samedi 26 septembre 2015

70s Progressive Rock (10 ans, 10 albums, Liste D)

Comment ça y a pas que du rock progressif ? Allez, j'avoue, j'élargis un peu le spectre pour cette 4ème liste, pas parce que je manquais de référence (on peut encore aisément cocher chaque année d'un album authentiquement prog rock) mais parce que, dans ces bouillantes 70s, il n'y a pas que le rock qui progresse, cherche de nouvelles pistes pour le bonheur des auditeurs d'alors comme d'aujourd'hui. Ca nous fait une jolie liste qui s'ouvre même à un nouveau territoire, l'italie. Autre chose ? Ha, oui... Enjoie !

1970
Miles Davis "Bitches Brew (remaster)"
ou "Quand Miles progresse... à pas de Géant"

Pour Miles Davis, Bitches Brew est l'accomplissement d'une mue entamée deux petites années plus tôt avec Miles in the Sky, celle d'un homme qui, non content d'avoir déjà participé à l'accouchement du be-bop, d'être le principal géniteur du cool jazz et un de ceux du post-bop, ajoute une référence de plus à sa déjà impressionnante carte de visite avec l'invention d'un mix des possibles compatibles avec sa vision, le jazz rock ou jazz fusion. En gros vous avez affaire au jazzman du siècle en liberté, non plus entouré uniquement de musiciens servant son esthétique mais d'une équipe pluriethnique le poussant dans ses retranchements.
En l'occurrence, c'est du quasiment du même groupe que celui qui a commis le divinement réussi In a Silent Way (pas de côté proto-ambient dans la progression de Miles) que le trompettiste s'entoure puisqu'outre les retraits d'Herbie Hancock et de Tony Williams (le batteur remplacé, par Lenny White et Jack DeJohnette, le pianiste par Larry Young mais seulement sur deux pistes) et que quelques nouveaux noms ont été rajoutés à l'équipe (le clarinettiste Bennie Maupin, les percussionnistes Don Alias et Juma Santos, et même un second bassiste en la personne d'Harvey Brooks), c'est de la même ossature qu'il s'agit. Avec dont une équipe bien rodée, une farouche volonté de tout faire péter aussi, d'exposer son jazz à l'électricité d'un rock qui l'attire de plus en plus, Miles met tous les atouts de son côté et se lance dans les sessions les plus complexes de sa déjà longue carrière. Complexes déjà parce qu'en trois petites journées, du 19 au 21 août 1969, il fallut gérer ce furieux big band, réaliser les compositions qu'elles soient siennes (deux tiers) ou d'autres (le mastodonte Pharaoh's Dance de Zawinul et ses 20 minutes et le solaire Sanctuary de Shorter à seulement 11) dans un cadre où les bœufantes improvisations furent légion. Complexes parce qu'une fois les enregistrements captés, il fallut faire le montage, un collage de petits morceaux pris deci delà avec par exemple, fameux exemple !, un Pharoah's Dance comprenant 19 edits et même de pures montages de studio via des manipulations de bandes, un boulot énorme pour organiser de fous enregistrements en un tout le plus cohérent possible sans, évidemment, perdre la substantifique moelle, ce gracieux oubli de soi de musiciens en plein trip qui est une grande partie du sel de la galette. Le résultat ? Un double opus de bruit et de fureur, dangereusement beau, périlleusement exploratoire où ça joue, de dieu qu'est-ce que ça joue !, souvent de façon débridée, toujours avec âme et passion. Evidemment, il faut s'accrocher, se laisser emporter par ce trip (alors) hors du commun, suivre les instrumentistes dans leurs labyrinthiques déconstructions d'un jazz qui est toujours bel et bien présent mais dans une nouvelle forme où le chaos le conteste à l'harmonie, où l'auditeur est entraîne dans une sorte de grand-huit sonique dont on ne ressort jamais tout à fait indemne.
Bien-sûr, certains ne se priveront pas de faire remarquer qu'en ces finissantes 60s, en ces débutantes septantes, Miles n'était pas seul à explorer dans une direction qui faisait sens avec son époque, que Soft Machine, que Zappa ou ChicagoBlood Sweat & Tears et quelques autres, que même un Grateful Dead ou un Cream en était un peu là dans leur jammesques préoccupations scéniques, étaient même passés avant. Peut-être, mais Bitches Brew va tellement plus loin, est le premier du genre pas un grand du jazz aussi, qu'on lui accordera bien volontiers la primauté.
Album important, excellent opus aussi ne l'oublions pas, Bitches Brew a, 45 ans après sa sortie, pris les belles rides, l'inimitable patine d'un vrai grand classique que tout un chacun se doit de posséder, ce n'est pas plus compliqué que ça et ça fait, l'air de rien, de Miles Davis une figure encore plus imposante et qui n'a pas encore, bonheur !, fini de nous surprendre même s'il a indéniablement abattu la dernière carte majeure de son magistral jeu.

CD 1
1. Pharaoh's Dance 20:04
2. Bitches Brew 26:58
3. Spanish Key 17:31
4. John McLaughlin 4:22

CD 2
1. Miles Runs the Voodoo Down 14:01
2. Sanctuary 10:57
Bonus
3. Spanish Key (alternate take) 10:20
4. John McLaughlin (alternate take) 6:39
5. Miles Runs the Voodoo Down (single edit) 2:49
6. Spanish Key (single edit) 2:49
7. Great Expectations (single edit) 2:41
8. Little Blue Frog (single edit) 2:36

"Bitches Brew", "John McLaughlin", "Sanctuary"
Recorded Columbia Studio B, New York City August 19, 1969
Miles Davis – trumpet
Wayne Shorter – soprano saxophone
Bennie Maupin – bass clarinet
Joe Zawinul – electric piano – Left
Chick Corea – electric piano – Right
John McLaughlin – electric guitar
Dave Holland – bass
Harvey Brooks – electric bass
Lenny White – drum set – Left
Jack DeJohnette – drum set – Right
Don Alias – congas
Juma Santos – shaker, congas

"Miles Runs the Voodoo Down"
Recorded Columbia Studio B, New York City August 20, 1969

Miles Davis – trumpet
Wayne Shorter – soprano saxophone
Bennie Maupin – bass clarinet
Joe Zawinul – electric piano – Left
Chick Corea – electric piano – Right
John McLaughlin – electric guitar
Dave Holland – electric bass
Harvey Brooks – electric bass
Don Alias – drum set – Left
Jack DeJohnette – drum set – Right
Juma Santos – congas

