mardi 5 mai 2015

1985 par 12, 30 ans déjà !




JaNVieR
Hüsker Dü "New Day Rising"
ou "American Summit"

Si vous demandez au spécialiste de la chose indie et punk quel est le meilleur album de Hüsker Dü, vous aurez droit au choix, à trois réponses : Zen Arcade (juillet 1984), New Day Rising (janvier 1985) et Flip Your Wig (septembre 1985). Dire que ces mid-80s sont une période faste pour le trio de Minneapolis est un indéniable euphémisme, ces diables-là ont l'électricité qui leur dégouline par tous les pores de la peau. Et puis, alors que le hair metal triomphe chez les étatsuniens, ils participent à l'avant-garde d'une révolution qui viendra bientôt tout assainir, fort.
Présentement, le programme est copieux, 15 titres, sans traîner en longueur, 41 petites minutes, c'est dire si l'affaire est menée tambours battant ! Comme d'habitude, Bob Mould en est le compositeur principal (ne restent à Grant Hart, l'autre vocaliste mais également le batteur, que 4 chansons, dont une en collaboration avec le précité) mais c'est tout le groupe, et sa quintessentielle énergie, qui font de New Day Rising une œuvre d'exception. La composante mélodique, qui avait été la grande nouveauté de Zen Arcade, n'est ici que renforcée, une excellente nouvelle tant cette dichotomie entre accroches presque pop et  abattage strictement punk/hardcore fonctionne merveilleusement. Concrètement, les miettes laissées à Hart (le puissant The Girl Who Lives on Heaven Hill et le très fun Books about UFOs, en particulier) ont tout de pépites d'or à peine sorties du limon, Mould y répond avec une égale classe et une intacte conviction enfilant les perles d'une impressionnante parure (New Day Rising, Celebrated Summer), même quand il ralentit l'allure (Perfect Example) ou semble presque dépasser la mesure (l'électrisant 59 Times the Pain, le Noisy Plans I Make, tout en fuzz et distorsion). Et derrière tout ça, pas créateur, sauf à compter les trois compositions créditées collectivement, toutes avec des paroles de Mould,  mais certainement acteur, un bassiste plus que solide et carrément inspiré, Greg Norton, l'homme à la magnifique moustache !, sans lui, rien ne serait vraiment pareil. Sur la mise en son, on dira que, toujours chez l'indépendant SST, mais bénéficiant vu son succès grandissant de toutes les largesses possibles à une petite maison, on a du cru mais du suffisamment clair et distinct pour ne pas gâcher la fête, à vrai dire, il y a même un certain charme à entendre la saine crudité d'une production dénuée d'artifices inutiles.
Hüsker Dü restera de ces formations cultes qui ne profiteront pas des bénéfices de la lame de fond qu'ils auront contribué à lancer. Restent quelques très beaux albums qui, loin de la gymnastique habituelle du punk et du hardcore, conservent une grâce énergétique hors du commun, même une trentaine d'années après leur apparition. New Day Rising est de ceux-ci, un album plus que conseillé, obligatoire.

1. New Day Rising 2:31
2. Girl Who Lives on Heaven Hill 3:03
3. I Apologize 3:40
4. Folk Lore 1:34
5. If I Told You 2:05
6. Celebrated Summer 3:59
7. Perfect Example 3:16
8. Terms of Psychic Warfare 2:17
9. 59 Times the Pain 3:18
10. Powerline 2:22
11. Books About UFOs 2:40
12. I Don't Know What You're Talking About 2:20
13. How to Skin a Cat 1:52
14. Whatcha Drinkin' 1:30
15. Plans I Make 4:16

Bob Mould - vocals, guitar
Grant Hart - vocals, drums
Greg Norton - bass guitar

HÜSKER DÜ

FéVRieR
Tears for Fears "Songs from the Big Chair"
ou "Forget the Mullets"

C'est un peu la queue de la comète new-wave, un peu l'apparition d'une nouvelle vague pop parce que, si Tears for Fears ne furent pas de ces météoriques succès, il y a une raison, ils ont du talent quelque soit les atours dont ils usent pour leurs albums, comme sur ce classique, ce Songs from the Big Chair des mid-80s, un triomphe de l'époque jusque dans les arrangements capillaires discutables des deux membres...
Deux ans plus tôt, la formation, encore quatuor avec, en sus d'Orzabal et de de Smith (le premier également principal compositeur), un claviériste (Ian Stanley) et un batteur (Manny Elias), a fait une remarquée apparition avec un premier long-jeu, l'ambitieux et réussi The Hurting, et quelques singles, Mad World, depuis re-popularisé par Gary Hughes sur la BO de Donnie Darko, Change et Pale Shelter qui, s'incrustant toutes trois dans le Top 10 d'Outre-Manche, lancèrent une prometteuse carrière. On y imagine la pression quand il fut temps d'accoucher d'un successeur mais, tranquilles et sûrs de leur fait, n'hésitant pas à marquer une très nette évolution voire une transformation, les membres de Tears for Fears convoquent le gotha des musiciens de studio pour réaliser leur vision. Dans les faits, ça donne un album nettement moins nerveux que son prédécesseur où, des un Shout inaugural promis à une évidente carrière radiophonique (qui continue toujours aujourd'hui) on comprend que ces gars-là sauront satisfaire au-delà des plus folles expériences. La suite, d'un The Working Hour éthéré émaillé d'intervention saxophoniques aussi surprenantes que bienvenues (par Mel Collins, de chez King Crimson, oui !, et Will Gregory) et à l'emballage rythmique (la participation de Jerry Marrota aux percus n'a pas dû nuire) absolument passionnant à décortiquer, à un Everybody Wants to Rule the World tube immédiat en plus d'être une chanson excellemment troussée, un cinématique et funko-percussif Mothers du plus bel effet, un I Believe délicieusement cotonneux et jazzy où s'exprime parfaitement la personnalité vocale rêveuse de Curt Smith, et, évidemment, puisque c'est un autre hit, à un très accrocheur Head Over Heels qui s'imprime immédiatement dans les mémoires. Comme en plus, on ne rechigne pas à déguster les bonus de la présente édition, il n'en faut pas plus pour applaudir franchement la performance.
Produit par l'ex-Adam and the Ants, qui en était aussi le producteur d'ailleurs, Chris Hughes, totalement caractéristique de son temps et pourtant étonnamment peu daté aujourd'hui (peut-être parce que les performances instrumentales, du groupe comme de ses invités, y sont particulièrement soignées), Songs from the Big Chair est plus qu'un succès jauni, une galette toujours chaudement recommandé aux amateurs d'une pop rock finement exécutée et instrumentalement développée (dans l'esprit du So de Peter Gabriel ou du Once Upon a Time de Simple Minds). Tears for Fears en 1985 ? Ils avaient tout bon !

