jeudi 16 avril 2015

Power Trios ! (volume 1)

Des trios, encore des trios, toujours des trios ! Après un volume zéro ne comprenant que des recyclages, on attaque le gras du sujet puisque, comme vous le constaterez, certaines indéniables légendes du power trio y sont représentées. Et voici donc la preuve par douze qu'il n'est pas besoin d'un orchestre pour faire trembler les murs ! Enjoie !

SuPeRPoWeR
The Jimi Hendrix Experience "Axis: Bold As Love" (1967)
ou "Experience #2"

C'est l'album intermédiaire, celui que, dans la magnifique triplette d'ouverture de l'Experience originelle, on a trop souvent tendance à oublier... Enfin, considérant le statut de légende mondiale depuis acquis par Jimi Hendrix, à raison.
On pourrait dire qu'Are You Experienced a les gros classiques (Fire, Hey Joe, Foxy Lady, Manic Depression) et qu'Electric Ladyland a les expérimentation et l'ambition grandissante (comme constaté, par exemple, sur les mastodontes que sont Voodoo Chile et 1983...(A Merman I Turned Out to Be)) et que, du coup, il ne reste pas grand chose à cet Axis: Bold As Love sauf de faire la transition.  Mais quelle transition ! Et quels titres pour l'habiter ! Parce que, franchement, de Spanish Castle Magic à Little Wing en passant par If 6 Was 9 ou Castles Made of Sand, on peut dire que l'album est bien doté en morceaux depuis passés dans l'histoire. C'est aussi un album très produit, ce qui aura pour conséquence que relativement peu de ses titres seront jamais joués en scène, où chaque pièce est habillée des effets, des techniques alors disponibles aux Olympic studios de Londres où l'essentiel de la galette fut enregistré, toujours sous la direction de l'également manager Chas Chandler mais, plus justement, sous celle d'un Eddie Kramer ingénieur du son en chef.
Musicalement, l'Experience n'y a pas beaucoup changé depuis son précédent album, ce qui n'est que logique considérant qu'il ne sort que sept mois plus tard et fut enregistré en mai et octobre, vraiment sur la lancée, donc. Ce qui explique sans doute la raison d'un certain remplissage repéré de-ci-delà avec, par exemple, la chanson de Noel (She's So Fine, mouais), l'introduction EXP qui ne sert pas à grand chose, un Ain't No Telling dont on a l'impression que l'entier potentiel n'a jamais été tout à fait développé, un You Got Me Floatin' au psychédélisme forcé assez peu mémorable... Rien de totalement indigne mais, clairement, on sent qu'il ne fallait pas perdre de temps, qu'il fallait battre le fer tant qu'il était chaud quitte à ne trier que partiellement le bon grain de l'ivraie. Autant de raisons de tempérer son enthousiasme en égratignant un peu le mythe parce que, non, tout ce que touchait Hendrix ne se transformait pas magiquement en or.
Axis: Bold As Love, album transitionnel s'il en fut, créature d'imperfection aisément sauvée par ses quelques armes de séduction massive, est, à raison, l'album le moins souvent loué des trois de l'Experience. Ca n'en fait pas moins une galette historique que chaque amateur de rock, hard rock, blues ou rock psychédélique se doit de posséder, parce que Hendrix, quoi !, et que même un Jimi en (relative) petite forme mérite largement le détour, indéniablement.

1. EXP 1:55
2. Up from the Skies 2:55
3. Spanish Castle Magic 3:00
4. Wait Until Tomorrow 3:00
5. Ain't No Telling 1:46
6. Little Wing 2:24
7. If 6 Was 9 5:32
8. You Got Me Floatin' 2:45
9. Castles Made of Sand 2:46
10. She's So Fine 2:37
11. One Rainy Wish 3:40
12. Little Miss Lover 2:20
13. Bold as Love 4:11

Jimi Hendrix – vocals, electric guitar, piano, recorder, voice of "Mr. Paul Caruso" on "EXP"
Mitch Mitchell – drums, glockenspiel on "Little Wing", backing vocals, "interviewer" on "EXP"
Noel Redding – backing vocals, bass guitars (four and eight-string), foot stamping on "If 6 Was 9", lead vocals on "She's So Fine"
&
Gary Leeds – foot stamping on "If 6 Was 9"
Graham Nash – foot stamping on "If 6 Was 9"
Trevor Burton – backing vocals on "You Got Me Floatin'"
Roy Wood – backing vocals on "You Got Me Floatin'"

THE JIMI HENDRIX EXPERIENCE

3 aT LaST
Thin Lizzy "Vagabonds of the Western World" (1973)
ou "Three at Last"

