:24
9. Burn 1:53
10. Waiting For Christmas 5:28
11. The Man In The Blue Mask 5:05
12. Assassin's Bay 4:52
13. End Announcements 0:53

John Zorn - conductor
Jessie Harris - vocals
Mike Patton - vocals
Sofia Rei - vocals
Cyro Baptista - percussion
Joey Baron - drums
Trevor Dunn - bass
John Medeski - organ, piano, fender rhodes
Marc Ribot - guitar
Kenny Wollesen - vibes

(un instant du) SONG PROJECT
4 FiLLeS PouR ZoRN

John Zorn/Mycale "Gomory: Book Of Angels Volume 25" (2015)
ou "Retour en voix"

On ne pensait pas les retrouver, on se disait que Mycale, le 13ème chapitre du Book of Angels, serait un malheureux one-shot. Malheureux parce qu'excellent et donc, forcément, logiquement, appelant à la suite, dans la même série ou pas d'ailleurs.
Or donc Mycale est de retour, avec une vocaliste partie et une autre arrivée (Basya Schechter s'en va, Sara Serpa la remplace), avec son nouveau Livre des Anges ! Ce n'est d'ailleurs pas la première formation à avoir l'insigne honneur d'un rappel "masadien" puisque, déjà, le Masada String Trio a réalisé l'exploit, ça n'en est pas moins une excellente surprise.
Comme son devancier, Gomory, ci-devant 25ème volume de la série, est un album court, mais un peu moins heureusement, un album à fleur de peau, aussi, où la délicatesse le conteste à la beauté, où la sensualité le dispute à la grâce. De fait, si l'attente de chaque nouveau chapitre de la série se fait avec le présage d'un appétit musical déjà potentiellement comblé, icelui a une saveur particulière, un arome de madeleine proustienne, une impression de paradis perdu et enfin retrouvé. Et donc, sans surprise, retrouve-t-on les polyphonies multilingues de mesdames Gottlieb, Serpa, Zarra et Rei et nous laissons nous emporter par les volutes vocales que les accords de leurs cordes vocales rendent possibles.
Bref, on ne devrait pas avoir plus à en dire... Ceux qui avaient apprécié Mycale s'y retrouveront assurément, ceux qui ne connaissent pas encore la formation et ses œuvres feraient bien d'y plonger, et les autres, les insensibles qui n'ont pas encore cédé aux charmes envoutants de ce monsieur et de ces dames, ils se voient offrir une belle opportunité de réviser leur jugement. Parce que Gomory, aussi réussi que son prédécesseur, mérite toute votre attention, vraiment !

1. Huzia 4:47
2. Tzadkiel 3:28
3. Mumiah 3:45
4. Yofiel 4:19
5. Peliel 4:10
6. Achusaton 3:23
7. Qaddisin 4:54
8. Belial 2:32
9. Grial 3:23
10. Shahariel 4:58
11. Paschar 1:46

Ayelet Rose Gottlieb - vocals
Sara Serpa - vocals
Malika Zarra - vocals
Sofia Rei - vocals

MYCALE

La BiBLe éRoTiQue (By ZoRN)
John Zorn "Shir Hashirim" (2013)
ou "Vocalises pour un cantique"