1. Shout 6:32
2. The Working Hour 6:30
3. Everybody Wants to Rule the World 4:10
4. Mothers Talk 5:09
5. I Believe 4:53
6. Broken 2:38
7. Head over Heels/Broken (Live) 5:01
8. Listen 6:48
Bonus
9. The Big Chair 3:21
10. Empire Building 2:52
11. The Marauders 4:16
12. Broken Revisited 5:16
13. The Conflict 4:05
14. Mothers Talk (U.S. remix) 4:13
15. Shout (U.S. remix) 8:02

Roland Orzabal – guitar, keyboards, lead vocals, grand piano on 5, vocal styling on 8, bass synth and LinnDrum Programming on 1
Curt Smith – bass guitar, vocals (lead vocals on 3 and 8)
Ian Stanley – keyboards, synths, LinnDrum programming, arrangements on "Listen"
Manny Elias – drums
&
"Shout": Sandy McLelland – backing vocals, Chris Hughes – drums
"The Working Hour": Jerry Marotta – percussion, Will Gregory – saxophone solos, Mel Collins – saxophone, Andy Davis – grand piano
"Everybody Wants to Rule the World": Neil Taylor – second guitar solo, Chris Hughes – drums and MIDI programming
"Mothers Talk": Stevie Lange – backing vocals
"I Believe": Will Gregory – saxophone
"Broken": Neil Taylor – guitar solo
"Head over Heels": Sandy McLelland – backing vocals, Andy Davis – grand piano, Annie McCaig – backing vocals, Marilyn Davis – backing vocals
"Listen": Marilyn Davis – operatic vocal

TEARS FOR FEARS

MaRS
Accept "Metal Heart"
ou "Au Cœur du Metal"

C'est l'âge d'or du metal. Alors même les vilains petits canards, ces teutons menés par un gnome au timbre abrasif par exemple, semblent tout oser, et tout réussir. Pour Accept, dont les deux précédents opus avaient fait sérieusement grimper la réputation (Restless and Wild et Balls to the Wall), l'œuvre est venue de récolter les lauriers de leur dur labeur avec ce qui est, sûrement, le début de la fin de leur période de gloire, Metal Heart.
Evidemment, il y a l'énorme classique d'ouverture et son ambiance quasi-opératique, son solo, du six-cordiste en chef, Wolf Hoffmann,  empruntant la Lettre à Elise de Beethoven, celui-là est rigoureusement inattaquable jusque dans le chant possédé d'un Udo Dirkschneider qui a, certes, beaucoup à voir avec Brian Johnson (d'AC/DC, évidemment) mais sait user de son organe éraillé dans un tout autre registre avec un vrai savoir-faire. Parce qu'Accept est un vrai groupe de heavy metal, de ceux qui frappent fort, riffent dru, balancent du solo épique à gogo, bref, remplissent précautionneusement chaque case du cahier des charges du bon metal d'alors. Mais Accept a aussi sa propre identité, son propre son avec, notamment, outre cet Udo tellement atypique dans un domaine souvent réservé aux vocalistes techniques et lyriques (sur le modèle d'un Rob Halford ou d'un Bruce Dickinson), une propension à pondre du refrain à reprendre en chœur par des voix mâles et fières (un peu fête de la bière à Munich mais effet bœuf garanti, particulièrement en concert), un habitude qui perdurera chez pas mal de leur compatriotes dont, le plus fameux, chez Helloween. Cependant, c'est quand ils surprennent, osent s'éloigner du pré-carré qu'on leur connaît, qu'Accept nous prennent de court par leur talent, ici sur un Teach Us to Survive aux relents rockabilly aussi inattendus que satisfaisants. Le reste est d'une impeccable efficacité à défaut d'offrir quelque nouveauté que ce soit dans le répertoire de la formation, il y aurait même, ces fichus refrains encore, un petit côté radiophonique... Enfin, si la personnalité vocale du gnome précité n'était pas si peu compatible avec ce genre de choses, mais, tout de même, reconnaissons que Midnight Mover, Screaming for a Love-Bite ou Living for Tonite ne sont pas exempts de ces tentations. Ailleurs, Accept sait "envoyer du bois" comme sur les costauds et bien troussés Wrong Is Right ou Bound to Fail, mais parfois aussi s'approcher d'AC/DC sur un Too High to Get It Right où ils rockent comme si leur vie en dépendait.
Hélas, ce sera le dernier coup d'éclat d'Accept dans cette formation et dans les années 80, dès le successeur d'icelui, Russian Roulette, la mayonnaise prendra moins. Mais, présentement, tout ceci nous donne un album supra-efficace, un authentique classique aussi où les cinq teutons ne révolutionnent rien mais font avec talent, assurance et énergie. Comme c'était exactement ce qu'on attendait d'eux, on recommande ce Metal Heart justement passé à la postérité.

1. Metal Heart 5:24
2. Midnight Mover 3:06
3. Up to the Limit 3:47
4. Wrong Is Right 3:09
5. Screaming for a Love-Bite 4:05
6. Too High to Get It Right 3:47
7. Dogs on Leads 4:24
8. Teach Us to Survive 3:33
9. Living for Tonite 3:34
10. Bound to Fail 5:06
Bonus
11. Love Child (Live) 4:49
12. Living for Tonite (Live) 3:50

Udo Dirkschneider – lead vocals, harmony vocals (4, 9, 10), backing vocals (1, 8), finger snapping (8)
Wolf Hoffmann – lead & rhythm guitars (all except 9), rhythm guitar (9), acoustic guitar (1, 10), backing vocals (1, 6, 7, 10), sitar (1)
Jörg Fischer – rhythm guitar (all except 4, 9), lead & rhythm guitars (4, 9), 8-string bass (3), backing vocals (1, 6, 7, 10), finger snapping (8)
Peter Baltes – bass, Moog Taurus (1, 5, 7, 10), 8-string bass (1, 8, 10), backing vocals (1, 6, 7, 10), harmony vocals (2, 5), acoustic bass guitar (8)
Stefan Kaufmann – drums, backing vocals (1, 6, 7, 10), timpani (1, 8, 10), cymbals and gongs (1), drum effects and gang vocals (3)

ACCEPT

aVRiL
Prince and the Revolution "Around the World in a Day"
ou "Prince Goes Pop"

