dimanche 10 août 2014

Le (double) retour de la machine à zorner

Après Dreamachines... Enfin la suite ! Même formation, même frisson. Zorn mystique, c'est quand même quelque chose !

John Zorn "On Leaves of Grass" (2014)
ou "Mystical Whitman"


Nova Express vous avait enchanté ? Dreamachines vous avait laissé tout chose ? Entrez sans crainte dans l'évocation mystique de Walt Whitman par John Zorn.
Pour l'innovation, vous repasserez, et ce n'est pas plus mal en l'occurrence parce que ce Zorn là, navigant quelque part entre grâce contemporaine et swing jazz en apesanteur, ne cherche nullement à choquer. Supérieurement, et superbement, mélodique, il n'offre pas autre chose que de charmantes (quoique  savantes) compositions magnifiquement interprétées par un quatuor, d'abord entendu sur un Nova Express prometteur en 2011, qu'on retrouva presque dans la même formule sur le At the Gates of Paradise dédié à William Blake la même année (un petit orgue alternant avec le piano en plus), et qui fit plus que confirmer l'an dernier sur le très réussi Dreamachines.
Ceci dit, un Zorn "facile" ne signifie pas pour autant un Zorn se reposant sur ses lauriers ou oubliant que quelques bienvenues sorties de routes, quelques dérapages contrôlés, ne font que renforcer, magnifier la mélodie voisine. Cette ambivalence, cette capacité finalement unique à son auteur de souffler alternativement le chaud et le froid, l'harmonique absolu et l'abstrait délicat, le très écrit et le plus improvisé est ce qui fait le sel de la galette et la rend, ultimement, si attirante. Et comme ce diable de Zorn le fait avec une simplicité et  naturel rien moins que confondant, toute résistance est futile. On se laisse ainsi happer dès l'inaugural Whispers of Heavenly Death où nous "pète à la face", façon de parler puisque c'est l'art de la nuance qui s'exprime ici, l'alliance évidente d'une paire rythmique (le bassiste Trevor Dunn et l'exceptionnel batteur Joey Baron) et du duo de solistes/mélodistes formé par le pianiste John Medeski et le vibraphoniste Kenny Wollesen, tous des habitués de la "Maison Zorn". Une formation parfaitement équilibrée donc, dotée de mélodistes admirablement complémentaires soutenus par une doublette basse/batterie experte, c'est déjà l'assurance que l'ensemble sera parfaitement interprété.
Au-delà des joueurs, il y a la partition, et, là encore, on est ébloui par Zorn et sa capacité assez inouïe de produire, bon an mal an, un si grand nombre d'albums et tant de mélodies où, forcément, on reconnaît sa plume, son style sans pour autant avoir l'impression qu'il ne s'agit que d'une redite de travaux précédents. Sans doute faut-il y voir, outre l'incroyable étendue de la palette d'un compositeur touche-à-tout, l'inspiration présentement puisée dans l'œuvre du poète américain Walt Whitman (1819-1892), chantre du vers libre et de l'expression d'une américanité à la fois quotidienne et transcendantale à laquelle Zorn ne répond pas autrement qu'en puisant dans le versant le plus émotionnel, romantique oserait-on, et un brin mystique aussi, de son âme compositionnelle.

Un groupe parfait, une partition aux petits oignons, une mise en son évidemment à la hauteur (on a l'habitude), il n'en faut pas plus pour célébrer un album réussi de bout en bout, encore un !


1. Whispers of Heavenly Death 5:35
2. Song at Sunset 3:22
3. Halcyon Days 4:26
4. Portals 4:03
5. Sea Drift 5:09
6. Song of the Open Road 3:47
7. The Body Electric 2:55
8. Mystic Cyphers 4:30
9. America 14:23


John Zorn - compositions, arrangements, production
Joey Baron - drums
Trevor Dunn - bass
John Medeski - piano
Kenny Wollesen - vibes
&
Ikue Mori - electronics (8)


Bonus !
Je vous ai déjà parlé de Dreamachines, second opus concocté par la formation auteure de l'excellent On Leaves of Grass, il n'était que temps de revenir, aussi, sur Nova Express, chapitre inaugural de qualité consacré à William Burroughs. Dont acte.

John Zorn "Nova Express" (2011)
ou "Burroughs...by Zorn!"


Album inaugural d'une formation qui a depuis fait florès, Nova Express est un album passionnant, qu'on se le dise !
 