Zorn et la voix, ce n'est pas exactement une grande histoire d'amour... A brûle-pourpoint, on rappellera un filmworks (The Last Supper) ou un Livre des Anges (Mycale), pas une occurrence folle, donc, plutôt une rareté qu'il faut accueillir comme telle, avec tout le plaisir de croiser un phénomène rarement rencontré.
Formellement, Shir Hashirim est court, trop court : 31 petites minutes qui passent comme un rêve. Concrètement, c'est l'unisson de cinq voix féminines - The Sapphites, déjà croisées sur Frammenti del Sappho en 2004 - d'un compositeur à la fois libre et sous influence et, ne l'oublions pas, de dessins érotiques signés Auguste Rodin (preuve supplémentaire, s'il en fallait, de la francophilie de Zorn) pour illustrer le (bel) objet. Musicalement, c'est une démonstration de plus du rétro-modernisme d'un compositeur n'hésitant pas à allier les madrigaux médiévaux au minimalisme contemporain et à une érotomanie débridée. Le résultat, aussi savant que sensuel, se laisse assez facilement apprivoiser enluminé qu'il est de la grâce palpable de cinq dames de gorge vocalisant passionnément l'imagination de leur compositeur en 8 pistes évocatrices et éthérées. On y retrouve, évidemment !, la faconde mélodique d'un Zorn incroyablement jamais en panne d'inspiration.
Sans paroles, ne vous laissez pas prendre par les titres définissant chaque étape de cet orgasme auditif, si Shri Hashirim n'ouvre pas forcément de nouvelle voie dans l'univers zornien, il satisfait au-delà des espérances par sa grâce et son harmonie jamais démentie. Une réussite (de plus !).

1. Kiss Me 4:08
2. Rose of Sharon 3:10
3. At Night in my Bed 3:45
4. How Beautiful You Are 3:07
5. I Have Come into my Garden 5:21
6. Where Has Your Lover Gone 3:45
7. Dance Again 3:36
8. O, If You Were Only My Brother 4:07

Lisa Bielawa - voice
Martha Cluver - voice
Abigail Fischer - voice
Kathryn Mulvehill - voice
Kirsten Sollek - voice

(En live à la Cité de la Musique, ça ressemblait à ça.
Ici, il n'y a que les voix chantées (les filles du milieu))

4 FiLLeS PouR ZoRN (PRéQueL)
John Zorn/Mycale "Mycale: Book of Angels Volume 13" (2010)
ou "Premier Chant"

Clairement un OVNI dans une série où le chant a rarement voix au chapitre, Mycale, 13ème Livre des Anges, est une beauté fragile, éphémère...
Interprété par un choeur de quatre chanteuses, dont Basya Schechter souvent croisée dans la série Radical Jewish Culture de Tzadik où elle publie notamment ses œuvres solitaires, Mycale est un One Shot (plus maintenant ! NdA), un projet rêvé par l'ami Zorn sans doute en quête "d'autre chose"... Si l'idée est fameuse, sa concrétisation ne l'est pas moins. Certes, il faut un temps d'adaptation - on n'a pas l'habitude d'entendre Zorn ainsi interprété - mais le bonheur est indéniablement au bout du chemin. Ces quatre voix s'harmonisent à la perfection retranscrivant la douleur, la joie, la nostalgie de l'âme humaine sur des mélodies d'inspiration moyenne-orientales et est-européennes classiques du répertoire zornien et présentement arrangées par les quatre dames qui fourbissent même quelques armes de leur cru comme sur l'apaisant Ahaha où d'andalouses tentations apparaissent. Et ce n'est qu'un exemple d'une lecture très libre des compositions du maître. Le parti-pris a capella, qui ne doit pas faire fuir !, donne une atmosphère rêveuse, sensuelle qui, si elle ne correspondra pas à des ambiances agitées, appellera au recueillement, à la contemplation quand on l'écoutera dans les bonnes circonstances... Qui sont nombreuses.
Essentiel ce Mycale si particulier ? Sans doute pas le premier Book of Angels qu'on conseillera (le Lucifer de Bar Kokhba ou le Xaphan de Secret Chiefs 3 auront la préférence) mais une addition intéressante et créative à une série où la médiocrité n'a pas court et, par conséquent, recommandable et (très) recommandé.