On sentait depuis longtemps la tentation, on savait le monsieur pourpre client du psychédélisme pop des late 60s en général et du Sergent Poivre en particulier. En avril 1985, Roger Nelson alias Prince saute le pas et produit SON album pop, Around the World in a Day.
Et ce n'est pas un mauvais album, d'ailleurs, même il a l'énorme désavantage de suivre deux authentiques chefs d'œuvre, 1999 et Purple Rain, avec lesquels il a bien du mal à rivaliser. Il faut dire que Prince n'y va pas mollo dans la production et les arrangements d'un album qu'il a essentiellement enregistré seul ne se servant, comme d'habitude, des "exécutants" de The Revolution qu'en complément, en épice de chaque composition sauf que, cette fois, il en rajoute encore ce qui serait parfait si le luxe instrumental ne donnait pas à l'opus un petit côté "too much", trop forcé et prémédité pour être honnête.
Mais attention, Around the World in a Day est loin d'être un ratage. En fait, sorti de la discographie de son auteur, en oubliant que le "petit monsieur pourpre" est aussi capable d'une malsaine lubricité funk (Dirty Mind, l'excellent !), c'est une très plaisante galette qui ne manque pas d'atouts. A commencer, évidemment, par le single imparable, l'étendard psyché-pop Raspberry Beret auquel nul ne pourra résister, mais aussi un Paisley Park où on ne sait pas très bien si Prince veut évoquer Hendrix ou Johnny Guitar Watson mais qui le fait très bien sur une composition à l'accrocheuse mélodie, la belle ballade quasi-orchestrale qu'est Condition of the Heart qui produit son petit effet lacrymal, le jammy et sautillant America qui rappelle s'il en était besoin que Prince est un joyeux funkster, un Pop Life qui porte bien son titre et atteint son but, un Ladder qu'on trouverait presque Floydien s'il n'était habité de tant de soul, ou le final Temptation et ses huit minutes rock/blues/funk ou celui qu'on ne saura bientôt plus comment appeler lâche la bride à ses aspirations six-cordistes. Si la collection est inégale, Raspberry Beret et Paisley Park restant les deux indéniables highlights, tout ceci a une belle tenue même si, avouons-le, la production prend souvent le pas sur les chansons.
Quoiqu'il en soit, Around the World in a Day reste une étape importante dans la carrière du natif de Minneapolis parce que, sans lui, sans ses expérimentations pop et psychédéliques, les immenses réussites à venir (Parade et Sign 'O' the Times) n'auraient probablement pas vu le jour sous les mêmes auspices créatifs justifiant ainsi parfaitement ce léger accroc dans la route de l'excellence prise jusqu'alors par Prince.

1. Around the World in a Day 3:28
2. Paisley Park 4:42
3. Condition of the Heart 6:48
4. Raspberry Beret 3:33
5. Tamborine 2:47
6. America 3:42
7. Pop Life 3:43
8. The Ladder 5:29
9. Temptation 8:18

Prince - vocals and instruments (except where listed below)
&
David Coleman - cello, oud, finger cymbals, darbuka and backing vocals (1), cello (4, 8)
Wendy Melvoin - guitar and backing vocals (6-8), backing vocals (1, 2, 4)
Lisa Coleman - keyboards and backing vocals (6-8), backing vocals (1, 2, 4)
Dr. Fink - keyboards (6-8)
Brown Mark - bass (6-8)
Bobby Z. - drums and percussion (6-8)
Sheila E. - drums (7)
Jonathan Melvoin - tambourine (1,7)
Brad Marsh - tambourine (6)
Eddie M. - saxophone (8, 9)
Novi Novog - violin (2, 4)
Suzie Katayama - cello (4, 8)
Susannah Melvoin - backing vocals (1, 4, 8)
Taja Sevelle - backing vocals (8)


PRINCE

Mai
Suzanne Vega "Suzanne Vega"
ou "Suzanne's First"

Les premiers pas de Suzanne, quelque chose d'émouvant. Pas que l'album soit maladroit, naïf ou malformé, non, déjà Mlle Vega, qu'on compare à Joni Mitchell alors qu'elle a tout de Janis Ian mais, que voulez-vous, la promotion à ses raccourcis, a déjà tous ses atouts dans sa manche dès cet éponyme où , déjà bien entourée, déjà très assurée, Suzanne ouvre son bal, et nous ravit.
Et on pourrait s'arrêter là parce que, essentiellement, tout est dit. Mais ce serait faire injure à quelques chansons si particulièrement finement concoctées, paroles et musique, si délicatement interprétées qu'elles méritent d'avoir voix au chapitre, 10 affirmations, en fait, qu'au-delà de quelques machins le situant dans son époque (ces claviers décidément très 80s), on tient bien ici un album du type intemporel. Les instrumentations y sont spartiates, majoritairement acoustiques, Suzanne y a déjà son timbre murmurant, caressant... Tout est déjà là, vous dit-on. Alors évidemment, certaines compositions sortent un peu du (beau) lot : Marlene on the Wall, une des plus rythmées de l'album mais surtout un des plus beaux textes, une des plus belles mélodies de tout le répertoire d'alors de la dame Vega (et même du répertoire tout court comme on le sait aujourd'hui), un Undertow presque bucolique et tout en retenue, le futur classique The Queen and the Soldier, petite fable joliment troussée à l'imparable mélodie, et, en final, un Neighborhood Girls, morceau le plus rock de l'album, absolument convaincant d'ailleurs, qui prouve que le style de Suzanne, tout en douceur, tout en délicatesse, n'a pas qu'à voir avec la limitation de ses capacités, c'est un choix, un beau choix qui lui va idéalement au teint.
Plein des promesses d'un radieux futur, pas forcément si mainstream que ça parce que, basiquement, la folk ne sera jamais un genre destiné à dominer les charts, trop subtil !, l'éponyme introductif de Suzanne Vega est une déclaration d'intention à laquelle la dame se tiendra toute sa carrière, belle cohérence. Et le reste, comme on dit, is history ou plus précisément Her Story. 

1. Cracking 2:49
2. Freeze Tag 2:36
3. Marlene on the Wall 3:40
4. Small Blue Thing 3:54
5. Straight Lines 3:49
6. Undertow 3:26
7. Some Journey 3:38
8. The Queen and the Soldier 4:48
9. Knight Moves 3:36
10. Neighborhood Girls 3:21

Suzanne Vega - vocals (1–10), acoustic guitar (1-10)
&
Steve Addabbo - background vocals (4, 5, 7), synclavier guitar (6), 12-string acoustic guitar (8), electric guitar (10)
Darol Anger - electric violin (7)
Frank Christian - acoustic guitar (2, 9), electric slide guitar (10)
Paul Dugan - bass (1, 4, 6, 8, 9), vertical bass (2)
Sue Evans - drums (3, 5, 6, 10), percussion (4, 10)
Jon Gordon - electric guitar (1-7)
Peter Gordon - string arrangement (6)
Frank Gravis - bass (3, 5, 10)
Shem Guibbory - violin (6)
Mark Isham - synthesizers (7)
John Mahoney - synclavier programming (6)
Maxine Neuman - cello (6)
C.P. Roth - synthesizers (1-5, 9), piano (8), organ (8)
Roger Squitero - percussion (7)