Demeuré un inébranlable trio jusque ce 3ème album, Thin Lizzy n'était alors que l'embryon du groupe ayant popularisé les "duelling guitars" avec Wishbone Ash au cœur des glorieuses 70's. Pourtant - dans ce hard rock typiquement 70s parfumé de folk, de blues et de psychédélisme - les germes du génie de Lynott sont bien présentes.
Toujours chez Deram chez qui ils ont sorti leur deux précédents opus, Thin Lizzy ne reçoit que peu de promo d'un label qu'ils quitteront bientôt. Le potentiel ne manque pourtant pas et, du bluesy en diable Mama Nature Said qui ouvre l'album à la ballade "patchouli" qui le clôt (A Song for While I'm Away), c'est à une éfficace et variée collection de chansons à laquelle nous avons affaire.
Pas très éloignée de la formule popularisée par Cream, le Taste de leur compatriote Rory Gallagher ou l'Experience de Jimi Hendrix - celle du power trio hard'n'blues en gros - Thin Lizzy ne brille certes pas par son originalité. Evidemment, l'inimitable voix de Phil Lynott suffit à affirmer une identité à cette galette qui - entre les mains d'ouvriers moins dotés par le talent - n'eût été qu'un album de plus. On n'est d'ailleurs pas loin de cet écueil sur le morceau le moins inspiré de ce Vagabonds of the Western World. En effet, si le sympathique blues qu'est le bien nommé Slow Blues s'écoute sans déplaisir, il ne laisse pas exactement une impression durable. Cependant, marque des (futurs) grands - et chose qu'on pourra aussi constater avec les débuts de carrières aussi incertains et inaboutis de Deep Purple ou d'Uriah Heep - même sur une composition moins ouvertement essentielle, on trouve plus de "machins" satisfaisants que dans les discographies combinées de tous les représentants de la britpop (de funeste mémoire).
Bien entendu, Lynott et Downey sont excellents. Tels qu'on les connaîtra dans les années à venir en fait. Quand à Eric Bell - le troisième larron et celui dont le départ déclenchera la révolution du duo de guitaristes - il n'est pas en reste dans un style relativement comparable à celui de Clapton période Cream y ajoutant tout de même - marque probabale de l'influence psychédélique - un petit quelque chose de "fluidement fou" qui n'est pas sans rappeler John Cippolina de Quicksilver Messenger Service.
La production de Nick Tauber, déjà responsable de la mise en son sur Shades of a Blue Orphanage, est propre et appropriée à défaut d'être spectaculaire. L'ingé son connaîtra des heures plus fastes au début des années 80 avec notamment ses travaux sur les deux premiers albums de Marillion.
En définitive, si on devait reprocher une chose à cet excellent Vagabonds of the Western World c'est de ne posséder qu'une chanson réellement emblématique (The Rocker), heureusement, les différentes rééditions y ont accolé les singles de l'époque (le délicieux Randolph's Tango et la fameuse reprise du traditionnel Whiskey in a Jar) boostant d'autant une sélection déjà d'une belle qualité. La présente édition rajoute moult bonus. En plus des singles précités, de nombreuses sessions pour la BBC y sont présentées. Pas indispensables, elles montrent tout de même la belle qualité du groupe en trio.
Vous l'aurez compris, Vagabonds of the Western World s'adresse avant tout aux fans hardcore de Thin Lizzy et aux amateurs de hard rock du début des années 70. Croyez-moi, ceux-ci seront comblés. Les autres devront avancer ici à pas de loup et y découvriront probablement un album de bien meilleure qualité que ce que sa réputation laissait entrevoir. Essentiel à la compréhension de l'évolutuon de Thin Lizzy, Vagabonds of the Western World n'est pas le meilleur album de ses auteurs mais un aeuvre éminemment attachante cependant.

CD 1
1. Mama Nature Said 4:55
2. The Hero and the Madman 6:10
3. Slow Blues 5:16
4. The Rocker 5:15
5. Vagabond of the Western World 4:46
6. Little Girl in Bloom 5:16
7. Gonna Creep Up on You 3:30
8. A Song for While I'm Away 5:14
Bonus
9. Randolph's Tango 3:51
10. Broken Dreams 4:28
11. The Rocker (Single version) 2:44
12. Here I Go Again 3:55
13. Cruising in the Lizzymobile 4:09
14. Little Darling 2:58
15. Sitamoia 3:23
16. Slow Blues (1977 Overdubbed and remixed version) 4:46
17. Randolph's Tango (Radio promo edit) 3:24
18. Whiskey in the Jar (Promotional edited version) 3:43

CD 2
BBC Radio One in Concert
1. The Rocker 6:08
2. Things Ain't Working Out Down at the Farm 7:52
3. Slow Blues 8:03
4. Gonna Creep Up on You 3:47
5. Suicide 4:31
BBC Radio One John Peel Session
6. Vagabond of the Western World 4:30
7. Gonna Creep Up on You 3:24
BBC Radio One Rock On Session
8. Little Girl in Bloom 4:43
BBC Radio One Bob Harris Session
9. Sitamoia 3:47
10. Little Darling 3:08
11. Slow Blues 5:34
12. Showdown 4:15
BBC Radio One John Peel Session
13. Black Boys on the Corner 4:12

Philip Lynott – bass guitar, vocals
Eric Bell – guitars
Brian Downey – drums, percussion
&
Kid Jensen – voice on "The Hero and the Madman"
Jan Schelhaas – organ on "Mama Nature Said" and "The Hero and the Madman"
Fiachra Trench – string arrangement on "A Song for While I'm Away"

THIN LIZZY

3'S NeW WoRLD
Rush "2112" (1976)
ou "Concept de référence"

C'est l'album qui a sauvé Rush, c'est aussi leur première réalisation conceptuelle, leur album le plus progressif jusque-là et, on peut le dire, leur premier chef d'œuvre. 2112, cette authentique légende.
Mais, à y regarder de plus près, avec le concept sur la face 1 et des chansons en étant détachées sur la seconde, 2112 n'est qu'un demi concept album, en l'occurrence bien complémenté par ses courtes suiveuses (5 titres, tous entre 3 et 4 minutes) qui permettent de faire passer la pilule du mastodonte de 20 minutes et de ses ambitions progressives. Or donc, il y a 2112, le titre, qui, comme vous le savez sans doute tous, est une pièce de musique science-fictionnesque qui est désormais passée dans la légende, une pièce où, des riffs précis et les soli inspirés d'Alex, de la talentueuse versatilité de Geddy Lee (chanteur, et bassiste, et claviériste, et pareil sur scène !), aux textes et patterns d'un Neil désormais bien installé dans la formation (c'est son troisième album avec eux), il n'est pas difficile de se laisser emporter et qui, comme un Supper's Ready également réussi, peut s'écouter encore, encore et encore sans perdre une once de son intérêt, de son charme unique. Il n'est d'ailleurs pas un hasard que, bien des années plus tard, il continue, dans son entièreté ou raccourci, d'être une étape obligatoire des setlists de Rush. Mais il y a aussi cinq autres chansons, de petites chansons qu'on aurait presque tendance à oublier après telle fête. Le programme de cette suite ? Un hard-rocker so seventies, normal on est en 1976 (Passage to Bangkok), Un bel exemple qu'on peut faire du prog sans claviers et sur une courte durée (The Twilight Zone), un autre hard-rocker avec un vrai bon groove cette fois (Lessons), une belle ballade toute en nuance (Tears), et un hard-rocker un poil prog pour conclure (Something for Nothing), pas une qui n'égale le haut-fait de la première face mais pas une qui ne fonctionne pas parfaitement non plus. Du bel ouvrage, vraiment.
Comme en plus l'album bénéficie de la meilleure production du groupe jusque là, par le groupe et Terry Brown, on ne change pas une équipe qui gagne !, et d'un vrai frémissement commercial pour Rush, il était temps, le label commençait à menacer, il n'en faut pas plus pour considérer l'impeccable galette, ce légendaire 2112 comme, évidemment, la première grand-œuvre d'une formation qui n'avait pas fini de nous surprendre (en bien comme en mal d'ailleurs, mais le mal viendra plus tard), et un album obligatoire à la collection de tout amateur de rock progressif ou de hard rock qui se respecte, ce n'est pas plus compliqué que ça.