1. Uzziel 3:07
2. Ahaha 2:51
3. El El 2:18
4. Tehom 2:25
5. Moloch 2:28
6. Balam 3:11
7. Melech 2:46
8. Tarshish 4:00
9. Asaph 3:17
10. Rumiel 2:53
11. Natiel 4:11

Ayelet Rose Gottlieb - vocals
Basya Schechter - vocals
Malika Zarra - vocals
Sofia Rei - vocals

MYCALE (en live)

VoiX eT iMaGe
John Zorn "Filmworks XXII: The Last Supper" (2008)
ou "L'art de la voix"

Un peu comme Mycale (13ème levée du Book of Angels), The Last Supper est une partition pour voix, majoritairement féminines en l'occurrence, une rareté pour un compositeur qui s'est relativement rarement frotté au chant ce qui, aux vues de ses trop rares incursions dans l'exercice et de leur qualité, est regrettable.
Pour accomplir sa « mission », Zorn choisit de reprendre quasi tout l'ensemble qu'il avait utilisé pour Frammenti del Sappho (sur Mysterium) y ajoutant Caleb Burhans, seul élément vocal masculin, et de s'enrôler, aux côtés de son vieux compagnon Cyro Baptista, aux percussions. Musicalement, c'est à une partition entre ambiance rêveuse, faux-peplum mystique et tribalisme avant-gardiste auquel nous avons affaire à savoir une musique emprunte, forcément !, d'une touche d'orientalisme, de vocalises quasi-liturgiques (et pourtant si profondément païennes) et de transes et bruitages percussifs qui, sans détonner du corps de l'œuvre zornienne, parvient à surprendre et qu'on rapprochera volontiers, c'est l'évidence, d'un autre grand compositeur New Yorkais : Steve Reich. On a vu pire comme comparaison, avouez.
Comment tout ceci fonctionne-t-il sur le film du français Arno Bouchard qu'il est sensé illustrer - une machin expérimental résumé ainsi « Un homme entre dans un lieu mystérieux peuplé de femmes. En faisant l'amour avec l'une d'elles, il va changer de sexe et devenir Femme. Il va ainsi accéder à la création et au pouvoir d'enfanter. Il sera jugé non pour ce qu'il est, mais pour ce qu'il veut devenir : Dieu. » -, n'en ayant vu que le teaser je serai bien en peine d'avoir quelque avis que ce soit... A l'écoute il est évident que le score de Zorn, aussi inhabituel que bienvenu, se suffit largement à lui-même et nous entraîne, prisonniers volontaires, dans un délicieux trip vers un autre monde.

1. Somnambulisme 2:12
2. Opening Invocation 2:13
3. Virgin Sacrifice 3:25
4. Vespers 3:37
5. Spiral 3:17
6. The Last Supper 1:55
7. The Colors of Blood 2:47
8. Sexaltation 2:35
9. Dance for the Vernal Equinox 1:35
10. Tarot 1:43
11. Time Travel 2:27
12. Le Diable 2:01
13. Exhaltation 2:01
14. Futur Primitif 5:34
15. Blood Ritual 2:39
16. In Alium 6:29

Cyro Baptista: percussion
Lisa Bielawa, Caleb Burhans, Martha Cluver, Abby Fischer, Kirsten Sollek: voices
John Zorn: percussion, composition, direction

KIRSTEN SOLLEK

ZoRN eST Fou (MaiS PaS SeuL !)
John Zorn & Yamataka Eye "50th Birthday Celebration Volume Ten" (2005)
ou "Sci-fi-Dada"