SUZANNE VEGA

JuiN
Marillion "Misplaced Childhood"
ou "L'archétype du néo-prog"

Du néo-prog ? L'horreur ! Oui mais c'est de Marillion dont il s'agit, de loin la plus belle gâchette d'un genre, c'est vrai, pas très reluisant. Et puis c'est un concept album en plus, le passage obligé de toute formation progressive.
Alors ? Commençons par ne pas nier l'évidence, les groupes progressifs des années 80, ce qui comprend Marillion, n'ont pas l'abatage technique de leurs devanciers, pas, non plus, les instrumentations où interviennent moogs, mellotrons, hammonds, guitares acoustiques,  et autres joyeusetés qui leurs donnaient un son si organique, ils ne possèdent pas non plus cette capacité à faire des chansons compliquées sans avoir l'air de se forcer. Ainsi, Marillion use-t-il de claviers modernes (à l'époque, datés aujourd'hui), d'une guitare toujours électrique (grandement influencée par Steve Hackett et David Gilmour) et de structures et mélodies nettement simplifiées par rapport à ce qui était venu avant. Est-ce un mal ? Si vous recherchez un rock progressif ébouriffant de technique, construisant de petites symphonies, oui. Si, par contre, vous appréciez l'inclinaison pop, les mélodies accrocheuses et une production typique de ces mid-80s, vous en aurez pour votre argent. Parce que Marillion, en créant son album le plus ambitieux textuellement mais le plus abordable musicalement, il y a aura d'ailleurs deux authentiques tubes qui en seront issus (Kayleigh et Lavender), parvient à son but vulgarisateur. Parce que Misplaced Childhood, en plus d'être une œuvre à la fois revivaliste (le fond, la forme) et complètement de son temps (le son, l'accessibilité), est une belle réussite. L'album, scindé en deux parties de 5 chansons s'enchaînant en une, bénéficie, il faut le dire, des vocalises et de la d'un Fish au sommet de sa forme qui sait amener ce petit supplément d'âme, cette héroïsme, cette palette progressive nuancée (on y reconnaît l'influence de Peter Hammill et d'Alex Harvey), qui fait la différence. Aussi, outre les deux singles précités, a-t-on droit à un beau florilège mélodique, à de belles interventions solistes (de Rothery, le guitariste, comme de Kelly, le claviériste) le tout supporté par une section rythmique solide et inspirée (Trewaras en bassiste mélodique et énergique, il y a du Chris Squire chez ce gars-là, et Mosley en batteur technique et précis comme se doit de l'être tout cogneur du genre). Bref, dans un genre (néo-prog) dont ils ne sont pas les leaders pour rien, Marillion est une indéniable Rolls bien qu'on conseillerait plus volontiers les précédentes œuvres du groupe (Script for a Jester's Tear et Fugazi, et pourquoi pas le live Reel to Real) aux amateurs de rock progressif moins... FMiné.
Saluons, enfin, l'édition remasterisée et bonussée. Côté Remaster, on ne souffre pas d'un "loud" niveleur, c'est déjà ça, mais c'est dans les bonus que matière à réel enthousiasme est offerte. Déjà pour les diverses faces B des singles de l'album dont un Freaks (l'un des deux vrais inédits avec Lady Nina) de belle qualité mais, surtout, pour la version démo de l'album qui permet de constaté le chemin parcouru sous la bienveillante supervision de Chris Kimsey (déjà un vieux pro ayant travaillé avec Peter Frampton ou les Rolling Stones). Parce que si tout est déjà dans ces démos, la cohérence d'ensemble, la précision des arrangements fait encore un peu défaut, rien de dramatique mais il fallut tout de même remettre l'ouvrage sur le métier pour "resserrer" tout ça.
Un bon album de rock progressif mélodique des années 80, de riches bonus le complémentant savoureusement ? Un bel objet qu'on n'aura de cesse de recommander aux amateurs du genre mais aussi aux curieux qui souhaites y gouter sans bien savoir par où commencer.
 
1. Pseudo Silk Kimono 2:14
2. Kayleigh 4:03
3. Lavender 2:25
4. Bitter Suite 7:56
5. Heart of Lothian 4:02
6. Waterhole (Expresso Bongo) 2:13
7. Lords of the Backstage 1:52
8. Blind Curve 9:29
9. Childhoods End? 4:33
10. White Feather 2:25

CD Bonus
1. Lady Nina (Extended 12" Version) 5:50
2. Freaks (Single Version) 4:08
3. Kayleigh (Alternative Mix) 4:03
4. Lavender Blue (Lavender Remix) 4:22
5. Heart of Lothian (Extended Mix) 5:54
6. Pseudo Silk Kimono (Demo) 2:11
7. Kayleigh (Demo) 4:06
8. Lavender (Demo) 2:37
9. Bitter Suite (Demo) 2:54
10. Lords of the Backstage (Demo) 1:46
11. Blue Angel (Demo) 1:46
12. Misplaced Rendezvous (Demo) 1:56
13. Heart of Lothian (Demo) 3:49
14. Waterhole (Expresso Bongo) (Demo) 2:00
15. Passing Strangers (Demo) 9:17
16. Childhoods End? (Demo) 2:23
17. White Feather (Demo) 2:18

Fish - vocals
Steve Rothery - guitars
Mark Kelly - keyboards
Pete Trewavas - bass
Ian Mosley - drums

MARILLION

JuiLLeT
Talking Heads "Little Creatures"
ou "Easy Heads"

5 ans plus tôt, les Talking Heads ont connu leur sommet, leur désormais inaccessible Himalaya, Remain in Light pour ceux qui ne suivraient pas !, alors, Little Creatures, c'est un peu "business as usual", sauf que l'habituel, pour ces quatre-là, c'est surtout la plume acérée de David Byrne. Alors, forcément, la routine est plus douce.
La routine c'est aussi dans une méthode de confection où, sur la base de riffs et de grooves, avec Byrne construisant sa performance vocale d'improvisation en improvisation, les Talking Heads construisent une collection de chansons pas exactement surprenant mais tout à fait satisfaisante. On y remarque un Byrne ne poussant plus autant sur ses cordes vocales, retrouvant son registre naturel, qui est, par conséquent, présentement souvent secondé par des choristes pour un résultat particulièrement doux à l'oreille. C'est aussi l'album le plus délibérément pop du groupe, celui où il se laisse le plus aller, grand bien lui prend, à pondre de la chansonnette avec quelques merveilleux exemples (There She Was, tube incontestable, Stay Up Late et Road to Nowhere, d'une efficacité irrésistible) sans pour autant perdre de sa substance, ou des bienvenus sarcasmes de la plume de David, c'est fort. On apprécie également les riches instrumentations, l'usage de guests triés sur le volet en épice fine de la musique proposée (exhausteur d'écoute, en somme) et la production, cette fois encore assumée par le groupe lui-même, sachant parfaitement mettre en valeur la richesse des détails d'une galette qui, pop, certes, gagne à être "creusée".
Le plus essentiel des Talking Heads cet excellent Little Creatures ? Certainement pas dans un catalogue où on retrouve le séminal et débutant '77 et la concrétisation worldbeat d'un Remain in Light !, mais une belle galette, bien accouchée par une formation d'exception qui plus est rouée par ses nombreuses années d'expérience. Et puis, comme vous le savez sans doute, tout est essentiel chez les Heads (oui, même Naked, œuvre finissante mais pas sans atout), alors icelui n'est pas dans les "plus" mais en est, indéniablement.