1. 2112 20:33
I. Overture
II. The Temples of Syrinx
III. Discovery
IV. Presentation
V. Oracle: The Dream
VI. Soliloquy
VII. Grand Finale
2. A Passage to Bangkok 3:32
3. The Twilight Zone 3:16
4. Lessons 3:51
5. Tears 3:30
6. Something for Nothing 3:59

Geddy Lee – lead vocals, bass guitar, keyboards
Alex Lifeson – electric and acoustic guitar
Neil Peart – drums, percussion
&
Hugh Syme – ARP Odyssey intro on "2112", mellotron on "Tears"

RUSH

à FoND LeS BaLLoNS
Motörhead "Ace of Spades" (1980)
ou "Speed Freaks"

Cette fois, on y est, Motörhead, le vrai, trio d'affreux sales et méchants despérados d'un rock cru et speedé, sorte d'hybride de hard rock et de punk rock mené par un ex-bassiste des space rockers d'Hawkwind, Lemmy bien sûr, est arrivé ! Parce qu'avec Ace of Spades, c'est du lourd, du rageur, et du classique incontestable, le mètre étalon du groupe, un bon gros brûlot qu'on n'a même plus besoin de conseiller. Comment ça c'était pareil sur les deux albums d'avant (Overkill et Bomber) ? Pas ma faute, Lemmy m'a trépané.
Et c'est compréhensible parce que l'assaut du machin, quoi, impressionnant ! Evidemment, en ces temps où les extrêmes se sont encore radicalisés, Motörhead parait presque comme un bon vieux groupe de hard mais, à l'époque, croyez-moi, c'était quelque chose ! Déjà, il y a la voix de Lemmy et ses cordes vocales qui ont dû être passées au papier de verre pour être si abrasives, ensuite, il y a la basse du même, en quatre ou en huit cordes, qu'il martyrise consciencieusement, et puis il y a la guitare de Fast Eddie Clarke qui, rien de bien compliqué en somme, booste les standards du rock'n'roll avec une dynamique, une attaque, à peine croyable, enfin, il y a les martellements trépidants d'un Philthy Taylor, l'équivalent humain de l'Animal des Muppets, pas moins, et un surnom bien choisi, un ! Mais, outre l'agression rock'n'rollesque du trio, il y aussi des chansons, et quelles chansons ! Un petit coup d'œil à la tracklist du présent vous révèlera que les classiques n'y manquent pas de la chanson titre à (We Are) The Road Crew, de Jailbait à The Chase Is Better Than the Catch, ça dépote d'autant plus inspiré que ce qu'il y a autour est loin d'être négligeable. Comme, en plus, le tout est idéalement mis en son, cru et sale mais pas sans maîtrise, par l'excellent Vic Maile (qui fera le bonheur d'autres rockers costauds tels que les Inmates, les Godfathers ou Dr. Feelgood), et que la version remasterisée propose, bonheur !, les deux titres enregistrés en commun par Motörhead et leurs bonnes copines électriques (Girlschool) et une face B pas piquée des verts (Dirty Love), vous comprendrez que la fête est complète et que, en l'occurrence, le power trio le moins sexy du monde vient de réussir son troisième album référentiel d'affilée.
Ace of Spades ? Si tu ne l'as pas c'est que tu as raté ta vie !

1. Ace of Spades 2:49
2. Love Me Like a Reptile 3:23
3. Shoot You in the Back 2:39
4. Live to Win 3:37
5. Fast and Loose 3:23
6. (We Are) The Road Crew 3:13
7. Fire, Fire 2:44
8. Jailbait 3:33
9. Dance 2:38
10. Bite the Bullet 1:38
11. The Chase Is Better Than the Catch 4:18
12. The Hammer 2:48
bonus
13. Dirty Love  2:57 (B-side of "Ace of Spades")
14. Please Don't Touch 2:49 (St. Valentine's Day Massacre EP)
15. Emergency 3:00 (St. Valentine's Day Massacre EP)

Lemmy – bass, lead vocals
"Fast" Eddie Clarke – guitar, backing vocals on "Emergency"
Phil "Philthy Animal" Taylor – drums
&
14 - 15
Kim McAuliffe – rhythm guitar
Kelly Johnson – lead guitar, vocals
Enid Williams – bass, vocals
Denise Dufort – drums

MOTÖRHEAD

eSSeNTiaL iNDie
Hüsker Dü "Candy Apple Grey" (1986)
ou "L'ouverture"

