jeudi 21 août 2014

Fantôme à l'huître bleue (bonussé)

Vade retro diabolo, satan l'habite ! Oui, tout ceci n'est pas sérieux, du shock rock tout juste bon à apeurer quelques évangélistes américains en mal de mouton noir, alors il reste la musique, parlons-en.

Ghost "Infestissumam Redux" (2013)
ou "Shock Me! Rock Me!"


Quand le premier album de Ghost débarqua, d'abord, personne n'y prêta grande attention. Et puis, le bouche à oreille, une promo larvée finalement bien orchestrée, l'aura de mystère autour de la réelle identité de musiciens voilés d'un attirant anonymat firent leur office. Il faut dire que l'album, sans être exactement renversant, fonctionnait parfaitement. Tout ceci fit que, quand vint le second opus il y a quelques mois, Infestissumam, l'affaire prit des airs d'évènement. Mais, était-ce seulement mérité ou une énième resucée d'un stratagème marketing, d'une histoire qu'on a que trop entendu ?
 
Commençons par évacuer le premier malentendu, Ghost N'EST PAS un groupe de metal, plus un groupe de hard rock, en fait. Certes, il y a des traces mais c'est à peu près tout. Et profitons-en pour évacuer le second, Ghost N'EST PAS un groupe sataniste, tout au plus la formation joue-t'elle d'une imagerie se rapportant au culte du grand cornu et y a-t-elle trouvée, d'un même élan, un concept unificateur pour ses paroles, ses tenues et prestations scéniques et une bonne idée pour choquer les âmes (les plus) sensibles. Pas de grand méchant loup, donc, pas de Charles Manson ou de groupuscule procédant à des sacrifices de vierges, juste du bon vieux shock rock comme on en connaît depuis Screaming Jay Hawkins (père fondateur malgré lui), Arthur Brown, Alice Cooper, Kiss, Marilyn Manson et consorts. Du théâtre rien que du théâtre, alors rangez vos crucifix et vos bibles et ouvrez vos oreilles.
Parce qu'outre le concept malin fourbissant les armes d'impeccables performances scéniques, c'est de musique dont il s'agit, d'un rétro-rock mélodique emprunt aussi bien de rock gothique que d'influences metalliennes et hard-rockantes light, plus précisément. Un cocktail finalement tout à fait "ear-friendly" qui leur permit de passer de l'indépendant Rise Above à la grosse maison Universal qui a bien senti le potentiel d'attraction, et le potentiel commercial évidemment, de la formation. Parce que Infestissumam est rempli jusqu'à la garde de bonnes chansons bien interprétées et bien arrangées par des suédois (oui, encore des suédois !) qui, s'ils se cachent pour le moment, ont indéniablement une véritable expérience de la chose.
De bonnes chansons donc, et une influence si musicalement criante, quoique remise juste ce qu'il faut au (rétro) goût du jour par leur moderne production, qu'elle en deviendrait presque envahissante : Blue Öyster Cult, et pas seulement parce que la voix de Papa Emeritus rappelle étonnamment celle de Donald "Buck Dharma" Roeser, parce qu'il y a dans ce rock un peu hard, un peu métal, un peu théâtral, des similarités d'ambiance et d'approche mélodique qu'il est impossible de ne pas entendre. Passée cette évidente ressemblance, il reste donc de bonnes chansons donc, accrocheuses, excellemment troussées desquelles on ressortira particulièrement Per Aspera ad Infini et son côté riffu finalement pas si présent sur le reste de la galette, Secular Haze et ses parties d'orgue infectieuses, Jigolo Har Megiddo dont le refrain vous restera longtemps en tête, Year Zero et son esthétisme confinant au stadium rock ou le théâtral Monstrance Clock qu'on aurait bien imaginé, par exemple, dans le Phantom of the Paradise de Brian de Palma. En vérité, pas une chanson ne rate vraiment sa cible, les précitées étant juste les plus marquantes d'un album extrêmement professionnel et efficace... Réjouissant !
C'est encore plus le cas sur cette version "Redux" où, en plus d'un bonus casé à la fin du cd album classique (La Mantra Mori), on trouve une petite galette bonus où Papa Emeritus et ses goules anonymes rallongent la sauce à coup de reprises (et d'un titre live plus accessoire) aussi inattendues que bienvenues. Inattendues parce que aussi éloignées que possible d'une scène metal à laquelle ils sont sensés appartenir (Depeche Mode !, Abba !!, Army of Lovers !!!), bienvenues parce que rondement menées et explicitant finalement bien les inflexions pop ressenties sur tout l'album. Pour l'anecdote, on y croise même le Foo Fighter en chef Dave Grohl venu donner le rythme et produire sur un I'm a Marionette du plus bel effet.

Avec tout ça, vous vous dites qu'on tient là un album majeur... Et non. Parce que, fondamentalement dérivatif, pour talentueux qu'il soit (et il l'est !), le recyclage de Ghost reste du recyclage. Du bon recyclage qui, espérons-le, donnera envie à quelques jeunes pousses d'aller creuser dans les références du passé et de découvrir quelques légendaires formations leur étant encore inconnues (dont Blue Oyster Cult, évidemment !). Ceci dit, avec un concept malin et des chansons de qualité, Infestissumam (encore un peu plus dans sa version Redux, donc) demeure un album recommandé et une des plus belles offrandes de ce revival occult/shock rock si actif ces derniers temps. 


Album
1. Infestissumam 1:42
2. Per Aspera ad Inferi 4:09
3. Secular Haze 5:11
4. Jigolo Har Megiddo 3:58
5. Ghuleh / Zombie Queen  7:29
6. Year Zero 5:50
7. Body and Blood 3:43
8. Idolatrine 4:24
9. Depth of Satan's Eyes 5:25
10. Monstrance Clock 5:53
11. La Mantra Mori 5:19 (bonus track)

Bonus disc
1. If You Have Ghosts (Roky Erickson cover) 3:34
2. I'm a Marionette (ABBA cover) 4:52
3. Crucified (Army of Lovers cover) 5:13
4. Waiting for the Night (Depeche Mode cover) 5:37
5. Secular Haze (Live) 5:27


Papa Emeritus II − vocals
Nameless Ghouls – all instrumentalists: lead guitarist, bassist, keyboardist, drummer, rhythm guitarist
&
St. Trident Tenors of Tinseltown
- backing vocals
Dave Grohl - drums, production on "I'm a Marionette"
Derek Silverman - organ on "Waiting for the Night"

Est-ce bien raisonnable ?

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