mercredi 3 septembre 2014

Retour sur l'Ancêtre

Secret trop bien gardé, formation de qualité ayant depuis ses débuts exprimé une certaine idée du (ne fuyez pas !) metal-prog, il n'est pas inutile de revenir sur la discographie d'Ancestors, groupe dont je vous avait déjà parlé à l'occasion de la sortie de son troisième opus (In Dreams and Time, inclus ici en bonus) et qui constitue, croisons les doigts !, un des possibles de l'évolution stoner/doom métallique, le plus intéressant.

Ancestors "Of Sound Mind" (2009)
ou "Opus second, l'envol"


On pourrait dire que c'est leur album de transition, une étape vers un ailleurs où ils se sont enfin épanouis. Sauf que, chez Ancestors, excellente formation étasunienne alliant rock à fumette qui sent des aisselles et progressisme Floydo-Crimsonnien, chaque étape mérite l'étude. Ils sont bons à ce point, oui da !
 
Concrètement, Of Sound Mind, leur deuxième album donc, est moins radicalement stoner/doom que son devancier et pas aussi progressif que son successeur, est une étape logique dans l'évolution des californiens. On y retrouve, leur marque de fabrique, les longues pièces toutes en climat où des guitares rétro-modernistes s'en donnent à cœur-joie tant dans l'art consommé du riff plombé que dans celui, plus subtil, du solo qui plane. Le fait qu'il s'agisse d'un concept album, basé sur Albert Camus rien de moins, importe finalement peu dans le plaisir d'écouter ces exactions si totalement compatibles à l'usage de certaines drogues douces qu'évidemment il n'est absolument pas besoin de consommer pour atteindre le nirvana auditif, et dont d'ailleurs on déconseille l'utilisation parce que c'est mal, ils le disent à la télé.
La nouveauté, par rapport à l'excellent Neptune with Fire donc, s'entend dans l'usage encore plus important de synthétiseurs, orgues et pianos texturant merveilleusement l'ensemble mais aussi dans une approche un peu moins lourdement métallique de la chose avec, notamment, quelques interludes electro-acoustiques absolument charmants, une inclinaison bluesy absolument nouvelle (Bounty of Age), une vocaliste d'emprunt sur une chanson (The Trial et ses 17 minutes dans l'espace) et même d'un violoncelle sur une autre (The Ambrose Law, concluant l'album en beauté).
 
Tout l'album, plus de 70 minutes d'icelui, est un trip dans lequel il est bon de se laisser prendre, et le type de metal, puisque c'en est encore, qui évite si scrupuleusement les clichés du genre qu'on hésitera pas à le recommander hors du petit cercle des amateurs du genre. Carrément !


1. From Nothing  01:06
2. Mother Animal  14:31
3. Not the Last Return  01:29
4. Bounty of Age  13:44
5. A Friend  03:06
6. The Trial  17:34
7. Challenging  06:25
8. The Ambrose Law  13:32


Nick Long - Bass, Vocals 
Brandon Pierce - Drums, Percussion 
Chico Foley - Electronics, Keyboards, Vocals 
Justin Maranga - Guitars, Vocals 
J. Christopher Watkins - Organ, Piano, Vocals 
&
Sera Timms
- Vocals (track 6) 
Ramiro Zapata - Cello (track 8) 
David Scott Stone - Modular synth (tracks 5, 6)



Ancestors "Neptune with Fire" (2008)
ou "Premier sang"


S'il ne contient que deux titres, le premier album des spatiaux stoner/doomistes d'Ancestors s'approche tout de même des 40 minutes, et ça ne doit pas faire peur parce que tout ça, à l'opposé des prétentions, démonstrations progressivo-techniques cliniques et onanistes d'un Dream Theater, par exemple, est tout à fait digeste.
 
Parce que cette musique, totalement bercée d'influences 70s, d'Hawkwind à Black Sabbath, si elle n'est pas tout à fait dénuée de compétence instrumentale, il en faut pour mener pareille entreprise à bien, est avant tout le véhicule des trippantes ambitions  de ses compositeurs/concepteurs.
Si on sent déjà, sous la furie des explosions électriques de guitares en fusion ou de vocaux possédés, de tentations progressives, le propos est tout de même, ici, largement orienté vers un auditoire metallo-compatible enfumé de volutes cannabiques, stoner metal, quoi ! Et du meilleur du genre avec des climats, mes aïeux, des montées de sève, mamma mia, et des accalmies, plus rares mais servant leur but à merveille, rendant l'exercice aussi attractif qu'il est réussi. C'est bien simple, dans le genre, hélas pas aussi répandu qu'on le souhaiterait, Neptune with Fire tient sans problème le haut du panier.
 
Et c'est donc un opus tout à fait recommandé à la condition évidente de pouvoir apprécier son relatif extrémisme, parce que ça reste de la musique d'hommes, indéniablement.


1. Orcus Avarice  16:46
2. Neptune with Fire  21:38


Nick Long - Bass, Vocals 
Justin Maranga - Guitars, Vocals 
Jason Watkins - Organ, Piano, Vocals 
Brandon Pierce - Drums, Gong 
Chico Foley - Electronics, Keyboards, Vocals
&
McKenna Mitchell - Additional Vocals (2)   



Ancestors "In Dreams and Time" (2012)
ou "...Suite, quelle suite !"