Peut-être parce qu'ils avaient l'impression de tourner en rond, plus sûrement parce qu'ils étaient convaincus d'avoir accouché de leurs classiques en la matière avec New Day Rising et Flip Your Wig, sans doute profitant du transfert du label indé SST vers la major Warner Bros, Hüsker Dü varie les plaisirs avec son cru de 1986, Candy Apple Grey.
Du coup, ceux qui attendaient exclusivement leur dose d'électricité "qui a du chou" pourront repasser. Du chou, y en a toujours, de l'électricité aussi, et parfois les deux se combinent mais, cette fois, l'affaire est particulièrement variée, et n'en sort pas gagnant qui l'on attendait forcément... En effet, si Hüsker Dü est un trio, et même un power trio, en matière de force créative, c'est à un duo aux compositions partagées entre le chanteur et guitariste Bob Mould et le chanteur et batteur Grant Hart (qui se partagent d'ailleurs aussi la production de l'album), et Greg Norton, lui, joue de la basse et il est très heureux comme ça. Or donc, l'habitude avait vu Mould dominer qualitativement Hart, cette fois, la tendance est inversée. Avec trois des meilleurs compositions de l'opus, et pas vraiment par surprise de celles qui marquent le plus une ouverture vers une musique plus mélodique, nommément  le très efficace rocker Don't Wanna Know If You Are Lonely, le délicieusement revivaliste avec son bon gros orgue Sorry Somehow, ou la belle ballade piano/voix No Promise Have I Made, Hart fait fort. C'est dire, même quand il fait dans le plus habituel (l'efficace Dead Set on Destruction), il réussit son coup et remplit donc avec l'ovation qui lui est due son 40%. Et les 60% de Mould ? Du bon et du moins bon. Du bon avec de l'accrocheur joliment troussé (le relativement tempéré I Don't Know for Sure), avec de l'acoustique aussi surprenant que satisfaisant (Too Far Down), du presque pop qui fonctionne même s'il est un peu longuet (Hardly Getting Over It et ses 6 minutes sans grandes variations), du bon gros rock bien carré et rentre-dedans (Eiffel Tower High) mais aussi un Crystal un peu lourdaud en ouverture de l'album et, à l'autre bout de l'album, un All This I've Done for You un peu trop "automatique... pas très inspiré. Du coup, si Mould s'en sort bien, et que l'album se tient donc forcément bien avec 8 titres réussis ou très réussis et seulement deux laissant à désirer (sans être indignes, hein !), il nous laisse un petit goût d'autant plus amer dans la bouche qu'on le sait capable de mieux.
Mais bon, Candy Apple Grey, qui sera le plus gros succès du groupe si pas son travail le plus accompli, est une foutue bonne galette, pas exactement un classique mais presque, un album bien troussé par des musiciens qui se connaissent par cœur et font mieux que "faire le métier". C'était il y a presque 30 ans, et ça le fait toujours, on ne devrait pas avoir besoin d'en dire plus !

1. Crystal 3:28
2. Don't Want to Know If You Are Lonely 3:29
3. I Don't Know for Sure 2:27
4. Sorry Somehow 4:25
5. Too Far Down 4:37
6. Hardly Getting Over It 6:02
7. Dead Set on Destruction 2:59
8. Eiffel Tower High 2:49
9. No Promise Have I Made 3:39
10. All This I've Done for You 3:09

Bob Mould – guitar, vocals, keyboards, percussion
Grant Hart – drums, vocals, percussion, keyboards
Greg Norton – bass guitar

HÜSKER DÜ

HaRD PoP RoCKiN' 3
King's X "Faith Hope Love" (1990)
ou "A different state of mind"

Ce sont les mavericks du hard rock américain de la fin des années 80 et du début des années 90, ceux qui ne veulent surtout pas faire comme tout le monde et cultivent, conséquemment, moult particularismes qui, s'ils font indéniablement leur charme, constitueront également le piège dans lequel il s'enferreront eux-mêmes, celui d'être très au-dessus de la mêlée mais justement trop unique pour vraiment trouver son public. Dur dur d'être un King's X !
Mais en 1990, il y a comme un frisson, l'excellente réputation, fut-elle critique et confraternelle, de leurs deux précédents opus (Out of the Silent Planet et Gretchen Goes to Nebraska), un premier single juste assez radio friendly pour leur offrir quelque airplay, It's Love, King's X semble enfin avoir l vent en poupe, enfin avoir la chance d'imposer le hybride de hard rock (ces riffs, ces riffs !), de pop (ces chœurs, ces chœurs !), et de soul (ce groove, ce groove !), à d'autres qu'au petit noyau de fans qui attendent désormais chaque apparition discographique de leurs chouchous avec un appétit d'ogre. Et ils ont un bel album dans la manche pour appuyer l'opportunité (qui ne sera hélas qu'un feu de paille, groupe maudit m'entends-tu ?). Un bel album avec de vraies belles chansons à inclinaison pop : It's Love, déjà, mais aussi un très réussi Mr. Wilson, une beauté fragile à la Beatles avec Six Broken Soldiers, la première chanson en lead vocalist du batteur, Jerry Gaskill, l'ambitieux Faith Hope Love et ses 9 minutes qui passent comme un charme, ou le délicat et acoustique Legal Kill avec son violoncelle et son flutiau, une sorte de  "bonne nuit les petits" pour finir en douceur le festival qui a précédé. Parfait. Et côté groove ? Il y en a un peu partout déjà mais sinon, si c'est la petite pulsion funk que vous recherchez, faites confiance à votre instinct, suivez à la trace les trépidations du sieur Pinnick , dès que sa voix gorgée de soul rentre en piste, en lead !, vous pouvez être sûrs que les gigotations ne sont pas très loin ! Même si le bougre s'y entend aussi pour faire pleurer son organe comme sur les poignants I'll Never Get Tired of You et Everywhere I Go. On a même droit, surprise !, au morceau le plus brutal de King's X, Moanjam, où les trois semblent prendre la pose "greasy pistoleros" qui sied habituellement si bien à un certain Lemmy... Bonheur complet ! Même si, à l'usage, Faith Hope Love n'a pas la même endurance, la même résistance à l'usure du temps que son glorieux devancier, Gretchen Goes to Nebraska, mais presque !
Alors oui, l'injustice est immense de ne pas avoir vu ce magnifique power trio obtenir les dividendes de son excellent travail. Mais il n'est pas trop tard pour les accueillir dans vos oreilles en commençant, parce qu'il est vraiment très bon cet album, par un Faith Hope Love plein comme un œuf d'un hard rock original et ouvert.

1. We Are Finding Who We Are 4:40
2. It's Love 4:37
3. I'll Never Get Tired of You 3:47
4. Fine Art of Friendship 4:21
5. Mr. Wilson 3:39
6. Moanjam 6:05
7. Six Broken Soldiers 3:33
8. I Can't Help It 3:53
9. Talk to You 4:36
10. Everywhere I Go 3:54
11. We Were Born to Be Loved 4:52
12. Faith Hope Love 9:22
13. Legal Kill 4:43

Doug Pinnick - lead & backing vocals, bass guitar
Ty Tabor - lead & backing vocals, lead, rhythm & acoustic guitars, sitar
Jerry Gaskill - lead & backing vocals, drums, percussion
&
Galactic Cowboys (Monty Colvin, Alan Doss, Ben Huggins, Dane Sonnier) - backing vocals on "Mr. Wilson" & "Faith Hope Love"
Max Dyer - cello on "Six Broken Soldiers", "Faith Hope Love" & "Legal Kill"
Erik Ralske - French horn on "Six Broken Soldiers"
Little Willie Sammy Taylor - pipe organ on "Six Broken Soldiers"
Kemper Crabb - soprano recorder on "Legal Kill"

KING'S X

aNoTHeR PoWeR
Morphine "Cure for Pain" (1993)
ou "Bueno !"