"Spanish Key", "Pharaoh's Dance"
Recorded Columbia Studio B, New York City August 21, 1969

Miles Davis – trumpet
Wayne Shorter – soprano saxophone
Bennie Maupin – bass clarinet
Joe Zawinul – electric piano – Left
Larry Young – electric piano – Center
Chick Corea – electric piano – Right
John McLaughlin – electric guitar
Dave Holland – bass
Harvey Brooks – electric bass
Lenny White – drum set – Left
Jack DeJohnette – drum set – Right
Don Alias – congas
Juma Santos – shaker

MILES DAVIS

1971
Faust "Faust (remaster)"
ou "Première folie"

L'austérité de la pochette ne le laisse sûrement pas deviner, Faust est le plus fou de tous les groupes Kraut. Oui, plus que Can (qui se posent pourtant bien là) ou que Neu! (pas des amateurs dans le domaine), et compagnie (ça pousse au portillon !)...
A croire que Faust a vendu son âme à un Diable rigolard et facétieux qui leur a promis une éternelle fontaine d'inspiration en omettant, le coquin, de leur préciser qu'ils ne trouveraient la beauté que dans le chaos. Et donc dans un succès éternellement confidentiel (culte). Dès ce premier album, dont l'écoute n'est en aucun cas facile, le fol humour de la formation franco-germanique explose sur trois longues plages psychédélico-bizarro-jammesque du plus bel (et vrillant) effet. Alors, certes, ce genre de musique n'est sans doute pas à mettre entre toutes les oreilles. Ceux qui apprécieront y verront un départ en trombe d'une rare créativité et d'une attirante folie.
40 ans plus tard (et depuis leur retour au affaires du milieu des années 90), Faust continue de sortir de bons albums qui contentent une fanbase certes clairsemée mais dévouée à l'extrême.
Sur ce... Bon trip à tous !

1. Why Don't You Eat Carrots? 9:31
2. Meadow Meal 8:02
3. Miss Fortune 16:35

Werner "Zappi" Diermaier - drums
Hans Joachim Irmler - organ
Arnulf Meifert - drums
Jean-Hervé Péron - bass guitar
Rudolf Sosna - guitar, keyboards
Gunter Wüsthoff - synthesiser, saxophone

FAUST

1972
Il Balletto Di Bronzo "Ys"
ou "A l'italienne (1ère partie)"

Ils font, avec PFM, Banco del Mutuo Soccorso, New Trolls, Le Orme, Museo Rosenbach ou Alphataurus, partie de l'explosion progressive italienne initiée par l'énorme succès rencontré par Pawn Hearts de Van der Graaf Generator de l'autre côté des Alpes, virtuoses d'un genre auquel ils se sont récemment initiés (leur cru 70, Sirio 2222 ne l'est que périphériquement), voici Il Balletto di Bronzo et leur chef d'oeuvre, Ys.
Factuellement, c'est d'un concept album dont il s'agit décrivant l'incroyable voyage et disparition du dernier homme sur terre, pourquoi pas. Le sel, évidemment, se trouve ailleurs, plus précisément dans la musique des napolitains qui, ayant abandonné le hard rock psychédélique de leur premier opus, se lance corps et âme, avec l'addition d'un claviériste virtuose à la Keith Emerson (Gianni Leone) et l'arrivée d'un nouveau batteur (Gianchi Stringa) dans un symphonic prog échevelé du plus bel effet. Si tout y commence par une voix féminine rêveuse (Daina Dini) enchainant sur un thème d'orgue assez simple servant d'écrin à une mélodie de chant (par Leone cette fois) assez classique, c'est quand un vent de folie souffle sur le quintet et en particulier sur son virtuose claviériste que l'intérêt s'éveille vraiment. Bonheur !, c'est le cas de la quasi-entièreté de la galette où les musiciens accompagnant l'instrumentiste star (Manzani à la basse, Ajello à la guitare et le précité Stringa à la batterie) un peu, si musicalement dans un tout autre contexte, à la manière de la section rythmique de l'Experience accompagnant les délires de son Jimi Hendrix de vedette. L'effet, particulièrement sur les deux mastodontes de l'album, Introduzione et Epilogo, est celui d'une grosse jam plus ou moins organisée mais totalement jouissive où piano, mellotron, moog, celesta et Hammond, Leone quoi !, ne laissent que miettes au reste de l'équipe. Et ça fonctionne ! Parce que tout ça est extrêmement maîtrisé, glorieusement épique et absolument trippant. Plus incroyable encore, Ys résiste au choc d'écoutes répétées et y gagne même en une cohérence qui, honnêtement, peut vous échapper à la primo-écoute  d'un machin qui, finalement, se tient tout à fait bien et qui, d'éruptions furieuses en calmes angoissés, sait emporter l'auditeur.
Reste à regretter la trop courte carrière de la formation, qui pliera les gaules après ce monumental effort, et à démettre une reformation en trio avec le seul Gianni Leone en membre originel qui, de toute manière, ne débouchera que sur un live (Trys) pas franchement affolant. Or donc, Il Balletto di Bronzo est un authentique "one album Wonder" mais, vu (ou entendu) l'album, quel album !, on aurait mauvaise grâce de se plaindre parce qu'Ys est tout simplement incontournable.

1. Introduzione 15:11
2. Primo incontro 3:27
3. Secondo incontro 3:06
4. Terzo incontro 4:33
5. Epilogo 11:30
Bonus
6. La tua casa comoda 3:46

Gianni Leone - voice, organ, piano, mellotron, moog synth, celesta
Vito Manzari - bass
Gianchi Stringa - drums
Lino Ajello - guitar
Daina Dini - voice