Construire en duo, une voix (souvent électroniquement trafiquée), des samplers et un saxophone, avec tout juste un technicien (qui doit aider à contrôler les effets, suppose-t-on)  et un guitariste invité (un fou de plus, pas de trop !), une abstraite bande originale d'un improbable film de science-fiction n'est pas, si on veut que ça reste à minima écoutable, donné à tout le monde. C'est le défi que semblent s'être lancé John Zorn et Yamataka Eye (de Boredoms, croisé aux côtés de Zorn chez, entre autres, Naked City) sur le volume 10 des enregistrements de la série de concerts organisés pour célébrer le demi-siècle du compositeur New-Yorkais.
Le résultat est aussi étrange qu'attrayant, certainement pas aisé mais pas pour autant inabordable, c'est d'une musique assurément alien dont il s'agit mais plus de celles qui interpellent que de celles qui rebutent. Parce qu'en plus d'offrir quelques vignettes mélodiques perdues dans le chaos (et qu'on retrouve à chaque écoute avec le même plaisir qu'un archéologue trouvant un os particulièrement intéressant) et un vrai beau sens de l'humour permettant de faire d'autant plus aisément passer l'extraterrestre pilule. Décrire cette musique ? Des textures électroniques, de drôles de sons vocalisés par Eye, un sax tantôt caressant, tantôt dissonant, génialement maîtrisé par un Zorn en plein trio (M.S.T.G.L., quelle fête), d'étranges décrochages digne d'une conversation à la Mos Esley Cantina de Tattoine, et quelque chose d'Ed Wood dans un "nimportnawesquement" bricolo qu'on ne voudrait pas, à la réflexion d'écoutes présentes et passées, autrement. Vous voyez maintenant ? Forcément, décrire l'indescriptible, coller un label tel qu'avant-garde noise jazz electronica cartoonesque (ce qui ne veut ç peu près rien dire pour le commun des mortels) est un maximum auquel le chroniqueur se verra bientôt confronté. Fatalitas !
Mais l'expérience mérite qu'on s'y perde, qu'on laisse surgir les bulles d'imagination qui viendront peupler cet étrange fracas, ce délicieux bordel aussi, que vous soyez ou pas le public à priori visé par telles exactions, tentez ! osez ! il y a de fortes chances que vous soyez récompensés bien au-delà de vos espérances.

1. Postiviva 9:30
2. M.S.T.G.L. (Moneysextripgodlove) 6:45
3. Big Muff Dive 8:28
4. Microwaveable Empty Highway 5:13
5. Sun See Soon 9:21
6. Choronzone 5:04 

Yamataka Eye - voice, electronics
John Zorn - alto saxophone
Sawai Taeji - technician
&
Fred Frith
- guitar (5)

Yamataka Eye

ZoRN eST Fou (MaiS TouJouRS PaS SeuL !)
John Zorn/Hemophiliac "50th Birthday Celebration Volume Six" (2004)
ou "Gorge en feu, sax possédé et laptop obscur"

Le power trio le plus atypique et ridicule du monde ? Ridicule dans le sens exclamatif qu'en font nos amis d'outre-Atlantique soit plus "étonnifiant" que risible, évidemment, on a tout de même affaire à des artistes ici, que diable ! Mais enfin, reconnaissons, ce n'est pas à mettre entre toutes les oreilles et, même pour le féru d'avant-garde bruitiste, un effet prolongé semble peu recommandé...
Ca fait peur ? Ca devrait ! Enfin, peur parce que la musique à ce niveau de folie furieuse, c'est loin d'être courant et loin d'être aisément "digestible" aussi. Comme l'album éponyme qui a précédé de deux ans (et qui n'est pas simple du tout à trouver, confiné à une édition limitée chez Ipecac, chez Patton, et Tzadik, chez Zorn, qu'il était), c'est une œuvre sans compromis, que ce soit à l'harmonie ou au confort auditif de l'auditeur, pas plus qu'au confort typographique du chroniqueur perdu dans les signes sans queue ni tête qui forment les titres de ses "découpages". Pour comparer, pour situer soniquement aussi, on dira que Zorn n'y fait pas autre chose que dans son Classic Guide to Strategy, torture du saxophone pour entendre ce qu'il est possible d'en sortir, ou dans l'Art of Memory concocté avec Fred Frith, ce dernier remplacé par les élucubrations vocales d'un Patton avec, en bonus, les textures électroniques de Miss Mori. et même quelques moments plus "ambient", apaisés comme sur <←^→> (numéro 5), mais c'est rare, fort rare. Alors, forcément, ça fait quelque chose, quelque chose de... bizarre, c'est le mot.
Pour ce genre d'Objet Musical Non Identifié, rien ne remplace l'expérience d'une écoute. Pourquoi ? Parce que cette grâce chaotique, ce déchainement nonsensique, en substance, ne se décrit pas, il se vit. Si vous vous en sentez l'estomac, en gros si le bruit et la fureur ne vous effraient pas, c'est un voyage à accomplir... Dont on ne sortira pas tout à fait intact sans savoir si, vraiment, on a aimé ou pas. Drôle d'album...