Rien que pour l'assemblage, fomenté par John Zorn, d'un line-up qui nous a, depuis, donné d'exquis frissons, de Dreamachines au récent On Leaves of Grass en passant par At the Gates of Paradise, on ne peut que louer l'expérience, celle d'un quartet juste parfait pour l'exercice présentement accompli et l'expression de l'art, versant mélodique quoique contemporain du compositeur le plus prolifique de la fin du XXème et du début du XXIème siècle.
Parce que Medeski et Wollesen, respectivement pianiste et vibraphoniste de la galette, forment un duo de solistes qu'on aurait à peine oser rêver, tout en complémentarité et en grâce. Ensuite parce que Baron et Dunn, basse et batterie, deux instrumentistes aussi précieux que précis, tissent le juste assemblage rythmique pour soutenir leurs deux collègues de l'occasion. Enfin parce qu'il y a les compositions qui, alternant contemporanéité avant-gardiste et swing jazz débordant d'âme, ne peuvent que séduire les amateurs d'une musique souvent osée, parfois un brin chaotique, généralement joliment mélodique, exprimant à merveille la talentueuse versatilité du Maître de cérémonie... Et sa capacité de renouvellement perpétuel (pourvu que ça dure !) présentement alimenté par l'œuvre de ce grand malade de William Burroughs.
 
Alors certes, ce n'est pas la plus réussie des quatre galettes du quatuor, on y préfèrera Dreamachines et On Leaves of Grass, ça n'en reste pas moins un opus tout à fait réussi, quelques franches coudées au dessus de la masse des swingueurs lambda, et donc recommandé à tous ceux ayant éprouvé de belles émotions à l'écoute des précités. Une belle œuvre, vraiment.


1. Chemical Garden 3:44
2. Port of Saints 5:21
3. Rain Flowers 4:41
4. The Outer Half 3:50
5. Dead Fingers Talk 2:20
6. The Ticket That Exploded 4:03
7. Blue Veil 7:21
8. IC 2118 7:37
9. Lost Words 2:20
10. Between Two Worlds 5:02


John Zorn - compositions, arrangements, production
Joey Baron - drums
Trevor Dunn - bass
John Medeski - piano
Kenny Wollesen - vibes

12 commentaires:

  1. Comment fait-il? Il ne dort jamais ce monsieur ?

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    1. Il fait comme faisait les compositeur de jadis, il écrit sans cesse de la musique. On n'est plus habitué à pareil "productivité" mais JS Bach, par exemple, devait en faire encore plus. Il n'y avait simplement pas le support audio.

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  2. C'est vrai, les catalogues de nos grands maîtres en musique sont souvent impressionnants, à la fois de qualité et quantité... quand je pense que nous avons perdu de la musique de Monteverdi...

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    1. Et je ne te parle même pas de la musique qui ne nous est jamais parvenue parce qu'il n'existait aucune manière de l'écrire... Un grand merci à Guido d'Arezzo sans qui rien n'aurait été possible.

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  3. Au fait, je ne prends pas celui ci car j'ai un retard délirant sur Zorn, cela en devient affligeant et intimidant. Reste que je suis à l'affût de celui que tu annonçais il y a eu: Un Zorn latino, je ne l'ai pas rêvé? Il l'a fait?

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    1. Ce sera un Book of Angels, le 23ème, et il sortira en septembre.
      Mais tu as tort de ne pas prendre On Leaves of Grass, c'est une splendeur !

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    2. Je me suis juré d'écouter toutes splendeurs, de voir tous les chef d'oeuvre et de lire tous les indispensables.
      Ensuite, seulement ensuite, je serai prêt à mourir.
      manque de bol, je ne suis pas Faust. Damned

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    3. C'est aussi ma quête qui, comme chaque vraie quête, est illusoire.
      Bon courage à toi (et à moi) !

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    4. Et nous oublions les découvertes en cuisine et boisson. J'ai juste limité ma curiosité concernant la gente féminine, j'ai bien compris qu'à trop embrasser.... ;-)

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    5. Heureusement que je suis végétarien et que je ne bois pas d'alcool alors ! ^_^ Ceci dit, rien qu'en cuisine indienne et en pâtisserie, y a de quoi faire !

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  4. Le dreamachines reste mon préféré... mais quelle série! Curieusement j'ai peu écouté Nova express (que je trouve plus exigeant pour ne pas dire plus difficile pour l'auditeur mais peut-être moins qu'Interzone avec lequel le compare le tzadicologue) mais son écoute s'enrichit et s'approfondit par un jeu subtile de différences avec les deux suivants dans la même série.

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    1. Curieux en effet avec le nom choisi pour ton blog mais, grosso-modo, je partage ton avis.

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