Un power trio pas comme les autres ? Certainement, parce qu'avec sa basse deux cordes joué en slide, son saxophone remplaçant la guitare, on peut dire que Morphine cultive sa différence mais quand c'est fait avec autant de classe, d'imagination et avec autant de compositions de qualité que sur ce magnifique Cure for Pain, leur second album, comment résister ?
Evidemment, ceux qui les avait découvert avec Good, un an plus tôt, savent les prodiges dont est capable la formation menée par Mark Sandman (qui disparaitra, hélas, foudroyé sur scène par une crise cardique, en 1999 à seulement 46 ans), Sauf que cette fois, c'est encore mieux. Déjà parce que les compositions sont bien meilleurs mais aussi parce que l'alchimie de l'inhabituel trio s'est idéalement établie et fonctionne, présentement, à plein régime ce qui n'était pas exactement le cas sur un très honorable mais encore embryonnaire Good, un an plus tôt. Or donc les chansons y sont meilleures, c'est l'évidence ! Du très accrocheur Buena, petit hit à l'époque tout à fait mérité, qui arrive juste après une courte et accessoire intro à  un All Wrong qui jazze autant qu'il rocke en passant par un A Head with Wings au groove irrésistible ou un tout doux In Spite of Me mais encore un Thursday qui, pour le coup, mérite l'étiquette souvent malvenue de jazz rock, et j'en passe forcément puisque tout est bon sur Cure for Pain, on va de bonnes en excellentes surprises grâce à l'interaction millimétrée des trois (dont un nouveau batteur, Billy Conway, qui ne participe qu'épisodiquement aux sessions). Pas de guitare ? Et alors ? Morphine n'en a nullement besoin et, au contraire, on se dit qu'un instrument de plus serait vraiment un instrument de trop qui viendrait faire perdre de sa belle fraicheur à une galette, je pèse mes mots, d'exception.
Morphine n'aura jamais caracolé en tête des charts, jamais affolé les adolescents alors plus braqués sur l'explosion grunge en général et le nihilisme d'un certain Kurt. Reste que, sur le présent album mais plus généralement dans toute leur œuvre, ces mecs là avaient réussi, l'air de rien, à s'inventer leur propre genre tout en gardant fermement en tête l'absolue nécessité de, surtout, composer de bonnes chansons. Très fort, très recommandé aussi.

1. Dawna 0:44
2. Buena 3:19
3. I'm Free Now 3:24
4. All Wrong 3:40
5. Candy 3:14
6. A Head with Wings 3:39
7. In Spite of Me 2:34
8. Thursday 3:26
9. Cure for Pain 3:13
10. Mary Won't You Call My Name? 2:29
11. Let's Take a Trip Together 2:59
12. Sheila 2:49
13. Miles Davis' Funeral 1:41

Mark Sandman - 2-string slide bass; tritar; guitar; organ; lead vocals
Dana Colley - baritone saxophone; tenor saxophone; backing vocals
Jerome Deupree - drums
&
Billy Conway - drums on tracks 9 & 11; cocktail drum overdub on track 8
Jimmy Ryan - Mandolin on track 7
Ken Winokur - Percussion on track 13

MORPHINE

FuN Boy 3
Sublime "Sublime" (1996)
ou "Joyeuse fusion"

De la bonne humeur pour de tristes circonstances parce que, quand sort ce Sublime éponyme, leur troisième en fait, Bradley Nowell, le talentueux leader de la formation, s'est éteint depuis deux mois déjà. C'est donc d'une œuvre posthume dont il s'agit, et de l'histoire d'un beau gâchis accessoirement parce que, quel album, mazette !
Et quelle fusion parce que, l'air de rien, Sublime marie ici beaucoup de genres sans jamais donner l'impression de vouloir en rajouter, sans effort et, à vrai dire avec un classe folle. La base, évidemment, enfin pour ceux qui connaissent leurs deux albums précédents (40 oz. to Freedom et Robbin' the Hood), est ska et punk mélodique, là dessus, le trio ajoute moult éléments qui s'y imbriquent comme à merveille. Aussi retrouve-t-on du funk (le très cool ska/funk Santeria et sa distrayante basse baladeuse), du hip-hop (What I Got, un vrai tube en plus !, et encore plus sur April 29, 1992 (Miami)), un chouia de blues (ce lick à l'acoustique sur What I Got, excellent !, Under My Voodoo et sa guitare hendrixienne en diable), du reggae bien sûr puisque c'est un rejeton direct de leur ska chéri (sur un Garden Groove bien dub ou un Jailhouse plus frontalement reggae sans être roots pour autant) et quelques autres douceurs encore qu'on ne dévoilera pas, pour ne pas trop gâcher la belle surprise. Rajoutez à ça des textes malins et souvent rigolos, mais parfois plus concernés par le monde qui les entoure aussi, une production, signée par Paul Leary et David Kahne, qui sait mettre en valeur la qualité des compositions ET des performances de musiciens qui, sans jamais être vainement démonstratifs, ont une vraie maîtrise de leur sujet, et ont su s'entourer de quelques guests largement utilisées sans être envahissantes et même, petit bonbon pour pousser tout ça, de détourner le Summertime de Gershwin en mode trip-hop carcéral (Doin' Time). Et puis, l'album est tellement généreux que vous pourrez, si tel est votre choix, zapper les quelques furieuse hardcore-punkeries, il restera encore beaucoup de matière, et quelle matière !
L'album, pourtant pas supporté par une tournée promotionnelle pour d'évidentes raisons, connaîtra un beau succès, un succès testament du talent d'un Bradley Nowell, qui aurait mieux fait de rester loin de la piquouze, et de son impeccable trio. Pour dire, presque 20 ans plus tard, malgré qu'on tienne indéniablement une œuvre bien de son temps, ça n'a pas pris une ride !