IL BALLETTO DI BRONZO

1973
Premiata Forneria Marconi "Photos of Ghosts (remaster)"
ou "A l'italienne (2nde partie)"

Dans sa version italienne, l'album est de 1972 et s'appelle Per Un Amico, dans sa version anglaise, avec des paroles de Pete Sinfield, parolier chez King Crimson et Emerson Lake & Palmer (par le label desquels l'album est édité) et une sélection légèrement augmentée et retouchée (mix compris), il ne sort qu'en 1973, tentative réussie d'ouvrir PFM à un marché que sa langue maternelle limite, et chef d'œuvre quelque soit sa version, c'est Photos of Ghosts pour celle qui nous intéresse.
Dans les faits, le progressisme symphonico-mélodique de PFM s'apparente à Genesis et plus particulièrement à Camel avec qui ils partagent une qualité à créer des pièces complexes mais abordables où des solistes plus que capables savent ne jamais dépasser la mesure et gardent à l'esprit que c'est avant tout de chansons dont il s'agit. Ainsi dès River of Live (Appena un Po en V.O.) où guitares acoustiques, flûtes, mellotron monumental chœurs raffinés viennent créer une atmosphère à la fois rêveuse et joueuse, le groupe établit-il on style, du Rock Progressif minutieusement arrangé aux effluves patchouli encore bien présentes. Et si, parfois, PFM rocke dur (le début et la fin de Celebration, E Festa en italien, icelui adapté d'une poste de Storia di un Minuto ou, plus loin, Mr. 9 'till 5, adaptation de Generale!, dotée d'une hendrixienne guitare du plus bel effet), riff hard-rockant compris, ce n'est que pour mieux se replier sur de fragiles constructions où, fugitivement, un violon dingue vient nous emporter en une folle ronde (Photos of Ghosts, Per un Amico dans sa version originale) ou dans une de ces pièces "à tiroirs" où chaque partie, arpèges précieux, duo moog/flute, piano classique, s'enchainent avec une fluidité soulignant le talent de composition de cette bande de bouffeurs de spaghettis (Il Blanchetto, seule pièce présentée dans la langue de Dante et l'excellent Promenade the Puzzle, connu comme Geranio sur l'album premier et possédant, seul dans son cas, de sympathiques relents du Yes de la même époque). Excellente sélection, vraiment.
Alors, évidemment, certains viendront reprocher le fort accent italien des voix, petit défaut mineur qui ne m'a, personnellement, jamais dérangé, d'autant que c'est le seul défaut qu'on puisse trouver à une œuvre taquinant salement ses contemporains (il y avait pourtant une belle concurrence en 1973 entre le Selling England by the Pound de Genesis, le Brain Salad Surgery d'ELP ou le Larks' Tongues in Aspic de King Crimson, pour ne citer qu'eux...) c'est dire l'insensé réussite d'un Photos of Ghosts justement passé à la postérité et qu'on s'échange désormais comme la belle trouvaille qu'il demeure pour celles et ceux qui n'ont pas encore eu la chance d'y poser l'oreille, les veinards !

1. River of Life 7:00
2. Celebration 3:53
3. Photos of Ghosts 5:23
4. Old Rain 3:41
5. Il Banchetto 8:36
6. Mr. 9 'till 5 4:11
7. Promenade the Puzzle 7:29

Franco Mussida – vocals, electric & acoustic guitar, 12 string guitar, theorbo, mandocello
Flavio Premoli – spinet, keyboards, Hammond organ, Minimoog, Mellotron, tubular bells, harpsichord, piano, vocals
Mauro Pagani – flute, piccolo, violin, vocals
Giorgio Piazza – bass, vocals
Franz Di Cioccio – drums, percussion, vocals

PREMIATA FORNERIA MARCONI

1974
Renaissance "Turn of the Cards (remaster)"
ou "Symphowoman"

Un peu de douceur dans un monde de brutes, ça a toujours été le programme du Renaissance d'Annie Haslam, formation de rock progressif symphonique d'autant plus mélodique qu'il a le rare avantage d'être une des seules formations des septantes à posséder une vocaliste féminine en lieu et place de l'hurluberlu de service habituel de la formule (qu'on apprécie mais ça fait du bien de changer, parfois).
Il n'en est pas autrement sur Turn of the Cards, leur cinquième album qui, sur les talons d'un Ashes Are Burning déjà glorieusement réussi, creuse le sillon d'une musique ayant la beauté comme valeur cardinale. Il faut dire qu'avec dans leur arsenal la voix angélique d'Annie, ils auraient eu tort de se priver, les londoniens. Dans les faits, c'est avec une formation enfin stabilisée, avec le retour du guitariste Michael Dunford en temps que membre à part entière quand il n'en était plus que le compositeur et un instrumentiste à temps partiel (drôle de formule...), que Renaissance aborde la création d'un opus qui comptera dans leur histoire. Et donc, toujours avec les paroles de Betty Thatcher (ça date depuis Prologue et le groupe en est ravi), on retrouve ces précieux et délicats arpèges, ces pianos d'obédience classique si imposants, ces claviers orchestraux tissant d'excellents climats, ces rythmes qui, contrairement à ceux de leurs condisciples (de Yes à Genesis en passant par Camel), n'heurtent pas le flow des mélodies, et évidemment la voix de la dame Haslam, cerise de choix sur la pâtisserie fine. En chansons, six d'icelles, ça va de l'épique progressif symphonique de Running Hard, Things I Don't Understand et Mother Russia qui, toutes d'excellentes pièces, démontrent qu'on a pas besoin de faire crier les guitares pour pondre une pièce complexe, multiple et dynamique, et encore moins trois ! Ajoutez trois jolies ballades, l'une aux accents folk (I Think of You), les autres orchestrales (Black Flame et Cold Is Being) qui, toutes réussies, offrent de bienvenus pauses dans le déluge néo-classique de leurs voisines complètant ainsi à merveille ce qu'il est convenu de considérer une collection sans la moindre faille.
Certains vous conseillerons Ashes Are Burning, d'autres Scheherazade and Other Stories, tous deux d'excellents albums, ne le nions pas, mon choix d'introduction à l'excellent Renaissance et son rock progressif symphonique d'exception restera ce Turn of the Cards si bien équilibré, si totalement abouti qu'il sera difficile de lui résister.