Le potentiel qu'ils avaient affichés dans leur précédente production aurait dû nous mettre la puce à l'oreille, et il est vrai qu'un certain underground a bruissé de la rumeur qu'on tenait là une formation pas comme les autres et que, si les petits cochons ne la mangeaient pas, il y aurait du lourd à l'horizon, mais, dans sa quasi entièreté, la scène metal est restée sourde aux cris de ces Ancestors.

Formation de Los Angeles, quintet au line-up relativement stable, Ancestors donnent (ou donnaient... on va y revenir) dans ce qu'il est convenu d'appeler le sludge metal soit, pour ceux non-initiés aux étiquettes qui valsent à n'en plus finir, un metal lent, lourd mais cependant planant qui s'étire généralement sur des longues plages remplies de guitare fuzz et d'ambiances « cannabicompatibles », pour simplifier encore on dira Black Sabbath version post rock. Donnaient, disais-je... Certes, dès leur premier opus (le toujours recommandé Neptune With Fire) les indices spatiaux et l'ouverture au 70s rock (et pas hard rock ou metal) et même au rock progressif s'étaient faites jour. Constat renforcé avec le très très (oui, deux très) réussi Of Sound Mind un an plus tard, en 2009. Cependant, rien ne nous préparait à la monumentale et ô combien satisfaisante surprise de cet In Dreams and Time tout simplement magistral et c'est heureux parce qu'on l'a attendu longtemps, ce bougre d'album. Certes, on pourra imputer cette métamorphose à un double changement de line-up mais fondamentalement, tout était là avant, diffus mais bien présent.
Mais quoi donc, vous-vois je vous interroger ? Hé bien, cette fois-ci, s'est fait, Ancestors sont un groupe de rock progressif, et un bon, un excellent même. Evidemment, l'influence de Pink Floyd se fait ressentir mais qui n'est pas plus ou moins influencé par Pink Floyd dans le prog à caractère planant de toute façon ? Hein ? Donc Ancestors aussi, c'est dit. Ce qui est plus intéressant, et débouche sur la magnifique galette dont il est toujours question ici malgré mes chaotiques digressions, c'est ce que le quintet fait de ses influences. En l'occurrence, sur six longues et épiques pistes, Ancestors réussissent le tour de force d'ajouter la lourdeur/précision/emphase d'un King Crimson période Red aux planeries d'un Floyd circa Animals. Ce n'est pas une mer d'huile, de grandes vagues de fond y fauchent tout sur leur passage (les lourdes guitares d'influence sludge pour les handicapés de la métaphore) mais toujours avec une grâce, une majesté à laquelle l'omniprésence de synthétiseurs, orgues et mellotrons, texturants richement la musique, n'est pas étrangère. Il y aura même, pour les amateurs de chanteuses, l'excellente surprise d'un Last Return très « chanson » (c'est le seul de l'album dans ce cas) enluminé du charmant organe de Cara Faye.
Certes, les esprits chagrins iront dire que cette musique, pour puissante et ingénieuse qu'elle soit ne fait, en l'espèce que recycler des recettes du passé ? Et ? Ce que font Ancestors, ils le font merveilleusement bien. Créateurs d'ambiances accomplis, compositeurs fins, arrangeurs malins, ils viennent simplement de nous offrir une des plus belles galettes progressives de 2012, et même un des meilleurs albums du cru tout court. Et que ceux à qui le passé métallique de la formation ferait encore peur, on conseillera de franchir le pas sans la moindre crainte, s'ils peuvent encaisser les lourdeurs d'un Porcupine Tree ou un Dream Theater (bien que le genre soit ici radicalement différent, nettement plus rétro-organique), In Dreams and Time ne les agressera guère plus, par contre, qu'est-ce qu'il les remuera jusqu'à l'extase finale d'un First Light, grandiose trip de 19 minutes que revendiquerait presque Saint Robert Fripp s'il le pouvait !

In Dreams and Time, comme son nom l'indique, est un rêve sans âge et un album, vous l'aurez je l'espère compris, très chaudement recommandé.


1. Whispers 9:10
2. The Last Return 6:15
3. Corryvreckan 12:08
4. On The Wind 9:31
5. Running In Circles 9:44
6. First Light 19:19


Nick Long: basse, chant
Justin Maranga: guitare, chant
Jason Watkins: orgue, piano, mellotron, chant
Daniel Pouliot: batterie
Matt Barks: synthétiseurs, moog, theremin
&
Cara Faye
: chant sur "The Last Wonder"
Craig Casamis: chant additionnel sur "Whispers"
Amanda Salazar: violon sur "First Light"
Melody Yenn: violoncelle sur "First Light"

4 commentaires:

  1. ANCESTORS, discographie

    "Neptune with Fire" (2008)
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    "Of Sound Mind" (2009)
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    "In Dreams and Time" (2012)
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  2. Tu veux du subjectif? Je t'avais pris le "In Dreams..." pas trop écouté car.... la pochette me fait trop penser à du Alan Parsons ... Je te l'avais dit... Subjectif (pour ne pas dire de mauvaise foi)

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    1. Une nouvelle chance avec Of Sound Mind et sa pochette à tête d'indien ? Allez, Antoine, c'est du bon, promis juré !

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  3. Juste par curiosité, si tu as un petit quart d'heure à m'accorder, écoute le premier extrait d'Of Sound Mind, Bounty of Age... ^_^

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