1. And She Was 3:39
2. Give Me Back My Name 3:22
3. Creatures of Love 4:15
4. The Lady Don't Mind 3:58
5. Perfect World 4:27
6. Stay Up Late 3:44
7. Walk It Down 4:44
8. Television Man 6:10
9. Road to Nowhere 4:27
Bonus
10. Road to Nowhere (Early version) 4:39
11. And She Was (Early version) 3:39
12. Television Man (Extended mix) 7:52

David Byrne – guitar, vocals
Chris Frantz – drums
Jerry Harrison – keyboards, guitar, backing vocals
Tina Weymouth – bass guitar, backing vocals
&
Lenny Pickett – saxophones
Steve Scales – percussion
Gordon Grody – backing vocals
Lani Groves – backing vocals
Kurt Yahijian – backing vocals
Ellen Bernfeld – backing vocals on "Perfect World" and "Walk It Down"
Andrew Cader – washboard on "Road to Nowhere"
Erin Dickens – backing vocals on "Television Man" and "Road to Nowhere"
Diva Gray – backing vocals on "Road to Nowhere"
Jimmy Macdonell – accordion on "Road to Nowhere"
Naná Vasconcelos – percussion on "Perfect World"
Eric Weissberg – steel guitar on "Creatures of Love" and "Walk It Down"

TALKING HEADS

aoûT
The Cure "The Head on the Door"
ou "Triomphe commercial"

L'ultime classique ou l'album de la compromission pop, de la trahison à cette musique sombre qui avait fait leur justifiée libération ? C'est un peu le dilemme de ce The Head on the Door, un bon album indéniablement, mais pas ce que leur fidèles attendaient de Cure, pas ce que les connaisseurs espéraient comme nouveau développement stylistique... Mais un bon album, ça oui.
Il faut dire qu'on comprend sans peine que Robert Smith et Cie aient besoin d'un peu d'oxygène, d'un peu de légèreté après avoir enquillé, pour le bonheur d'une légion de corbacs fidélissimes, deux de leurs plus noires galettes : Pornography et The Top, un chef d'œuvre et un autre, plus ardu, dira t'on (oui, Pornography, un peu indigeste tout de même). Du coup, avec une production remise au goût du jour et des compositions qui ne demandent qu'au groupe de les jouer avec naturel et bon humeur, ça donne un tout autre Cure, un Cure qui, forcément, déçoit sa fan-base mais qui, surtout gagne moult parts de marché auprès d'un public MTVisé et touché en plein cœur (les chiffres de vente suivront d'ailleurs, dépassant les plus folles espérances du groupe, de son management et de sa maison de disque, c'est dire l'ampleur du truc).
Parce qu'il y a les chansons et que, là, c'est un sans faute : déjà, les deux excellents singles, In Between Days et Close to Me, ont belle allure tout pimpants qu'ils sont dans leurs beaux habits pop mais comme il y a, dans le reste de la galette, d'autres sucreries comparables (Kyoto Song, Screw, deux singles potentiels jamais exploités, sans doute parce que Cure continue de s'accrocher à son indépendance et à Fiction Records), des arrangements plein de fantaisie (les attributs flamenco de The Blood, les délicieuses fausses cordes et petits claviers mélodiques de Six Different Ways, la basse aquatique de Sinking) et même, pour ne pas complètement se mettre les fidèles à dos, quelques résurgences d'un passé pas si lointain (Push et A Night Like This qui font perdurer la veine gothique, The Baby Screams qui, par son énergie, rappellerait presque un Cure débutant encore plein de sève punkoïde), on ne peut que célébrer la belle réussite d'un album varié, mélodique et même parfois surprenant. Sauf à être de ceux qui se sentirent trahis (dont beaucoup sont d'ailleurs depuis à de biens meilleurs dispositions).
Le temps passe, The Head on the Door demeure l'excellent album qu'on découvrit en 1985, un œuvre tout en finesse et, pour une fois, en décontraction qui restera comme une des plus belles pages de la carrière d'une formation qui n'en manque pourtant pas. Un incontournable.

1. In Between Days 2:57
2. Kyoto Song 4:16
3. The Blood 3:43
4. Six Different Ways 3:18
5. Push 4:31
6. The Baby Screams 3:44
7. Close to Me 3:23
8. A Night Like This 4:16
9. Screw 2:38
10. Sinking 4:57

Robert Smith - vocals, guitars, keyboards, six-string bass
Lol Tolhurst - keyboards
Porl Thompson - guitars, keyboards
Simon Gallup - bass guitar
Boris Williams - drums, percussion
&
Ren Party - horns on "Close To Me"
Ron Howe - saxophone on "A Night Like This"

THE CURE

SePTeMBRe
Tom Waits "Rain Dogs"
ou "Dogs d'Amour"