1. Running Hard 9:36
2. I Think of You 3:08
3. Things I Don't Understand 9:28
4. Black Flame 6:25
5. Cold Is Being 3:02
6. Mother Russia 9:18

Annie Haslam – lead and backing vocals
Michael Dunford – acoustic guitar, backing vocals
Jon Camp – bass, backing vocals
John Tout – keyboards, backing vocals
Terence Sullivan – drums, backing vocals, percussion
&
Jimmy Horowitz
– orchestral arrangements

RENAISSANCE

1975
Maneige "Les Porches (remaster)"
ou "Symphusion"

Leur première réalisation éponyme avait déjà impressionné, audacieux et diablement bien réalisé mélange de jazz fusion et de progressisme symphonique, Les Porches enfoncent le clou de l'immense talent des québécois de Maneige.
Ici, on commence par la pièce de résistance, Les Porches de Notre-Dame composition d'Alain Bergeron, 19 minutes s'articulant en 5 parties où le sextet et son invité (le tromboniste et vocaliste Raoul Duguay) fouraillent une pièce de fusion symphonique pas piquée des vers aux développements aussi passionnant que la virtuosité de chacun des membres de la formation (ce qui n'est pas peu dire). In fine, entre musique de chambre d'aujourd'hui et influences jazz finement immiscées, avec même un court passage chanté ce qui est très inhabituel chez Maneige, Les Porches de Notre-Dame est un extraordinaire titre à l'ambition justifiée par son indubitable réussite. Du coup, ça ne laisse que peu de temps sur la Face A de la cire noire originelle et donc La Grosse Torche, petite virgule orchestrale de moins de deux minutes qui, sans vraiment décevoir, est très loin de valoir le haut-fait qui la précède. Heureusement, viennent Les Aventures de Saxinette et Clarophone, autre mastodonte de la galette avec les quinze grosses minutes où un Maneige particulièrement joueur, nettement plus fusionnant et développant un sens de l'humour musical bienvenu aussi, nous entraine dans une foutraque suite où on ne s'ennuie pas une seule seconde. Last but not least, Chromo et ses quatre courtes minutes conclut la galette dans une ambiance festive qui évoquerait presque Santana si la personnalité si forte du sextet de la Belle Province ne reprenait pas systématiquement le dessus avec ses joutes cuivrées du meilleur effet.
Et voilà, c'est déjà fini ! 40 minutes et puis s'en va, Maneige a accompli l'impossible, faire long sans lasser, amuser sans paroles, être varié sans jamais se perdre, jouer au moins aussi bien que ses équivalents anglais, italiens, allemands ou étatsuniens sans jamais les évoquer trop grossièrement, le tout avec un son d'une clarté et d'une précision qui ferait presque oublier les quarante ans d'âge des Porches... Sont forts ces québécois !

1. Les porches de Notre-Dame 19:15
a) Ouverture, b) Suite I, c) Suite II, d) Suite III, e) Désouverture
2. La grosse torche 1:27
3. Les aventures de Saxinette et Clarophone  15:41
a) Chapitre I, épisode 1, b) Chapitre I, épisode 2, c) Chapitre II, épisode 1, d) Chapitre II, épisode 2, e) Chapitre III
4. Chromo 4:15
a) Chromo part I, b) Chromo part II

Alain Bergeron - keyboards, flute, saxophone
Jérome Langlois - keyboards, guitar, clarinet
Vincent Langlois - keyboards, percussion
Denis Lapierre - acoustic & electric guitars
Yves Léonard - acoustic & electric basses
Paul Picard - percussion, bongos, xylophone
Gilles Schetagne - drums, percussion
&
Raoul Duguay
- vocals, trombone