1. Garden Grove 4:22
2. What I Got 2:51
3. Wrong Way 2:16
4. Same in the End 2:36
5. April 29, 1992 (Miami) 3:53
6. Santeria 3:03
7. Seed 2:10
8. Jailhouse 4:53
9. Pawn Shop 6:06
10. Paddle Out 1:15
11. The Ballad of Johnny Butt 2:11
12. Burritos 3:55
13. Under My Voodoo 3:25
14. Get Ready 4:50
15. Caress Me Down 3:31
16. What I Got (Reprise) 3:01
17. Doin' Time 4:14

Bradley Nowell - vocals, guitar, organ, synthesizer
Eric Wilson - bass, synthesizer
Bud Gaugh - drums, percussion
&
DJ Smash - turntables, percussion
Marshall Goodman - turntables, percussion, drums, drum programming
Michael "Miguel" Happoldt - guitar, space echo
David Kahne - organ, piano
Paul Leary - guitar
Todd Forman - saxophone
Jon Blondell - trombone
Lou Dog - Band Dalmatian

SUBLIME

RéiNVeNTioN BLeue
The Jon Spencer Blues Explosion "Acme" (1998)
ou "New Blues"

Il y en a plein qui s'y sont essayé, avec des fortunes diverses d'ailleurs, revisiter le blues, ce genre à priori simpliste avec ses moods comparables et ses éternels trois accords, n'est pas une simple affaire. Il fallait bien la morgue, l'imagination et le talent du Jon Spencer Blues Explosion pour si bien le réussir, comme sur Acme, leur cru de 1998.
Bon, certains vous diront que ce satané Jon Spencer ne respecte rien, qu'il dénature souvent le blues au point de le rendre méconnaissable. Oui, et alors ? C'est pas cette vision différente, cette punkitude du bleu, cette recherche continuelle d'un son à la fois roots, moderne, sale et précis (oui, tout ça) que The Jon Spencer Blues Explosion a imposé son son, accompli sa mission revivaliste et révolutionnaire à la fois. Cette mission, ce sacerdoce, s'exprime par un son qui a certes évolué avec le temps mais est, cependant, toujours resté fidèle à une recherche esthétique d'une honnêteté à toute épreuve. Aussi, qu'importe qu'Acme glisse parfois vers l'électro, une première pour le trio, que le concours de moult producteurs et remixers (Steve Albini, Alec Empire, Jim Dickinson, Dan the Automator, et quelques autres) ainsi que de quelques guest ait été nécessaire pour accomplir la tâche, seul le résultat compte, et le résultat est bel et bien là dans cette galette délicieusement rétromoderniste où, si quelques highlights sortent du lot (le lent et lascif Magical Colors et son orgue glissant, le talkin' blues alien Talk About the Blues, le funky/zarbi Lovin' Machine, le charmant Blue Green Olga et la douce voix féminine de Jill Cunniff qui s'y est glissé), l'ensemble de la galette épate aussi par sa belle consistance.
Peut-être pas le meilleur Jon Spencer Blues Explosion, on penchera sans doute vers l'Extra Width  de 1993, Acme n'en est pas loin une galette plus que solide, un album réellement inspiré, un objet musical qui mérite amplement le détour, bref, une belle trouvaille qui fera sans doute grincer les dents des amateurs de "vrai" blues mais ravira les autres.

1. Calvin 3:02
2. Magical Colors 4:10
3. Do You Want to Get Heavy 4:08
4. High Gear 2:07
5. Talk About the Blues 3:58
6. I Wanna Make It All Right 3:44
7. Lovin' Machine 3:45
8. Bernie 3:01
9. Blue Green Olga 3:40
10. Give Me a Chance 3:16
11. Desperate 3:18
12. Torture 4:08
13. Attack 3:10

Judah Bauer - guitar, voice
Russell Simins - drums
Jon Spencer - voice, guitar
&
Brass Monkey - horn section 
Dan the Automator - scratching 
Joel Diamond, Brian Weber  - organ 
Gregg Foreman, Nick Sansano - piano 
Jeremy Jacobsen - organ, piano
Rick Lee - noise 
Christopher Shaw - organ, synthesizer 
Greg Talenfeld - harmonica, bakcing vocals
Jill Cunniff, Cristina Martinez, Lee "Scout" Ford, Audrey Rose, Hollis Queens, Jason Powell, Jerome "Rome" Cohen, Dexter Conyers  - backing vocals

JON SPENCER BLUES EXPLOSION

SuBTLe PoWeR
Karate "Some Boots" (2002)
ou "Bottes de sept lieues"

Le groupe n'est plus sa musique demeure, intemporelle, indémodable parce que jamais à la mode. Ha, Karate, c'était quand même quelque chose ! Un vrai power trio, puissant dans ses climats, ses pleins et ses déliés. Las, sa mixture de blues, de jazz, d'indie rock, etc., le plaça le cul entre trop de chaises pour jamais trouver une assise confortable et le public qui va avec, le groupe se contenta donc d'un maigre auditoire, fidèle auditoire aussi vouant un culte à cette bête à nulle autre pareille.
Dans le "canon" de l'œuvre de la formation, Some Boots est l'avant dernier, le plus jammy aussi. Il faut dire que ces trois là - Geoff Farina, chant, guitare et leader naturel; Jeff Godard, bassiste de son état; et Gavin McCarthy, batteur extraordinaire, s'y entendent pour tisser de longues compositions exploratoires où les hooks et soli de guitare, le son plein et chaud d'une basse omniprésente, et la volubile extravagance des figures rythmiques se marient à merveille. Certaines mauvaises langues iront médire que Farina n'est pas un brillant technicien, c'est avant tout un beau mélodiste et un créateur d'ambiances qui sait user de son instrument comme d'une seconde voix, soulignant, rehaussant, la monotonie assumée de ses lignes de chant collant idéalement à la poésie du quotidien de ses textes.
Some Boots, déjà 13 ans après sa sortie, n'a pas pris une ride, chaque écoute (et nombreuses furent-elles) y ajoute au contraire une patine, une profondeur à priori insoupçonnée. Ca s'appelle un grand album, tout simplement !