S'il y en a un qui a superbement passé le cap des 70s aux 80s, c'est bien Tom Waits. Jamais à la mode, jamais démodé du coup, évoluant au gré de ses envies sans jamais se distancier de sa base de toujours (jazz, blues, folk), cet authentique alien n'a jamais semblé décrocher conservant, toujours, un following fidèle et sans cesse grandissant. Et, pour sûr, ce n'est pas un galette comme Rain Dogs, un vrai classique, un des meilleurs albums de son auteur (ce qui n'est pas peu dire !), qui aura changé la donne.
Mais en fait, depuis quelques albums, et évidemment sur la lancée d'un autre classique, Swordfishtrombones sorti deux ans plus tôt, c'est un Waits qui a simplement su se réinventer d'album en album, en variant les instrumentations, les invités et intervenants mais, surtout !, en continuant d'affuter son songwriting si particulier et son goût d'une bonne petite dose de bizarrerie histoire de brouiller les cartes de son revivalisme prétendu. Parce que si Waits puise sa sève dans un lointain passé, s'assurant ainsi de ne ressembler à personne de son époque (bon, il y a Leon Redbone...), il y infuse sa personnalité, sa fantaisie et, bien sûr, son expertise. Et donc, quelque part entre Fats Waller, Kurt Weil, Howlin' Wolf et Woody Guthrie, Waits taille sa route de maverick qu'on ne prendra pas à rejoindre le troupeau, raconte les petites histoires de cœur, de fesse, de joie et de mort de son Amérique à lui, celle qu'on ne voit pas sur les cartes postales, dont on ne parle pas dans les médias, une Amérique même pas laissée pour compte, à la marge.
En chansons, sur Rain Dogs donc, ça donne une collection aussi savoureuse que le coup d'avant avec, en évidentes tête de proue d'une sélection sans faute de goût, une riche sélection qui plus est avec ses 19 propositions, quelques titres destinés à devenir des classiques (Singapore, Jockey Full of Bourbon, Hang Down Your Head, Time, Downtown Train, ce dernier fera même les joies de Rod Stewart qui en fera un hit) et un ensemble de belles trouvailles, de morceaux précautionneusement arrangés jusque dans leurs atours parfois chaotiques (où l'arrivée d'un Marc Ribot à la guitare électrique fait son petit effet, tout comme l'invitation faite à nul autre qu'au Rolling Stone Keith Richards). En somme, la formule qui a si bien fonctionné sur Swordfishtrombones est ici pérennisée et même perfectionnée.
Rain Dogs, 30 ans après sa sortie, galette intemporelle s'il en fut, demeure une œuvre majeure d'un Tom Waits qui, s'il porte toujours beau, n'atteindra probablement plus jamais de tels sommets de grâce (faussement) primitive qui sont, encore et toujours, un trésor du patrimoine de la musique mondiale en plus d'être l'expression d'une Amérique, disparue si elle a jamais existé, qu'on prend beaucoup de plaisir à visiter, ne serait-ce que par les oreilles.
 
1. Singapore 2:46
2. Clap Hands 3:47
3. Cemetery Polka 1:51
4. Jockey Full of Bourbon 2:45
5. Tango Till They're Sore 2:49
6. Big Black Mariah 2:44
7. Diamonds & Gold 2:31
8. Hang Down Your Head 2:32
9. Time 3:55
10. Rain Dogs 2:56
11. Midtown 1:00
12. 9th & Hennepin 1:58
13. Gun Street Girl 4:37
14. Union Square 2:24
15. Blind Love 4:18
16. Walking Spanish 3:05
17. Downtown Train 3:53
18. Bride of Rain Dog 1:07
19. Anywhere I Lay My Head 2:48

Tom Waits – vocals (1–10, 12–17, 19), guitar (2, 4, 6, 8–10, 15–17), organ (3, 19), piano (5, 12), pump organ (8), harmonium (18), banjo (13)
&
Michael Blair – percussion (1–4, 7, 8, 12, 13, 17), marimba (2, 7, 10, 12), drums (8, 14, 18), congas (4), bowed saw (12), parade drum (19)
Stephen Hodges – drums (1, 2, 4, 6, 10, 11, 15, 16), parade drum (3)
Larry Taylor – double bass (1, 3, 4, 6, 8–10, 15), bass (7, 11, 14, 16)
Marc Ribot – guitar (1–4, 7, 8, 10)
"Hollywood" Paul Litteral – trumpet (1, 11, 19)
Bobby Previte – percussion (2), marimba (2)
William Schimmel – accordion (3, 9, 10)
Bob Funk – trombone (3, 5, 10, 11, 19)
Ralph Carney – baritone saxophone (4, 14), saxophone (11, 18), clarinet (12)
Greg Cohen – double bass (5, 12, 13)
Chris Spedding – guitar (1, 17)
Tony Garnier – double bass (2)
Keith Richards – guitar (6, 14, 15), backing vocals (15)
Robert Musso – banjo (7)
Arno Hecht – tenor saxophone (11, 19)
Crispin Cioe – saxophone (11, 19)
Robert Quine – guitar (15, 17)
Ross Levinson – violin (15)
John Lurie – alto saxophone (16)
G.E. Smith – guitar (17)
Mickey Curry – drums (17)
Tony Levin – bass (17)
Robby Kilgore – organ (17)

TOM WAITS

oCToBRe
Dead Kennedys "Frankenchrist"
ou "Punk and Politics"

Toujours menés pas un Jello Biafra qui ne décolère pas, toujours "armés" par les implaccables services d'East Bay Ray (guitare), Klaus Flouride (basse), et D.H. Peligro (batterie), toujours politiques, toujours punks, toujours les meneurs naturel d'un punk/hardcore en pleine résistance contre le clinquant de la décade, c'est sûr, les Dead Kennedys sont une sacrée bande d'agités !, des comme il en faudrait plus, bien plus.
Dans les faits, c'est l'album du retour, trois ans après Plastic Surgery Disasters et pourtant, rien n' a changé. Ceux qui s'attendaient à un nouveau Dead Kennedys en seront pour leurs frais, c'est toujours de cet animal politique et colérique dont il s'agit, une formation qui tape autant sur les ploucs à flingues (Goons of Hazzard), sur une société qui considère l'humain comme une variable d'ajustement (This Could Be Anywhere), sur un média lévissant le cervelet de toute une génération (M.T.V. - Get Off the Air) ou le machisme ambiant des années 80 (Jock-O-Rama), juste quelques exemples de ce que sait faire la plume acerbe et acérée d'un Jello Biafra à l'écriture aussi sûre que contestataire. Musicalement non plus, il n'y a pas vraiment de surprise dans le cocktail électrique concocté par les trois instrumentistes (East Bay Ray, Klaus Flouride et D.H. Peligro, qu'on est en devoir de citer) pour soutenir les diatribes de leur possédé vocaliste. Tout juste se rend-on compte que tout ceci est de plus en plus développé, de plus en plus contrôlé perdant donc un peu de cette énergie punk séminale qui animait les débuts de la formation au bénéfice d'une bien meilleure maîtrise de leur propos. Concrètement, ça donne une musique glissant parfois vers le hard rock (Goons of Hazzard, Stars and Stripes Corruption), de réminiscences 60s sauce psychotique (Soup Is Good Food), voire des aspirations quasi-progressives (les multi-parties de M.T.V. et Stars and Stripes) en plus des influences surf et western spaghetti semblant prendre de plus en plus de place dans le jeu d'East Bay Ray sans rien perdre de leur sève pour autant.
Continuation, évolution logique de la carrière d'une des plus importantes formations de punk/hardcore américain, Frankenchrist est évidemment aussi connu pour le poster de H.R. Giger (un vrai cock-o-rama) qui y était glissé et l'indignation qui s'en suivit dans les ligues morales en général et le PMRC (Parents Music Resource Center) en particulier, et la censure qui visa conséquemment le groupe, et poussa, accessoirement, Jello a devenir encore plus militant, encore plus enragé. Un bien bel album, si ce n'est le plus essentiel du groupe (voyez Fresh Fruit for Rotting Vegetables pour ça), que les amateurs de colère intelligente, indignez-vous !, se doivent de ne surtout pas manquer !