MANEIGE

1976
Tangerine Dream "Stratosfear (remaster)"
ou "Planants Germains"

Je n'aurais pas fait mieux, aussi, je cède la parole à Dark Panda de chez Nightfall (le webzine) qui va vous introduire une des pièces de résistance de la discographie d'un trio teuton qui aura marqué l'histoire de la musique de trip, Statosfear de Tangerine Dream :
"Plantons immédiatement le décor. Stratosfear est un album saisissant, au vrai sens du terme : il porte en lui, c'est-à-dire dans ses sonorités, une époque particulièrement riche - les années 70 - et un caractère qui en est inhérent - l'expérimentation. Par cet état de fait, l'opus, sorti en 1976, pourrait être devenu caduque compte tenu de son âge. Je vous rassure tout de suite, il n'en est rien. Oui, l'album "sent" à plein nez cette époque où naissent véritablement les synthétiseurs et où le psychédélisme, avec son cortège de drogues et d'onirisme, a envahi l'essentiel de la musique alternative. Mais il résiste au passage du temps, à l'image d'un PINK FLOYD, grâce à un talent unique qui lui permet de s'approprier un public aussi large qu'hétéroclite. La preuve en est son succès, Stratosfear étant à ce jour l'album le plus vendu de TANGERINE DREAM. A l'observation de cette remarque s'agite pourtant le spectre de l'aspect "commercial"... que je balaye d'un revers, reprenant mon exemple de PINK FLOYD : on peut réaliser de très bonnes ventes non pas parce que l'on met de l'eau dans sa musique, mais parce que l'on est irrésistible ! Et je pense personnellement que Stratosfear s'inscrit en droite ligne dans cette seconde catégorie. On retrouve à la barre de cette galette, et ce pour la dernière fois, la première équipe la plus marquante et influente du groupe - qui a connu de nombreux bouleversements de line-up jusqu'à aujourd'hui -, à savoir Edgar Froese, Christoph Franke et Peter Baumann. Le premier, fondateur et encore actuel leader du groupe, a "rythmé" l'album, tandis que le second, Christoph Franke, s'est penché sur sa partie mélodique. Le dernier, Peter Baumann a quant à lui parsemé le travail de ses deux acolytes de ses diverses idées et bruitages. Le tout, hanté et puissant de symbolisme, attire l'attention par ses longues pièces millimétrées et l'univers stellaire qui s'en dégage.
L'album en lui-même, composé de quatre titres, séduit au premier abord par un paradoxe, qui dégage deux de ses principales qualités : il est très court - à peine trente-cinq minutes - mais jouit d'une profondeur musicale immense, rendant éternelles ses possibilités d'écoute. En un minimum de temps, TANGERINE DREAM arrive donc à nous transporter au-delà des frontières terrestres, au sein d'un univers langoureux, sombre, souvent glacé et toujours pénétrant. Il faut dire que les quatre pièces de la galette se partagent de manière à peu près équitable la demi-heure d'écoute, ce qui leur laisse largement le temps de se déployer chacune dans leur thème respectif.
Le premier morceau, éponyme, invite immédiatement au voyage : s'ouvrant sur un délicieux arpège de guitare électrique, elle bascule très vite - mais délicatement - sur un thème électronique au rythme répétitif. Celui-ci insuffle à la musique un caractère frénétique, cependant atténué durant les dix minutes du morceau par le lyrisme de mélancoliques notes synthétiques. Un véritable rêve où d'improbables astres semblent entrer en collision dans une douceur extatique. Le second morceau, « The Big Sleep in Search of Adhes », est le plus court de l'album avec ses quatre minutes standard. Ce qui ne l'empêche pas de transporter l'auditeur, qui pourra apprécier la virtuosité et la pertinence des instruments utilisés : un clavecin vaporeux et inspiré, une basse appuyée teintée d'obscurité, ainsi que les traditionnelles nappes de synthétiseurs, perforées au milieu du morceau par une ligne de clavier dissonante et un éphémère cortège de voix fantomatiques, elles aussi exécutées au piano électronique. L'atmosphère y est plus nuageuse que sur « Stratosfear », renvoyant à un imaginaire aérien cotonneux et bleuté.
"3 am At the Border of the Marsh From Okefenokee", troisième œuvre de Stratosfear, constitue peut-être la pièce la plus intrigante de l'album. Angoissante et névrosée, elle s'inspire d'un paysage de forêt et de tourbe visibles au sein des marais d'Okefenokee, vastes de 1600 kilomètres carrés et s'étendant sur les deux États nord-américains de Géorgie et de Floride. On peut imaginer à quel point cet espace, peuplé de marécages d'eau noire et d'arbres spectraux, a pu animer les trois allemands à l'heure tardive où ils l'ont visiblement arpenté. Dans ce morceau ambiant par définition, les instruments semblent vouloir recréer les sons nocturnes que l'on peut y entendre : en introduction, un clapotis de synthé métronimique pour l'eau vaseuse qui s'égoutte silencieusement, rattrapé par un air fuyant d'harmonica pour les cris des rares habitants du lieu. Le décor ainsi planté, aussi fourmillant que funeste, bascule soudain vers le churrigueresque au travers d'une nappe de brouillard paroxysmique, un brasier de synthétiseur qui pourrait rappeler un lever de soleil mais qui, à trois heures du matin, s'apparenterait plus à la découverte fantasmagorique d'une étendue marécageuse particulièrement obscure et désenchantée. Les notes qui se dégagent de cette vague assourdissante constituent sûrement l'un des thèmes les plus perforants de l'album, voir de toute l'œuvre de TANGERINE DREAM : mélange d'effroi et de tristesse, elles se diffusent aussi nettement que lourdement dans l'atmosphère oppressante du morceau et possèdent cette rare capacité de projeter à l'inconscient de véritables images, à la fois fortes et sensibles. Quatrième et dernier morceau de Stratosfear, "Invisible Limits" a l'avantage d'ouvrir l'album et non de le refermer, ce que sous-entend d'ailleurs son titre : plusieurs instruments font leur (ré)apparition, comme la guitare électrique, la batterie et le piano traditionnel, montrant à l'auditeur la diversité de registres de TANGERINE DREAM et, par là, l'inachèvement de sa quête musicale. Tout est dit par cette pléthore d'instruments, desquels TANGERINE DREAM sort les tripes avec fureur ou volupté durant tout le morceau.
Stratosfear apparait ainsi comme l'un des albums les plus aboutis du trio allemand, du moins jusqu'à Cyclone et l'apparition éphémère du chant - salvateur et d'une rare justesse, contrairement à ce que beaucoup pensent - dans leur musique. De la première à la dernière note, TANGERINE DREAM est comme d'habitude hanté par le désir précieux et précis de faire voyager son auditeur, au-delà du ciel et de la terre, dans un magma de sonorités toutes plus fines et gracieuses les unes que les autres. Leur musique se vit comme une odyssée, un voyage long et déstructurant aux confins de la musique électronique et alternative. On vibre au moindre bruissement des instruments (cette note de guitare électrique divinement saturée à 7m44s, sur "Stratosfear") on s'émerveille des ambiances souvent épiques tissées grâce aux synthétiseurs (le thème transpirant de solennité au milieu de "3 am At the Border of the Marsh From Okefenokee") et on frémit de curiosité à chaque changement de rythme (les trois constructions musicales distinctes mais parfaitement orchestrées d'"Invisible Limits"). Nul doute, la beauté triste a depuis 1976 un nom et un symbole : Stratosfear de TANGERINE DREAM. "
C'est dit et bien dit !

1. Stratosfear 10:04
2. The Big Sleep in Search of Hades 4:45
3. 3 A.M. at the Border of the Marsh From Okefenokee 8:10
4. Invisible Limits 11:40

Edgar Froese – Moog synthesizer, Mellotron, guitars, 12-string guitar, grand piano, bass guitar, mouth organ
Peter Baumann – Moog synthesizer, Mellotron, Project Electronic Rhythm Computer, Fender electric piano
Christopher Franke – Moog synthesizer, Birotron, organ, percussion, harpsichord

TANGERINE DREAM

1977
Kraftwerk "Trans-Europe Express (remaster)"
ou "Electroprogression"

A mater les gueules de premiers communiants des 4 teutons on pourrait croire qu'on a affaire à de la pop chrétienne ou autre ringarderie crétine du genre... Si on ne connait pas Kraftwerk, qui n'en sont plus alors à leurs premiers coups d'éclat, bien sûr. Coup de bol parce qu'un visuel pareil pour un premier album, c'eût été la cata assurée.
Au lieu de ça, Trans-Europe Express, sixième album des quatre de Düsseldorf, loin des explorations art-rock des trois premiers albums du début des années 70, est l'archétypale réussite d'une approche toute électronique entamée avec Autobahn (1974), qui tiendra le monde en haleine jusqu'au début des années 80 (Computer World, 1981) avant de se voir rattrapé par l'actualité et d'y perdre son particularisme, son unicité. Présentement, tout va encore très bien et Kraftwerk, fermement mené par la paire Ralf Hütter/Florian Schneider, produit une musique électronique jamais aussi abordable et mélodique qu'ici. Et tubesque avec un Showroom Dummies, un Trans-Europe Express ou un Metal on Metal/Abzug (ici séparés) et leur irrésistibles hooks dont les échos s'entendent jusque dans l'électro-pop et la dance music d'aujourd'hui, et un petit tour de force avec l'hommage à Franz Schubert, etc.
Etc. parce que tout l'album est un tour de force de mélodie et de minimalisme et, osons !, le sommet de l'aeuvre de Kraftwerk qui n'en manque pourtant pas. Alors, évidemment, il y a la pochette repoussoir (heureusement masquée dans l'édition remasterisée de 2009 ici commentée), c'est bien le seul défaut d'un album sans faille d'une formation alors au sommet de son art.