1. Original Spies 6:39
2. First Release 7:43
3. Ice or Ground? 6:17
4. South 7:46
5. In Hundreds 7:11
6. Airport 4:43
7. Baby Teeth 5:48
8. Corduroy 8:45
9. Remain Relaxed 3:12

Geoff Farina - vocals, guitar
Gavin McCarthy - drums
Jeff Goddard - bass

KARATE

PoWeR PoP TRio
Ben Folds Five "The Sound of the Life of the Mind" (2012)
ou "Five is Three again"

On les avait quitté sur un impeccable The Unauthorized Biography of Reinhold Messner en 1999, revoici, à la surprise générale parce qu'on ne s'y attendait vraiment pas, 13 longues années plus tard, le retour du Ben Folds Five. Rien que ça, sans même écouter la moindre note de la moindre chanson de ce The Sound of the Life of the Mind, est une excellente nouvelle.
Et puis il est temps de se confronter à la chose, d'examiner, d'abord, son étrange pochette qu'on aurait plus imaginé illustrant un album de rock progressif, mais soit, passons. Et d'attaquer le vif du sujet, ce pourquoi on est là et ce qu'on espère sera d'un niveau qui ne nous fera pas regretter le retour de Ben Folds et de ses deux compagnons de jeu, le batteur Darren Jesse et le bassiste Robert Sledge. Autant le dire tout de suite, The Sound of the Life of the Mind n'est pas un grand album, juste un bon album. Autant le dire tout de suite (bis), on y retrouve immédiatement la patte du trio, leurs habituelles manières d'interagir, leur faconde pop toujours fermement menée par les mélodies, la voix et le piano de Ben, bien sûr, parce qu'outre un titre, le sympathique mais accessoire Sky High signé par Darren Jesse, c'est tout de même à un implacable Folds Show auquel on assiste. C'est tout sauf une surprise, d'ailleurs, parce que Ben, on le sait, est un garçon qui sue la mélodie par tous les pores de la peau, dont la voix, à l'idéale tessiture pop, est un parfait véhicule de textes souvent acerbes et/ou sarcastiques, toujours excellemment écrits, et que le monsieur, comme on l'a entendu sur les nombreux albums solo sandwichés entre les deux derniers BFF (et plus particulièrement sur Rockin' the Suburbs, son premier et son meilleur), est un arrangeur aussi précis que précieux et talentueux. Bref le garçon nous énerverait presque s'il ne nous avait pas procuré pas de si belles émotions comme c'est encore le cas ici. Mais, indéniablement, il faut l'alchimie des trois pour obtenir ce son, l'énergie bienvenue d'un The Sound of the  Life of the Mind doté d'une belle dynamique, d'un Do It Anyway mené tambour battant ou d'un Draw a Crowd tout bête piano (pop) rock diablement efficace, la grâce nostalgique d'un Michael Prayton convoquant sans honte les Beach Boys et d'un Thank You for Breaking My Heart essentiellement joué au piano délectablement doux-amer, la quasi-perfection mélodique pop d'un Erase Me ne manquant pas de nerf avec son passage énervé à basse saturée ou d'un Away When You Were Here certes un poil convenu mais si bien (orchestralement) arrangé. Bon, il y a aussi quelques morceaux un poil moins inspirés, le Sky High précité par exemple ou d'un On Being Frank un peu trop muzak pour être honnête, mais, dans l'ensemble, la fête est presque aussi belle qu'elle le fut dans un fantastique premier run de, seulement !, trois petits albums et cinq courtes années.
Et donc, le retour du Ben Folds Five ? Comme dirait la mère de Bonaparte, pourvu que ça dure ! The Sound of the Life of the Mind ? Pas exactement l'extase mais une réussite, indubitablement. Et donc, qu'est-ce qu'on dit ? Merci messieurs et à très bientôt pour, souhaitons !, la suite de vos trépidantes aventures !

1. Erase Me 5:15
2. Michael Praytor, Five Years Later 4:32
3. Sky High 4:42
4. The Sound of the Life of the Mind 4:10
5. On Being Frank 4:33
6. Draw a Crowd 4:14
7. Do It Anyway 4:23
8. Hold That Thought 4:14
9. Away When You Were Here 3:30
10. Thank You for Breaking My Heart 4:50

Ben Folds – piano, keyboard, vocals
Darren Jessee – drums, percussion, vocals
Robert Sledge – bass, synthesizers, contrabass, vocals

BEN FOLDS FIVE

WiLD & WiSe TRio
Ceramic Dog "Your Turn" (2013)
ou "Their own voice"