1. Soup Is Good Food 4:18
2. Hellnation 2:22
3. This Could Be Anywhere 5:24
4. A Growing Boy Needs His Lunch 5:50
5. Chicken Farm 5:06
6. Jock-O-Rama 4:06
7. Goons of Hazzard 4:25
8. M.T.V. - Get off the Air 3:37
9. At My Job 3:41
10. Stars and Stripes of Corruption 6:23

Jello Biafra - lead vocals
East Bay Ray - guitar, synthesizer, bellzouki, acoustic guitar in "MTV - Get off the Air"
Klaus Flouride - bass, backing vocals
D.H. Peligro - drums, backing vocals
&
John Leib - trumpet on "MTV - Get Off The Air"
Tim Jones - keyboards on "A Growing Boy Needs His Lunch"
Nina T.R. Stapleton, Laura T.R. Muetz, Julie Hoffman, Susan Caldwell, Danielle Dunlap, Robyn Lutz, Kris Carleson, Steve DePace, Wild Bill, Sweet, Wee Willy Lipat, Microwave, Gary Floyd, Jeff Davis - backing vocals


DEAD KENNEDYS

NoVeMBRe
Armored Saint "Delirious Nomad"
ou "Le Sommet du Saint"

Qui aurait pu penser qu'un groupe avec un bon mais peu original premier album (March of the Saint) pourrait se transformer en une classieuse formation de heavy metal de "classe mondiale" et sortir l'un des tous meilleurs albums de 1985 ? C'est exactement ce qui arriva à Armored Saint quand, avec le budget et l'environnement pour travailler confortablement, ils sortirent leur second opus sur le label Chrysalis, qui pensait visiblement qu'ils avaient fait quelque chose de bien avec leur album inaugural, bien qu'il se vendît mal.
Et, wow, ont-ils été récompensés de leur investissement! C'est bien simple, Delirious Nomad est quasi sans défaut et n'a pas besoin, pour épater, de balancer la grosse machine de destruction massive. De fait, revu à l'aulne des standards metal modernes, l'album sonne presque gentillet, pas exactement doux mais si produit qu'on en vient à douter de la capacité du groupe à reproduire la performance en live (comme sur On the Edge et sa rythmique de guitare presque jazzy). Ceci dit, cette version sophistiquée de la New Wave of British Heavy Metal (quelque chose qu'on pourrait comparer et qui rivalise avec le meilleur de Diamond Head... C'est un compliment !) avait probablement besoin de la magie de Max Norman (alors connu comme le producteur attitré d'Ozzy) pour fonctionner aussi bien et, nul doute là dessus, le producteur y a fait un travail formidable, qu'il en soit remercié.
Bien sûr, sans chansons, la maîtrise de l'outil studio ne serait que pure perte ce qui n'est pas le cas les cinq angelenos ayant réuni leurs forces et leur énergie avec un feu divin qui atteint aisément son but. Du mid-tempo d'ouverture (Long Before I Die, où John Bush devient le vocaliste que nous avons tous appris à connaître et aimer) à l'énergique final (Release) il n'y a pas grand chose à jeter. En fait, il n'y a rien du tout même si, indéniablement, certains titres brillent plus fort que d'autres : Over the Edge où les deux guitaristes rivalisent d'expertise et d'inventivité (en rythmique comme en lead) pour une performance uniquement dépassée par celle de leur vocaliste, ou Aftermath qui, de son intro instrumentale à son développement presque planant jusqu'à son final en force peut aisément être vu comme une sorte d'avant-garde de ce qu'on allait bientôt appeler "Prog Metal". A la vérité, tout l'album a un je-ne-sais-quoi de progressif (et beaucoup de petites surprises pour valider ce sentiment) qui le place hors du lot de la plupart de ses concurrents d'époque tout en demeurant l'une des plus belles, vraie et honnête performance de heavy metal classique qu'il m'ait été donné d'ouïr (versant raffiné de la chose, évidemment).
Peu après la sortie de l'album, le guitariste Phil Sandoval décidera de quitter la confrérie et plus rien ne sera vraiment pareil comme le prouvera le toujours recommandé mais clairement plus "plébéien" Raising Fear. Finalement, Delirious Nomad demeurera le Magnum Opus de la formation américaine, un oeuvre aussi savoureuse aujourd'hui que le jour de sa sortie... Peut-être meilleure, même.

1. Long Before I Die 2:47
2. Nervous Man 4:01
3. Over The Edge 4:51
4. The Laugh 4:21
5. Conqueror 4:28
6. For the Sake of Heaviness 4:23
7. Aftermath 5:31
8. In the Hole 3:50
9. You're Never Alone 4:37
10. Released 3:05

John Bush - vocals
Dave Prichard - guitars
Joey Vera - bass, backing vocals
Gonzo Sandoval - drums
&
Phil Sandoval - guitars on "Over The Edge" and "Aftermath"

ARMORED SAINT

DéCeMBRe
Fine Young Cannibals "Fine Young Cannibals"
ou "Off the Beat... The Beat goes on!"

Si la transition du ska à une pop jazzy/soul et péri-new-waveuse, de The Beat aux Fine Young Cannibals, doit nous apprendre quoique ce soit, c'est que le talent, et la volonté de faire danser aussi, ne se perdent jamais tout à fait.
Pour les Fine Young Cannibals, la concrétisation, la gloire, ne viendront que fugitivement sur les mérites d'un She Drives Me Crazy, tube mondial s'il en fut, et de l'album l'accompagnant, The Raw & the Cooked. Ce n'est pas à dire que leur première galette éponyme, celle-là même dont il est question ici ne donne pas pleine et entière satisfation. Parce qu'il y a de sacrées bonnes chansons ici, à commencer par les trois singles, les sautillants Johnny Come Home et Blue (deux simples aux paroles tout sauf idiotes qui plus est, dont particulièrement le second qui charge un Margaret Thatcher encore en plein exercice) et une excellente reprise du Suspicious Minds d'Elvis Presley, qu'on n'aurait jamais imaginé aussi dansant qu'ici, qui offrent une belle perspective de ce dont est capable la formation. Perspective confirmée par le reste d'une galette qui, étonnamment, n'a pas particulièrement vieilli alors qu'elle appartient, indubitablement, à ces maudites années 80. Sans doute faut-il y voir le bénéfice d'artistes originellement issus d'un mouvement alternatif, Andy Cox et David Steele et le revival ska britannique en l'occurrence dont on sent encore fugitivement l'influence, qui ont su, qui plus est, trouver un vocaliste assez unique en son genre, Roland Gift, pour honorer la tendance soul et groove qu'il souhaitaient imprimer à leur nouvelle création.
Las, les Fine Young Cannibals se sépareront vite, encore au sommet de leur gloire, après seulement deux opus. Restent deux création recommandées, prouvant, chacune à sa façon, qu'il est possible de ne pas danser idiot.