1. @:<>:@ 7:26
2. +(=&^)+ 7:02
3. ////////\////\/ 4:43
4. ++*s+s++ 9:33
5. <←^→> 9:45
6. ','"..?<<~-~>>o" 6:14
7. []=[]=[]=[] 5:01

Ikue Mori - electronics
Mike Patton - voice
John Zorn - alto saxophone

HEMOPHILIAC

9 commentaires:

  1. Zorn en Voix (Zornophagie 2015 volume 4)

    John Zorn "The Song Project - Live at LPR" (2015)
    - http://www14.zippyshare.com/v/rmZZawcZ/file.html

    John Zorn/Mycale "Gomory: Book Of Angels Volume 25" (2015)
    - http://www14.zippyshare.com/v/MmHDj3Dg/file.html

    John Zorn "Shir Hashirim" (2013)
    - http://www14.zippyshare.com/v/CmecoAKZ/file.html

    John Zorn/Mycale "Mycale: Book of Angels Volume 13" (2010)
    - http://www14.zippyshare.com/v/pdnu59TY/file.html

    John Zorn "Filmworks XXII: The Last Supper" (2008)
    - http://www14.zippyshare.com/v/VDP7m2g6/file.html

    John Zorn & Yamataka Eye "50th Birthday Celebration Volume Ten" (2005)
    - http://www14.zippyshare.com/v/PN3ymU3a/file.html

    John Zorn/Hemophiliac "50th Birthday Celebration Volume Six" (2004)
    - http://www14.zippyshare.com/v/ebW6pwQL/file.html

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  2. Un peu de temps pour me balader chez toi et donc ce Zorn, le Book. Je note que tu pousse ton lyrisme pour Monsieur Zorn au delà de tes retenues habituelles. De l'émotion dans ton écrit.

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    1. Faut croire que Zorn m'émeut. Non, en fait, c'est sûr !, sa musique me transporte ! Un bon BoA à toi et merci de ton commentaire.

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  3. Oh non, encore un BoA avec Mycale :/ J'avais pas du tout aimé le premier tome et surtout il y a tellement de groupes, de possibilités que je trouve ça vraiment dommage de redonner un tome du Masada Volume II à un artiste qui a déjà eu un premier tome (surtout qu'il ne reste plus tellement de cds à attendre de cette série :(( )
    Bon merci en tout cas, je prends pour tester malgré tout, ainsi que le Song Project qui m'intrigue !

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    1. Ha ben, je suis désolé pour toi. J'avais beaucoup aimé le Mycale, ce fut donc une bonne surprise de les retrouver pour un second BoA même s'il est vrai, et là je te rejoins, qu'on souhaiterait entendre de nombreuses formations se coller à l'exercice. Comme ce Guillaume Perret qui ne se fera malheureusement pas.
      Enfin, personnellement, je ne crache jamais sur un BoA quelque soit la formation à l'affiche.
      Enjoie le Song Project Live et n'hésite surtout pas à revenir pour commenter ton expérience d'icelui.

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    2. Plus j'écoute le Song Project et plus je le trouve merveilleux, et pourtant je suis plutôt un partisan de la musique instrumentale en général mais là, force est de constater que les voix apportent un "truc" en plus. A part la piste 1 avec un Mike Patton caricatural (mais je n'ai jamais été trop fan de ce type), le reste c'est du tout bon !

      PS : Pas sûr que quelqu'un ne lise un jour mon commentaire :)

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    3. Il aura été au moins lu par l'auteur du blog ! ^_^

      De ton avis pour le Song Project, j'avais peur d'un collage artificiel ou un peu facile, c'est l'impression que j'en avais partiellement eu en concert sans rien n'en avoir écouté précédemment, il n'en est rien !

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