1. Europe Endless 9:40
2. The Hall of Mirrors 7:56
3. Showroom Dummies 6:15
4. Trans-Europe Express 6:52
5. Metal on Metal 2:11
6. Abzug 4:54
7. Franz Schubert 4:26
8. Endless Endless 0:55

Ralf Hütter - voice, synthesizer, orchestron, synthanorma-sequenzer, electronics, producer
Florian Schneider - voice, vocoder, votrax, synthesizer, electronics, producer
Karl Bartos - electronic percussion
Wolfgang Flür - electronic percussion

KRAFTWERK

1978
U.K. "U.K."
ou "Supergroupe"

Quelle drôle d'idée est passée par la tête des deux ex-King Crimson John Wetton et Bill Bruford quand il décidèrent  de choisir chacun un musicien pour enfin compléter un vieux projet commun remontant à 1976, Bruford convoquant son partenaire de Bruford (le groupe), le guitariste Allan Holdsworth, qui avait auparavant frayé avec Soft Machine, Tony Williams et Gong, excusez du peu !, tandis Wetton misait sur Eddie Jobson, connu pour ses exactions avec Roxy Music et, présentement, "volé" au groupe de Frank Zappa, que pensaient-ils obtenir d'une formation aussi artificiellement assemblée ? Une sacré galette de progressisme fusionnant et modernisé, enfin !
Mais avec de vraies chansons alors parce que, déjà, les prémices de ce que Wetton tentera d'accomplir ensuite, une parfaite fusion de progressisme et de rock FM (avec Asia) sont déjà bien présents dès un In the Dead of Night au refrain d'une radiophonique efficacité. Mas comme il y a les rythmes particuliers de Bruford, la guitare admirablement contenue et émotionnelle d'Holdsworth, et les gris gris d'un Jobson aux multiples talents, ça passe comme une lettre à la poste. Ca passe encore mieux quand, semblant vouloir faire une de ces ballades "à la King Crimson" qui fonctionnenent tellement mieux, les compères font dans le nuancé et la finesse sur un beau By the Light of Day, parfait pendant planant à son explosif devancier permettant, qui plus est, à Jobson de sortir son doux violon pour un solo dont il a le secret. Et que dire de la pièce de conclusion de la trilogie d'ouverture, Presto Vivace and Reprise, si ce n'est que cette sorte de Gentle-Gianterie, clavier psychotique, polyrythmies passionnantes,  cassure harmonieuses (oui !) et évidemment rappel mélodique de l'ouverture pour un final tonitruant sinon qu'elle vous laisse avec un de ces petits sourires idiots fiché sur la face parce que c'est tout de même très bon, tout ça. La suite est à l'avenant de ce spectaculaire début avec un beau et long Thirty Years, 8 minutes tout de même, où un Holdsworth déchainé et inspiré s'en donne à cœur joie, un Alaska en deux parties dont on préfère nettement le dynamisme d'une deuxième partie ébouriffante transitant vers le costaud Time to Kill (encore du pré-Asia qui gagne à l'énergie et à une belle section solo, cette fois) qu'une première nappée de synthétiseurs seuls où, franchement, on peine à garder son intérêt. Puis vient Nevermore, une intro de guitare acoustique de haute volée (ha ! Allan !), quelques nappes de synthés en lien vers le développement d'une composition évoquant fortement ce qu'on image que King Crimson aurait commis avec une équivalente formation, et c'est bon, qu'Est-ce que c'est bon !, parce qu'évidemment, la comparaison avec le navire amiral de l'éminence grise Fripp était un compliment. Après ça, Mental Medication parait presque normal parce que, mélodiquement plus direct, et reprenant certains des "tours" dont le groupe a auparavant fait montre (comme ces petites explosions fusionnantes), il étonne moins. Mais, bien-sûr, avec de pareils musiciens, dans un contexte créatif aussi favorable, il y a de nombreuses raisons de ce contenter d'un final pas exactement en fanfare mais d'une fort belle qualité tout de même notamment dans les interventions solistes d'Holdworth guitariste électrique d'exception et de Jobson qui le taquine sérieusement avec son électro-violon.
Bon, côté obscur de la force, on admettra que certains sons de synthétiseurs (les 80s ne sont plus loin !) n'ont pas exactement bien vieilli (l'intro de Thirty Years m'en est témoin) et que certains "trucs" de productions, des effets inutiles sur la belle voix de Wetton, un côté un peu clinique dans une mise en son manquant un peu de chaleur viennent un tout petit peu tâcher la belle copie sinon sans faute de musiciens qui modernisent un rock progressif qu'ils ont participé à enfanter sur un album efficace, gracieux où virtuosité et mélodie ne se séparent jamais, une vraie belle réussite, quoi !
Ceci dit, il était écrit que ça ne pouvait pas durer, qu'un aussi beau miracle ne pouvait pas se répéter, et si un deuxième album d'U.K. il y eut, Danger Money un an plus tard, c'est sans Bruford et Holdsworth que l'affaire se fit avec un résultat, comment dire ?, pas exactement indigne parce que Jobson et Wetton y font de l'excellent travail et que le batteur choisi, Terry Bozzio (de chez Zappa si vous ne le saviez pas) est un vraie pointure du badaboum technique, mais loin, très loin des sommets atteints par l'impeccable éponyme, un album que j'ai récemment redécouvert, après l'avoir un peu hâtivement démis dans ma jeunesse, et qui, croyez-moi, mérite qu'on s'y (re)penche et examine en détail les moult merveilles qui y figurent.

1. In the Dead of Night 5:38
2. By the Light of Day 4:32
3. Presto Vivace and Reprise 2:58
4. Thirty Years 8:05
5. Alaska 4:45
6. Time to Kill 4:55
7. Nevermore 8:09
8. Mental Medication 7:26

Allan Holdsworth – guitar
Eddie Jobson – keyboards, electric violin, electronics
John Wetton – bass, lead and backing vocals
Bill Bruford – drums, percussion

U.K.