1. Johnny Come Home 3:37
2. Couldn't Care More 3:31
3. Don't Ask Me to Choose 3:10
4. Funny How Love Is 3:28
5. Suspicious Minds 4:00
6. Blue 3:33
7. Move to Work 3:27
8. On a Promise 3:08
9. Time Isn't Kind 3:14
10. Like a Stranger 3:23

Roland Gift - vocals
Andy Cox - guitar, organ
David Steele - bass, piano
&
Martin Parry - Drums
Graeme Hamilton - Trumpet, Piano on "Time Isn't Kind"
Gavin Wright - Violin
Saxa - Saxophone on "Funny How Love Is"
Beverly, Gloria and Maxine Brown - Backing Vocals on "Like a Stranger"
Jimmy Sommerville - Backing Vocals on "Suspicious Minds"
Jenny Jones - Drums and Backing Vocals on "Couldn't Care More"

FINE YOUNG CANNIBALS

17 commentaires:

  1. 1985 par 12, 30 ans déjà !

    Hüsker Dü "New Day Rising"
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    Tears for Fears "Songs from the Big Chair"
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    Accept "Metal Heart"
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    Prince and the Revolution "Around the World in a Day"
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    Suzanne Vega "Suzanne Vega"
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    Marillion "Misplaced Childhood"
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    Talking Heads "Little Creatures"
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    The Cure "The Head on the Door"
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    Tom Waits "Rain Dogs"
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    Dead Kennedies "Frankenchrist"
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    Armored Saint "Delirious Nomad"
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    Fine Young Cannibals "Fine Young Cannibals"
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  2. Bravo, bel article sur cette année 1985. New Day Rising est pour ma part un album majeur dans l'histoire musicale. Girl Who Lives On Heaven Hill est une fabuleuse création dont je ne me lasse jamais.

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    1. Pour rester dans le punk intelligent, j'ai aussi mis les Dead Kennedys.
      Merci de ton passage.

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  3. Accept encadré par Tears for Fears, Prince et Suzanne Vega… y'a qu'ici qu'on voit ça !!!!!

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  4. Pour une fois, je connais quasiment tout. 1985, c'est un peu l'âge d'or de mon éveil musical. Malheureusement, peu d'immenses chefs d'oeuvre malgré tout. Le Tears For Fears vieillit bien je trouve.
    Pour le débat sur le Cure, c'est quasi le 33T qui me les as fait connaître (à quelques mois près de The Top et Japanese Whispers). Mais j'ai un peu de mal à le réecouter. Pour moi, il n'y a qu'une seule immense chanson: A night like this, véritable émeraude de l'album. Le reste est en dessous, voire parfois anecdotique.

    Mention spéciale quand même à Husker Du et Tom Waits qui délivrent deux grands albums.

    Mais j'ai quand même pris le Dead Kennedys que je ne connais pas. Et le Little Creatures parce que je ne l'ai qu'en vinyl...

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    1. Au fait, j'ai pas eu l'occasion de te remercier pour le Rei Momo de David Byrne que je n'avais que sur K7 et que j'adore. C'est vraiment un très bel album.

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    2. Chère Audrey, "K7", "33T", que de Madeleines de Proust !!
      Mon éveil musical à moi c'est 1978-1979, avec Police ("Regatta de Blanc"), Billy Joel,("Honesty"), Supertramp ("Breakfast"), et Sardou (ouhla je fais mon coming out), avec des chansons comme "K7" justement ("dans tes écouteurs y a des K7, des mots qui font tourner ta tête") ou "La même année"... Led Zep, Beatles, Faces, Nine Inch Nails viendront plus tard pour moi... Merci d'avoir réveillé ces souvenirs dormants, uniquement en ayant tapé ces deux lettres "K7", bientôt perdues dans les limbes de nos adolescents abreuvés de youtube (ma fille de 15 ans n'a jamais écouté un album complet de sa vie)...
      Vincent

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    3. @ Audrey,
      J'en t'en prie pour Rei Momo, une excellente galette il est vrai.
      Des années 80, on retient souvent le pire mais, sans vraiment avoir trop besoin de chercher, on trouve souvent des perles. Forcément, avec la limitation que je me suis mise, un album sorti chaque mois de l'année, on passe parfois à côté de grands albums et on en inclut d'autres (le Fine Young Cannibals parce qu'il n'y avait pas grand chose en décembre, un bon album cependant, le seul de ce mois-ci) mais, dans l'ensemble, les années 80 ne sont pas ce grand tunnel de mauvais-goût qu'on a trop souvent tendance à décrire.

      @ Vincent
      Brothers in Arms, sympathique mais inégal.
      Merci de ton re-passage ! ^_^

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    4. Je ne cracherai pas les 80's. Je les aime beaucoup. Mais on a souvent des albums un cran en dessousque dans les précédentes décennies. Et pour moi ce ne sont pas les albums mais les chansons. Et dans tous tes albums, on en trouve de trés grandes.

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    5. Je les aime beaucoup aussi... avec le recul parce qu'à l'époque, le Top 50, toussa, c'était quand même un peu l'horreur.

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  5. Je prends le Talking Heads évidemment, ainsi que le Tom Waits, et le Dead Kennedies parce que je ne connais pas. Le reste j'ai déjà, ou bof bof...
    Merci encore pour ces posts de grande qualité !
    Vincent

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  6. Et dire que j'aime pas les 80's !!! tout ici m'est familier...en dehors d'Accept. Et ça fait du bien de reluquer une telle synthèse pour mettre un peu de clarté. Y'a pas un Dire Straits en 85 ?? ;D

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    1. Oups, j'ai pas relu et j'ai répondu à Vincent en pensant que ça venait de lui. Et donc, il y a bien un Dire Straits en 1985, inégal cependant.
      Les années 80 ne sont finalement pas si mauvaises, n'est-ce pas ?

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  7. Je connais quelques albums ici, les mêmes que tout le monde je pense, c'est un peu mon enfance (enfin j'exagère un peu...) mais tout ça pour dire que j'ai (re)découvert Tears For Fears il y a peu de temps puisque j'ai trouvé leurs albums pour rien, ce qui m'a permis de vraiment écouter ce groupe (je ne connaissais que les "tubes") et d'apprécier, d'ailleurs celui que tu proposes était une vraie découverte...:)

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    1. Ce fut une vraie découverte aussi pour moi quand je l'ai écouté au début des années 2000 n'en connaissant, aussi, que les tubes, une vraie belle œuvre.
      Merci de ton passage et de ton commentaire et, surtout, n'hésite pas à plonger dans ceux qui te sont inconnus en te laissant guider par mes billets aussi informatifs que possible.

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