C'est Marc Ribot qui le dit, Ceramic Dog est son premier groupe de rock depuis le lycée. Diantre ! Forcément, avec Marc Ribot, qu'on situera comme excellent musicien de studio chez Bashung ou Tom Waits, pour ne citer qu'eux, ou comme crépitant guitariste surf & rock chez John Zorn ou encore comme artiste solo multiple capable de la plus grande ascèse comme du plus monumental bordel punk jazz, un groupe de rock ne peut pas être qu'une simplette entreprise à enchainer du couplet sur du refrain avec quelques bons riffs et un petit solo de temps en temps... Trop facile !
De fait, dans la lignée d'un premier album déjà très réussi (Party Intellectuals), Your Turn est, une fois de plus, une relecture inspirée et libre de l'idiome rock (au sens large) par un musicien qui s'amuse visiblement beaucoup avec ses deux excellents compagnons, le bassiste Shahzad Ismaily (Laurie Anderson, Will Oldham, Jolie Holland, Secret Chiefs 3) et le batteur Ches Smith (Xiu Xiu, Secret Chiefs 3, Trevor Dunn's Trio Convulsant). Relecture libre mais relativement plus traditionnelle, pour ne pas dire traditionaliste, qu'elle ne l'avait été dans l'opus originel qui, plus expérimental que ne l'est Your Turn n'en était, en toute logique, que plus difficile à appréhender. Illustrant cette nouvelle abordabilité, on y trouve ce qu'on pourrait assimiler à du Satriani "garage" sur l'instrumental Your Turn, simple tournerie où Ribot laisse libre court à sa transe guitaristique, un swinging blues fun et désarmant (The Kid Is Back), ou à une fusion rap'n'rock'n'fun à classer entre Fishbone et les Beastie Boys (We Are the Professionals), mais aussi à de jolies folies comme l'arabisant et rigolard Masters of the Internet, les uns aussi irrésistibles que les autres, ceci dit en passant parce que, fondamentalement, tout ceci n'est pas sérieux même si c'est fait sérieusement... du Rock, quoi ! Une musique où Gene Vincent voisine Devo, où les Ramones ont autant voie au chapitre que Faust, où Link Wray (qui n'est jamais bien loin) en remontre à Led Zeppelin !
Dire, cependant, que toutes traces de l'appartenance jazzistique et expérimentale de Ribot ont disparues serait une exagération. Quand sur Ritual Slaughter, il trippe dans des soli free évoquant autant John Cipollina qu'Ornette Coleman ou quand, sur The Prayer, d'intimiste à explosif, il met à l'amende toute une génération de shredders ET de droners qui s'en trouvent, pour le coup, sur le cul, ou quand, encore, il reprend, dissonances et virtuosité combinées, le Take 5 de Paul Desmond, il rappelle clairement d'où il vient, le bagage qu'il transporte, ses credentials... Mais sans intellectualiste aucun, jamais !, parce qu'il y a chez Ceramic Dog et son patron, chevillée au corps, une volonté de se faire plaisir en "lâchant les chevaux" (dans l'inspiration parce que l'album réserve quelques belles plages de repos pas très éloignées de son poteau Waits, bizarrerie incluse) qui fait un bien fou à entendre et prouve qu'on n'est pas blasé à presque 60 ans après plus de 25 ans de carrière... et quelle carrière !
Party Intellectuals avait été, en son temps, une excellente surprise qui, sans totalement nous chavirer, donnait des envies d'encore, laissait un gout de trop peu tant il semblait que la formation avait encore moult pistes à explorer. On n'était alors pas sûr que lendemain il y aurait ni qu'il serait du niveau d'un Your Turn où tout le potentiel entrevu se voit démultiplié, comme le plaisir de l'auditeur ! Ca n'en fait que plus espérer que Ceramic Dog fassent encore des petits parce que, mine de rien, on tient peut-être déjà l'album rock de l'année (2013, ce fut le cas. NdA)... tout simplement !

1. Lies My Body Told Me 5:30
2. Your Turn 3:58
3. Masters of the Internet 4:04
4. Ritual Slaughter 4:04
5. Avanti Popolo 0:57
6. Ain't Gonna Let Them Turn Us Around 3:53
7. Bread and Roses 5:17
8. Prayer 5:39
9. Mr. Pants Goes to Hollywood 4:31
10. The Kid is Back 3:06
11. Take 5 5:25
12. We Are the Professionals 3:53
13. Special Snowflake 1:39

Marc Ribot – guitar, vocals, banjo on track 3, bass and melodica on track 5, horn on tracks 3, 5, 11 and 12, trumpet on tracks 3 and 12
Shahzad Ismaily – bass, synthesizer, vocals, additional guitar on track 1, keyboards on tracks 3 and 13, sampling on track 3, Moog synthesizer on track 5
Ches Smith – drums, percussion, electronics, vocals, keyboards on track 13
&
Eszter Balint – vocals on tracks 1, 6 and 10, melodica on track 9, organ on track 10, violin on track 13
Dan Willis – Oboe and zurna on track 3
Keefus Ciancia – sampling on tracks 3, 7, 8 and 12
Arto Lindsay – guitar on track 10

CERAMIC DOG

7 commentaires:

  1. Power Trios ! (volume 1)

    The Jimi Hendrix Experience "Axis: Bold As Love" (1967)
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    Thin Lizzy "Vagabonds of the Western World" (1973)
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    Rush "2112" (1976)
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    Motörhead "Ace of Spades" (1980)
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    Hüsker Dü "Candy Apple Grey" (1986)
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    King's X "Faith Hope Love" (1990)
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    Morphine "Cure for Pain" (1993)
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    Sublime "Sublime" (1996)
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    Jon Spencer Blues Explosion "Acme" (1998)
    - http://www71.zippyshare.com/v/gbDGx03W/file.html

    Karate "Some Boots" (2002)
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    Ben Folds Five "The Sound of the Life of the Mind" (2012)
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    Ceramic Dog "Your Turn" (2013)
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  2. ...Tout simplement Fantastique !!
    You are Experienced !!
    Je prends tout !
    Merci.

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    Réponses
    1. Merci.
      N'hésite pas à revenir communiquer sur ton expérience.

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  3. 12 albums ! Pfiou, va falloir faire des choix.
    C’est vrai que la notion de trio donne vraiment quelque chose d’à part. Et derrière ce presque minimaliste, on trouve souvent une musique dont on oublie qu’elle n’est le fruit que de 3 individu ?
    Des albums que je connais (Hendrix, Husker Du, Morphine, JSBE ; ), je partage tout à fait ton analyse. J'aime beaucoup celle de Husker Du, vraiment très pertinente. A l'occasion, tu pourrais proposer les deux premiers Sugar (copper blue et Beaster, de mémoire,?) Je ne les ai plus, et ils sont excellents.

    Du coup, question « nouveauté », je prends Motorhead (et vais réecouter ce Morphine que je ne disposais qu’en K7). Et je suis intriguée par Rush tant par ce que j’en ai déjà lu que par ce que tu en dis… J’aurais plus de temps, je tenterais bien aussi quelques disques récents (Karatate ou Ceramic Dog), mais actuellement je sature en termes d’écoute.

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    Réponses
    1. Le nombre de propositions sert justement à proposer le choix donc, voilà quoi, tu as bien compris.
      Merci de ton passage, de ton commentaire et du retour quand tu auras le temps et l'occasion. Toujours un grand plaisir de te lire, Audrey.

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  4. Pour moi les découvertes c'est Sublime, Karate, King's X et le groupe de Ribot (Ceramic Dog), mais comment ne pas écouter tous ces albums quand on a lu tes chroniques ?! donc voilà, et puis commencer par Hendrix, surtout les 3 Lp's de l'Experience, tu en parle Super bien !
    Merci encore. Patrick

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    Réponses
    1. Merci pour les compliments, déjà, ça fait toujours plaisir. Ensuite, bonne(s) découverte(s) en espérant que tu apprécieras et que, quand le cœur t'en diras, tu revienne commenter sur ton expérience.
      A+

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