1979
Frank Zappa "Joe's Garage (remaster)"
ou "Rions un peu en attendant la mort..."

Pour conclure en beauté avec un artiste jusqu'alors cruellement absent de la série, sans doute parce que j'ai toujours eu beaucoup de mal à appréhender en mots la folie de son oeuvre, je vous propose le dernier chef d'œuvre de la carrière de Frank Zappa, l'énorme Joe's Garage présentement introduit par Simon P. sur XSilence.net :
"Écouter du Zappa, c'est regarder la montagne après être arrivé crevé en haut de la colline. Joe's Garage en est une belle représentation : comment un homme, qu'il s'appelle Zappa ou non, a-t-il pu nous pondre un tel opéra, mélangeant toute la subtilité et la rigueur de ses compositions à un humour gras, absurde, malin, en un mot énorme?
Zappa nous donne la réponse dans "Packard Goose" : "Music is the best". Music is the best, évidemment. Ce n'est ni nouveau ni étonnant, c'est ce que se sont probablement dit Bach, Mozart, Beethoven, Chopin ou Dvorak : la musique est le plus vieux des arts, le plus fascinant et le plus immortel. Le plus grand apport de Zappa à la musique est, selon moi, d'avoir transposé le talent, la passion et le travail acharné des compositeurs du passé dans la musique populaire du XXè siècle. Ca vous fait rêver non? Moi aussi ça me faisait rêver, jusqu'à ce que je découvre Frank Zappa.
Il est temps de parler de l'œuvre, Joe's Garage. Rock opéra certes, mais pas de ces Tommy ou Wall qui nous content tous les malheurs de la société de leur époque : Joe's Garage c'est avant tout l'histoire comique de Joe, personnage comique qui tente de jouer de la musique (comique?) dans un monde absurde peuplé de "Catholic Girls" et de concours de tee-shirt mouillés. Rock opéra divisé en trois Actes : le premier raconte comment Joe est progressivement contrôlé par le Central Scrutinizer (Big Brother ridicule) après avoir tenté de monter un groupe de rock avec Warren (membre du line-up du vrai groupe) et Larry. Le deuxième nous montre comment il tente de draguer un robot et pourquoi il finit en prison avec des hommes du monde de la musique... Je vous laisse la surprise pour le troisième. De toute façon, tous ont le mérite de comporter plusieurs histoires à la fois, pour la plupart totalement loufoques. L'album pourrait également être décrit comme une source inépuisable de phrases musicales inoubliables (Why Does it Hurt When I Pee?), un remake zappaïen d'une grande quantité de genre musicaux (gospel sur "Dong Work For Yuda", disco sur "Stick it Out"...)... Mais comment raconter avec des mots le bonheur éprouvé en compagnie de Joe, Mary, et le Central Scrutinizer ? Comment vous convaincre que Packard Goose a l'un des meilleurs refrains de tous les temps, tout comme sa fin proprement géniale qui s'enchaîne avec le merveilleux Watermelon In Easter Hay? Pourquoi tenter de démontrer qu'on ne peut s'empêcher de claquer des doigts sur "Dong Work For Yuda", avoir des pensées peu catholiques sur "Fembot In A Wet T-Shirt" ou "Catholic girls" ou imaginer ce qui se passe dans le génial "Stick It Out" ?
Pour reprendre la comparaison du début, disons que Zappa est désormais une chaîne de montagne grimpant à des hauteurs spatiales, que Joe's Garage en est l'un de plus hauts monts, et qu'il n'est pas près de s'effondrer tant que de fidèles fans continueront à danser follement et à chanter faux tout autour du pied du mont.
"

CD 1
Act I
1. The Central Scrutinizer 3:28
2. Joe's Garage 6:10
3. Catholic Girls 4:26
4. Crew Slut 6:31
5. Fembot in a Wet T-Shirt 4:45
6. On the Bus 4:19
7. Why Does It Hurt When I Pee? 2:36
8. Lucille Has Messed My Mind Up 7:17
9. Scrutinizer Postlude 1:34
Act II
10. A Token of My Extreme 5:30
11. Stick It Out 4:34
12. Sy Borg 8:56

CD 2
1. Dong Work for Yuda 5:03
2. Keep It Greasey 8:22
3. Outside Now 5:50
Act III
4. He Used to Cut the Grass 8:35
5. Packard Goose 11:34
6. Watermelon in Easter Hay 9:09
7. A Little Green Rosetta 8:15

The Musicians
Frank Zappa – lead guitar, vocals
Warren Cuccurullo – rhythm guitar, vocals
Denny Walley – slide guitar, vocals
Ike Willis – lead vocals
Peter Wolf – keyboards
Tommy Mars – keyboards
Arthur Barrow – bass, guitar (on "Joe's Garage"), vocals
Patrick O'Hearn – bass on "Outside Now" and "He Used to Cut the Grass"
Ed Mann – percussion, vocals
Vinnie Colaiuta – drums, combustible vapors, optometric abandon
Jeff Hollie – tenor sax
Earle Dumler – baritone sax
Bill Nugent – bass sax
Dale Bozzio – vocals
Al Malkin – vocals
Craig Steward – harmonica

The Cast
Frank Zappa – Central Scrutinizer, Larry, L. Ron Hoover, Father Riley & Buddy Jones
Ike Willis – Joe
Dale Bozzio – Mary
Denny Walley – Mrs. Borg
Al Malkin – Officer Butzis
Warren Cuccurullo & Ed Mann – Sy Borg
Terry Bozzio – Bald-Headed John
The Utility Muffin Research Kitchen ChorusAl Malkin, Warren Cucurullo, Dale Bozzio, Geordie Hormel, Barbara Issak & most of the people who work at Village Recorders

FRANK ZAPPA

19 commentaires:

  1. 70s Progressive Rock (10 ans, 10 albums, Liste D)

    Miles Davis "Bitches Brew (remaster)"
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    Faust "Faust (remaster)"
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    Il Balletto Di Bronzo "Ys"
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    Premiata Forneria Marconi "Photos of Ghosts (remaster)"
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    Renaissance "Turn of the Cards (remaster)"
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    Maneige "Les Porches (remaster)"
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    Tangerine Dream "Stratosfear (remaster)"
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    Kraftwerk "Trans-Europe Express (remaster)"
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    U.K. "U.K."
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    Frank Zappa "Joe's Garage (remaster)"
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  2. Hello,
    Que du très bon je vois.
    De Tangerine Dream, Stratosfear est le disque le plus commercial depuis leur début, sans doute avec l'apport essentiel de Peter Baumann (qui malheureusement s'est retiré du milieu musical, après ses 3 disques solo). Edgar Froese, grand compositeur devant l'éternel, nous a quitté cette année. Il nous reste son fils.
    Tu as du dans des épisodes précédents, à moins que tu les gardes pour de futurs, parler de Ash Ra Temple (avec les géniaux Manuel Gottsching et Klaus Schulze). Je te recommande Inventions for Electric Guitar de Manuel, avec des plages de guitare à dégouter David Gilmour ou Steve Hillage de Gong.
    Dans la musique planante teutonne, des cas particuliers avec Popol Vuh de Florian Fricke qui a signé les BOs de Werner Herzog, et des musiques assez "religieuses", et nos amis de Cluster (Roedelius et Moebius qui nous a quitté il y a 2 mois), assez proche de ce que fait de temps en temps Brian Eno en plus dépouillé peut être.
    Mais c'est vrai que dans la musique dite progressive, la branche allemande est un univers en tant que tel (sans parler de Amon Duul).
    Bravo encore et bonne suite

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    1. Stratosfear commercial ? Alors seulement pour le genre parce que, va faire écouter ça à un fan de Stromae, le choc sera rude.
      Ash Ra Temple on verra...je n'aime pas dévoiler la suite de mes plans, na ! :-p
      Comme tu le dis, le krautrock est à part du reste du monde progressif, avec tout de même quelques croisements...
      Merci de ton passage.

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    2. les Disques précédents de Tangerine Dream, comme Phaedra, Rubycon, Aqua et Zeit, si tu les écoutes, tu vas trouver Stratosfear extrêmement commercial, même si leur pic commercial fut Ricochet. C'est sur qu'entre Stromae et le rock planant allemand, c'est plus qu'un fossé culturel.

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    3. Tu dis plus commercial, je dis mieux gaulé, plus raffiné. Si ça s'écoute avec plus de facilité tout en retenant le son Tangerine Dream, c'est simplement que c'est meilleur. Enfin, c'est mon avis. ^_^

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  3. Le Faust me laisse un goût amer. À sa sortie, j'avais craqué pour le vinyle transparent et sa pochette du même bois… et encore aujourd'hui, je regrette ce putain d'achat !

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  4. Haaaaaa ... enfin... hein? Non, non, rien à ajouter pour l'instant, il faut préciser que je connais que la moitié des albums présentés. Donc à suivre, si je reste de l'humeur prog.
    Au fait, à propos de PFM, ils accompagneront avec grande classe l'ami Frabrizio de Andre, une bonne façon d'entrer dans l'univers de ce grand poete qu'est le Fabrizio. J'ai déjà chroniqué l'album publique.
    Le titre "Amico Fragile" est non seulement d'une beauté mais alors les textes, obligé d'aller chercher une traduction, le mariage du Folk à la Cohen et de la prog à la PFM. Cherche les textes et écoute moi ça, désolé je ne résiste pas:

    001 Fabrizio De André - Fabrizio De André E P.f.m. In Concerto - Cd 1 - Amico Fragile.mp3
    http://www18.zippyshare.com/v/x8bFt00h/file.html

    Et en français, le sens est probablement énigmatique dû à une difficulté de transcription, juge un peu:

    Et encore abattu par votre courtoisie

    à l'heure à laquelle mon rêve,

    ballerine de second rang,

    agitait pour je ne sais quel avenir

    son présent aux seins énormes

    et sa césarienne récente,

    je me disais quelle belle chose que là où finissent mes doigts
    il faille d'une façon ou d'une autre que commence une guitare.

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    1. Merci du partage et de la précision. Tu l'avais pas déjà posté chez toi y a pas longtemps, celui-là ?

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    2. Je dois donc l'avoir en stock quelque part... Merci pour le rappel.

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  5. A part le Miles Davis, le Kraftwerk (vraiment génial) et le Faust, je connais rien. Va falloir que je lise pour aller à la pêche en fonction de mes humeurs (bien que Hantoss me hurlerait de me ruer sur le UK si j'ai suivi votre petite histoire).

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    1. .. Pourtant pour le coup, à peine un clin d'oeil... Franchement, en pleine période punk, avec l'antagonisme d'un duo qui visait la prog pop lorsque Bruford et son pote tourne vers une musique moins hum, commercial. Résultat? La chronique de Mistermood est parfaite!! (oui, je suis un passéiste du Web, donc, mister Mood!!)... résultat ... jsut grandiose(Au passage j'adore le long titre du 2eme album de UK)

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    2. @ Audrey
      3 sur 10, c'est peu mais c'est un bon début. Je suis surpris que tu ne connaisses pas au moins le Zappa ou le Tangerine Dream qui sont quand même deux classiques... Une bonne occasion de te rattraper !

      @ Antoine
      Merci ! Faudra que je me refasse le second dont le souvenir est fort distant... M'avait pas plu du tout, en fait.

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    3. Le long titre, prétentieux mais en partie assumé

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    4. Tiens, si tu peux me le passer, le Danger Money de UK, je ne dis pas non. ^_^

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    5. Merci pour le UK, Antoine, j'en parle dans un prochain billet... Un fil par exemple.

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  6. A dire vrai, le rock prog n'est pas au coeur de mes centre d'intérêts. D'ailleurs, les 3 que je connais ne le sont pas vraiment: jazz, techno-pop et kraurock.
    Zappa, je dois avouer que sa disco m'impressionne et que je reste un peu étrangère à sa musique. Je préfère son pote le Capitain Beefheart. Tangerine Dream, pour moi, de manière assez dogmatique, c'est du planant dans ce qu'il y a de plus ennuyant. Je sais que leur début sont par contre passionnant, notamment le premier, je crois. Mais je vais le tenter ainsi qu'un des deux italiens.

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    1. Je reviendrai probablement sur les débuts de Tangerine Dream qui sont très différents... Ceci dit, je te conseille de tester ce Stratosfear d'abord en musique de fond (juste assez fort) pour voir si ça "prend". Et le Zappa, ben, c'est pas le plus difficile donc peut-être une bonne "porte d'entrée"... Quand aux italiens, choisis ton camp entre les précieux (PFM) et les virtuoses (Il Balletto di Bronzo)... Et n'oublie pas UK sinon Devant va nous faire une jaunisse !!! ^_^

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